Chapitre 12. Lui, et tous les autres

Par Moje

                -Tu aurais dut être beaucoup plus prudent ! C’était complètement idiot de ta part, vraiment !

-Mais… comment aurais-je put deviner ? Avec Arthur, ça avait été totalement différent, alors…

-Arthur était un homme. C’était évident qu’il allait essayer de te tuer en comprenant que tu l’avais enlevé pour le soumettre à cet odieux chantage. Seule dans cet environnement hostile, elle aurait pu mourir dix fois avant d’arriver ici, disparaître, et re-mourir si le dragon était passé plus près ! Sans parler de l’émoi des habitants après le passage d’une étrangère hors saison et la sortie du dragon hors de la Fosse !! Heureusement qu’il n’a pas cessé de veillez à distance sur elle pour l’empêcher de disparaître et que le dragon l’a prévenu qu’elle arrivait !

Deux voix. L’une est celle d’un homme, plutôt jeune, et assez agréable. L’autre appartient sans doute à une vieille femme très courroucée. Puis une autre voix masculine vient au secours de la première. Une voix très étrange. Plus étrange que celle de Maurice lorsqu’il perdait la raison, ou que celles des chats de Festive. Une voix moqueuse mais agréable, qui donnait à Arka envi de sourire et d’ouvrir les yeux pour voir à qui elle appartenait. Mais Arka ne pouvait pas bouger. Ni réellement penser. Juste entendre.

-Je ne vois pas pourquoi vous vous agitez. La gamine est là et elle est vivante, le dragon n’est pas sorti de la Fosse : il n’a qu’à peine fait un bond en dehors du brouillard. Ces idiots de villageois sont vraiment trop stupides…

Le propriétaire de cette voix donnait l’impression d’être à la fois jeune et taquin, et vieux et fatigué. Il accentuait chaque « r », trainait certaines syllabes en longueur, formant un accent qu’elle n’avait jamais entendu auparavant.

-De plus, il savait pertinemment que la fille était là, il ne se serait jamais approché au point de lui causer du tort.

-Oh, toi ! Le jour où tu arrêteras de défendre ces satanées bestioles !! Il n’empêche qu’il n’aurait pas dû s’approcher tout court, cet ahurit !

-Curiosité, ma chère. Vous savez ce qu’il en est, n’est-ce pas ?

Arka sentit une main se poser sur son front. Elle tenta d’ouvrir les yeux, mais rien y faisait : ils restaient résolument fermés.

-Lawry, chéri, tu peux aller me chercher ma boite noire, dans la cariole ? Cette enfant a besoin d’une infusion pour compenser le sang perdu !

Pour le coup cela faisait un peu trop de voix d’un coup. Arka eut le reflexe de vouloir se redresser, mais elle dormait encore. C’était assez frustrant de se retrouver coincé dans son corps. Pour passer le temps, elle essaya de comprendre ce qui lui arrivait. Que faisait-elle ici et comment y était-elle arrivée ? Il lui fallut remonter un peu dans ses souvenirs flous. Des falaises, un gouffre… cela lui revenait, petit à petit. Elle s’était évanouie sur un petit promontoire rocheux perdu au milieu d’un océan de brume, en voyant la créature la plus fascinante et terrifiante au monde. Mais qui avait bien pu venir la chercher à un tel endroit ?

-A-t-on retrouvé le cheval ?

-C’est un ergot.

-Peu importe. Je veux savoir pourquoi il la suivait.

Aussitôt la réponse lui parut évidente. Elle avait voyagé pendant des jours pour trouver la demeure de Guiving à Pourpre-Pic. Manifestement, il l’avait trouvé avant elle. Du moins elle l’espérait.

L’incertitude la titillait trop, il fallait qu’elle sache. Enfin, ses yeux s’ouvrirent sur la pièce sombre dans laquelle son lit était installé. Il lui fallut un certain temps avant que sa vision ne s’adapte à son entourage, et surtout à la luminosité de l’endroit.

À l’exception de son lit, la pièce ne comportait qu’une cheminée dont le feu ne diffusait aucune chaleur et quelques fauteuils vétustes. La tapisserie grises aux motifs tressés sombres se décollait par endroit des murs, laissant apparaitre un plâtre mal vieillit, et le parquet abimé et couvert de poussière, de sable et de feuilles mortes se teintait de bleu par endroit.

Et cinq humains. Les yeux d’Arka n’étaient pas encore bien accommodés, les visages étaient flous. Son cerveau qui refusait de coopérer, son crâne qui lui faisait un mal de chien et sa respiration qui la mettait au supplice ne l’aidaient pas.

-Tiens, on dirait qu’elle est réveillée, d’ailleurs, fit la voix qu’elle aimait bien.

-J’aimerais un verre d’eau. Ou une tasse, enchaina la forme la plus proche.

Confuse, Arka papillonna des yeux, et les contours se précisèrent. Tout d’abord, il y avait une femme. Plutôt jolie malgré son air supérieur, un tatouage noir lui ornait l’œil droit et ses cheveux étaient blanc comme la neige malgré ses airs d’à peine trentenaire. Puis… un épouvantail ? Après le coup du « guide », Arka ne trouva pas la présence de cet objet si déplacée. Plus loin, deux hommes habillés en costume trois pièces et chapeaux mous, puis une petite vieille au grand nez crochu, et au fond, contre la cheminée, Ombre. Le cœur d’Arka manqua un battement. Les bras croisés sur le torse et l’air penaud, il lui adressa un petit sourire désolé.

Soudain, une tasse vint éclipser le jeune homme dans son champ de vision.

-Bois ça. C’est une infusion pour te remettre d’aplomb un peu plus vite que par les méthodes naturelles.

La femme aux cheveux blanc. Timidement, Arka se saisit de la tasse. Le contenu ne semblait pas tout à fait aqueux, mais elle le but quand même, surtout parce qu’elle avait vraiment très soif. En fait, cela ressemblait un peu à de la gelée tiède, avec un petit goût de miel qui devenait un peu plus âpre sur la fin. Et un arrière-goût tout bonnement immonde.

Arka ouvrit la bouche pour…

-Tchut ! fit la femme aux cheveux blancs. Avant que tu ne nous bombarde de questions, on va t’expliquer.

-Ah, heu…

-Ombre ? Tout cela est ta faute, mon chou, assume.

-Je crois au contraire qu’il en a suffisamment fait comme ça, gronda la vieille.

-Si vous ne l’aviez pas laissé tout seul, aussi, peut-être que les évènements ne se seraient pas déroulés ainsi, intervint l’épouvantail. Si vous pouviez tous la fermer, je pourrais peut-être expliquer à mon invitée la raison de sa présence.

Sa réplique fit place au silence. S’avançant sur deux jambes de bois, il vint jusqu’au lit d’Arka et lui tendit la main dans une courbette galante. Enfin, la main…

-Mademoiselle, si vous voulez bien vous donner la peine… ?

Aussi intriguée que dépassée par les évènements, elle accepta la poignée de paille qui lui était tendue. Instantanément, la pièce s’illumina d’une lumière bleutée. Arka sentit un poids qui jusque-là avait, sans qu’elle ne s’en soit vraiment rendue compte, pesé sur son cœur : la malédiction qui devait la faire disparaître venait de voler en éclat.

Là ne s’arrêta pas la manifestation des pouvoirs de l’épouvantail : les vêtements crasseux d’Arka, déchirés, tâchés de sang et de boue, disparurent au profit d’une robe bleu foncé assez simple mais très jolie. Toute la fatigue, la douleur et les craintes de la jeune fille disparurent, jusqu’au moment où elle se rendit compte que ses gants en avaient faits de même.

-Ne t’inquiète de rien, murmura l’épouvantail comme s’il lisait dans ses pensées. Tous ceux qui se trouvent ici savent, tu peux leur faire confiance. Personne ici ne cherchera à te nuire.

Sous elle, le lit disparut en une myriade de tout petits papillons aux ailes grises qui partirent eux-mêmes en poussières après avoir volés quelques mètres, et elle se retrouva à flotter dans les airs, sans plus avoir mal ni à la tête ni à la jambe.

-Kirara a fait un travail remarquable, avec cette affreuse blessure, dit-il encore.

Peu à peu, la pièce retrouva son aspect originel, sans le lit.

Suivant l’épouvantail qui tenait toujours sa main, elle rejoignit les fauteuils et s’assit dans l’un d’entre eux. Guiving. Cet épouvantail… il ne peut s’agir que du créateur de la Lande. Je.. Je suis arrivée à destination !

Les autres convives prirent place parmi les fauteuils restant. Ombre s’assit le plus loin possible des autres, et semblait fuir le regard de tous. Arka se demandait vraiment ce qu’il faisait ici, puis comprit. C’était là qu’il avait voulu l’emmener, dès le début. Jusqu’à cette demeure, pour rencontrer exactement les mêmes personnes. Ce qui signifiait… Qu’on ne va pas me laisser partir si facilement. Ombre parlait d’une sorte de marché. Ils vont me demander quelque chose en échange de ma libération. Ai-je d’autre choix que d’accepter si je veux rentrer ? Cette perspective était loin d’être réjouissante…

Seul à ne pas s’être assis, l’épouvantail esquissa un geste théâtral.

-Pour commencer, jeune demoiselle, des présentations vont êtres nécessaires. Vous connaissez Ombre, que nous avons envoyé dans votre monde pour vous ramener ici. Grisa, l’une de nos plus éminentes sorcières…

La vieille lui adressa un signe de tête.

-… et Kirara, notre informatrice, dit-il en désignant la femme aux cheveux blanc qui aurait de tout évidence aimé être n’importe où ailleurs qu’ici. C’est elle qui t’a soignée.

Vient ensuite le tour des deux hommes en costume d’être présentés. Assis en face d’Arka, ils lui adressaient force sourires. Tous deux se ressemblaient à s’y méprendre, avec leurs cheveux bruns et mal arrangés, leurs yeux noirs mis en valeur par un teint blafard, et leur visage pointu.

 -Élise, enchanté, fit celui de gauche. Et voici mon frère, Lawrence.

-Heu, enchant…

-Quant à moi, je me nome Guiving, créateur de la Lande et actuel maître des lieux. Bienvenu parmi nous, chère Arka !

Avec un toussotement, Kirara prit la parole pour demander si, maintenant qu’il avait planté l’ambiance, le maître de la Lande voudrait talonner un peu et faire avancer son récit, histoire qu’on n’y passe pas le siècle. Le sac de toile qui servait de tête à l’épouvantail était dépourvu de nez, bouche, ou yeux, et ne possédait donc aucune expression particulière. Quand bien même, Arka eut la nette impression que cette coupure dans son élan lui avait déplu.

-Soit. Bienvenue, donc, parmi les quelques membres ci-présents de l’Organisation. Ce petit comité d’amis de ma personne fut créé en des temps troublés pour surveiller et s’assurer du bon fonctionnement de la Lande. Ce qui nous amène à la réunion d’aujourd’hui…

-Et qui dure depuis deux jours, maugréa Kirara.

-…et qui va encore durer si Madame m’interrompt tout le temps ! Réunion, donc, qui visait à parler de nos problèmes et de ton arrivée. Ma chère Arka, je suis au regret de vous informer que nous vous avons enlevée de chez vous avec la ferme intention de vous garder prisonnière de ce monde jusqu’à ce que vous nous ayez rendu un petit service.

Grisa s’était raclé la gorge sur le « petit service ». L’épouvantail se tourna vers elle, les bras encore levés, arrêté net dans l’animation de sa diatribe. Son agacement était palpable, et pour quelqu’un qui a créé un monde à lui tout seul il semblait être bien peu respecté.

-…Service, donc, mais avant il me faut revenir au début de l’histoire ou tu risquerais fort de ne rien entendre.

-Guiving a créé la Lande, plein de bestioles dont des dragons, et des humains. Les dragons bouffaient les humains, alors il leur a donné quelques pouvoirs magiques pour se défendre. Sauf qu’ils s’en sont servis pour s’entre-tuer. Donc il leur a lancé une malédiction, le Noir, qui puni les méfaits. Plus tard, il a confié un artefact, l’Œuf de Misère, contenant cette malédiction, à un sorcier, Grim, qui a disparu il y a un peu plus d’un an, prétendument tué par des sorciers criminels qui ont semé le chaos dans la Lande et sur lesquels Grim enquêtaient. Guiving ne croit pas à cette théorie et voudrait retrouver Grim, mais ça c’est son problème. En attendant l’Œuf de Misère a été perdu, le Noir dysfonctionne de plus en plus et tous ceux qui ont tenter de comprendre dans quelles circonstances il a disparu ou bien de le retrouver chercher se sont vu terriblement affectés par la malédiction, y comprit Guiving pour la simple et bonne raison que le Noir semble avoir muté. Nous en sommes arrivés à la conclusion qu’aucun humain de notre monde ne peut s’essayer à résoudre cette énigme donc nous t’avons enlevée pour que tu le fasses à notre place. J’espère que tu n’as aucune question ?

Des questions… ? Arka avait l’impression de s’être pris un train plein face : des années d’histoires de la Lande, de conflits et de problèmes venaient littéralement de lui rouler dessus. Alors que tous les yeux étaient braqués sur elle, « Heuuuu » fut la réponse la plus intelligente qu’elle put prononcer.

-Sacré esprit de synthèse, Kirara, fit Guiving, irrité qu’on lui a volé la vedette.

-C’est mon travail, se contenta de répondre l’intéressée.

Timidement, Arka leva la main.

-Mais… ça veut dire… enfin, concrètement, vous voulez quoi de moi ? Combien… combien de temps ça va durer ? Et… je dois… je dois aller à l’école, dans mon monde ! Mes parents…

-Ne vous inquiétez de rien, très chère, reprit le maître de la Lande. Autrefois il existait des passages entre la Lande et votre monde : si on partait de l’un, cela avait des répercussions sur l’autre. Suite à quelques protestations d’indigents, ils ont été fermés, et le point de passage qu’à emprunté Ombre pour venir à votre rencontre était un œuvre de mon cru, légèrement différente. Lorsque vous retournerez chez vous, tout sera exactement comme si rien ne s’était passé. Pour vous, du moins ! J’espère bien qu’ici les choses seront terriblement différentes, d’ici là !

Cela ne la rassurait qu’à moitié. Après son périple, d’apprendre qu’elle avait été enlevée avait du mal à la choquer. Au contraire, ceci expliquait cela, et elle s’en était plus ou moins doutée la première fois qu’Ombre lui avait parlé dans le train -sans non plus s’imaginer devoir rendre des comptes au maître de la Lande. Par contre ce qu’elle n’acceptait pas, c’était que ces gens se croient tout permis. Non, quand on avait un problème il ne suffisait pas « juste » de refiler la patate chaude à quelqu’un en lui disant de s’en débrouiller. Non, on n’avait pas le droit de prendre en otage la vie des autres de cette façon. Non, elle n’avait pas à céder aux caprices de cet épouvantail. Son orgueil lui disait refuse, mais sa raison avait besoin d’un temps de réflexion.

Cet homme -enfin, cet épouvantail- avait créé un monde à lui tout seul. Monde dans lequel elle se trouvait coincée, et dont lui seul avait la clef. Il était, selon toute logique, certainement le sorcier le plus puissant de la Lande, donc tout à fait à même de … elle ne savait pas très bien de quoi au juste, mais elle se voyait bien transformée en grenouille jusqu’à la fin des temps, ou bien tout simplement tuée. Enfin, elle était seule face à six sorciers expérimentés, dans une maison sur une montagne entourée par un précipice et des dragons. Sa situation était peu confortable, il fallait en convenir.

-Et si je refuse ? s’enquit-elle.

-Refuser ? Refuser ?

L’épouvantail se tourna vers ses convives.

-Ai-je à un seul moment parlé de choix ? Kirara, l’aurais-tu fait pour moi ?

La femme jeta un regard royalement agacé à la petite arrivante.

-Tu es libre de refuser et de mourir, si tu y tiens vraiment.

 Sans savoir pourquoi, elle s’en doutait un peu. L’épouvantail avait dit qu’elle n’avait pas le choix, elle le croyait volontiers. Avec un monumental soupir, elle se prit la tête dans les mains. Peste, et elle qui espérait pouvoir rentrer chez elle, fuir ce monde farfelu et sans queue ni tête… Voilà qu’elle se retrouvait avec son sort entre ses mains. Quoique dit de cette façon, cela faisait un peu penser aux histoires héroïques des romans. Sauf que les héros étaient généralement de pauvres orphelins -sauf qu’en fait ils étaient l’élu ou le prince de Bidullecity- qui se lançaient vaillamment dans l’aventure pour sauver les leurs. Pas une pauvre ère bourrée kidnappée à quatre heures du matin par un vampire venu d’un autre monde, et qui n’avait d’autre avantage que celui de ne pas se noircir les pattes en mentant un peu.

Dans un soupir de fin du monde, elle se prit la tête dans les mains. Dans quoi allait-elle s’embarquer ? Tout ça parce qu’elle avait accepté d’aider sa meilleure amie…

-Bon, mettons que j’accepte. Concrètement, qu’est-ce qu’il faut que je fasse ?

-Retrouver l’Oeuf, dit simplement Grisa.

-Et Grim, ajouta Guiving.

-Ou du moins… comprendre ce qui lui est arrivé. En fait c’est en trouvant comment il a disparut que tu retrouveras la trace de l’œuf, enchaina Lawrence, ou Élise, elle ne savait plus trop.

-Et il y a fort à parier que tout cela est en lien avec les Clameurs, émit Kirara d’un ton las, avachie en travers de son fauteuil la pipe à la bouche.

-Plutôt que d’essayer de lui faire peur avec vos listes d’exigences insurmontables, ne serait-il pas plus utile de lui présenter les pistes que nous avons déjà ?

Ça, c’était Ombre. Les poings serrés sur les genoux, il avait haussé la voix et froncé les sourcils. Le silence recouvrit la pièce. Ombre, le pupille de Grisa. Le terrible Ombre à qui on avait mit une muselière et qui, depuis, n’osait presque plus prononcer son nom. Même la vieille sorcière fut étonnée de l’entendre prendre la parole, surtout sur ce ton. Mais comme chacune des très rares fois où il se manifestait, ses propos étaient pleins de bon sens.

-Tu as raison, mon garçon. Pardonne-nous, Arka, nous autres nous laissons aisément emporter. Tu dois déjà avoir du mal à réaliser ce qui est en train de t’arriver, nous n’avons pas besoin en plus de te terroriser avec nos exigences de vieux sorciers maniaques. Je pense qu’une pause dans cette réunion serait tout à fait appropriée et permettrait à cette enfant que nous venons d’arracher à sa vie tranquille pour lui faire encourir maints dangers de se reposer un peu. Qu’en dis-tu, Arka ?

Le sourire de la vieille s’était fait aussi déterminé que rassurant, et elle s’était levée de son siège pour marquer la fin du conciliabule. L’un des deux frères l’imita, et après avoir ôté son chapeau, le porta à son cœur.

 -Nous ne te laisserons pas le choix car l’avenir de notre monde en dépend, mais nous essaierons de rendre ta tâche la plus aisée possible.

-Nous nous assurerons que tu avance dans cette quête, mais pour autant, tu pourras toujours compter sur notre soutien indéfectible. Tous, nous sommes incapables de la mener à bien et nous en remettons à toi, pour autant, notre porte te sera toujours ouverte et nous tâcherons de t’aider à notre échelle.

Interloquée, Arka laissa son regard aller des uns aux autres. Non, ils… ils se trompaient de personne, elle n’avait pas les épaules pour cette mission, et elle ne le voulait pas ! Elle avait déjà failli mourir tant de fois au cours de son bref séjour… sous les roues d’un train, tuée par les précurseurs au moins une dizaine de fois, à cause d’une malédiction, puis d’un dragon trop curieux… Comment pourrait-elle survire dans la Lande, tout en cherchant un artefact porté par un puissant sorcier porté disparut après s’être attiré les foudres de l’un des plus terrible groupe de criminels de la Lande ?

-Et… et si je meurs ?

Sans s’en rendre compte, elle s’était levée elle aussi, pour ne pas rester la seule assise. Pourtant cette position laissait voir le tremblement de ses mains et le chevrotement de sa voix.

Ce fut cette fois au tour de Guiving de s’adresser à elle. D’un pas décidé, il s’approcha d’elle, puis ploya l’un de ses genoux de bois.

-Je ne peux vous le cacher. Si vous êtes blessée ici, à votre réveil plus rien ne paraîtra. En revanche, si vous mourrez, cela sera définitif et il n’y aura pas de réveil. Nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour vous en préserver. Mais, aujourd’hui, des gens meurent tous partout dans la Lande, transformés en pourfendeurs ou tués par ceux qui profitent des disfonctionnements du Noir. Aussi je vous le demande au nom de toutes les victimes passées, et de toutes celles à venir si nous ne faisons rien : aidez ce monde à ne pas disparaître à cause de la folie de certains hommes.

Mourir, ou mourir. De la main de ces gens qui cherchent à sauver leur monde, ou bien de ceux qui tentent de le détruire. C’était là un choix aisé, mais la réponse n’en restait pas pour autant facile à formuler. Un non scellerait son destin pour toujours. Un oui lui donnerait, sinon une chance de vivre, au moins un sursis.

Dans sa tête, les jours mornes passés devant une table d’école défilèrent. Ceux, encore plus morts, passés devant la télévision ou son ordinateur. Le peu de couleur qu’elle avait trouvé dans les boutiques du centre-ville, entre la fermeture de son école et celle des magasins. Non, elle ne pouvait tout simplement pas en rester là.

-Très bien. J’accepte de vous aider.

Le visage d’Ombre à ce moment-là, elle ne l’oublierait jamais.

Elle l’avait regardé lui, parce qu’il l’avait choisi elle.

Ce n’était pas sa faute, bien sûr, il avait fallu qu’il trouve une solution au plus vite, alors embarquer cette nana complètement saoule ne lui avait pas paru une si mauvaise idée : sobre elle semblait en pleine possession de ses moyens, et dans cet état il serait plus facile de lui faire emprunter les passages, qui ne s’ouvrait qu’à ceux qui voulaient vraiment passer. Elle l’avait vraiment voulu, sur l’instant. Pour sauver sa meilleure amie. Et maintenant elle se retrouvait à devoir sauver son monde à lui.

Et elle avait accepté. Malgré l’odieux chantage qu’on lui proposait, elle avait dit « oui ». Elle allait les aider, et tout rentrerait dans l’ordre : Grim, le Noir, la Lande, sa famille.

Sur ses lèvres, un mot silencieux naquit. Merci.

 

 

C’est ainsi que débuta le voyage dans la Lande.

 

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MLdlG
Posté le 19/07/2018
Ouuiiii ! Arka a une mission !
:)
Je n'ai pas tout relu depuis le début, je prendrais très certainement le temps cet été, je suis cuirieuse de voir ce qui a changé !
Je trouve qu'entre ce chapitre et le premier, ton écriture a beaucoup évolué, et c'est très agréable. Je me suis complétement prise au jeu de ton histoire et de ta pauvre héroïne.
J'ai uniquement une question/remarque ici : pourquoi ne lui dit-on pas (à Arka) pourquoi ils ne peuvent pas le faire eux-mêmes de retrouver l'artefact ? Il y a tout de même l'inventeur de la Lande, dans le lot ? il devrait pouvoir tout faire ? il m'a juste manqué ça (si je n'ai rien loupé) sinon, le reste c'est bien sympa, agréable à lire et les touches d'imaginaires et d'humour sont déléctables !
à très vite :)
Moje
Posté le 19/07/2018
Hello MLdlG!
Merci pour ton commentaire et ta remarque! Je suis contente si l'évolution te plait, et si tu arrive à accrocher à l'histoire!!
Oui, en effet ce n'est pas très clair. Je vais modifier un passage pour rendre cela plus explicite (La malédiction affecte tous ceux qui tentent de résoudre le mystère, Guiving y comprit. Seul les gens du monde d'Arka ne sont pas touchés)!
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