Syola était en salle, servant les clients. De temps en temps, elle prenait la place d'Eoma afin de rencontrer quelques clients. C'était important de garder le contact. Souriante et professionnelle, Syola était très appréciée. Elle était agréable avec tout le monde, pauvre ou riche, demandant un produit ou quinze.
Eoma était dans l'arrière boutique, à confectionner quelques produits. Il était important que la jeune femme travaille seule de temps en temps. Avoir sans cesse son maître sur son dos ne lui permettait pas de s'améliorer.
Lorsque Syola servait les clients, Eoma avait la paix et pouvait mieux se concentrer. Syola avait en effet tendance à la surprotéger ce qui la rendait particulièrement collante. Eoma était gentille et acceptait volontiers l'amour presque maternel que lui portait Syola mais cela n'empêchait pas la jeune femme de se plaindre gentiment de temps en temps. Syola s'était donc mise en salle et laissait Eoma travailler seule.
Syola servit le dernier client et profita d'un petit temps de répit pour ranger le magasin. Elle venait à peine de commencer qu'elle entendit les carillons remuer. Elle se retourna pour accueillir son client et fut surprise de voir apparaître un prêtre d’Artouf, aisément reconnaissable à sa longue robe blanche et sa ceinture en cuir rouge sang. Syola sentit son cœur bondir de joie. Son rêve se réalisait. Elle allait pouvoir assister un guérisseur. Pas directement, bien sûr, mais quand même !
- Bonjour, prêtre, annonça Syola.
- Bonjour, madame, répondit le prêtre.
Il la dévisagea et son visage fit la moue. On lui aurait fait sentir un excrément particulièrement odorant qu'il n'aurait pas agi différemment.
- Eoma ? Tu peux venir, s'il te plaît ?
La jeune apprentie apparut, étonnée.
- Qu'y a-t-il ?
- Pourrais-tu servir ce client, s'il te plaît ? demanda Syola.
- Euh, oui, bien sûr, répondit Eoma sans comprendre.
Le prêtre, lui, sembla soulagé. Il soupira d'aise lorsque Syola s'éloigna et laissa Eoma agir.
- J'aimerais avoir du baume de reine, annonça le prêtre. Aucun herboriste n'accepte de m'en vendre. J'ai entendu parler de cette boutique et je me suis dit que j'aurais peut-être plus de chance ici.
Le baume de reine était surtout utilisé comme poison. Le refus des herboristes était logique. Cependant, utilisé à faible dose, il était également un puissant médicament. Syola secoua la tête. Les herboristes ne pouvaient-il pas mieux choisir leurs clients ? Comme si un prêtre d’Artouf allait se servir du baume pour tuer des gens ! Eoma n'eut pas besoin de consulter Syola pour répondre :
- Bien sûr, nous vendons de tout ici. N'ayez aucune inquiétude.
En effet, Syola vendait de tout sans poser de questions, qu'il s'agisse de poison ou de plantes médicinales. L'usage qu'en faisaient ses clients ne la regardait pas. Eoma allait se saisir d'un flacon lorsque Syola lança :
- Non, Eoma.
La jeune femme et le prêtre se retournèrent.
- Ne prends pas celui-là. C’est moi qui l’ai fait. Va dans l'arrière boutique préparer un flacon toi-même et n'utilise rien que j'ai touché. Réalise-le intégralement depuis la base.
- Ah bon ? Pourquoi ? demanda Eoma.
- Ne pose pas de question et va le faire ! s'exclama Syola d'une voix gentille.
Eoma obéit mais ne perdit pas son air interloqué. Le prêtre sourit et s'inclina.
- Cela prendra quelques instants, annonça Syola. Juste assez pour aller vous restaurer à l’auberge en face. Dites-leur que vous venez de ma part et ils vous feront un prix. Eoma vous y apportera votre produit.
- Je vous remercie, répondit le prêtre. Combien me coûtera le baume ?
Syola se mit à réfléchir. Le prêtre eut un petit sourire et lança :
- Vous ne connaissez pas le prix de vos produits ?
- Les prix ne dépendent pas des produits mais des clients, répondit Syola.
Le prêtre perdit son sourire.
- Voilà qui a le mérite d'être clair, dit le prêtre. Alors, que pensez-vous des prêtres d’Artouf ?
- Dix pièces de bronze, s’il vous plaît, annonça Syola en réponse.
- C'est un prix faible ou élevé ? demanda le prêtre en fronçant les sourcils.
- J'apprécie particulièrement que malgré mon odeur méphitique, vous m'adressiez la parole.
Les lèvres du prêtre s’étirèrent.
-Je suis consciente de l’effort que vous faites, poursuivit Syola.
- Vous n’en faites pas moins pour me contenter, répliqua le prêtre en désignant l’arrière boutique du menton.
- C'est le prix normal, indiqua Syola.
- Je me suis fais voler. Les autres herboristeries m'en demandaient bien plus…
- Ah ? Combien ?
Le prêtre lui lança un regard incertain.
- Je ne changerai pas d'avis sur le prix, précisa Syola, quoi que vous m'annonciez…
Le prêtre sourit.
- Trois pièces d'argent…
- Trois pièces d'argent pour un baume de reine ? s'exclama Syola. Là, oui, vous vous êtes fait voler, et même bien !
- Ils disaient que c'était difficile à réaliser car dangereux.
- Si c'était dangereux et compliqué, je n'aurais pas laissé mon apprentie le faire seule. Non, ce baume n'a rien de complexe à préparer. Si Eoma mettra autant de temps à le faire, c'est parce qu'elle débute. Avec moi, ça serait déjà fait. Bonne journée, prêtre.
- Merci, à vous aussi, herboriste. Soyez certaine que, malgré votre odeur méphitique, je vous ferai une excellente publicité auprès de mes comparses.
Syola en rayonna de joie.
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- Je veux de l’huile de millepertuis, d’excellente qualité. Vous avez ça en stock ?
Syola tendit l’oreille. Eoma avait reçu des instructions claires concernant ce produit en particulier.
- Je crains, monsieur, que vous ne deviez faire la queue, comme les autres.
Syola sourit. Eoma ne se démontait pas. Parfait.
- Je ne crois pas. Je suis…
- Un des conseillers de l'empereur, oui, je sais, et vous allez faire la queue, comme les autres.
Syola attendit, tendue, mais quelques ricanements indiquèrent que le conseiller venait de rejoindre sa place dans la queue. Parfait. Syola poursuivit son mélange, écoutant Eoma servir les clients.
- Que puis-je pour vous, conseiller ? demanda Eoma avec une voix taquine un peu plus tard.
Aucune réponse. Il devait lui avoir envoyé un regard noir. Syola entendit un flacon être déposé sur le comptoir.
- Une pièce d'or, s'il vous plaît.
Syola entendit le conseiller hoqueter. Certains clients sifflèrent. D’autres ricanèrent.
- Une pièce d'or pour un flacon d'huile ? C'est ridicule. Je veux voir le patron.
Syola se leva, essuya ses mains sur son tablier et rejoignit la boutique. Elle reconnut l'un des hommes présent au temple lors de la révocation de Thomas. Difficile de passer à côté de ce roux au charme indéniable.
- Il est indiqué que vous servez tout le monde ! lança-t-il.
- Personne ne refuse de vous servir, conseiller, répliqua Syola.
- Pratiquer de tels prix revient à refuser de servir, rétorqua le conseiller, plus énervé que jamais.
- De l'huile de millepertuis, remarqua Syola. Un sacrifice à pratiquer ?
Le conseiller fulminait.
- Je vous promets une réussite totale, précisa Syola. J’ai apporté beaucoup de soin à sa confection. Chaak sera comblé.
Le conseiller cligna plusieurs fois des paupières, ouvrit et ferma plusieurs fois la bouche, clairement pris de court par cette réflexion.
- Syola ? dit Chaak en apparaissant. Que fais-tu ?
Syola sortit une caisse de sous le comptoir et la montra au conseiller.
- Dix pièces d’or pour l’ensemble, indiqua Syola.
Le conseiller se saisit des produits et les passa en revue, tandis qu’Eoma servait les clients suivants. Le conseiller la déshabilla des yeux, se demandant clairement comment l’herboriste pouvait être aussi bien au courant de leurs besoins.
- Je n’ai pas ça sur moi, indiqua-t-il.
Syola remit la caisse à sa place.
- Cette boîte vous est réservée, précisa Syola. Revenez quand vous voulez, conseiller. N’hésitez pas à me préciser vos besoins par écrit. Je me ferai un plaisir de vous satisfaire.
- À prix d’or, répliqua le conseiller.
- Tout travail mérite salaire, vous ne croyez pas ?
Le conseiller se tourna vers Eoma. Elle servait un adepte de la mort que Syola ne connaissait pas, probablement arrivé il y a peu. Le conseiller observa l’échange. Eoma faisait en sorte de ne pas s’approcher de l’homme à la robe sombre mais elle le servait avec politesse. Puis, elle lui annonça le prix, dérisoire, pour les produits emmenés.
- Le salaire ne semble pas le même pour un travail équivalent, fit remarquer le conseiller.
- Tout d’abord, il n’y a rien de commun entre un baume cicatrisant et de l’huile de millepertuis.
Le conseiller en convint d’un geste.
- Ensuite, si vous pensiez que votre statut d’adorateur de Chaak vous valait de payer aussi cher, vous vous trompez. Ça n’a rien à voir.
- Alors pourquoi ? demanda le conseiller alors que l’adepte s’apprêtait à sortir de la boutique.
- Thomas Merlin fait partie de mes amis, répondit Syola.
L’adepte frémit puis sortit. Le conseiller fixa longuement Syola dans les yeux, puis hocha la tête. Il sortit une pièce d’or et la donna à Syola qui la prit volontiers.
- Je viendrai chercher le reste plus tard.
- Avec plaisir, conseiller ! s’enthousiasma Syola.
Il prit le flacon d’huile de millepertuis et disparut dehors, un rictus agacé sur le visage. Syola, elle, souriait pleinement. Elle retourna dans l’arrière boutique, caressant la pièce brillante, le cœur battant la chamade.
- Tu fais quoi ? gronda Chaak.
- Je réalise votre souhait. Vos cultistes adorés vont avoir leurs produits. J’ai besoin d’argent. Ils en ont. C’est un échange de bon procédé. Avec ça, je vais pouvoir rembourser Gudje, m’agrandir et même embaucher, me permettant de créer davantage de produits, autant pour Gudje, les résidents du temple que les conseillers.
Chaak sourit.
- Tu es belle, dit-il.
Syola ricana.
- J’ai tellement envie de te baiser ! lança-t-il.
Syola perdit tout sourire à ces mots. Son cœur rata un battement. Terrifiée, elle se recula, butta dans un seau et se retrouva les fesses par terre. Sa cuisse droite, croisant le bord d’un racloir en passant, hurla sa désapprobation.
- Syola ! lança Chaak d’une voix inquiète en lui tendant une main secourable.
La jeune femme recula en gémissant. Chaak se redressa, clairement interloqué.
- Je ne m’attendais pas à une telle réaction de ta part en disant cela. Syola, tu sais que je ne te veux aucun mal. Ce moment sera aussi agréable pour moi que pour toi, je peux te l’assurer. Je suis plutôt doué de ce côté-là.
Syola ne put empêcher une larme de couler.
- Tu savais que cela se produirait un jour, poursuivit Chaak. Ce n’est pas censé être une punition, bien au contraire.
Syola se sentit mal. Elle se retrouva incapable de prononcer un mot.
- C’est vraiment une manière pour moi de te féliciter, insista Chaak. Que faudrait-il pour qu’une relation intime avec moi ne te révulse pas à ce point ?
Syola n’en avait aucune idée.
- Coucher d’abord avec un humain ? lança Chaak. Hum… Je comprends. C’est logique.
Syola avait-elle vraiment pensé cela ? Elle devait admettre que l’idée la rassurait. Perdre sa virginité avec Chaak lui semblait effectivement inconcevable mais si elle avait d’abord fait cela avec…
- Thomas Merlin ? s’écria Chaak. Ben ma cocote, si je dois attendre qu’il t’ai dérouillée, je ne suis pas près d’envahir ton con.
Syola rougit intensément. La façon crue de parler de Chaak la décontenançait. Elle se redressa, un peu rassurée par l’échange. Le dieu de la mort semblait ouvert à la négociation.
- Vous l’accepteriez ? Que je fasse l’amour à un homme ? Alors même que je vous appartiens ?
Chaak pencha la tête, croisa les bras sur son torse puis annonça :
- L’homme en question devra m’être dévoué, prouver qu’il comprend que je ne fais que prêter mon bien mais que tu es avant tout à moi.
- Comment est-il censé prouver cela ?
- En posant ma marque sur toi. Celle sur ta fesse gauche a un peu disparu. Si Thomas Merlin la réaffirme, vous pourrez faire ce que vous voulez.
Syola réfléchit intensément puis lança :
- Vous êtes en train de demander à Thomas Merlin de réaliser un sacrifice en votre nom.
- C’est ça, confirma Chaak.
- Vous comptez vraiment pouvoir me baiser avant ma mort ?
- L’amour fait faire n’importe quoi à n’importe qui. À toi de te montrer convaincante.
Chaak disparut à ces mots. Syola attrapa un pot de crème qu’elle étala sur l’hématome sur sa cuisse. Elle soupira. La suite promettait d’être épicée.
Se retrouver sur le pont de Kremer fit frissonner Syola. Elle s’adossa sur le rebord, observant les remous du Chanvre puissant à cet endroit. Elle avait sauté. Chaak avait tenté de la retenir. Thomas l’avait sauvée. Syola se sentit emplie d’amour envers le jeune homme. Restait à le convaincre de la marquer au fer rouge. Tellement simple !
Syola se redressa et poursuivit sa route pour s’arrêter devant les grandes portes du temple de Chaak, édifice qui avait été son refuge alors que son propre père l’avait rejetée. Elle frappa. Sans surprise, Julien dégagea l’ouverture.
- Syola ?
Il se figea, un peu abasourdi, puis se recula, lui proposant d’un geste d’entrer. Syola en fut surprise. Le haut prêtre ne l’avait-il pas expulsée du lieu sacré ? Elle entra, ravie d’un tel accueil.
- Le haut prêtre sera ravi de vous remercier des bons prix que vous nous faites à la boutique, assura Julien.
- Je suis venue voir le prêtre Merlin.
- L’adepte Thomas ne sort jamais de sa cellule, indiqua Julien.
- Je vous remercie pour cette information.
Syola se dirigea aisément dans les couloirs qu’elle connaissait par cœur. Julien ne la suivit pas, restant à garder l’entrée, le visage grimaçant, avançant d’un pas avant de reculer.
Syola frappa à la porte et n’attendit pas qu’on lui permit d’entrer. Dans la cellule, Thomas se trouvait à genoux. Il ne faisait aucun doute qu’il priait.
- Prêtre Merlin, commença Syola.
Thomas se tourna vers elle. Il plissa les paupières puis murmura d’une voix rauque :
- Je ne suis plus prêtre.
- Vous vous souvenez cette affaire dans laquelle il vous manquait la troisième victime ?
Thomas fronça les sourcils, probablement autant troublé par le vouvoiement que le thème de la conversation.
- Je viens apporter un élément supplémentaire. Vous n’avez jamais réussi à trouver le corps de la troisième victime et pour cause…
Syola lui tourna le dos et dégagea la robe qui masquait ses épaules, dévoilant les deux « C » croisés ancrées dans sa chair. Elle entendit des bruissements d’étoffe. Le souffle de Thomas tomba sur sa nuque puis ses doigts effleurèrent les marques.
- Tu es… Mais si… alors… tu es… Oh par Chaak !
Il l’attrapa par la main et la tira dans le couloir. Syola replaça sa robe de sa seule main libre. Elle reconnut le chemin menant au bureau du haut prêtre Auguste. Thomas pénétra la petite pièce sans même prendre la peine de frapper.
- Syola ! Julien m’a prévenu de votre présence en ce lieu. Je suis…
- Vous ne pouvez pas lui demander de sortir. Nous avons commis un terrible blasphème !
- Je ne comptais pas… tenta de dire Auguste mais Thomas ne lui laissa pas finir sa phrase.
Il retourna Syola et lui arracha le haut de sa robe.
- Syola est ma troisième victime manquante !
Auguste resta tétanisé devant les marques. Syola se figea. Elle ne s’attendait pas à un geste aussi brutal. Elle remit sa robe en place et fit face au haut prêtre avec un petit sourire désolé. Le haut prêtre affichait des yeux écarquillés. Il grimaça en se tordant le ventre.
- L’ulcère ne va pas mieux ?
- Non, confirma Auguste.
- Il continue de manger gras et épicé ! gronda Thomas.
- Qu’en savez-vous ? répliqua Auguste.
- Julien vient me voir tous les jours et il est intarissable quant il s’agit de potins.
Auguste rit.
- Vous êtes la bienvenue, Syola. Je vais aller prévenir ma communauté. Tout le monde sera ravi de vous savoir de retour.
Auguste se leva et sortit, prenant soin de refermer la porte derrière lui.
- C’était pour ça que tu as sauté depuis le pont de Kremer. Tu venais de subir… Je les hais tellement !
- Chaak les adore, indiqua Syola.
- Quoi ? s’écria Thomas en reculant comme s’il venait de se prendre un coup de poing en plein sternum.
- Chaak adore ses cultistes. Il aime que ses adeptes réalisent des sacrifices en son nom. Teflan m’a offert à lui. Chaak est ravi.
- Teflan ? C’était Stylus qui officiait ce soir-là ? Mon enquête m’avait pourtant amené à penser qu’il était le seul à ne jamais pratiquer de sacrifice… en tant qu’exécuteur principal, je veux dire, crut-il nécessaire de préciser. Tu es sûre que c’était lui ?
- Le rituel nécessite qu’il s’identifie, rappela Syola.
- C’est vrai. Pardonne-moi. Mais alors, le bébé d’Edith Craie ?
- Demande spéciale de Chaak, confirma Syola.
Thomas frissonna.
- Pourquoi ? demanda le prêtre Merlin.
- Tu oses questionner un dieu sur ses motivations ? grogna Syola.
Thomas blêmit. Il se mit à trembler en secouant la tête à droite et à gauche.
- Tu sais, pour Chaak, révoqué n’a pas de sens, dit Syola. À ses yeux, tu es toujours prêtre.
Thomas cligna des yeux, bouche bée, muet et immobile.
- Je t’aime, dit Syola, profitant du silence de son interlocuteur.
Thomas se crispa, le dos voûté. Il attendit, regardant doucement à droite et à gauche.
- Qu’est-ce que tu fais ? demanda Syola.
- Il ne se passe rien. Pourquoi ne se passe-t-il rien ?
- Chaak sait que je t’aime, indiqua Syola.
- Et ça ne le dérange pas ?
- Non. Tu as le droit de m’aimer aussi.
Thomas se redressa complètement et fronça les sourcils.
- Le conseiller Stylus a fait de toi sa chose. J’ai du mal à imaginer Chaak partageur.
- Et pourtant… Par contre, il va falloir que tu lui prouves que tu comprends bien que je suis avant tout à lui et qu’il tolère juste ta présence à mes côtés.
Thomas se crispa de nouveau.
- Je ne suis pas certain de comprendre. Que veut Chaak ?
- Je suis un peu trop douée comme guérisseuse. Mes produits sont d’excellente qualité si bien que la marque sur ma fesse gauche a presque disparu. Tu es priée de la refaire.
- Quoi ? s’écria Thomas qui blêmit de nouveau. Je ne vais pas… te marquer au fer rouge !
- C’est le prix à payer. Chaak accepte notre relation à cette condition.
Un rictus apparut sur le visage de Thomas.
- Tu n’es pas obligé de le faire ici, au temple. Mes appartements à l’herboristerie conviendront très bien.
- Je ne vais pas… faire un sacrifice !
- Peut-être que cela te permettrait de remonter dans l’estime de Chaak.
- Que sous-entends-tu ?
- Qu’il ne peut pas te voir en peinture, lança Syola en ricanant.
Thomas blêmit.
- Tu as dénoncé nombre de ses cultistes alors qu’il les adore, rappela Syola en haussant les épaules.
Thomas regarda autour de lui, apeuré.
- T’inquiète. Il comprend la nécessité que ses cultistes se montrent prudents pour survivre dans la société mais il t’a trouvé un peu trop zélé.
Thomas avala difficilement sa salive.
- Tu t’en es pris à ses plus fervents cultistes, poursuivit Syola. Fallait pas t’attendre à ce qu’il saute de joie.
- Chaak apprécie vraiment les cultistes ?
Syola acquiesça.
- J’ai tellement détesté mes années d’errance, assura Thomas. Je n’ai fait cela que pour lui, afin de le servir au mieux.
- Connards de prêtres du grand temple, gronda Chaak.
Syola ricana.
- Pardon, dit-elle en direction de Thomas. C’est Chaak qui me fait rire, pas ta phrase à toi.
- Parce que… il est là ?
- Thomas, Chaak est un dieu. Il est partout, surtout dans son propre temple.
Thomas trembla de la tête aux pieds.
- Et tu parles avec lui ? bafouilla-t-il.
Syola confirma d’un geste. On frappa à la porte. La tête d’Auguste apparut. Il observa la pièce et soupira d’aise. Il entra et observa les deux intrus dans son bureau avant de froncer les sourcils.
- Syola, les résidents du temple aimeraient se faire pardonner. Une fête d’accueil vous attend dans la salle à manger. Si vous voulez bien…
Un souffle chaud parcourut la salle, faisant hoqueter les deux prêtres.
- Chaak est vraiment là, murmura Thomas.
Syola explosa de rire avant de suivre Auguste jusqu’à la salle à manger. Syola fut impressionnée par les plats proposés et la musique. Comment avaient-ils réussi à faire tout cela en si peu de temps ?
- Je le ferai, murmura Thomas à l’oreille de Syola tandis qu’il dansait tout contre elle sur une musique douce sous les regards attendris de tous les résidents du temple. Mais pas avant de…
Il s’écarta d’un pas, mit un genou à terre et alors que la musique cessait brusquement, il lança :
- Syola. Veux-tu m’épouser ?
La jeune femme en pleura de joie. Elle lança un formidable oui et les deux amoureux s’embrassèrent.
- Pas plus, ma créature, lui susurra Chaak à l’oreille.
Ils se séparèrent, goûtant sur leurs lèvres le goût de l’autre. Leur bonheur était total.