Lorsque Yan rouvrit les yeux, il était dans les choux.
Littéralement.
Des choux verts, pour être exact.
Tooooout un champ de choux verts.
Alors qu’il se redressait péniblement sur les coudes, le corps étrangement perclus de courbatures, il se rendit compte que si Seth avait atterri au même endroit que lui, il n’en était pas de même pour Armellia dont les cheveux roux et la mine chiffonnée émergeaient difficilement d’un rosier chargé d’épines. La jeune femme grognait et tempêtait en essayant de se sortir de son buisson sans ruiner complètement son manteau ou sa peau, sa voix produisant des échos bizarres dans le silence épais les entourant. C’était comme si chaque son avait une résonance propre, que l’air épais s’empressait de diffracter et diffuser dans tous les sens, rendant la moitié des propos de la rousse proprement incompréhensibles.
Un peu vaseux mais chevaleresque, le policier acheva de se redresser pour aller lui prêter main forte, la proximité lui permettant enfin de saisir les propos de la jeune femme :
- Connerie ! Mais connneeeeriiie ! Pourquoi c’est toujours les filles qui se ramassent les trucs douloureux ou avec des épines ?! C’est pas juste ! J’aurais mieux fait de rester chez moi ! Et… merde ! J’ai perdu le cheveu ! SETH ! J’ai perdu le cheveeeeu !
Ce qui, aux oreilles du pauvre Seth encore dans les choux, sonnait comme l’accouplement de deux cochons en scaphandres. Il s’empressa donc d’approcher – ou plutôt de ramper – pour pouvoir participer à la conversation, tandis que Yan aidait la rousse à s’extraire de son buisson. Échevelée, égratignée et dépitée, ‘Ellia brandit son porte-clef fraise-des-bois-kiwi sous le nez des deux hommes (enfin, sous celui du policier et au-dessus de celui du barman toujours allongé par terre) pour leur montrer la criante absence de cheveux noirs : leur lien avec Elizabeth était resté quelque part dans le rosier. Consternés, ils considérèrent un moment les pauvres peluches perdant leur bourre (le rosier n’avait pas été tendre avec elles non plus) avant de pousser un soupir collectif : leurs recherches commençaient mal.
- Bon. (Yan en se penchant pour aider Seth à se redresser) Essayons de penser calmement. Est-ce que l’un de vous sait où on est ?
Constant que la télétransportation semblait avoir calmé l’hystérie du beau-frère d’Eli, les deux autres humains et le chat regardèrent autour d’eux à la recherche d’indices. Le champ de choux, émaillé de façon régulière de rosiers piquants, semblait s’étirer à perte de vue dans toutes les directions, l’horizon se perdant dans un brouillard de chaleur d’un vert souffreteux pas vraiment engageant. Encore un peu étourdi, Seth tapota sa cape pour vérifier que le bocal de Spino et Annabelle s’y trouvait toujours puis, rassuré de sentir sous ses doigts sa forme bombée, essayant de se concentrer sur le paysage qui ne cessait de se dédoubler sous ses yeux. Ses oreilles bourdonnantes l’avaient empêché d’entendre complètement la question de Yan mais il en avait compris l’idée générale – d’autant qu’il se posait aussi la question… même si la distorsion des sons propres à l’endroit lui donnait une idée de leur localisation plutôt angoissante.
Angoisse qu’Armellia s’empressa d’entériner en affirmant :
- On est dans l’Entre-deux.
Le poil de Sugar se hérissa et il disparu dans les profondeurs de la poche de Yan pour trembler en paix. De son côté, le policier se contentait de froncer les sourcils, perplexe.
- L’Entre-deux, murmura la jeune femme, visiblement aussi dépitée que nerveuse. C’est une zone entre le réel et le Monde du Rêve. On y trouve tout un tas de trucs, du cauchemar d’enfant aux fées en passant pas les objets perdus depuis longtemps et des fantômes…
- Charmant…
- Vous le prenez étonnamment bien Mr Tersën…
- Appelez-moi Yan. Et je crois qu’en fait je suis en état de choc. Ça passera. Vous êtes déjà venue ici Armellia ?
- En rêve, oui. Je ne pensais pas y retourner en étant consciente avant un très très long moment… la dernière fois, c’était pour enfermer Morana…
Le beau-frère d’Eli écarquilla légèrement les yeux, incrédule, mais encore trop sous le choc du transfert pour refaire une crise de nerfs. La jeune femme en face de lui eu un sourire qui se voulait rassurant.
- Comme l’a dit Yiel… j’ai des capacités un peu spéciales. Je suis la Passeuse de cette ville. En gros, les esprits comme les rêves peuvent passer au travers de ma personne pour aller de l’Autre Côté. Ce qui fait que j’ai normalement un certain pouvoir ici. Enfin, c’est ce qu’on croyait…
- Je vois…
Seth leva brusquement la main, interrompant la discussion.
- Brouillard.
Les deux autres tournèrent la tête vers lui, puis vers l’horizon en train de se couvrir d’une épaisse couche cotonneuse de brume, et le visage de la rousse se ferma brusquement.
- A présent mieux vaut murmurer ou chuchoter dès maintenant. Vous avez entendu comment voyage les sons par temps clair, mais quand le Brouillard arrive… les mots portent très loin à cause de l’écho qu’ils provoquent. Il faudra faire le moins de bruit possible pour ne pas s’attirer de rencontres désagréables.
La brume avançait vers eux à grande vitesse, si bien rapidement, le décors s’effaça autour d’eux pour ne plus laisser que du gris. Gris le sol. Gris le ciel. Gris le brouillard épais les entourant comme un manteau trop bien ajusté. Gris aussi leurs vêtements subitement privés de toutes couleurs, et gris le pelage de Sugar-Rose dont seuls restaient visibles les yeux et le bout de son museau blanc, comme un Chesire un peu bizarre et passablement contrariant. Instinctivement serrés les uns contre les autres, les trois humains gardaient le silence, nerveux. Mais rien ne vint.
- Bon. Qu’est ce qu’on fait ?
Les mots résonnèrent étrangement dans l’air épais, comme habillés d’un écho, et les trois humains sursautèrent : Yan, parce qu’il ne s’y attendait pas, Seth et Armellia parce qu’il avait troublé le silence.
- Chhhh ! Moins fort !
Le chuchotis de la jeune femme sembla tomber à leurs pieds comme de petites gouttes d’eau furieuse et l’homme porta instinctivement ses mains à sa bouche, les yeux écarquillés : jamais il n’aurait imaginé que ses propos puissent faire autant de bruits. L’air sembla s’épaissir autour d’eux, puis se relâcha avec une espèce de soupir pour dévoiler un champ de fougères dodelinantes là où se tenaient auparavant les choux. Le Brouillard formait un couloir d’environs cinq mètres de large, sa brume épaisse donnant l’impression que le champ était entouré de hauts murs d’un gris menaçant.
Le bruissement des fougères, déformé par l’air ambiant, s’avérait quant à lui légèrement angoissant…
- Qu’est ce qu’on fait maintenant ?, murmura Armellia. J’ai perdu le cheveux d’Elizabeth…
- On a toujours Spino et Annabelle…
Les deux autres adultes dévisagèrent Seth, perplexes. Certes, Eli avait littéralement produit Annabelle en la vomissant, et Spino était le premier vers de l’enquête avec lequel elle avait lié une relation mais… est-ce que ça serait suffisant ? Et puis il y avait un autre problème…
- Je ne peux pas attacher Annabelle à mon porte-clef…
- On peut peut-être l’attacher au bout d’un fil pour se servir d’elle comme pendule ?
Les regards des trois humains se fixèrent sur la doudoune de Yan. Son petit museau gris dépassant de la fermeture éclaire, le chat se tortillait pour essayer de trouver une position confortable qui lui aurait permis de voir les autres sans glisser en bas du vêtement. Voyant sa galère, le policier appuya sa main sous la bosse formée par l’animal, et le chaton poussa un petit soupir de soulagement qui se cristallisa devant son museau avant de flotter tranquillement dans l’air et d’aller s’échouer dans les fougères. Ces dernières furent parcourues d’une longue vague de frissons que personne ne remarqua.
- Ça pourrait marcher…
Tout en parlant, Seth avait extrait le bocal contenant les deux gastéropodes et les observait à la lumière diffuse du ciel grisâtre. Les deux créatures se pressaient contre les parois de verre, leurs petits manchons de couleur vives tranchant avec celles, si ternes, du décors. Fouillant un peu dans sa cape, le barman en sorti une pelote de laine rouge qu’il tendit à la rousse en face de lui. La jeune femme hésita un instant avant de dérouler une bonne mesure de fil qu’elle coupa avec ses dents avant de tendre la main pour récupérer le bocal. Un peu dégoûtée, elle en retira la limace qui se tortilla un moment entre ses doigts tandis qu’elle l’entourant du fil jusqu’à être sûre que la petite bête soit bien attachée et que la longueur restante du fil soit suffisante pour faire opérer sa magie.
Autour d’eux, le champ de fougères était agité comme une mer par grand vent.
Annabelle se retrouva bientôt à pendouiller misérablement au bout d’exactement trente-trois centimètres de laine rouge, qu’Armellia tint prudemment à bout de bras devant elle. Fermant les yeux, la jeune femme laissa son pouvoir venir à elle, concentrant doucement son énergie au creux de sa poitrine avant de la guider le long de son bras, puis de la ficelle, qui commença à balancer. Accrochée au bout, la limace se tortilla en réaction, contrariée d’être secouée de la sorte. Tendue, la médium tenta de canaliser correctement son énergie, mais cette dernière lui échappait, s’infusant dans le fil avec une telle violence que la pauvre Annabelle se retrouva bientôt à faire des loopings dans tous les sens.
Si une limace avait pu vomir, nul doute que les jolies fougères chantante en auraient été crépites. Prenant pitié du pauvre gastéropode, ‘Ellia mis fin à sa tentative, et Annabelle recommença à pendouiller, sonnée cette fois, au bout de son bout de laine.
- Pas très concluant…
Jetant un regard noir à Sugar qui avait sorti la tête de la doudoune uniquement pour lâcher ce petit commentaire, la jeune femme entrepris de détacher la limace pour la remettre dans son bocal.
- Oui bon ça va hein… c’est la première fois que j’essaie de faire de la localisation avec une limace.
Le chaton haussa les épaules et retourna s’enfouir sous la doudoune, boudeur. Seth jeta à la jeune femme un vague regard de reproche tandis qu’il revissait le bouchon du bocal, Spino enroulé autour de sa main. Il le tendit à la médium.
- Tu peux essayer avec lui ?
- Que je sache, ça n’est pas ton amie qui l’a vomi celui-là…
- Non, mais il à une relation bien particulière avec Eli… elle m’a dit qu’il l’appelait « son moyen de transport »… peut-être qu’il pourrait aider ?
La rousse observa un moment le vers, les yeux plissés, dubitative. Conscient de sa réticences, Spino tenta de se mettre en valeur en se redressant crânement dans son petit manchon tricoté en laine angora argent et vert. Ce qui n’eut pas vraiment l’effet escompté sur l’humaine, qui recula, soudain craintive.
- Je refuse de toucher ce truc.
Spino se ratatina sur lui-même, attristé.
Avec un soupir, Seth le déposa sur le sol avant de sortir de nouveau la bobine de fil et d’attacher le vers avec. Posé sur le sol humide, ce dernier s’était dressé, bien visible dans son manchon orange vif, et avait commencé à dodeliner en rythme avec le chant des fougères, ignorant superbement l’humain qui tentait de lui constituer un harnais avec sa laine. Le spinochordodes tellinii étant beaucoup plus filiforme qu’Annabelle, ça n’était pas une mince affaire.
Alors que le barman serrait le dernier nœud, satisfait de son système d’attache, il se rendit compte que de bizarres petites excroissances s’étaient formées sous Spino là où la peau du vers touchait le sol, et que l’extrémité avant du parasite s’était figée, lui donnant vaguement l’air d’un chien à l’arrêt.
- Yan ? Armellia ? Regardez ça…
Au sol, Spino avait finit sa transformation, son corps longiligne se retrouvant maintenant doté de minuscules appendices ressemblant fortement à des pattes sur toute la partie au contact direct avec l’humus. Doucement, il s’ébroua, puis commença à promener sa tête au raz du sol comme s’il le reniflait jusqu’à prendre une pause très similaire à celle d’un ratier à l’arrêt, son corps tendu en direction du nord.
Les trois humains échangèrent un regard perplexe puis le brun fut brusquement tiré en avant tandis que le vers se mettait à foncer à toutes pattes au travers des fougères. Il fallut quelques pas au barman pour retrouver son équilibre, emporté qu’il était par le spinochordodes lancé à pleine vitesse : l’Entre-deux semblait avoir dopé la bestiole et Yan comme Armellia se retrouvèrent contraint de se mettre à courir pour ne pas se laisser distancer.
La Spino-fusée les fit plonger dans le brouillard épais sans ralentir et, n’eut été le réflexe de Seth de jeter la pelote de laine rouge par dessus son épaule, et ceux du policier comme de la médium de s’emparer, elle aurait certainement semé ses accompagnateurs. Reliés les uns aux autres par la ficelle pelucheuse, ils traversèrent plusieurs paysages, une troupe de gens accompagnés d’une plante en pot bizarre ressemblant à une trompette dotée de pétales, une ville illuminée par un brouillard verdâtre, un manoir gothique super flippant, une bibliothèque (où le bibliothécaire, furieux de leur intrusion, faillit assommer Yan avec un livre), un désert de sable, une autre ville protégée par un dôme sous laquelle ne pénétrait nul souffle de vent, et finalement une plaine glacée sur laquelle Spino s’arrêta en un élégant dérapage contrôlé pendant que la farandole humaine le suivant s’écrasait misérablement contre un rocher posé un peu plus loin. Éjecté par la manœuvre, Sugar-Rose atterri dédaigneusement sur ses pattes, et revint en trottinant vers ses compagnons sonnés, non sans se féliciter d’avoir choisi Maine Coon comme race de réincarnation : la largeur de ses pattes lui permettaient de ne pas glisser et les longs poils présents sous ces dernières empêchaient avantageusement ses coussinets d’être malmenés par la brûlure de la glace.
Le popotin bien protégé par son épaisse fourrure, il s’assit devant Seth pour observer Spino qui essayait de se glisser sous la cape du jeune homme, l’instinct de chasseur du chaton lui murmurant de se jeter sans tarder sur cette jolie proie gigotante en manchon orange. Heureusement pour le vers, le barman eu le réflexe de rabattre un pan de laine noire sur lui avant que le chaton ne se laisse aller à un grignotage malvenu. Ce qui déclencha une intense séance de toilettage chez Sugar : on passe sa frustration comme on peut.
Ignorant le chat, encore un peu étourdi, le jeune homme se redressa en position assise tout en poussant machinalement Spino au fond de sa poche intérieure, son regard noir se promenant avec navrance sur le paysage enneigé. Il savait où ils se trouvaient… et ça n’était pas bon signe du tout.
- Seth ?
- Mh ?
- Dégage ?
- Ah ! Pardon !
Par un hasard extraordinaire, alors même qu’il était le dernier de la file, la débandade finale avait eu pour conséquence de tasser Yan contre la paroi ayant arrêté leur glissade et d’entasser pêle-mêle Armellia et Seth par dessus. Écrasé par le poids des deux jeunes gens, le policier essayait à la fois de respirer, de ne pas s’étouffer avec la neige, et de se débarrasser d’eux. Après quelques mouvements inutiles, deux écrasages de mains, un juron et une dégringolade, les trois humains parvinrent enfin à se dés-empêtrer les uns des autres pour se redresser dans le silence ouaté du paysage enneigé.
- Bon, on est où ?, demanda Yan en retirant la neige de sa barbe de trois jours.
- Aucune idée… (Armellia semblait contrite) j’ai perdu mes repères au second changement de monde. Je n’avais jamais mis les pieds dans ces univers jusqu’à présent…
- Formidable…
- Moi je sais où on est.
Yan et Armellia se tournèrent de conserve vers Seth qui avait fait quelques pas prudents sur la glace, le nez en l’air et l’air préoccupé. Comme son silence s’éternisait, la jeune femme prit la parole :
- Seth ?
- On est sur un territoire qui va demander la plus grande prudence.
- Mais encore ?
La voix de Yan étant passablement agacée, le jeune homme se résigna à leur répondre sans détours, mais d’une voix soucieuse :
- Nous sommes dans un territoire partagé dans l’imaginaire collectif. Pour les Russes, c’est le territoire de Morana, la déesse de la mort et des cauchemars. Chez les Aztèques c’est le Cehuelóyan, le quatrième niveau du Mictlan, le pays des morts. Pour les nordique, c’est Jötunheim, domaine des jöthun mais paradoxalement aussi de la déesse Bertha et du dieu Ull. Pour les Chrétiens c’est le neuvième cercle de l’enfer. Celui où Satan dévore les traîtres.
- Sympas. Et tu es capable de reconnaître l’endroit parce que… ?
Le jeune homme se contenta d’un sourire embarrassé en réponse, ce qui ne satisfit pas du tout Yan qui avança d’un pas, le visage sombre.
- Seth…
- Je vous expliquerai une fois qu’on sera sorti de là d’accord ? C’est une zone dangereuse, où les cauchemars prennent facilement vie. Et au cas où tu ne l’aurais pas remarqué, ‘Ellia s’est figée depuis qu’elle a entendu le nom Morana.
Et en effet… la jeune femme ne bougeait quasiment plus, plus blanche que la neige qui avait commencé à tomber, ses jolis yeux bruns dévisageant le barman avec horreur :
- Tu veux dire qu’on est dans la dimension des cauchemars ?
- J’en ai peur.
Si la peau d’Armellia avait pu devenir encore plus pâle (et si sa doudoune n’avait pas été voyante), nul doute qu’ils l’auraient perdus sur le champ de neige. Nerveuse, elle tripota son porte clefs fraise-des-bois-kiwi, puis l’enfouit dans sa poche avant d’affirmer.
- Il faut qu’on parte d’ici.
- Oui. Et vite.
A côté d’eux, le policier subissait l’échange, la mâchoire serrée. Tout en lui brûlait d’éclater, de tempêter, de taper du pied de colère en exigeant des explications. Bien qu’ayant enduré tout un tas de situations stressantes ou à hauts risques, il se trouvait totalement dépassé par les événements, et le fait que Seth semble en savoir très long sur ce qu’ils vivaient sans pour autant leur fournir d’explications lui donnait envie de secouer très fort le barman jusqu’à ce que les cheveux de ce dernier en perdent leur gel.
Ce qui aurait impliqué de le secouer vraiment très fort.
Ce qui aurait été hautement satisfaisant.
Au lieu de ça, il se contenta de jurer tout bas et de leur tourner le dos pour observer encore une fois autour d’eux. Le désert de neige s’étirait à perte de vue, sans le moindre relief significatif ou la moindre trace de vie. Machinalement, il piocha Sugar-Rose qui essayait d’escalader sa jambe de pantalon et le fourra dans la capuche de sa veste.
Puis son cerveau fit tilt.
- Morana. C’est pas le nom de la… l’entité qui en avait après nous en bas de l’immeuble ?
- Si, murmura Armellia, heureusement que Yiel s’occupe de la retenir… sans quoi nous serions déjà morts. Elle est presque toute puissante ici.
- Génial. A se demander pourquoi un vers tueur psychopathe nous a amené ici…
- Hey ! Ne dis pas de mal de Spino !
Les deux hommes s’affrontèrent du regard, et le duel d’œillades noires aurait pu durer longtemps si Sugar ne s’était pas soudain mis à feuler.
Les trois humains se figèrent sur place.
- Qu’est ce qu’il se passe encore ?!
Une petite partie du cerveau de Yan se demanda brusquement s’il n’était pas en état de choc, tant le spectacle qui s’offrait maintenant à ses yeux le laissa plus lassé qu’au bord de la crise de nerfs – comme l’aurait dû être tout humain ayant découvert en peu de temps que sa femme avait été une sorcière ; qu’elle avait été probablement assassinée par un dieu ; que les dieux existaient pour de bon ; qu’il y avait des zombies dans sa ville ; que les autres dimensions et les chats parlants existaient ; et surtout qu’il était possible à un Spinochordode tellinii de se faire pousser des pattes (allez savoir pourquoi, c’était ce fait qu’il trouvait présentement le plus perturbant).
Là où peu de temps auparavant il n’y avait qu’un horizon blanc, froid et interminable, se dressaient à présent de gros nuages de neige soulevés parce qui ressemblait à une horde de créatures monstrueuses – même si elle était encore trop loin pour qu’ils en perçoivent vraiment les détails. Mais qu’est ce que ça aurait pu être d’autre, dans une dimension dédiée aux cauchemars ? Et vu la poisse phénoménale qui leur collait aux basques depuis plusieurs chapitres déjà ? Définitivement en état de choc, le policier passa une main dans ses cheveux coupés raz, jeta un coup d’œil machinal à ses compagnons, se rendit compte que les deux petits salopios avaient déguerpis sans demander leur restes, et envisagea même très sérieusement de s’asseoir dans la neige pour se laisser tranquillement piétiner par les choses qui se précipitaient vers eux. A vrai dire, il l’aurait sûrement fait si, au comble de la panique, Sugar-Rose n’avait pas profité du passage de la main dans les cheveux pour y planter violemment griffes et crocs : il ne s’était pas réincarné en adorable chaton de 4 mois pour se faire piétiner par des bêtes démoniaques, merci bien !
Ramené à la réalité, le policier tourna les talons et détalla dans la neige, son corps entraîné lui permettant de rattraper sans peine ses deux compagnons. Ce qui, à bien y penser, n’était pas un grand exploit : la dernière qu’Armellia avait couru, c’était pour attraper le bus l’amenant passer le BAC, 7 ans plus tôt ; quant à Seth… il commençait à se rendre compte qu’il s’était peut-être un peu trop laissé aller ces (nombreuses) dernières années.
Parfaitement à l’aise dans sa course alors que les deux autres soufflaient comme des bœufs, Yan lança :
- C’est quoi ça encore ?!
- Une Chasse Sauvage !
- … ?
- Des… cau-ch… mars… en… march…, précisa ‘Elia, qui semblait sur le point de mourir d’asphyxie. Chass...ent… les viva...nts !
- Génial.
- Et les transforment en chevaux.
- Pardon ?
Mais le barman était trop occupé à remorquer par le bras une Armélia à moitié agonisante pour prendre le temps d’entrer dans les détails. Rythmée par les commentaires hystériques de Sugar – qui depuis son poste dans la capuche de Yan, leur décrivait l’avancée rapide de la horde, et leur laideur, et le nombre de dents qu’ils avaient dans la bouche ou sur les coudes, et combien tout ça était effroyable – leur course finit par les amener assez près de ce qui s’apparentait le plus à un relief dans cet univers plat et couvert de neige. Se demandant vaguement comment il avait fait pour ne pas voir plus tôt cet amas de roches sombres, le beau-frère d’Eli suivit sans réfléchir les deux jeunes gens à l’intérieur d’une étroite fissure pour ressortir… de l’autre côté.
Tout simplement.
- C’est une blague ?
Le policier devait convenir être d’accord avec l’exclamation du chat. Encore l’état de choc, sans doutes.
- Restez ici.
L’autorité dans le ton de Seth le surpris.
De même que la soudaine absence d’essoufflement dans sa voix.
Et le fait qu’il venait de se débarrasser de son épaisse cape en laine alors même qu’il devait faire quelque chose comme -20°.
Ou encore que d’un seul bond le jeune homme se retrouve soudainement au sommet du relief, pourtant situé à deux bons mètres au dessus d’eux.
Et que ses genoux s’étaient mis à plier à l’envers.
- Euh.
Au-dessus d’eux, Seth fouillait dans ses poches en marmonnant, visiblement à la recherche de quelque chose.
Sous leurs pieds, la terre tremblait de plus en plus fort, ébranlée par l’arrivée de la horde.
Soudain, le jeune barman sembla mettre la main sur ce qu’il cherchait.
Un sourire victorieux sur le visage, il se tourna vers leurs adversaires, ouvrit la bouche et…
- EKKE EKKE EKKI EKKI PA-TANG ZOO BOING !
J’ai pris un peu de temps pour repasser « La Reine des Limaces », histoire de voir si tu avais bel et bien ouvert des pistes sans les refermer ;)
Mon impression majeure en revenant aux premiers chapitres, c’est surtout un changement d’ambiance marqué. Au début, ton histoire partait comme un polar ou un thriller, mâtiné d’un fantastique subtil qui s’intégrait très bien au côté « réel ». Ensuite, le fantastique prend clairement le pas sur le côté policier. Peut-être un peu trop? Ou trop rapidement?
Du coup, dans les derniers chapitres, on perd peut-être un peu le côté « enquête » pour se concentrer sur l’histoire de la famille Lin. Ce qui n’est pas un souci en soi mais j’avoue qu’à la relecture, je me suis dis que l’aspect « polar » m’avait vraiment séduite au début et qu’il serait peut-être intéressant de garder cette ambiance un peu plus présente (notamment le personnage de Sarah qui disparait).
Sinon, je n’ai pas relevé à proprement parler d’ « impasses » qui resteraient totalement dans le vent. Il y a certes beaucoup de questions en suspens : les meurtres en série, le travail d’Anna-Maria, son meurtre, le père d’Elisabeth, la nature de Seth, Moranna, Loki, la malédiction d’Eli… Mais, à ce stade de l’histoire, elles peuvent être résolues. D’autant plus que tous les fils différents semblent liés.
Un détail qui flotte un peu, peut-être, c’est l’allusion au fait qu’Annabelle la limace est le premier émissaire envoyé à Eli. Pour moi, Annabelle est un personnage qui fait un peu partie du décors, c’est dommage si elle a souhaité faire passer un message à Eli.
Un autre détail qui m’avait beaucoup séduite et qui s’efface un peu par la suite, c’est l’aspect « bureaucratique » des créatures fantastiques. Je trouve dommage que ça n’ait pas été plus exploité ^^
Pour finir sur ce chapitre en particulier, je ne l’ai pas trouvé « moins bien » que les autres mais, en effet, il se démarque d’une façon difficile à définir pour moi. Peut-être parce qu’il se passe dans l’Entre-Deux? J’aimais bien que le fantastique débarque dans le « monde réel », j’ai un peu plus de mal à rentrer de plein pied dans les autres univers, sans doute parce qu’ils sont nouveaux.
J’espère avoir pu t’aider un peu et si tu veux poursuivre la discussion, ce sera avec plaisir ^^
A bientôt
Alice
Ton commentaire rejoint ma réflexion globale concernant la RDL... j'ai l'impression d'avoir perdu le côté polar très documenté (enfin très documenté… au moins bien informé) pour le WTF le plus complet que ça soit dans le scénario, dans les relations d’Eli, ou encore dans les situations qui s’enchaînent, et j'ai du mal à raccrocher les wagons avec l’intrigue principale (même si le chapitre 14 devrait amener des réponses). Du coup… mon écriture s’en retrouve très chaotique de mon point de vue x.x
Et effectivement, Annabelle est cooooomplètement passée sous le tapis (la pauvre) et le rôle que j’avais prévu pour Spino à la base s’est dilué dans les sucs gastriques de mon inattention, tout comme le personnage de Sarah… d'ailleurs je me demande si je ne vais finalement pas fusionner Sarah et Armellia comme personnage. Mais ça va changer pas mal de choses à l'histoire, notamment la présence un peu gratuite de Yiel, qui trouvait entre autre son sens par le biais d'une autre nouvelle. Faudrait que j'introduise ce personnage d'une autre façon qui fasse pas trop lombric sur la soupe.... @___@
Le côté bureaucratique va être un peu plus exploré dans les chapitres suivants je pense. Notamment grâce au personnage de Céleste <3
Est-ce que tu pourrais m'en dire un peu plus sur ta sensation concernant ce chapitre ?
J'ai vraiment dû "forcer" pour le pondre, et j'ai l'impression que ça se voit énormément x.x
Je suis ravie d'avoir pu t'être utile!
Concernant ce chapitre en particulier, je crois que de petits détails m'ont "sortis" de ma lecture.
Par exemple, quand tu caractérises tes personnages avec juste leur couleur de cheveux ("la rousse", le brun"), je comprend bien qu'il s'agit d'éviter les répétitions et il me semble qu'en anglais ça me gène moins mais là, c'est un peu abrupt.
Ensuite, pour en revenir à l'Entre-Deux, je suis mitigée. Autant le défilé de mondes à la poursuite de Spino et le "neuvième Cercle de l'Enfer" me paraissent à la fois jubilatoire et "concret", autant la plaine de choux et les fougères me donnent beaucoup moins envie de les découvrir. Ces deux univers font assez anecdotiques, on sent qu'ils ne sont qu'un passage.
Enfin, les révélations d'Armellia sur sa nature de Passeuse de Rêve me semblent arriver là un peu comme un cheveu sur la soupe. Pour le moment, son intérêt est de les guider vers Eli et on se demande ce que ce pouvoir vient faire là, d'autant plus qu'il n'est pas du tout exploité dans la suite du chapitre (peut-être après?)
Bref, des petits ajustements à faire, peut-être mais rien de grave :)
Comme ma dernière lecture datait pas mal, j'ai décidé de tout reprendre depuis le début (autant pour me remettre dans le bain que pour le plaisir, d'ailleurs !) et j'étais toute contente de retrouver l'ambiance humoristique et génialement absurde de ton histoire !
Cela se ressent aussi très bien dans ce nouveau chapitre. Cette histoire de choux et de roses... une allusion à cette légende au sujet des naissances des filles et des garçons je suppose ? J'adore ce genre de... détournement-réutilisation-remix-jenesaispastropcommentappelerça ! xD
Et je me délecte toujours autant des interactions entre les personnages et de tes petites piques glissées ici et là dans les descriptions. C'est toujours un régal pour moi !
En revanche, je me dois de protester contre l'absence de suite : c'est hautement cruel et sadique de nous laisser sur cette fin de chapitre après que les projecteurs se soient si brusquement (et enfin !) pointés sur Seth ! ><
Décidément, il va avoir beaucoup de choses à expliquer celui-là...
Bref, je veux la suite ! Sivouplai =3
T_____T
Pardon pardon pardon !
Déjà, merci beaucoup d'avoir fait l'effort de tout reprendre depuis le début !!! <3
Je suis contente que l'histoire continue de te plaire malgré le temps infini qu'elle met à paraître ! J'espère que les chapitres qui ont été mis en ligne depuis restent à la hauteur de tes attentes !
Pleins de bisous de loin et encore désolée !!!!
D'accord alors comme ma dernière lecture date depuis longtemps, j'étais aussi perdue que tes personnages atterrissant dans l'Entre-Deux, mais je suis contente de voir que l'histoire n'a pas perdu son côté absurde ou loufoque et que tu sors des phrases très drôles qui sont des pépites, du genre: “ Appelez-moi Yan. Et je crois qu’en fait je suis en état de choc. Ça passera. “ → c'est le gars en état de choc le plus blasé que j'aie vu de ma vie xD
J'espère qu'ils réussiront à s'en sortir et à retrouver Eli !
Remarques:
J’aurai mieux fait de rester chez moi ! Et… merde ! J’ai perdu le cheveux ! SETH ! J’ai perdu le cheveeeeux ! → J'aurais // le cheveu (2x)
Il s’empressa donc d’approche → approcher
Encore un peu étourdit → étourdi
En rêves oui. → En rêve, oui
comme un Chesire un peu bizarre → comme un chat du Cheshire ?
Ces dernières furent parcourue → parcourues
qui avait sortit la tête → sorti
celui là… → celui-là
la jeune femme pris la parole : → prit
“Pour les russes, c’est le territoire de Morana, la déesse de la mort et des cauchemars. Chez les aztèques c’est le Cehuelóyan, le quatrième niveau du Mictlan, le pays des morts. Pour les nordique, c’est Jötunheim, domaine des jöthun mais paradoxalement aussi de la déesse Bertha et du dieu Ull. Pour les chrétien “ → Russes / Aztèques / Nordiques (pas sûre si la majuscule est obligatoire ou pas) / les Chrétiens
parce que… ? → je crois que comme il y a déjà les points de suspension, le point d'interrogation n'est pas nécessaire
sa jmabe → jambe
sans quoi nous serions déjà mort → déjà morts
nous a amené ici… → amenés
Ne dit pas de mal de Spino ! → dis
“Sugar ne s’était pas brusquement mis à feuler. “ et “Yan se demanda brusquement “ → répétition du mot “brusquement”
“Une petite partie du cerveau de Yan se demanda brusquement s’il n’était pas en état de choc, etc” → Cette phrase est si longue (elle fait carrément un paragraphe) que l'on ne comprend pas grand-chose au final xD La diviser en 4-5 phrases plus courtes aiderait à la compréhension ;)
Mais qu’est ce que ça aurait pu être d’autres → d'autre
depuis plusieurs chapitres déjà ? → attends, tu as brisé le quatrième mur, là, c'était voulu ? xD
Plein de limaaaaaces !
Désolée d’avoir mis autant de temps à écrire la suite @_@ le temps passe et passe et beaucoup de choses ont changées qui aurait pu s’imaginer °se fait taper dessus par Eli°
Breif.
\^o^/ Je suis contente que la réplique de Yan t’ai amusée =D son cerveau en état de choc passe en mode « survie face à la crétinerie des autres » du coup… la blasitude règne =D
Merci beaucoup pour les corrections ! Je m’en vais modifier ça de ce pas !
Le chapitre 14 puis le chapitre 13 arrivent bientôt (oui oui, dans cet ordre) XD enfin bientôt… avant la fin août j’espère !
Et pour le 4e mur… la réponse est oui =D
Mais chut ;) Yan est en état de choc, il ne se souviendra de rien =D
"Lorsque Yan rouvrit les yeux, il était dans les choux.
Littéralement.
Des choux verts, pour être exact."
C'est bien, trois lignes et j'éclatais déjà de rire XD.
"sonnait comme l’accouplement de deux cochons en scaphandres" : l'image est... intéressante XD
"Encore un peu étourdit, Seth tapota sa cape pour vérifier que le bocal de Spino et Annabelle s’y trouvait toujours puis, rassuré de sentir sous ses doigts sa forme bombée, essayant de se concentrer sur le paysage qui ne cessait de se dédoubler sous ses yeux." Y a un truc qui cloche avec cette phrase. Le "essayant", non ?
"Encore un peu étourdit, Seth tapota sa cape pour vérifier que le bocal de Spino et Annabelle s’y trouvait toujours puis, rassuré de sentir sous ses doigts sa forme bombée, il se concentra sur le paysage qui ne cessait de se dédoubler sous ses yeux." Plutôt ? Ou essaya de se concentrer ?
Une autre série qui m'a bien fait rire :
"le fait que Seth semble en savoir très long sur ce qu’ils vivaient sans pour autant leur fournir d’explications lui donnait envie de secouer très fort le barman jusqu’à ce que les cheveux de ce dernier en perdent leur gel.
Ce qui aurait impliqué de le secouer vraiment très fort.
Ce qui aurait été hautement satisfaisant."
Je trouve très sympa ces répliques détachées sur plusieurs lignes. En tout cas, ça marche super bien pour moi (comme les trois premières phrases).
Alors le pendule-limace, j'adore ! Cette scène est tellement absurde, c'est génial.
Seth, mon petit Seth... Qui es-tu ? Au début, je trouvais seulement très louche qu'il en sache autant. Je me doutais bien que ce n'était pas juste un passionné de mythologie, mais quand-même, je ne m'attendais pas à la fin. Surtout les genoux. Brrrrr.....
J'avoue que j'ai eu un peu de mal à raccrocher les wagons (la lecture des précédents chapitres date un peu !), mais cela m'a fait super plaisir de retrouver ton histoire. Et ce chapitre fonctionne bien pour moi, en tout cas.
Courage pour la suite et au plaisir d'en savoir plus sur ce mystérieux Seth...
Merci pour le relevé de coquille @_@ je vais corriger ça de suite.
Uhuh les révélations sur Seth vont arriver ;)
Pardon d'avoir mis autant de temps à reprendre çoç