Chapitre 11 - Parce que bon sang on a bien cru que l’autrice avait oublié le flash-back !

Note d'avant chapitre : J'ai longuement hésité sur comment et où placer les révélations faites par Sugar au bar... du coup je ne suis pas sûre du tout que la façon dont les chapitre 8, 9, 10 et 11 s'emboîtent soit tout à fait satisfaisante. J'attends vos retours ! Bonne lecture ! <3

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Le silence régnait sous les branches de l’arbre géant. Toujours installée dans son fauteuil, sa tasse de thé maintenant froide posée en équilibre sur son accoudoir, Elizabeth considérait le dieu en face d’elle avec cet air qu’ont les gens lorsque leur cerveau fait un magnifique encéphalogramme plat. Sa petite fille ? Séééérieusement ?

Dieu qui agitait d’ailleurs la main devant ses yeux avec un grand sourire amusé, sans obtenir de réaction. Ce qui fit qu’il dû la pincer, à son plus grand plaisir.

Elizabeth lui donna un coup de pied.

- Quel violence !

- C’est la génétique qui parle.

- Rofl. C’est de mauvaise foi ça.

- Là aussi c’est la génétique.

- On ne vas pas aller loin comme ça…

La jeune femme haussa les épaules, essayant de mettre de l’ordre dans ses idées. Les révélations du dieu, si elles étaient vraies, étaient aussi difficile à digérer que celles de Sugar-Rose au bar…

Ces dernières lui tintaient d’ailleurs encore aux oreilles…

- Je connaissais Anna-Maria. Littéralement dans une autre vite. Je suis mort de froid il y a trois ans en essayant de la défendre, ainsi que Miss Grinch ici présente.

A ce moment là, une bombe lâchée en plein milieu du café n’aurait pas eu plus d’effet que l’annonce du greffier qui pétrifia son assistance à un tel point qu’il s’était senti obligé d’aller agiter une patte devant leurs yeux – avec sur le visage le même air que Loki, maintenant qu’elle y pensait – pour s’assurer qu’ils n’avaient pas tous fait un arrêt cardiaque. Ç’aurait été embêtant pour le reste de l’aventure. Mais au vu de la quasi baffe qu’il se mangea en faisant son manège devant Eli, il tira rapidement la conclusion que non, personne n’était mort.

En tous cas, certainement pas la cracheuse de limace.

Esquivant adroitement la main cherchant à l’attraper par la peau du cou, il alla se réfugier près de Seth en crachouillant, le poil hérissé de la queue aux oreilles.

- Eli !

~ Toxoplasmose ou pas, je vais l’étriper s’il ne s’explique pas ! ~

A mettre au crédit de la jeune femme, elle avait réussi à signer cette phrase tout en essayant de passer par dessus le bar, et ce, sans que personne ne voit sa culotte malgré sa jupe remontée quasiment jusqu’à sa taille par l’exercice. Merci les bas d’hiver ! Blasé, Seth avait attrapé le chaton pour le mettre hors de portée des mains furieuses (et un peu griffues, il fallait le signaler) de son amie avant de jeter un coup d’oeil inquiet à Yan qui, le visage livide, se contentait de suivre des yeux la boule de poil à la façon d’un prédateur.

- Elizabeth Lin. Assied-toi.

Elle se figea, à moitié sur le bar, à moitié sur son siège, puis tourna tout doucement la tête vers son beau frère, rendue inquiète par le ton de sa voix.

- Yan ?

- J’ai dis : assise.

Elle s’exécuta sans un mot, trop conscience que s’il employait avec elle le ton qu’il utilisait d’ordinaire avec ses enfants lorsqu’ils dépassaient les bornes, c’était parce qu’il était probablement au bord de la rupture nerveuse. Un peu penaude, bien que toujours en colère, elle repris sa place sur le tabouret.

Tous les regards du bar étaient braqués sur eux.

Seth s’éclaircit la gorge.

- Je vais fermer mesdames et messieurs. Le ciel se couvre (ce qui était vrai) et je n’ai pas envie de devoir vous garder ici une semaine. (il jeta un coup d’oeil à Eli et Yan, puis au chat) On reprend la discussion lorsque tout le monde sera parti.

~Mais...~

- Pas de « mais » Eli. C’est trop important.

Incapable de supporter l’attente en silence, piégée entre un chaton très auto-satisfait de son annonce et un beau-frère au désarroi si palpable qu’elle avait l’impression qu’il lui empoissait la peau, la jeune femme avait quitté son siège pour gagner l’extérieur en compagnie des clients frustrés du café. Accueillant avec bonheur l’air glacé sur ses bras nus et la sensation piquante de l’hiver sur son visage, elle entreprit de faire le tour du petit parc attenant au Hell’s, tout en ruminant son mécontentement.

Déjà, les révélations de Sugar-Rose avaient remis en lumière le fait qu’elle ne se souvenait de rien concernant la mort de sa sœur, et qu’il avait fallu un enchaînement de circonstances bizarres, du cadavre marchant au chaton qui parle, pour qu’ils aient de nouvelles informations…

Ensuite… ensuite la parfaite Anna-Maria semblait lui avoir caché beaucoup de choses. Ce qui était purement inadmissible ! Comment pouvait-on oser dissimuler à sa sœur grumpy, mal embouchée et cynique le fait qu’on faisait de la magie ?! Et qu’on parlait aux chats !?! Inadmissible !

Enfin… enfin elle détestait de plus en plus cette affaire.

Ses bottes s’enfonçant profondément dans la neige, elle se mit a grommeler entre ses dents tout en résumant mentalement ce qu’elle savait de tout ça :

1. Un mystérieux tueur au-dessus des lois sévissait depuis plusieurs années.

2. On avait fait appel à elle par défaut, à la place de sa sœur, pour le traquer (parce que la police était tellement nulle qu’une mère de famille accompagnée d’un chat qui parle avait plus de chance de le choper, c’est dire!)

3. Sa sœur lui avait caché énormément de choses (et à Yan aussi visiblement)

4. Sa mère et elle-même avaient du sang Grinch (ce qui expliquait son aversion pour le vert. Si si.)

5. Sugar-Rose connaissait son père. Qui de fait n’était pas mort. Le saligot.

6. Elle crachait des limaces en raison d’une mystérieuse malédiction et visiblement il y avait toute une administration pour gérer ce genre de choses.

7. C’était du grand n’importe quoi, mais comme elle se pouvait se permettre de prendre des libertés de commentaire avec son flash-back, c’était du grand n’importe quoi reconnu comme valable et existant par un dieu du froid soutenant être son grand-père (heureusement qu’elle ne s’appelait pas Luke, sinon elle aurait sûrement eu le droit à la blague). Enfin bon. A ce moment là, elle n’était au courant de rien, ni de sa filiation divine, ni du fait que Brän et Camille étaient des quarts de quart de dieu, ni que sa sœur faisait en réalité partie du BDB et pas du BDM, ni que… revenons à nos moutons avant de tout divulgâcher.

Ruminant toujours sa mauvaise humeur mais résignée au fait que se geler les doigts de pieds dans la neige n’allait pas faire avancer le schmilblick, elle retourna lentement au café, non sans noter au passage que les deux bonhommes de neige croisés à l’aller dans le parc avaient changé de place : au lieu d’être sur l’herbe, ils étaient maintenant dangereusement proche de la devanture du bar, un air de conspirateur sur leur visage de smiley.

Oui parfaitement.

Un air de conspirateur.

…

Elle devrait peut-être songer à arrêter la Chartreuse.

…

Ou pas.

Méfiante, elle entra rapidement dans le bar, récupéra le seau d’eau chaude que venait de préparer Seth pour donner un rapide coup de serpillière sur le sol, et, sans faire attention à ses plaintes, alla dissoudre d’un unique lancé les deux créatures de glace. Là. Mieux valait prévenir que guérir.

- Euh. Eli ? Tu m’expliques ?

Le jeune homme se tenait sur le pas de la porte, balais-serpillière à la main, un air dubitatif sur le visage.

Aux pieds d’Elizabeth, deux pauvres carottes achevaient de se noyer dans une flaque qui ne tarderait pas à geler.

~Ils ont bougé~

- Ah. Bon. Tu rentres ?

Fou comme ces derniers temps les explications farfelues se retrouvaient considérées comme valables…

Après un dernier regard vers les pauvres carottes congelées, Elizabeth réintégra la chaleur du Hell’s, non sans penser à verrouiller la porte derrière elle. Sugar se dandinait sur le zinc du bar, mal à l’aise sous le regard pâle et glacé de Yan qui n’avait pas bougé d’un pouce. Elle réintégra sa place tout en observant attentivement le chat : normalement elle devrait pouvoir le choper assez vite pour le transformer en mignonne descente de lit si jamais ce qu’il leur apprenait ne lui plaisait pas.

Parfait.

- On va commencer par le début.

Oula. Son beau-frère avait sa voix de flic. Elle avait presque pitié du greffier. Presque.

- Premièrement, comment connais-tu la famille Lin ?

- Mh… c’est une longue histoire…

- J’ai. Tout. Mon. Temps.

L’animal se tassa un peu, comme si chaque mot martelé était une tape sur la tête. Sa queue grise en panache balaya nerveusement le bar, faisant tomber un bouchon et râler Seth.

- Ah. Mh. Bien. Nous connaissons – et par « nous » je veux dire mon administration, qui chapeaute le Bureau des Malédiction et le Bureau des Bénédictions – la famille Lin depuis plusieurs génération déjà. A vrai dire, la prononciation d’origine est Lïne, même si l’orthographe est la même. C’est une puissante famille de magiciens, ainsi que de spécialistes des créatures surnaturelles et des légendes humaines.

Yan et Seth jetèrent un coup d’oeil à Elizabeth qui dévisageait Sugar, bouche bée, un petit escargot d’eau bourré rampant sur sa lèvre inférieure.

Le chat toussota dans sa patte.

- Monsieur votre père n’était… pas en très bons terme avec sa famille proche. Ce qui explique que vous n’ayez jamais vu ses parents.

~Ça explique aussi ses marottes bizarres~

- Tu parle quand il a transformé ta chambre en une annexe de Brocéliande ?

~En MonPetitPoneyLand oui ! Et puis le coup du magicien qui crie aux gens « vous ne passerez pas » à la fête de l’école~

Yan continuait de fixer le chaton, insensible aux tentatives de dédramatisation de ses deux compagnons. Anna-Maria et Elizabeth étaient des descendantes de magicien. L’une était à demi-grinch… et l’autre ?…

- Et Anna-Maria ? (La voix de l’homme était gelée) Quel rapport avec elle et sa mort ?

- Mh mh… eh bien… pour commencer, le père de votre épouse était en froid avec sa famille et le monde magique pour ses choix maritaux. Vous comprenez… il avait une excellente place au BDB en tant qu’Expert Légendaire, jusqu’à ce qu’il épouse une Grinch et lui fasse des enfants. Ça a signé son licenciement pour faute grave : il faut être dérangé pour faire ce genre de choses.

~Sympa...~

Mais vrai. Eli n’avait jamais compris ce que son père avait bien pu trouver à sa mère…

- Bien sûr il aurait pu s’agir d’un sort mais… à l’époque, nous avions d’autres affaires plus urgentes à traiter qu’un crime mineur type philtre d’amour. Donc. A l’adolescence, bien avant de vous connaître Monsieur Tersën, Anna-Maria s’est révélée être très… Sensible, comme Monsieur Noctris, à tout ce qui est surnaturel et ou féerique…

Eli jeta un coup d’œil surpris à Seth qui lui tournait le dos, visiblement trèèèèès occupé à ranger ses bouteilles. Lui, il lui devrait des explications.

Bon sang avec tout ce qui s’était passé, elle avait oublié de demander à cet empaffé ce que Sugar sous-entendait à ce moment là !

- A cette époque, elle suivait sans le savoir la tradition familiale en se passionnant pour les légendes et les contes. Nous l’avons abordée parce que ses conclusions et recherches étaient brillantes, alors même qu’elle n’avait aucune éducation magique. Nous avons commencé par l’aborder sur un forum, puis par la faire travailler pour nous comme consultante : elle pensait aider une association de passionnés de folklore. Et puis il s’est avéré qu’une de nos enquêtes dans votre ville nécessitait un Ami des Chats et que, si elle n’avait pas encore reçu sa bénédiction, Anna-Maria était la plus proche. Elle a très bien pris le fait de se faire aborder par un chat parlant après avoir croisé une fée en soirée, (Sugar se hérissa un peu, digne dans l’outrage) et ne m’a pas balancé de pantoufle dans le museau, ELLE.

~Ma sœur n’a jamais eu de sens commun~

- Mf !

- Et ensuite ?

Diable, la voix de Yan était glacée.

A bien y regarder, il serrait tellement les poings que ses jointures étaient devenues blanches. Et il n’avait pas touché au superbe café viennois que lui avait servi Seth.

Du coup Elizabeth se l’accapara.

Bah quoi ? Fallait pas gâcher !

Oui elle était en plein déni, et alors ?

Après un petit lissage de jabot nerveux, le chaton reprit son récit :

- Ensuite elle s’est mise à faire des petites missions pour nous. Rien de dangereux bien sûr. Mh. Pas au début en tous cas. A l’époque j’avais un magnifique pelage noir et d’élégants yeux verts. Je lui ai servi de mentor dans tout ce qui concernait la magie, les mondes féeriques, la sorcellerie et la diplomatie inter-sœur.

~Pardon?~

- Vous étiez une adolescente et une jeune adulte difficile mademoiselle Lin. Et vous l’êtes encore si je puis me permettre.

~Non tu peux pas~

Sugar-Rose ignora sa remarque pour se concentrer sur Yan.

- Je l’ai donc accompagnée plusieurs années en secret, jusqu’à ce qu’elle ait le niveau pour devenir Magicienne – un grade très élevé au BDB – mais étrangement elle a préféré celui de Sorcière, allez savoir pourquoi. Comme son mémoire de fin d’étude portait en particulier sur l’histoire des sacrifies humains et la théorie selon laquelle certains dieux profitaient de la folie inhérente des humains pour continuer à faire tuer des bébés en leur nom, et que ça entrait en résonance avec une enquête en cours, les Chevaliers de Nii – les agents de notre grand maître de la justice – se sont intéressés à ses travaux… c’est elle qui a réuni la plupart des dossiers et des archives que vous avez chez-vous mademoiselle Lin.

Bon sang les archives !

Avec tout ce merdier elle avait totalement oublié de harceler son beau-frère pour qu’il la laisse fouiller le grenier de fond en comble ! En même temps cet abruti émotif avait oublié aussi de lui en reparler… quelle idée d’être en état de choc pour la simple annonce que son épouse est un agent-double sorcière dont la sœur est un demi-grinch !

Petite nature…

Bon, dès qu’elle en aurait fini avec ce flash-back barbant et le dieu pénible qui prétendait être son grand-père, elle exigerait de retourner sur Terre, de torturer Seth pour en savoir plus à propos de cette sensibilité au surnaturel et de pouvoir fouiller le grenier… mais bon, elle prenait de l’avance là.

Ah et puis pouvoir rencontrer son père pas mort pour lui en mettre une.

Non mais.

Bref.

- Bref. Ses missions et son travail pour nous se sont espacés une fois qu’elle vous a rencontré monsieur Tersën. Et elle a été placée en service suspendu dès qu’elle s’est su enceinte : nous ne pouvions pas cautionner la mise en danger d’enfants, hors le franchissement du Voile est fortement déconseillé pour les femmes attendant un bébé. Pour les hommes aussi d’ailleurs, mais bon, ce cas de figure est quand même plus rare.

Personne ne releva.

- Une fois Camille mise au monde, nous n’avons plus sollicité Anna-Maria que pour des missions de consultation, puisqu’elle était mère mais possédait une sacrée collection d’archives… qui sont toujours dans votre grenier monsieur Tersën. Cela me fait penser que vous devriez peut-être vous pencher sur ces dernières pour le cas qui nous occupe.

- Plus tard. (L’intonation de Yan était aussi blanche que ses mains.) Qu’est-ce qu’elle a découvert sur ce cas ? C’est à cause de ça qu’elle est morte et vous nous avez refilé cette bombe sans même nous prévenir. Vous avez pensé à Camille et Brän ??!

Le chaton se fit tout petit sur le bar, oreilles collées au crâne et corps roulé-serré en une petite boule duveteuse et tremblante.

- Nous avons… eu des soucis internes…

~C’est pas vraiment une excuse…~

- Non en effet… mais nous sommes presque sûrs qu’un traître s’est glissé dans nos rangs. Entre autres parce que le transfert de bénédiction n’a pas fonctionné d’Anna-Maria à Elizabeth, et que jamais les événements de cette nuit là n’auraient dû se produire. Alors nous avons dû la jouer discrète… d’abord Annabelle, puis Spino, et ensuite Monsieur Schrödinger… et maintenant moi.

~On dirait l’administration française~

- Eli. Silence.

~Roh ça va !~

- Tout ce que je peux vous dire, c’est que les éléments découverts par Anna-Maria sont quasiment tous dans les documents que l’on vous a remis au commissariat. Lors de cette fameuse soirée… elle m’avait donné rendez-vous ici, afin de rencontrer quelqu’un. Mais elle ne m’a pas dit qui, ni pourquoi. Apparemment, elle avait découvert quelque chose d’important, peut-être le nom du tueur, mais voulait être sûre avant d’agir… elle m’a demandé de la rejoindre ici, et m’a prévenu que vous y seriez aussi Elizabeth. Je crois qu’elle voulait vous mettre dans la confidence. Elle avait vu… quelque chose en vous. Je ne saurai dire quoi, à part votre grande intelligence. Malheureusement, lorsque je suis arrivé, vous étiez déjà en train de vous battre avec des géants des glaces.

- Pardon ?

Un petit gris tomba sans grâce dans les restes du café viennois et s’y noya presque.

Plein de sollicitude, Seth le repêcha pour le mettre dans l’aquarium avec ses copains. Au rythme où Eli les produisait aujourd’hui, il allait bientôt pouvoir mettre « escargot en persillade » sur la carte du bar.

- Des géants des glaces. Nous avons eu… un léger souci avec leur roi, ce qui fait que les deux derniers hivers, ainsi que celui-ci, ont été très rudes. Le roi Loki a l’orgueil chatouilleux.

- Loki ? Comme le Loki des légendes nordiques ?

- Lui-même monsieur Noctris, lui-même.

Le lui-même qui la regardait présentement se taper son flash-back tout en sirotant du thé surgi de nulle part. Oui vous avez bien lu.

L’enfoiré.

Le visage toujours livide, Yan continua :

- Donc. Mon épouse est morte parce que vous avez vexé un dieu et qu’il s’est vengé ? Et il est toujours en liberté ?

- Erm. Eh bien. Non. Enfin. Si. Un peu. Mais pas vraiment. C’est quand même le directeur du BDM à la base… à vrai dire, il n’y était pour rien dans l’attaque des deux géants. On ne sait toujours pas qui leur a lancé un sort d’obéissance, mais ils n’agissaient pas de leur propre chef. Toujours est-ils qu’ils étaient là et… j’ai fait ce que j’ai pu.

Un silence pesant régnait dans le Hell’s café. Dans le vivarium, le petit gris tombé dans le café viennois traversait à toute vitesse les parois de verre.

- Tu es mort aussi cette nuit là.

- Certes. J’ai achevé ma septième vie et c’était assez moche à voir.

- Anna-Maria…

- N’a pas souffert. Ils ont… gelé son cœur, tout simplement. C’est là que les talents de mademoiselle Lin se sont réveillés.

- Mes talents ?

- Vous avez littéralement vomi une malédiction ma chère. Une… énorme et gluante malédiction. Elle a dévoré trois géants et coupé en deux un quatrième avant de mourir à cause du sel de déneigement présent sur le sol du parc. Ç’a un peu, mh, refroidi les ardeurs de vos agresseurs. Juste assez pour que le seigneur Loki puisse intervenir. Vous l’avez giflé, d’ailleurs.

Seth secoua la tête, blasé.

- Pourquoi ça ne m’étonne même pas ?…

- … Il… a tenté de toucher ma sœur…

Pour la première fois depuis le début de la conversation, Yan quitta Sugar-Rose des yeux pour les braquer sur Elizabeth.

- Tu t’en souviens ?

Elle se frotta la tempe, perplexe.

- Vaguement.

Délicatement, elle posa la limace qui venait de s’échapper de sa gorge sur le comptoir, faisant grimacer Seth qui s’empressa de la récupérer avec une pince à glaçon pour la mettre dans le broyeur de l’évier. Or de question de laisser ce truc gluant se balader sur la surface de SON comptoir !

- Je me souviens… du froid. De l’incrédulité…

Mais pas de la peur. Non. Elle n’avait pas eu peur. Elle avait été furieuse, en colère, incrédule, mais pas effrayée.

- D’Anna qui essayait de m’expliquer quelque chose… quelque chose d’important. En rapport avec toi Yan. Et avec ton travail. Et les chats. Et… et ensuite les géants. Et puis ce type odieux qui a commencé par faire des commentaires sur la tenue d’Anna et comme quoi c’était pas possible qu’une personne aussi mal fringuée ait pu dézinguer ses géants. Alors je l’ai frappé. Il n’en revenait pas.

- Je confirme. C’est rare qu’un humain puisse le toucher. Il n’est pas tout à fait dans notre réalité voyez-vous ? Mais la gifle d’Elizabeth l’a frappé en plein visage, de même que le coup de poing qui a suivit. Du coup il vous a gelé le cerveau d’une pichenette et m’a congelé au passage.

- Hein ?

- Enfin il a essayé. Moi en tous cas je me suis retrouvé congelé dans l’instant, mais vous mademoiselle Lin, vous l’avez regardé bien en face, sans bouger un seul muscle, et vous lui avait vomi un serpent monstrueux au visage. Il a juste eu le temps de prononcer le nom du serpent avant de se faire dévorer. Je suis mort la seconde d’après… je n’en sais donc pas plus.

Dévoré ?

… Il avait l’air bien benoît pour un dieu qui s’était fait dévorer…

Comme s’il avait lu dans son esprit, Loki croisa les jambes, exhibant ses magnifiques bottes en peau de serpent. Ah.

- C’est n’importe quoi.

Yan avait l’air un peu à bout de nerfs…

- C’est pourtant la vérité monsieur Tersën.

- C’est N’IMPORTE QUOI !!!

Le hurlement du policier les fit tous sursauter, de même que son brusque recul en arrière, qui renversa avec fracas son tabouret sur le plancher du Hell’s. Livide, l’homme crispait et décrispait les poings, la mâchoire tremblante et l’œil fou.

- Ça suffit. Les limaces. Les cadavres qui marchent. Les vers qui parlent. Les chats qui parlent. Les dieux et les guerres secrètes. C’est N’IMPORTE QUOI !

- Oh. Je crois que monsieur Tersën fait une crise de nerfs…

- Ta gueule Sugar.

L’injonction fut accompagnée d’une petite tape sur la tête de la part de Seth, ce qui vexa grandement le chaton qui préféra se rouler en boule pour bouder plutôt que de s’occuper des humains en train de péter un câble. Enfin de l’humain. Elizabeth, elle, était descendue de sa chaise pour s’approcher de son beau-frère, les mains bien en évidence.

- Yan. Yan je sais que c’est compliqué et… et incroyable. Littéralement. Mais… mais ça colle avec ce dont je me souviens.

- Non.

- Yan.

- NON !

Il y avait tellement de désespoir dans ce dernier mot…

Bien plus qu’Eli ne se sentait capable de gérer.

Elle régla donc le problème d’une manchette bien propre au niveau de la tempe, envoyant son beau frère au tapis pour le compte.

Fin du flash-back.

Enfin.

- … j’ai terriblement envie de vous gifler de nouveau, vous savez ?

En face d’elle Loki se fendit d’un grand sourire.

- Je suis prêt maintenant. Je devrais pouvoir y échapper.

- C’est nul.

- Tu prends vraiment tout ça étonnamment bien…

- Une fois qu’on a atteint le fond du n’importe quoi, on s’habitue à tout.