Chapitre 12 : Vendredi 16 mai : Le bon, la brute et la belle

Vendredi 16 mai : Le bon, la brute et la belle

 

            Lesage passe me voir vers 11 heures. Il semble se tâter concernant le retrait du drain. J’interviens donc :

« C’est bon maintenant, il n’est plus nécessaire !

-          Vous avez un diplôme de médecine ?

-          Non, mais j’ai potassé cette semaine avec les stagiaires. »

Il finit par dire à son assistant de me retirer le tuyau qui se promène dans ma guibole. J’ai l’impression qu’on m’arrache une partie de mon anatomie ! Mon corps avait adopté ce bout de plastique salvateur. Immédiatement après, je saute sur l’occasion pour réclamer ma libération conditionnelle à Lesage.

« Ce sera contre mon avis, vous vous en doutez.

-          Avec une décharge signée, vous ne prenez pas de risque.

-          Ce n’est pas moi qui en prends.

-          Je me sens beaucoup mieux et ces trois jours de repos m’ont été salutaires.

-          A la réflexion sur la nécessité de vous reposer ?

-          Pas spécialement. Plutôt à la reprise de forces pour les jours à venir.

-          Les soupçons qui pesaient sur moi sont-ils définitivement tombés ?

-          Oui.

-          Bon. Les conseils sont toujours les mêmes. Tâchez cette fois de les appliquer. On se revoit mardi prochain.

-          N’oubliez pas ma prescription d’antalgiques et à  samedi soir peut-être … »

Il me jette un regard d’incompréhension et sort de la chambre en hochant de la tête.

A 14 heures, c’est l’heure des départs. Paul va venir me chercher. Une infirmière me remet une attèle, m’aide à m’habiller et à m’installer ensuite dans une chaise roulante.

«  Vous n’aurez qu’à la laisser à l’accueil. »

            En attendant mon taximan, je prends l’air aseptisé dans le couloir. Je suis à nouveau en route vers ma chambre quand je vois Paul passer à toute vitesse à côté de moi pour s’engouffrer dans la 418. Il ne m’a même pas remarquée ! Je fais faire demi-tour à mon véhicule et attends la suite des événements. Je l’entends ressortir derrière moi et repasser à nouveau à un mètre de mon bras pour aller vers le bureau des infirmières. Il demande à la première qui s’intéresse à lui :

« Excusez-moi. Je viens chercher Mademoiselle Morel à la 418. Il y a ses affaires mais elle n’est pas dans la chambre. »     

            La femme en blanc me regarde et dit à Paul en souriant :

« Euh … elle est derrière vous ! »

            Paul se retourne et me voit enfin ! Je suis les bras croisés avec un sourire malicieux.

« Alors, tu viens me chercher ou tu as trouvé une autre victime plus séduisante.

-          Aucune ne t’arrive à la cheville. Tu aurais pu me signaler ta présence avant que je me rende ridicule.

-          Le ridicule ne tue pas. Sinon, j’aurais trépassé depuis longtemps, crois-moi. Il fait juste rire les autres ; ce qui allonge leur durée de vie. Alors, on y va ? 

-          Tu es sûre qu’il ne vaut pas mieux que tu restes encore ici ?

-          J’ai signé la décharge. Je ne changerai pas d’avis.

-          On dit que seuls les imbéciles ne changent pas d’avis.

-          Et ceux qui n’ont pas le choix car ils doivent aller bosser ! »

Dans le couloir, nous croisons une personne qui sort de la salle d’opération. Elle a un bras dans le plâtre et les deux jambes en extension. Je ne peux m’empêcher de lui lancer un « Bon courage ».

Paul me charge avec mon sac et mes bâtons dans sa voiture. Il part ensuite rendre mon mini carrosse à l’entrée. Il me propose d’aller faire quelques courses :

« Je vais te déposer d’abord chez toi. Tu me feras une liste

-          Non, je préfère t’accompagner. Je suis restée enfermée pendant quatre jours, j’ai besoin de faire le plein d’air pur. »

Sur le parking du supermarché, je vois Paul observer les voitures aux alentours.

« Qu’est-ce que tu cherches ? Si quelqu’un a une bagnole encore plus pourrie que la tienne ?

-          Non ... attends-moi ici. J’en ai pour une minute. »

Il me laisse plantée devant l’entrée du magasin. Je le vois se diriger vers une 4 X 4 noire. Il en fait le tour, en inspecte l’avant et revient vers moi.

« Alors ? Elle est suspecte aussi ?

-          Non. Elle ne porte aucune marque d’accident.

-          Laisse tomber. Le chauffeur l’aura sûrement déjà faite réparer. Et ce n’est peut-être même pas quelqu’un du coin.

-          Je sais. J’y ai pensé aussi mais j’espère toujours lui mettre la main dessus à ce sale type ! »

Nous entrons dans le supermarché. Dans le rayon musical, nous faisons une halte pour enfiler les casques qui permettent d’écouter les nouveautés en vente. Paul me demande :

« Qu’est-ce que tu aimes comme genre de musique ?

-          Tout ce qui se danse.

-          C’est vaste !

-          Et toi ?

-          J’aime plutôt ce qui détend comme la musique classique ou les balades. J’apprécie aussi les rythmes exotiques : africains, latinos, asiatiques.

-          Le voyage par les oreilles !

-          C’est tout à fait ça.

-          Moi, ça m’endort. »

Nous continuons vers les rayons qui nourrissent plus le corps que l’esprit. Le long du couloir principal se trouvent plusieurs petits stands où l’on nous propose de goûter divers produits. Nous testons du pâté. Au promoteur qui me demande mon avis, je réponds :

« Si un jour vous vous retrouvez à l’hôpital, prenez un de vos pots pour leur faire goûter. Ils changeront peut-être de fournisseur à la grande joie des patients et de votre patron.

-          Je m’en souviendrai.

-          Je vous voulez, je peux vous y aider. Un bon coup de béquille dans la rotule et vous y êtes dans moins d’une demi-heure !

-          Non, sans façon. Merci.

-          Alors au revoir. »

Nous nous éloignons en rigolant. Plus loin, d’autres stands nous proposent une nouvelle marque de soda, des biscuits allégés en sucre, et même un yaourt qui protège des maladies ! Ils devraient en créer un qui protège des accidents !

« Une personne fauchée peut venir se remplir le ventre gratuitement ici. »

            Je dévalise le rayon des produits laitiers.

«Tu n’as pas besoin de fruits, de légumes, de viande ?

-          Non, il m’en reste encore car ma sœur en avait acheté lundi.

-          J’espère qu’ils sont encore mangeables !

-          Sinon, ce sera une bonne excuse pour ne pas en manger. Je n’aime pas trop les végétaux en général. Alors, je prends les légumes en soupe et les fruits en jus.»

Nous passons en caisse. Paul vide le caddy et le remplit au bout du tapis roulant pendant que je paie. Il charge ensuite tout dans son coffre.

« Tu as encore besoin de quelque chose ?

-          Oui, à la pharmacie !

-          On y va. »

J’attends dans la voiture. Paul ressort et me donne la précieuse boîte que je fourre dans mon sac.

« Tu viens toujours à la même pharmacie ?

-          Oui. La patronne est sympa et elle a un système de carte de fidélité. La onzième boîte d’aspirine est gratuite.

-          Ca ne marche que pour les aspirines ?

-          Tu peux aussi choisir des pansements ou une brosse à dents.

-          C’est toujours utile. Grâce à cela, elle garde des clients. »

A la maison, il me débarque et range mes courses.

« Je suis désolé de ne pas pouvoir rester. Je dois repartir au bureau.

-          C’est normal.

-          Repose-toi bien. Demande à Corinne de te remplacer encore pour ce soir.

-          Oui … c’est une bonne idée. A demain.

-          A demain. »

Paul sorti, je bourre la machine à lessiver et l’allume. Je ne compte pas ennuyer à nouveau Corinne bien que la perspective de retourner travailler dans quelques heures me rende maussade. Je me couche pour prendre des forces. Je saisis le combiné pour téléphoner à ma chère sœur :

« Allô, Val. Devine d’où je t’appelle ?

-          Des Bahamas ?

-          Très drôle ! De chez moi ! J’ai gagné mon pari. Tu me dois un gage, ma vieille !

-          Inconsciente.

-          Non, fauchée.

-          Tu ne vas tout de même pas retourner au turbin !

-          Tu me connais.

-          Oui, justement.

-          Donc, tu sais ce que je vais faire. A plus tard ! Je vais réfléchir à ton gage.

-          Donne de tes nouvelles.

-          D’accord. »

J’entre dans le café à 20 heures tapantes. Je n’échange ni une parole ni un regard avec le boss et commence mon interminable va-et-vient. Vers 23 h 30, un groupe de quatre motards en cuir noir entre et s’installe dans ma salle. Ils sont déjà venus et, à chaque fois, leur chef essaie de me peloter. Je demande à Didier d’aller prendre  leur commande. Mais j’entends : « On veux que ce soit la petite qui vienne nous servir sinon on s’en va. ».

Le patron me fait signe d’obéir. Arrivée à table, je me positionne le plus loin possible du peloteur professionnel. Ses trois amis commandent et, lui, me sort d’un ton mielleux : « Viens près de moi, je vais te chuchoter ce que je veux boire dans l’oreille.

-          Je n’ai pas le temps, désolée. Qu’est-ce que vous consommerez ?

-          Tu n’as pas compris que le client est roi ? Alors viens ici. »

Qu’est-ce qu’il m’énerve ! A cours de répartie et avec l’envie d’en finir rapidement, je m’approche.

« Dis donc, tu étais plus sexy avec ta mini jupe de la dernière fois. »

D’une main, il feuillette le livret des consommations, de l’autre, il soulève lentement ma jupe.

« Arrêtez s’il vous plaît !

-          Quoi … tu n’aimes pas qu’on te trouve attirante ? Tu auras droit à un beau pourboire tu sais !

-          Pour la dernière fois, je vous demande poliment de cesser !

-          Oh, mais c’est qu’elle s’énerve la petite chatte. »

Comme il continue son manège, ma main gauche part toute seule gifler le motard rouquin de plus de cent kilos. Ses lunettes de soleil volent à dix mètres. Furieux, le gars se lève et m’assène un violent coup de poing en pleine figure. Tel un château de cartes en pleine bourrasque, je m’écroule. Il s’approche et continue avec un coup de pied non retenu dans mon genou droit :

« Alors, on fait moins la maligne par terre ! »

J’ai peur … il veut m’achever :

« NON ! »

Didier accourt et s’interpose. Je n’entends pas ce qu’il leur dit car je suis en train de me tordre de douleur sur le parquet du café. Je vois ensuite le groupe se lever et sortir. Didier revient avec deux petits sacs contenant des glaçons. Un pour ma joue, l’autre pour mon genou.

« Tu veux qu’on appelle les secours ?

-          Non, je sors à peine de l’hosto. Donne-moi juste un verre d’eau et laisse-moi dix minutes pour récupérer. »

J’avale mon cachet miracle et ferme les yeux. Je dois avoir l’air bête. Les secondes s’égrènent au rythme des battements douloureux de mon genou et ma mâchoire. Peu à peu, les chaises sont retournées sur les tables et les lampes s’éteignent. Didier s’approche de moi.

« Tu  as voulu faire un remake de David et Goliath ?

-          Non. Plutôt la vengeance d’une brune. Il me dégoûte ce type.

-          Bon, tu ne vas pas dormir ici. Un coup de main ?

-          Oui, assez de coup de pied pour ce soir ! »

La remise en position verticale est si douloureuse que je tombe dans les bras de Didier (au sens propre car au, sens figuré, c’est dans ceux de Paul que je suis déjà !).

Un bruit de vaisselle me rappelle à la réalité. Je suis dans une petite chambre sombre. Je reconnais le dos de Didier qui s’affaire dans un vieil évier en inox à la lumière de la flamme d’un chauffe-eau.

« Voilà donc ton chez toi.

-          Ah. Tu reviens parmi les vivants. J’ai préféré t’épargner la route du retour.

-          J’espère que tu ne t’es pas trop fait mal au dos en me portant.

-          Tu parles ! Tu es plus légère que deux bacs de bières.

-          Merci pour la comparaison. C’est flatteur ! Je ne vais pas squatter ton lit plus longtemps, tu as aussi besoin de dormir. »

Ma tentative pour m’asseoir (avant celle de me lever) me rappelle rapidement le violent coup de santiags du motard puant. Didier me repousse vivement dans le lit.

« Reste tranquille ! Moi, je vais dormir dans le clic-clac. Qu’est-ce qui pourrait te soulager un peu ?

-          Pouvoir asséner un coup de marteau dans le genou de ce barbu en cuir noir !

-          Et à part ça ?

-          Ouvre un peu mon attèle. Elle me serre trop. »

Délicatement, il ouvre les bandes velcro. Mon genou qui commençait peu à peu à retrouver sa taille, sa forme et sa couleur d’origine jusqu’à ce soir, est à nouveau aussi gonflé et violet que le jour de l’accident.

« Tu devrais passer une radio. Il t’a peut-être cassé quelque chose.

-          Non, l’attèle a amorti une partie du choc. Regarde, elle est pliée. Donne-moi encore un peu de glaçons, s’il te plaît, et un petit coussin. »

Ce dernier est placé précautionneusement sous mon genou et la glace par-dessus. Une tisane de tilleul me permet de sombrer dans un profond sommeil. 

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dominosama
Posté le 17/04/2013
ça continue, la nana elle a la carément la poisse quoi. Y'a des mecs faudrait les émasculer on aurait peut-être la paix -_-! C'est pas dans le genoux que j'aurais eu envie de le frapper celui là pour me venger >_<
couscous1976
Posté le 17/04/2013
Oui, elle est très poissarde la pauvre. Une proie facile en plus.
arielleffe
Posté le 08/07/2013
Elle est maso, c'est pas possible autrement!!!
couscous1976
Posté le 08/07/2013
Un peu beaucoup. Elle est surtout têtue et un peu en manque d'argent.
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