chapitre 13 : Yaël

Par Maric
Notes de l’auteur : chapitre remanié

L'enquête

Je regarde Roland sortir avec les filles et je m’installe, songeur avec la meute qui me fixe gravement. Je suis encore sous le choc de cet échange musclé que je n’ai pas prémédité. Ma joue enflammée témoigne de la violence de la réaction d’Enora à ma provocation. La jeune femme effacée a finalement du caractère, ce n’est pas pour me déplaire. Haha comment elle me l’a collée la gifle, je l’ai sentie passée.

Je m’adosse au tronc d’un arbre et lève mon visage réjoui vers la brise légère qui rafraichit l’atmosphère de cette après-midi. Mon manque de sommeil me rattrape je sens mes paupières s’alourdir. J’entends une partie de la meute s’élancer vers le terrain d’entraînement tandis que les autres se chicanent en toute amitié.

Sira me saute brusquement dessus et me mordille l’épaule et le bras en grognant. La garce, elle a attendu que je baisse la garde pour se venger de mon mouvement de colère. Elle ne cherche pas vraiment à me blesser, elle me fait une remontrance, je rêve… mais c’est qui le chef ! en plus elle n’est pas particulièrement légère dans ce corps ! Ouch ! je vais me faire déchiqueter si je continue comme ça.

  • C’est la meilleure, je te rappelle que tu m’as volontairement contredit.
  • Ouais, mais c’est grâce à moi qu’elle a courbé ses défenses ce qui a permis qu’elle t’entende me crier dessus ! Alors on dit merci qui ?

C’est probable, oui ! Enora était tellement focalisée sur sa tentative d’approche que la réaction de Sira l’a autant surprise que réjouie. Je n’ai qu’à me souvenir de son sourire vainqueur.

  • D’accord, d’accord ! tu as gagné. Tu veux bien me laisser maintenant ?

Je repousse Sira en souriant malgré moi et l’expédie avec les autres à l’entraînement pour lui rappeler qui commande !

  • Tu es content de toi !

Roland, dont j’avais perçu l’approche pendant ma petite discussion avec cette peste de Sira, m’apostrophe avec un sourire railleur. Il se tient debout face à moi et me force à me tordre le cou pour le regarder. Il sait que j’ai horreur de ça !

  • Si tu veux qu’on parle, assieds-toi

Mon ton rien moins qu’amical ne le touche pas le moins du monde et je poursuis avec humeur :

  • Tu sais très bien ce qui s’est passé, tu suivais tout en direct, alors tu te calmes ! Dis-moi plutôt comment tu as justifié l’ouverture du portail.
  • Trompe-l’œil !

Je lève les yeux au ciel en soupirant et souriant malgré moi.

  • Mais bien sûr !

Roland me jette un coup d’œil malicieux avant de tourner son regard vers Nalia, qui danse autour d’un Orion placidement assis qui attend qu’elle se calme. Il reprend avec un sourire en coin

  • Etrange… c’est exactement, mot pour mot, ce qu’elle a dit.

Je lui donne une tape sur la nuque et l’entendre jurer dans mon crane… et à voix haute me met en joie. Finalement nous nous regardons les yeux brillant d’excitation et de soulagement. L’initiative de Sira, bien que contestable, nous a bien servis.

Nous devons maintenant faire le point sur ce que Laure nous a appris bien malgré elle. Nous sommes restés en surface pour ne pas déterrer d’éventuels secrets qui ne nous regardent pas. En général, les évènements qu’une personne veut oublier ou qui sont sensibles sont enfouis au fin fond de sa psyché.

Comme à notre habitude nous nous bousculons comme deux gamins pour entrer dans la maison avant de redevenir sérieux et de nous mettre au travail.

Quelques heures plus tard

Je récapitule ce que nous savons sur un tableau. D’après les informations que nous avons récoltées, Eliane, la mère d’Enora était dépositaire d’un pouvoir puissant puisqu’elle a pu bloquer celui de sa fille. Cette capacité rarissime, n’est mentionné dans aucune archive concernant les renégats qui ont accepté l’exil sur terre, sans espoir de retour et dépouillé de tout pouvoir et des souvenirs de leur terre.

De tous les descendants surveillés par les sentinelles, aucun n’a fait montre d’un quelconque pouvoir et les unions avec des terriens ont peu à peu dilués les capacités originelles. Des facultés notamment de prémonition ont bien émergées ici et là mais sans conséquence pour notre monde.

Nous ne pouvons rattacher Eliane à aucun arbre généalogique. Nos agents ont remonté la filiation à partir d’Enora et ne trouvent nulle trace de ses arrières grands-parents maternels comme s’ils n’avaient jamais existé. La branche paraît avoir pris naissance avec les parents d'Eliane et Philippe le père de Laure.

Je regarde le tableau en réfléchissant. Il y a forcément quelque chose qui nous échappe.

  • Laure ne connaît pas ses grands-parents, son père n’en parle jamais, l’impression qui domine en elle est qu’il les a oubliés… ou veut les oublier. Les rares fois où elle a posé des questions, il semblait chercher dans sa mémoire et lui répondait invariablement qu’il ne souhaitait pas en parler. Ensuite il paraissait soucieux.

Roland vient encore une fois de faire la synthèse de ce nous avons lu dans l’esprit de Laure et soudain je frémis. Une possibilité émerge doucement, mais elle est tellement improbable que je la laisse prendre place peu à peu et se développer. Je m’attache à la dernière partie « il paraissait soucieux ». Bon sang ! je me redresse, me frotte le visage complètement sous le choc.

  • Dissimulation !

Roland me regarde avec les yeux ronds avant de percuter et de s’écrier :

  • Putain ! un sort de dissimulation ! C’est pas vrai ! L’enfoirée, elle a manipulé la mémoire de son frère et surement de ses parents pour couper tout lien.
  • Exact ! Mais ce que je ne comprends pas c’est pourquoi elle s’est rapprochée de son frère au lieu de se faire oublier.

Je me creuse les neurones en me repassant encore une fois le film des souvenirs de Laure. Eliane a changé en revenant de leurs vacances en Bretagne…

  • C’est ça ! lorsqu’elle est venue en vacances en Bretagne ses pouvoirs se sont révélés parce que nous somme nombreux sur la région et que nous dégageons beaucoup d’énergie. C’est pour ça qu’elle a changé et qu’elle revenait souvent ici.

Je tape dans la paume de mon ami. Encore un effort et nous auront déroulé le fil qui conduit à Enora.

  • Dissimulation, blocage de pouvoirs, c’était une puissante. J’ai du mal à croire qu’elle n’a pas anticipé l’accident.

Roland hoche la tête, il en est venu à la même conclusion.

Sally nous interrompt dans nos cogitations car la meute s’impatiente et veut savoir s’ils doivent nous attendre pour dîner. J’apprécie qu’ils ne se soient pas immiscés dans notre réflexion. Je prends conscience que mon estomac crie famine depuis un bon moment.

Roland et moi nous dirigeons vers la cuisine et ses délicieuses odeurs qui nous mettent l’eau à la bouche. Ça ne m’empêche pas de penser à cette femme qui a appris seule à maîtriser ses pouvoirs, la ramenant irrémédiablement à la sociopathe qu’au fond elle n’avait jamais réellement cessé d’être. Je suis effaré par la volonté de fer qu’elle a développé pour y parvenir, jusqu’à négliger sa propre fille.

Je laisse mes compagnons chahuter tandis que je pense à Enora qui a hérité des pouvoirs de sa mère… voire plus encore. Eliane a-t-elle craint que sa fille ne la surpasse en puissance ?

Je sens que mes compagnons frappent à la porte de mes pensées pour m’en faire sortir et partager ce moment convivial avec eux. Je soupire et revient à la réalité pour me mêler à eux. Sally nous a, comme d’habitude, gâtés et après un bon rôti de bœuf, accompagné de savoureuses pommes de terre sautées, nous dégustons tranquillement notre café accompagné d’un délicieux far aux pruneaux tout en nous taquinant. J’ai envie de décompresser et de bouger. Je sais que je ne vais pas faire que des heureux, j’en ricane en mon for intérieur.

  • On s’est bien empiffré, maintenant il faut éliminer. Allez, la troupe, on sort !

Si la meute s’excite en courant autour de moi, Roland, lui, traine des pieds. Mais il n’est pas question de se relâcher. L’entraînement laisse à désirer ces derniers jours. Je suis sympa, ce sera une bonne marche dans les bois, histoire de s’aérer « fais pas la gueule, ami ! j’aurais pu exiger un footing ». Je suis aux anges quand il m’envoie une réponse très explicite « va te faire foutre, ducon ! » Je souris à la nuit qui est tombée et respire à plein poumon. « moi aussi je t’aime abruti ! ».

Après deux bonnes heures de marche qui nous ont bien décrassé le corps et l’esprit, j’accompagne la meute à ses quartiers. Se défouler à leur aise dans ce bois que nous avons acquis spécialement pour eux, leur fait beaucoup de bien. Ils sont calmes. Je les regarde s’installer chacun sur leur coussin ce qui me fait sourire.

  • Tu peux rester un peu ? me demande Vigo, je crois que nos amis loups ont besoin de leur alpha.

Le reste de la meute approuve et je suis quelque peu décontenancé. S’ils savent que je m’occupe de leur loup quand ils ne sont pas aux commandes, ils ne me l’avaient, cependant, jamais demandé… jusqu’à aujourd’hui. J’espère une explication qui ne vient pas et je ne tente pas de la pêcher dans leur psyché. S’ils ont quelque chose à me dire concernant leur compagnon, ils me le diront en temps voulu. Mon devoir d’alpha est de veiller à leur bien-être et je le fais avec plaisir.

Je sais que mes amis ont rejoint les bras de morphée lorsque les loups se déplacent pour se rapprocher les uns des autres… et de moi. Je prends mon temps pour les caresser et leur parler car s’ils ne comprennent pas ce que je leur raconte, en dehors des ordres, ils aiment le son de ma voix.

Je me demande ce que fait Enora et cela m’agace et me trouble. Je laisse mes compagnons à quatre pattes à leur repos et me dirige vers mes appartements. L’énergie du lien rouge n’a pas encore fluctuée, il est toujours à sa place. J’espère que cette nuit il nous rejoindra sur la toile.

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Laure Imésio
Posté le 09/08/2022
Coucou Maric,
On avance dans les révélations cette fois-ci grâce au point de vue de l'autre monde. J'aime toujours autant cette alternance. On est pris par cette histoire, mais peut-être que nos deux amis trouvent un peu trop vite le fil conducteur. Le passage du bilan au tableau serait peut-être plus vivant sous forme de dialogue ou une recherche dans une bibliothèque mentale de cas similaires , ou d'archives, de rapports...
Quelques petites coquilles pour finir :
ont peu à peu dilués (dilué)
ont bien émergées, (émergé) nous somme (s)
A bientôt !
Maric
Posté le 10/08/2022
Coucou Laure
Contente que ça te plaise
Tes remarques m'aident beaucoup et j'en tiendrai compte lors de la réécriture. Je comprends qu'il faut que je détaille un peu plus la recherche
Merci également pour les coquilles
A bientôt
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