Chapitre 14 : Enora

Par Maric
Notes de l’auteur : chapitre remanié

Agression

Nous nous promenons tranquillement dans cette paisible campagne proche de la maison. Depuis deux jours, j’ai eu le temps de digérer les informations de Laure. Je lui ai parlé de l’homme mort près de chez nous et des traces de pas. Son inquiétude a ravivé la mienne et mon alarme est toujours active. Je suis attentive et en sortant, sans en avoir l’air, j’ai regardé le sol pour m’assurer qu’il ne comportait pas de marque. Je sais c’est fou, mais mon intuition ne me lâche pas.

Sans surprise, je n’ai pas eu non plus de nouvelles des deux lascars et bien que je m’en défende, cela me fait mal. Heureusement, la nuit je rejoins mon ciel de fils, ce rêve récurrent est étrange mais tellement beau que je me moque de savoir ce qu’il est. J’attends de retrouver mon fil bleu qui m’évite toujours mais qui reste néanmoins non loin de moi. J’ai même l’impression qu’il rejette au loin les fils qui voudraient se rapprocher.

  • Qu’est-ce qui te fait rire ?

Laure vient d’interrompre mes divagations et je lui réponds le rire au bord des lèvres.

  • Un songe que j’ai fait où un fil était jaloux d’autres fils.

Je ne crains pas de lui dire la vérité mais je lui cache que celui-ci vient me visiter pratiquement toutes les nuits depuis le manoir.

Elle rit avec moi et nous dissertons un moment sur l’absurdité des rêves, des cauchemars qui nous réveillent, en retournant vers la maison. Cette promenade après le dîner nous fait du bien. La nuit s’est doucement installée et c’est sous la clarté lunaire que nous entrons chez nous.

Je m’arrête brusquement à peine franchi le seuil de la porte. Les poils se dressent sur mes bras et un frisson me descend le long de l’échine. Laure qui m’est rentrée dedans pousse un cri. A travers le rectangle lumineux de la fenêtre je devine une ombre dont les yeux luminescents percent la noirceur et semblent suspendus dans le vide. Je pousse le même cri que ma cousine et ensemble, tremblantes nous fuyons vers le jardin où une autre ombre nous attend.

Le rayonnement de la lune me permet d’y voir assez clair pour distinguer l’homme en face de nous qui ne bouge pas et semble attendre. Il attend son compère qui arrive derrière nous.

Je suis statufiée par la terreur. Nous nous agrippons l’une à l’autre avec ma cousine. Nous essayons de passer entre les deux hommes qui ne bougent pratiquement pas et n’émettent aucun son. Un éclair bleuté frappe et j’ai juste le temps de reculer pour ne pas être touchée. C’est mon instinct qui a agit car je n’ai pas vue d’où venait l’attaque.

  • C’est… c’est sorti de sa main, halète ma cousine en me montrant l’un des agresseurs. En effet, un éclair palpite au creux de sa main. Ma raison réfute cette réalité, mais une petite voix me dit que j’ai plutôt intérêt à accepter ce qui se passe si je veux en sortir vivante.

Je cherche désespérément une solution pour nous sortir de là, mais rien ne vient. Que puis-je faire face à cette… chose !

Un autre éclair jaillit et je pousse un hurlement. Laure en voulant s’enfuir a reçu la charge et s’est écroulée. Je la rejoins refusant cette vision de son corps immobile et recroquevillé. Je la prends dans mes bras. Son corps est lourd et du sang coule de son nez. Je suis affolée et je regarde les hommes qui préparent une nouvelle attaque. Je dois faire quelque chose, je ne veux pas qu’elle meure. Je tremble à la fois de peur et de colère. Qui sont ces hommes qui tuent impassibles, indifférents à ma douleur.

Une énergie foudroyante s'empare de moi et fait crépiter l’air autour de nous. Je me redresse, les jambes flageolantes et je me laisse guider par cette force nouvelle.

Un rictus hideux étire les lèvres de l’homme le plus proche me faisant frissonner, l’autre en face reste en arrière comme un observateur.

  • E..no..ra !

La voix qui a prononcé mon prénom est basse et râpeuse comme si l’homme avait du gravier dans la gorge. La peur me hérisse, mais cette force inconnue s’empare de moi. « Laisses toi guider par ton pouvoir ». Cette voix douce et masculine à l’intérieur de mon esprit, qui devrait me terrifier, m’aide au contraire à me recentrer alors que mes yeux ne quittent pas l’homme du regard.

Je suis comme étrangère à moi-même et laisse mon instinct prendre les rênes. J’ai la sensation d’un insecte dont les pattes grattent pour entrer dans ma tête en une tentative d’infiltration. La réaction est instantanée, mes pensées sont immédiatement mises à l’abri dans le coffre-fort que fabrique mon esprit, tandis que le reste de ma psyché part à l’attaque. J’ignore comment je le sais, mais pour l’heure ça n’a aucune importance.

L’homme le plus proche fait un pas en avant. J’étouffe ma surprise dans ma main que je porte à ma bouche. Il n’a pas l’air de maîtriser son corps, il oscille, traine le pied et est légèrement penché en avant. Sa bouche est refermée sur un rictus que, en d’autres temps, j’aurais qualifié de souffrance. Il provoque une impression vaguement familière et un souvenir monte à la surface « the walking dead », la série postapocalyptique. Un zombie ! sans le sang, sans les tripes à l’air, juste dans sa façon de se tenir.

Je ne pense qu’à ma cousine et cette vision de folie ne doit pas me faire perdre mon sang froid. Je vois un arc électrique bleuté se dessiner à nouveau dans les mains de l’homme. Laure hoquette derrière moi, les Dieux en soient remerciés, elle est vivante ! je suis terrifiée mais je me concentre sur l’énergie « la magie ? » qui coule en moi.

J’expire et dans un souffle je balaie d’un ample mouvement des bras l’espace qui fluctue autour de nous et s’étire en un voile translucide qui scintille sous la lune. Lorsque l’arc électrique frappe avec une violence inouïe, il se brise sur le bouclier dont je nous ai entouré.

Bon ! maintenant, qu’est-ce que je fais ? Je tremble de tous mes membres. Nous sommes momentanément à l’abri, mais je ne sais pas combien de temps ce bouclier va tenir. Les hommes se déchainent et les éclairs frappent de plus en plus fort.

Je ne vois qu’une seule chose à faire, il nous faut de l’aide. Je concentre toute la force de mon esprit pour lancer un cri de désespoir « Yaël ! Yaël ! A l’aide ! »

La douleur me vrille le crâne, mais j’espère que mon appel a été entendu. A travers la bulle du bouclier je scrute les gestes de nos agresseurs, le cœur battant, je jette un coup d’œil à Laure qui ne geint plus et cela me terrifie. Je cherche son pouls et ne le trouve pas. Non, non, non… Je gémis et l’entoure de mes bras la redressant contre moi. Refusant de croire qu’elle m’a quittée. Non ! c’est impossible, je ne veux pas !

La rage m’embrase, la haine flambe contre ces hommes qui ne bougent toujours pas, leurs yeux cendrés, inexpressifs, toujours fixés sur moi. Je me recroqueville contre Laure pour la protéger autant que je le peux de mon corps car d’autres éclairs naissent de leurs mains et se transforment en flammèche. J’ai la sensation que ce léger répis qu'ils m'ont octroyé  leur a permis de recharger une batterie. Un déluge de feu s’abat sur le bouclier, je transpire, la chaleur est intenable, je ne sais pas combien de temps je vais tenir, je ne sais d’ailleurs pas comment il tient encore. Je crois que c’est la voix que j’entends qui me guide pour le maintenir.

Les deux hommes se regardent, le corps toujours chancelant, les épaules voutées, je me demande s’ils ne vont pas tomber. Je profite de ce moment d’inattention pour me projeter dans leurs pensées qu’ils n’ont pas bloquées « on part ! elle n’était pas censée avoir des pouvoirs » entends-je.

Une trouée apparaît soudain dans l’obscurité de la nuit, d’où sortent Yaël, Roland, un homme que je ne connais pas et deux loups. Mon cœur bat de reconnaissance et de soulagement.

Les loups attaquent immédiatement les deux hommes qui ne tentent pas de se défendre. Des éclairs fusent vers nos sauveurs, alors qu’une brume envahie l’espace et se déploie loin dans les environs.

Je suis avec inquiétude les contre-attaques de Yaël et Roland qui opposent un bouclier à chaque éclair et renvoient des billes de feu frappant violemment les torses des hommes, les faisant sursauter. Ceux-ci ploient mais ne tombent pas.

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Laure Imésio
Posté le 09/08/2022
Coucou,
Un très bon chapitre. On est au coeur de l'action, tu décris très bien le combat, et la découverte dans l'urgence des pouvoirs. Après l'accalmie des révélations, le danger et le surnaturel en action. On a hâte de lire la suite. A bientôt !
Laure Imésio
Posté le 09/08/2022
Ps: j'enlèverai juste "agression" au départ pour intensifier l'effet de surprise ! A bientôt !
Maric
Posté le 10/08/2022
Hello
Merci pour ta lecture et ton retour
Je vais réfléchir à Un autre titre :)
À bientôt
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