Chapitre 14 : De belles noces

Notes de l’auteur : TW : scène de sexe explicite.

Julien n’en revenait pas de se trouver en dehors du temple, et encore moins du fait que les autres résidents se trouvaient autour de lui. Des adorateurs de la mort sillonnant les rues et marchant sous le soleil, voilà qui n’était pas banale. Heureusement, le champ choisi par Syola et Thomas se trouvait à l’écart, évitant les intrus.

- Il fait un temps magnifique ! s’exclama Julien en s’émerveillant tandis que ses joues pétillaient sous les rayons de l’astre luisant.

- Merci, Gudje, rit Syola avant de s’éloigner pour rejoindre le haut prêtre Auguste.

Julien ne comprit pas la réponse de l’herboriste. Venait-elle d’invoquer un dieu ? Julien dut admettre de ne pas le savoir, n’étant pas calé sur les questions religieuses. Seul survivant d’une épidémie, le temple l’avait recueilli plusieurs hivers auparavant. Julien adorait cuisiner mais détestait lire.

L’adepte détailla Thomas. Le prêtre révoqué portait la robe de vénérateur de Chaak resserrée à la taille par sa ceinture. Du coup, il n’était pas révoqué. Ou bien l’était-il ? Julien n’y comprenait plus rien. Auguste échangeait avec le couple. Il ne pouvait pas avoir raté l’accessoire du prêtre révoqué. Pourtant, il ne disait rien. Julien décida de laisser tomber. Cela ne le regardait pas.

Le jeune adepte reporta son attention sur la mariée. Quelle belle femme ! Et cette robe noire ! Une vraie merveille ! Les broderies, les dentelles, les fils d’argent, la coupe, tout rehaussait les formes généreuses de l’herboriste. L’habit avait, sans nul doute, coûté une fortune. La jeune femme pouvait se le permettre. Son herboristerie tournait à plein régime.

Les invités se déplacèrent et Julien, un peu perdu, ne sut trop où se placer. Lorsqu’il retrouva enfin un bon angle de vue, Thomas se trouvait devant un autel sombre où trônait une statue de Chaak de petite taille. Syola, au bras d’Auguste, s’avançait.

Le haut prêtre se plaça devant le couple puis bénit Thomas avant de féliciter les deux mariés pour leur union. Julien fronça les sourcils. La mariée n’était-elle pas censée être bénie, elle aussi ? Le jeune adepte haussa les épaules. Il ne s’y connaissait pas assez bien. C’était sûrement normal.

Des feux d’artifice éclairèrent le ciel. Des cracheurs de feu et des prestidigitateurs montraient leurs talents. Julien ne constata la présence d’aucun voleur. Qui aurait voulu s’approcher d’une telle nuée de robes noires ? La nourriture débordait des tables autant que les boissons. Et ces femmes ! Toutes plus belles les unes que les autres.

L’une d’elle proposa à Julien un bon moment en sa compagnie. Julien se retrouva bredouillant, le bas ventre aussi dur que du bois mais la tête refusant piteusement.

- Je ne te demande pas d’argent, assura la fille qui, pourtant, était clairement une prostituée.

- C’est Syola qui paye ? bafouilla Julien.

- Nous sommes ici pour nous amuser et tu me plais bien. Allez, viens !

Julien ne se fit pas prier. Lorsqu’il ressortit du bosquet plus léger, il rejoignit Syola avec la ferme intention de la remercier. Des visages dans la foule attirèrent son attention. Son sang ne fit qu’un tour. Il courut pour rejoindre le jeune couple et le prévenir.

- Syola ? Thomas ? Vous avez vu ? Les conseillers de l’empereur sont là !

Syola et Thomas se tournèrent dans la direction désignée de façon fort peu polie par le doigt du jeune adepte.

- Il manque Teflan Stylus, fit remarquer Auguste.

Syola soupira d’aise.

- Souhaitez-vous que vous les fassions partir ? demanda Auguste.

- Non, dit Syola. Ils ne font rien. Ce sont mes clients aussi, après tout. C’est leur or qui a payé une majorité de la fête.

- Syola ! s’étrangla Thomas. Tu ne vas pas accepter leur présence tout de même.

- Si, trancha Syola.

- Syola ! s’écria Thomas.

- Il est ravi de leur présence, siffla Syola.

Julien n’avait pas la moindre idée de la personne à qui Syola venait de faire référence mais Thomas frémit et se soumit sans sourciller.

- Ils sont les bienvenus, confirma Thomas.

Julien ouvrit de grands yeux ahuris mais ne répliqua rien. Tout cela lui échappait. Malgré les invités hétéroclites, aucun incident ne fut à déplorer.

 

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La fête fut longue. Les invités enfin partis, Syola et Thomas rejoignirent l’herboristerie. Ils passèrent devant le brasero éteint où le tisonnier avait chauffé en début de matinée. Thomas s’était montré parfait. Chaak n’avait pas tari d’éloges, ravissant le prêtre.

Ils montèrent à l’étage pour rejoindre les appartements.

- Je suis rincé, annonça Thomas. Ça t’embête si on dort direct ? On a tout le temps et je ne veux pas faire ça vite fait.

Syola se tourna vers Chaak qui haussa les épaules.

- Comme tu veux, dit Syola qui n’était pas spécialement pressée.

Ils avaient tout le temps, après tout. Elle s’endormit à peine couchée, appréciant le contact du corps chaud de Thomas tout contre elle.

Un rayon de soleil l’éveilla. Avaient-ils oublié de fermer les rideaux ? Elle se souvenait pourtant bien les avoir clos. Et cette douceur ? Depuis quand ses draps étaient-ils en soie ? Elle ouvrit les yeux pour découvrir une pièce lumineuse, colorée, tout en bois et tapisserie, chandeliers en or massif, armoire en bois rare.

Elle se releva d’un bond pour se découvrir scrutée par des yeux d’un bleu profond. Syola papillonna. Dans le regard de Teflan Stylus, elle ne lut aucune méchanceté. Bien au contraire. Il était le miroir de la tristesse.

- Je suis tellement heureux de te retrouver. Je n’aurais jamais imaginé te revoir. Même dans mes rêves les plus fous, dit Teflan.

Syola ne sut comment le prendre. Elle se dégagea prudemment des couvertures. Teflan, assis sur le lit, se détourna d’elle, comme par pudeur.

- Il doit me haïr.

Syola n’avait pas la moindre idée de la personne à qui cette phrase se référait. Elle choisit de garder le silence, laissant Teflan Stylus parler. Il semblait avoir besoin de se confier. Cela sembla normal à Syola qu’il la choisisse elle pour ces confidences.

- Chaak, murmura Teflan, si bas que Syola dut tendre l’oreille pour l’entendre.

Syola ne comprenait pas. Le conseiller avait-il fini par devenir fou ? Était-il drogué et de ce fait, incohérent ?

- Je t’ai offerte à lui, chuchota-t-il.

Syola pinça les lèvres. Pourquoi lui jetait-il cela au visage ? Bien sûr qu’il l’avait marquée du sceau de la mort. Tous deux le savaient fort bien. À quoi bon remuer le passé ?

- Je le regrette tellement, sanglota Teflan.

Syola blêmit. Il l’avait enlevée pour finir le travail ? Se débarrasser d’elle ? Chaak laisserait-il cela se faire ? Permettrait-il à ses cultistes adorés de tuer sa créature ? Syola se trouva incapable de répondre à cette question.

Elle se souvint à quel point Chaak haïssait Teflan. Le dieu de la mort avait sautillé de joie en apprenant la présence des conseillers de l’empereur à son mariage avec Thomas… et deux fois plus encore en se rendant compte de l’absence de Teflan. Chaak n’avait montré qu’un bonheur intense de voir presque tous ces adeptes – il manquait Gudje qui avait refusé de sortir de son sous-sol protégé – réunis.

Était-ce la raison de la haine viscérale du dieu de la mort envers le conseiller ? Syola n’avait jamais compris pourquoi Chaak détestait celui qui l’avait offerte à lui. Savait-il que Teflan regrettait son geste ? Les dieux ne savent-ils pas tout ?

- Je voudrais tant pouvoir revenir en arrière.

La voix de Teflan se brisa, éraillée par le chagrin insoutenable qui l'étreignait. Syola constata avec effroi qu'il tremblait de tous ses membres, secoué par des sanglots déchirants. Des larmes amères s'écrasaient sur le sol entre ses pieds, telles des perles de souffrance pure. Le cœur de Syola se brisa en mille éclats devant ce spectacle poignant. Voir cet homme autrefois si fier, réduit à un tel état de détresse, la plongea dans des abîmes de souffrance indicibles. Il ressemblait à un gamin perdu, frêle et vulnérable, dépouillé de toute force.

La peine qui transperçait son regard lui fit l'effet d'un poignard planté dans sa chair. Le voir ainsi, brisé et anéanti, lui tordit les entrailles dans un étau de compassion. Ses yeux bleus noyés de larmes, ses épaules se soulevant par à-coups sous le poids du chagrin, son dos voûté par le fardeau de la douleur, Syola ne supporta pas davantage de le voir ainsi ravagé. Son cœur saignait à l'unisson de sa souffrance.

En douceur, elle s’approcha de lui et essuya une larme sur sa joue. Il leva des yeux éperdus vers elle. Il semblait perdu, un enfant abandonné n’attendant qu’une main tendue.

Syola fut envahie par l’odeur de Teflan. Il ne sentait plus la vanille et contrairement aux autres conseillers, ne puait pas l’huile de millepertuis. Il exhalait une odeur musquée de chêne et de champignons qui fit fondre Syola.

Elle le dévisagea, ne comprenant pas pourquoi elle eut soudain envie de le goûter, de le toucher, de le caresser. Elle voulait le couvrir d’amour, le rassurer, le voir sourire. Elle se pencha et déposa un baiser sur ses lèvres. Teflan répondit à son geste et leurs langues glissèrent à la rencontre de l’autre.

Syola se recula un peu pour constater que Teflan ne bougeait pas. Les mains le long du corps, il la transperçait d’un regard indéchiffrable. Surprise par son immobilité, Syola pencha la tête. Cette situation inattendue la mettait en défaut puis elle se ressaisit.

Elle avait besoin de le satisfaire, de le voir sourire, de l’entendre rire. Elle se leva et fit tomber sa robe, se retrouvant entièrement nu. Teflan la dévora des yeux mais ne broncha pas. L’esprit de Syola se mit en branle. Qu’aurait fait Veyne dans sa situation ? Comment la fille de joie aurait réagi face à un client visiblement désireux mais apathique ?

Le dérider malgré son atonie, décida Syola. D’un mouvement lent et sensuel, elle s’approcha de lui. Un frisson parcourut le corps du conseiller et son bas ne pouvait plus contenir l’érection qui comprimait le tissu.

Syola prit son temps, déposant des baisers sur les joues glabres rasées de près, descendit dans le cou, humant au passage ses flagrances musquées. Arrivée à la tunique, elle la défit et il leva volontiers les bras pour la laisser la lui retirer mais les membres retombèrent ensuite de chaque côté du corps, les mains sagement posées sur la couverture recouvrant le lit.

Syola ne comprenait pas pourquoi le conseiller lui laissait la main mais elle comptait bien se saisir de la perche. Il était tellement beau ! Passer à côté de cette merveille offerte serait un crime. Et puis, s’il ne voulait pas, il lui suffisait de dire stop ou de la repousser. Il faisait deux têtes de plus qu’elle et elle se trouvait dans sa chambre, au palais, dans son territoire. Il était en position de force. Son inaction prouvait son consentement.

Syola poursuivit la découverte du corps ciselé du conseiller en goûtant chaque parcelle de son torse aux muscles dessinés. Il frissonnait, se crispait, se tendait, mais restait aussi immobile qu’une statue. Ses mains serraient la couverture jusqu’à s’en faire blanchir les phalanges, constata Syola lorsqu’elle s’agenouilla devant lui pour entreprendre de défaire la lanière serrant son bas à ses hanches.

Teflan se souleva afin de permettre à Syola de descendre le tissu, libérant le sexe tendu et pulsant de désir. Syola plongea son regard dans celui bleu de son amant, se mordit la lèvre inférieure puis entreprit de caresser le sexe chaud et dur du conseiller. Tout en douceur, comme Veyne aimait à le répéter. Ne jamais oublier les bourses, rajoutait toujours Clara. Syola flatta les testicules puis, en ancrant toujours son regard dans celui de Teflan, elle entreprit de lécher le membre turgescent.

Teflan grogna, doux son, qui mit le feu entre les jambes de Syola. Elle avait tellement envie de chevaucher son amant, de le sentir coulisser en elle. Tout en douceur, tout en douceur, se répéta Syola. Veyne serait fière d’elle. Elle appliquait à merveille ses conseils et ceux de ses consœurs.

Syola léchait tout en massant les bourses et Teflan s’agrippait toujours au lit. Pourtant, son regard criait son désir. Mais pourquoi se retenait-il ?

Syola passa à l’attaque sans prévenir. Elle goba le sexe de Teflan mais se trouva incapable de l’avaler tout entier. Par les dieux, mais comment Astrid y parvenait-elle ? Syola comprenait maintenant mieux l’admiration de ses consœurs pour celle qui engloutissait tous les membres se proposant, sans regard pour leur longueur, leur épaisseur ou leur couleur.

Syola fit de son mieux. Contrôler son haut le cœur, répétait Astrid. Plus facile à dire qu’à faire, se rendit compte Syola qui ne lâcha pas l’affaire. Lorsqu’elle sentit les bourses se tendre, elle se retira pour se contenter du bout de la tige dressée.

Teflan gronda mais ses mains restèrent fermement fixées au matelas. Syola venait pourtant de le frustrer. N’importe quel homme l’aurait attrapée par la nuque, aurait engouffré ses doigts dans ses cheveux pour prendre le contrôle et obtenir son plaisir.

Le conseiller se retenait. Il lui cédait le pouvoir. Syola se redressa et sourit. Il s’offrait à elle. Il pensait qu’elle ne saurait pas quoi faire de lui ? Il se trompait. D’une main douce, elle poussa sur le sternum de son amant et il se laissa volontiers tomber en arrière sur le lit, sa bite dure cognant contre ses abdominaux.

Jamais elle n’aurait pu forcer un homme aussi fort à se coucher sans son consentement. Il obéissait à ses moindres désirs. Syola désirait cet homme, sans limite. Son bas-ventre criait famine. Elle devait le dévorer, maintenant. Assez joué. Elle ne tenait plus.

Elle l’enfourcha, écartant les jambes pour mettre ses cuisses de part et d’autre de son amant et de sa main, elle guida sa queue jusque dans son ventre chaud et humide.

Trempée, elle ne s’embarrassa pas d’une entrée en douceur. Elle voulait le sentir en elle, totalement, être remplie. Elle s’enfonça d’un coup, s’enivrant de la merveilleuse sensation. Les prostituées parlaient, certes, mais la pratique ne valait pas la théorie. Jamais Syola n’aurait cru cela aussi agréable.

Teflan ne semblant pas vouloir broncher, Syola commença à rouler des hanches tout en plaçant sa main droite sur son bouton sensible. La découverte de son propre corps, Syola l’avait faite avec Maïlysse, qui savait accueillir les clientes avec beaucoup de douceur.

Syola ne tarda pas à décoller. Les grognements de contentement de Teflan firent écho aux cris de plaisir féminin de Syola rebondissant sur les murs. Rassasiée – mais pour combien de temps ? - elle se laissa retomber sur le torse de son amant, se laissant bercer par ses battements cardiaques.

Des coups sur la porte la firent sursauter.

- Teflan ! La mission !

- J’arrive, Harlan ! gronda Teflan à travers la porte.

Il roula sur le côté, mettant Syola sur le dos puis se releva, le tout sans jamais l’avoir touchée. Il se rhabilla de gestes sûrs.

- Rhabille-toi. Je veux te montrer quelque chose, indiqua Teflan d’une voix douce.

Syola remit sa robe, déçue de ne pas pouvoir passer plus de temps en peau à peau avec son amant. Dès qu’elle fut vêtue, il se rendit à la porte et lui proposa d’un geste de le suivre. Elle parcourut à ses côtés les couloirs du palais jusqu’à une lourde porte de bois.

Derrière, un puissant établi en chêne massif trônait au centre d’une immense pièce aménagée avec goût, simplicité et praticité. Des dizaines de bocaux en verre soufflé, de paniers tressés et de sachets de toile jalonnaient les étagères solides. Un énorme mortier en pierre côtoyait d'antiques balances, le tout brillant d’une propreté étincelante. Dans un coin, un âtre n’attendait que d’être allumé pour projeter ses ombres sur les murs ocres. Un chaudron de cuivre s’ennuyait en attendant d’accueillir les préparations de l'herboriste.

Contre les murs, de longues tables recouvertes de linges brodés permettraient de faire sécher lavande, armoise ou valériane.

Quelques grimoires terminaient la collection.

- Non pas que tu en aies besoin, assura Teflan en suivant son regard vers les ouvrages. Nul doute que tu connais déjà leur contenu.

- C’est merveilleux, assura-t-elle, les yeux brillants.

Son atelier exiguë aux étagères branlantes et à la poussière indélogeable faisait triste mine à côté de cette merveille. Le jardin se révéla tout aussi fantastique, des parterres vides n’attendant qu’elle et d’autres proposant déjà de vigoureuses plantes médicinales.

« Ils te fourniraient le matériel, le jardin, les locaux. Tu ne travaillerais jamais que dans d’aussi bonnes conditions » se souvint Syola. Chaak avait dit ces mots. Il avait raison. Cet endroit constituait le paradis de n’importe quel herboriste.

- Voici ce dont nous avons besoin, indiqua Teflan en lui tendant un parchemin. J’ai à faire. Je reviendrai te voir pour le déjeuner. Travaille bien.

À ces mots, il quitta la pièce. Syola se retrouva seule. Elle observa autour d’elle et soudain, ce fut comme si elle sortait d’un rêve… ou d’un cauchemar ? Que venait-elle de faire ?

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