Chapitre 14 : Magie intra

Le lendemain matin, Marlène était excitée comme une puce en se rendant en cours de maniement de la magie. Elle allait enfin apprendre à se servir de la magie ! De la magie intra, certes, donc ses parents n'en profiteraient pas, mais tout de même !

Maître Gourdon s'occupa de Marlène en dernier. Amanda dut reproduire une partition de violon. Elle la déchiffra d'abord et fit quelques tests. Julie dut créer une ferme, avec tous les animaux, qu'on puisse les toucher, les voir, les entendre et également les sentir. Frédéric dut préparer un couscous. Naturellement, il ne nourrirait pas la personne qui le dégusterait, mais il devait donner l'illusion d'un vrai couscous. Maître Gourdon continua pour enfin arriver à Marlène.

- À ton tour d'utiliser la magie intra.

Marlène sourit pleinement.

- Ne t'attends pas à des miracles trop vite. Ça a l'air simple comme ça, fait par les autres, mais c'est en fait compliqué.

Marlène fit la moue mais décida de relever le défi. Elle allait lui montrer de quoi elle était capable.

- Comme toujours lorsqu'il s'agit de magie intra, continua le professeur, les sons sont les plus faciles à reproduire.

À ces mots, maître Gourdon fit apparaître un xylophone qu'elle lui tendit. Marlène s'en saisit, ainsi que du petit marteau en bois qui allait avec.

- Le but est que tu parviennes à créer, en magie intra, les notes de ce xylophone. Concentre-toi sur l'une d'elle et quand tu auras réussi, passe à une autre.

Marlène s'empara du petit marteau et frappa l'une des lattes de bois, au hasard. Le son se propagea dans l'air et Marlène n'eut pas la moindre idée de comment le reproduire.

- Rappelle-toi la théorie, dit maître Gourdon. Écoute ta gnosie, vois comme elle réagit au bruit et ensuite, reproduis la vibration.

Marlène essaya. Elle reproduisit le son, regarda comment la magie annonçait son arrivée. Elle vibrait d'une façon très particulière, qu'elle avait appris à interpréter comme un son depuis plusieurs semaines. Marlène tenta de faire en sorte que la magie agisse de la même façon. Une vibration, légère, se propagea dans la magie mais ça ne ressemblait en rien au son du xylophone.

- Entraîne-toi, finit maître Gourdon avant d'aller aider un élève en difficulté.

Julie se tourna vers Marlène qui affichait un air dépité. Julie sourit à son amie et lui fit un clin d'œil. Marlène sourit en retour et se mit au travail. De tout le cours, elle fut incapable de reproduire le son, ne produisit que des échos sans consistance ni signification dans la gnosie. Elle sentait d'ailleurs qu'elle dérangeait ses camarades mais elle s'en moquait. Elle ne comptait pas arrêter juste pour leur faire plaisir. Elle voulait y arriver, coûte que coûte.

- Dans cette classe, tout le monde sait utiliser des objets magiques simples ou dissociés, annonça monsieur Toupin au cours suivant. Nous allons donc désormais nous concentrer sur la recherche de l'effet des objets magiques.

Les élèves exprimèrent leur mécontentement mais monsieur Toupin ne s'en inquiéta nullement. Le professeur distribua à chacun une flûte en bois.

- À quoi bon ? grommela Marlène qui ne voyait pas l’intérêt.

- C’est nécessaire pour obtenir son DM3, indiqua Julie.

- Je m’en fous, murmura-t-elle.

Julie lui lança un regard ahuri.

- C’est vrai ! Qu’en ai-je à faire des diplômes ! Je ne suis pas là pour en obtenir mais pour apprendre à utiliser la magie. Je ne compte pas utiliser des objets magiques. Je veux manipuler la magie, faire voler des trucs.

- Faire voler des trucs ? répéta Julie, abasourdie.

C’était la représentation mentale que Marlène s’était toujours faite d’un magicien : un mec faisant voler des trucs. Jusque-là, la réalité était bien décevante. Seul le PBM faisait briller ses yeux.

- Mesdemoiselles ! gronda monsieur Toupin. L’exercice je vous prie !

Julie et Marlène se rendirent près d’une bibliothèque, se mirent devant et continuèrent à bavarder.

- Pourquoi tu veux faire voler des trucs ? demanda Julie, intriguée et amusée.

- Pourquoi pas ? Pour que mes parents le voient. Pour que tout le monde le voit ! C’est nul la magie intra. Je veux faire de la vraie magie !

- Les objets magiques sont des trucs visibles par tout le monde ! répliqua Julie.

- C’est de la triche, grommela Marlène. Un moyen pour les magiciens de pacotille de faire croire. Je vaux mieux que ça.

Julie se figea, glacée. Sa mâchoire se mit à trembler et elle s’éloigna en serrant les dents. Marlène ne l’en empêcha pas. Elle se saisit de son instrument. Une simple flûte en bois. Elle avait appris à en jouer dans son collège non magique. Sans l’activer, elle joua un petit air. Beaucoup d'élèves firent de même. Marlène rejoignit ses copines.

- Bon, on essaye réellement de trouver, cette fois ? proposa Julie à Amanda.

- Elle est en bois, commença Amanda.

- Quelle essence ? interrogea Julie.

Marlène se rendit dans le parc aux arbres avec sa gnosie et compara les essences.

- C’est de l’érable, annonça Marlène.

- Merci, magicienne douée, d’accepter d’aider les pauvres sorcières de pacotille que nous sommes, cingla Julie.

- Je ne disais pas ça pour toi ! s’exclama Marlène. Je comprends que ça vous soit nécessaire. Ne peux-tu comprendre que moi, ça ne m’intéresse pas ?

- Pourquoi viens-tu dans ce cours en ce cas ? interrogea Julie, amère.

- Pour vous accompagner, indiqua Marlène.

- Et pour avoir son DM3 éventuellement ? proposa Amanda.

- Elle a dit qu’elle s’en fichait des diplômes, précisa Julie.

- Elle n’a pas tort, dit Amanda.

Julie lui lança un regard éberlué.

- Ben quoi ? Je doute qu’elle ait besoin d’un quelconque diplôme. Franchement !

Amanda lança à Julie un regard signifiant « Vu ce qu’elle est ».

- Elle veut faire voler des trucs, maugréa Julie.

- Si elle sait faire voler des trucs, elle sera prise dans l’équipe de PBM, même sans diplôme, insista Amanda. C’est un luxe que je ne peux pas me permettre.

- Pourquoi ? demanda Marlène.

- Parce que je suis douée mais que je n’ai pas de magie à disposition. Je ne vise pas le DM3, Marlène, mais le diplôme maximal : le DM10. Pour l’obtenir, il me faut un accès à de la magie… beaucoup de magie.

- Tu veux te faire embaucher à l’école, comprit Marlène.

- Ou ailleurs mais dans tous ces endroits, les diplômes sont nécessaires, précisa Amanda. Je m’en vais dans trois semaines. D’ici là, j’aurai automatisé mon classement, me permettant d’obtenir le DM2. Je sais déjà utiliser la magie intra. Il ne me reste que les objets magiques pour obtenir le DM3.

- Il faut mettre les bouchées doubles ! s’exclama Marlène. Je devrais peut-être arrêter de venir en cours d’objets magiques. Je ne fais que vous empêcher de travailler en bavardant alors que pour vous, les diplômes sont importants.

- Oh non ! Reste, s’il te plaît ! Ça ne serait pas pareil sans toi, supplia Julie et Amanda confirma d’un geste de la tête.

Marlène soupira puis s’assit à côté de ses copines.

- Donc, c'est une flûte, commença Julie. Ça doit être lié à la musique, ou au moins au son. Et comme c'est de l'érable…

Marlène attendit la suite qui ne vint pas. Elle se tourna vers Julie, circonspecte.

- Quoi ? s'exclama Julie. Tu connais les propriétés magiques de l'érable ?

Marlène secoua la tête.

- Moi non plus ! confirma Julie. Il va falloir chercher.

Marlène sourit à la colère de son amie, puis se leva pour aller chercher un livre dans la petite bibliothèque. Marlène prit "Arbre et magie" et le rapporta. Marlène utilisa le sommaire pour trouver rapidement l'érable, tandis que Julie annonçait :

- J'ai activé l'objet, sans rien constater. J'y ai joué, tout en l'activant, et je n'ai remarqué non plus.

Marlène hocha distraitement la tête car ces informations n'étaient guère surprenantes. Avec monsieur Toupin, l'effet n'était jamais visible, ni évident.

- D'après le livre, seules les essences d'érables permettant la création de sirop d'érable ont des propriétés magiques. S'il s'agit d'une autre essence, il faut se contenter des propriétés magiques communes à tout ce qui est fait en bois.

- C'est le cas pour notre flûte ? interrogea Julie.

- Qu'en sais-je ? Dans le parc, il est simplement indiqué "Érable" sans précision supplémentaire.

- Quelles sont les essences permettant de créer du sirop d'érable ?interrogea Julie.

- Le livre ne le précise pas mais je peux aller chercher ailleurs.

Julie hocha la tête. Marlène retourna devant la bibliothèque. Aucun livre ne parlait du sirop d'érable. Elle alla donc voir monsieur Toupin, qui, assis à son bureau, observait ses élèves.

- Pourrais-je avoir un livre sur le sirop d'érable, s'il vous plaît ?

Monsieur Toupin fit apparaître un livre, qu'il tendit à Marlène, sans même la regarder.

- L'érable noir, l'érable à sucre ou l'érable rouge, annonça Marlène à Julie lorsqu'elle eut trouvé l'information dans le livre. Ça ne nous avance pas, puisque nous ne savons pas à laquelle nous avons affaire ici.

- Un expert en botanique pourrait nous le dire, dit Julie.

- On pourrait aller voir le jardinier qui s'occupe du parc, proposa Marlène.

Julie hocha la tête. Marlène demanda la permission à monsieur Toupin d'aller dans le parc et l'obtint. Sortir de la salle de classe lui plaisait beaucoup. Les filles se promenèrent en bavardant sans mettre beaucoup d’effort dans leur recherche du jardinier, qu’elles finirent tout de même par trouver. Ce dernier s'y connaissait fort bien en érable. Il annonça que l'espèce dans le parc était un érable du japon, magnifique car très coloré. Il annonça également que la flûte n'était pas faite dans cette essence-là.

- Pourtant, cette flûte a la même signature magique que cet arbre, fit remarquer Marlène.

- Bien sûr, jeune fille, répondit le jardinier, partagé entre l'agacement et le plaisir de partager son savoir. Les signatures magiques d'arbres de la même espèce sont si proches qu'il est difficile de les différencier. Du coup, toi, tu ne vois pas la différence. Cette flûte est bien faite en érable, mais pas dans cette essence-là. Moi, j'ai l'habitude alors je sais voir les infimes différences dans leur signature.

- Pouvez-vous déterminer de quelle essence il s'agit ? interrogea Julie.

- Je ne connais pas cette essence-là mais je ne suis pas un expert en érable, avoua le jardinier. Désolé, mais non.

- Pourriez-vous déterminer s'il s'agit d'érable à sirop ? demanda Marlène sans trop y croire.

- Leurs signatures, je les connais et… non, ça n'en est pas.

Julie et Marlène sourirent. Si elle n'avait pas trouvé l'essence exacte, au moins, elles pouvaient éliminer une piste.

- Merci beaucoup ! s'exclamèrent les deux adolescentes avant de retourner dans la salle de classe.

- Du nouveau ? murmura Samuel.

- Occupe-toi de ta flûte ! répliqua Julie avant de s’asseoir.

- Donc, cette flûte n'a rien de plus que les propriétés magiques du bois, rappela Marlène. Quelles sont les propriétés du bois ?

- C'est lié à la nature, plus précisément la terre, mais également au feu et aussi à la lumière. Ça va être compliqué parce qu'on a déjà l'air – par le fait que c'est une flûte et donc que ça produit du son. Maintenant, on a rajouté la terre et le feu. En ce qui concerne les quatre éléments, on peut éliminer l'eau, mais c'est bien tout. Pour ce qui est des cinq sens, on a l'ouïe, mais aussi la vue s'il s'agit de lumière et le toucher si c'est du feu – qui peut produire de la chaleur. On n'est pas sorties de l'auberge ! s'exclama Julie.

Marlène partageait son sentiment.

- Comment est-on censé s'y prendre pour trouver de manière rapide et facile ?

- Avoir davantage écouté en cours ? proposa Julie.

Marlène dut admettre que la réflexion se tenait. Dimanche, Julie et Amanda passèrent leur journée à la bibliothèque, cherchant l'effet que pouvait avoir la flûte, tandis que Marlène lisait les aventures de Julien, le petit magicien. Julie et Amanda furent totalement convaincues que l'effet était lié au son produit par la flûte car on ne pouvait pas enchanter un instrument de musique sans associer la magie au son qu'il engendrait.

Ensuite, la flûte influait sur la nature, le bois étant entièrement lié à cet élément. Cependant, c'était encore trop vaste. Après déjeuner, les filles jouèrent de la flûte en activant la magie de l'objet mais ne remarquèrent rien de particulier.

De retour à la bibliothèque, elles apprirent que la musique pouvait accélérer la pousse des plantes ou permettre de communiquer avec les animaux.

- On a joué toutes les trois pendant une heure, rappela Marlène tout en lisant son livre pour enfant. Si les plantes avaient poussé plus vite, on s’en serait rendues compte quand même !

- Aucun animal ne s’est approché de nous, compléta Amanda et les filles reprirent leurs recherches.

Au dîner, elles n'étaient toujours pas parvenues à trouver l'effet que pouvait avoir la flûte et avaient décidé de laisser tomber.

- Dis, Julie, demanda Marlène le soir dans leur chambre. Tu vises quoi, toi, comme diplôme ?

- Aucun, répondit la blonde, surprenant la néomage. Mes parents veulent que je décroche mon DM4 mais ils rêvent. Jamais je ne l’aurai. Je galère déjà en magie intra alors la magie inter ! Ils ont le DM4 tu comprends. Ils espèrent la même chose pour moi mais moi, je m’en fiche. Je ne veux pas travailler dans le monde magique.

- Tu veux faire quoi ?

- Toiletteuse pour chiens, dit Julie sur la défensive.

Loin de se moquer, Marlène lança :

- C’est cool.

- J’adore les chiens, continua Julie, rassurée par la réponse de son amie. Je vais essayer, pendant les vacances de Noël, de les convaincre que ça ne sert à rien et qu’il vaudrait mieux que je quitte l’école dès le DM3 en poche.

- Tu penses l’avoir quand ?

- Pfff… J’en suis toujours à essayer de reproduire des couleurs en magie intra. Dans dix ans ?

Marlène grimaça. Autant cela lui convenait que son amie reste près d’elle, autant elle lui souhaitait une réussite plus rapide.

Jeudi, en cours de maniement de la magie, Marlène se concentra sur son xylophone. Après avoir réussi à reproduire un "la", elle tenta de produire un "sol".

- Tu dois d'abord l'entendre, Marlène. Tu étudies comment la magie réagit puis tu reproduis, expliqua le professeur.

- Vous voulez dire qu'on ne peut créer par magie que ce qu'on a déjà vu ou entendu ?

- Non, assura maître Gourdon, mais c'est beaucoup plus simple. Lorsque tu auras étudié, compris et reproduis des centaines de sons, d'images, d'objets alors peut-être seras-tu en mesure d'en faire que tu n'as jamais vu ou qui n'existent pas. Cela demande du temps et beaucoup d'entraînement.

Marlène hocha la tête et produisit un "sol" sur le xylophone. Cette fois, il ne lui fallut que dix minutes pour réussir à le reproduire. À la fin du cours, elle était en mesure de produire la gamme. Ravie, elle s'amusait à diffuser des petites comptines pour enfants, à la mélodie simple.

Au déjeuner, après avoir classé ses connaissances pendant des heures, elle s'amusa à jouer des mélodies simples, mais cela ne dérangea ni Julie ni Amanda qui dévoraient des tonnes de nourriture.

Marlène avait utilisé beaucoup d'énergie pour pas grand-chose, comprit-elle en remarquant qu'une vingtaine d'um étaient partis en fumée à simplement reproduire "Frère Jacques". Pour Amanda, cela représentait trois semaines de réserve. Tout ça pour quelques notes sans grand intérêt. Elle avait encore décidément beaucoup à apprendre sans quoi elle serait bientôt vidée à force de lancer des sorts mineurs à l'effet plus que limité. Elle ne s'arrêta toutefois pas. C'était la première fois qu'elle utilisait réellement la magie et elle comptait bien profiter de sa nouvelle capacité.

L'après-midi, Marlène décida d'aller en cours de méditation avec maître Beaumont.

- Tu n'es pas obligée de classer ton esprit à longueur de journée, annonça maître Beaumont. Tu peux aussi faire autre chose !

- J'aimerais apprendre à contrôler mes protections mentales, précisa Marlène.

- J'approuve, dit maître Beaumont en s'installant devant elle. Comme pour le classement de tes connaissances, il faut choisir le bon tunnel.

Marlène entra en méditation et regarda ses tunnels. Comme la fois précédente, elle en choisit un sans attendre que le professeur la rejoigne. Elle se retrouva dans un lieu encore très bizarre.

Elle se trouvait sur une plage et devant elle se dressait l'océan. Décidément, pensa-t-elle, j'aime bien l'élément marin. Seulement, le sol était plus bas que le niveau de l'eau, et une digue, en galets et au raz de l'eau, empêchait l'océan de se déverser sur la terre.

Marlène comprit que la digue était son bouclier. Il était plutôt faible. La moindre vague et elle serait submergée. Sur la place se trouvait des galets. Marlène en prit et entreprit d'augmenter la hauteur du mur. Un filament de magie, la spirale de sphère si on la regardait en gros plan, sortit du sable et s'enroula autour des galets, les maintenant en place. Ainsi, comprit Marlène, plus le mur était haut et plus il demandait de l'énergie. Marlène voulut continuer à monter le mur mais il n'y avait plus galet. Elle désira qu'il y en ait davantage. Des vers énergétiques apparurent, traversèrent les galets déjà existants et de nouveaux apparurent. Marlène s'arrêta rapidement, pour vérifier qu'elle ne manquait pas de nourriture.

En apparaissant dans la salle de classe, son estomac criait famine mais ça n'était pas insurmontable.

- Avant que j'aille manger un morceau, j'aurais une question, professeur, annonça Marlène.

- Je t'écoute, répondit maître Beaumont en se plaçant devant elle.

Marlène décrivit rapidement sa chambre puis annonça :

- Le mur me protège de l'extérieur et monter le mur améliorera mes protections mentales, c'est évident. Lorsque je laisse passer un objet dissocié, ou le bracelet de suivi, que se passe-t-il ?

- Pour le moment, tu détruis le mur, annonça maître Beaumont, et tu le reconstruis après.

- Mais en ce cas, il y a une inondation.

- Oui, évidemment, mais c'est le but recherché. L'inondation est ta représentation symbolique d'un élément étranger présent dans ton esprit. Le stylo qui te demande dans quelle couleur tu veux écrire est cet élément étranger. En revanche, tu pourrais peut-être juste détruire une petite partie de ton mur, pour ne laisser passer que le stylo, et pas l'océan tout entier. Le mieux serait même de construire une porte dans ton mur.

Marlène acquiesça. Elle avait intérêt à le faire. Elle se rendit dans le réfectoire et demanda un bon goûter. Pendant qu'elle mangeait, elle réfléchit. Elle avait perdu beaucoup d'énergie pour monter à peine vingt galets sur son bouclier. Or, même si elle avait beaucoup d'énergie, elle n'en avait pas assez pour apprendre à se servir de la magie intra et pour bâtir son mur protecteur. Elle choisit la magie intra. Elle avait trop envie de s'amuser avec ses pouvoirs pour les perdre à monter un stupide mur dont elle n'avait que faire.

Elle passa le reste de l'après-midi à augmenter ses réserves de magie, afin de rattraper tout ce qu'elle avait perdu en montant son mur, mais également en prévision du cours de maniement de la magie du lendemain.

Le lendemain, maître Gourdon donna à Marlène un piano avec toutes les octaves au lieu d'un simple xylophone. Marlène fut très rapide à reproduire toutes les notes et le professeur lui donna une partition à reproduire. Il y avait deux portées : main droite, main gauche. Marlène savait lire la musique sur une clef de sol et encore, avec difficulté. Elle n’avait reçu ce savoir qu’en cours de musique au collège non magique et son attention n’avait jamais été excellente. La clef de fa, en revanche, était nouvelle.

Cependant, lire les notes n'était pas le plus difficile. En produire plusieurs en même temps, dans le rythme, l'était bien davantage. Marlène sortit de la salle affamée et éreintée. Elle n'avait pas réussi à jouer correctement la partition.

L'après midi, elle augmenta ses réserves de magie, tombées bien bas après les multiples tentatives de produire une mélodie agréable. Heureusement, le classement des boîtes avait permis une création de magie plus facile et encore plus rapide qu'avant, ce qui était peu dire. Elle remonta rapidement ses réserves et rejoignit ses amies qui travaillaient les maths.

- Ça avance ? interrogea Marlène.

- On essaye de comprendre le théorème de Pythagore, mais on n'y comprend rien ! s'exclama Julie.

- Je ne pourrai pas vous aider, assura Marlène. Je suis nulle en maths.

- Aussi nulle qu'en magie ? lança Amanda qui n'avait eu de cesse d'entendre Marlène répéter cela alors qu'elle effectuait de petits miracles.

- D'ailleurs, tu sais, ton utilisation de la magie intra commence à attirer les regards, murmura Julie.

- Je ne vois pas pourquoi, répliqua Marlène. Les sons, c'est censé être facile.

- Ce n'est pas ce que tu fais mais la quantité d'énergie que ça te coûte qui attire l'attention, précisa Julie.

- J'en utilise davantage que les autres élèves ? s'enquit Marlène, que ce fait étonnait.

- Non, au début, ça nous coûtait autant qu'à toi sauf que du coup, on devait s'arrêter au bout de quelques minutes, et aller méditer, avant de pouvoir recommencer. Toi, tu travailles sans relâche pendant deux heures et tu ne sembles pas vidée. C'est pour ça que tu arrives à rattraper ton retard.

- Parce que j'ai davantage d'énergie, comprit Marlène. Ils sont vraiment attentifs ?

- Ils regardent et pour le moment, ça ne va pas plus loin, annonça Julie. Ils veulent être vraiment sûrs…

- Ça y est ! lança Amanda. Je crois que c'est bon. Oui ! confirma-t-elle après avoir regardé la correction. J'ai réussi. Je fais l'exercice suivant.

- Amanda ? appela Marlène et son amie se tourna volontiers. Alors, c'est sûr ? Tu ne reviens pas après les vacances de Noël ?

- Oui, ça y est, l'inscription au collège non magique est confirmée, annonça Amanda. Il ne nous reste plus que trois semaines ensemble…

Marlène enlaça Amanda pour lui montrer son amitié et Amanda lui rendit volontiers son affection. Le classement de ses connaissances étant devenu automatique, Amanda avait obtenu son DM2. Elle maîtrisait parfaitement la magie intra. Ne lui restait plus que les objets magiques et elle ne pouvait décemment pas y passer toutes ses journées alors elle travaillait aussi les matières non magiques, désireuse de ne pas redoubler.

Marlène était triste. Amanda allait laisser un grand vide. Heureusement, Julie resterait, mais pour combien de temps ?

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