- Excusez-moi, maîtresse. Il y'a quelqu'un à la porte qui désire vous voir.
- Qui est-ce ?
- Un gamin qui se dit être votre collègue. Un soi-disant... professeur.
- Un gamin ou un collègue ?
- Je ne saurais vous le dire avec exactitude, maîtresse.
- Bon, faites-le donc venir.
Angéla doit certainement avoir un doute sur l’identité de son visiteur. L'idée que je vienne lui voir est probablement très loin de ses pensées. Sans compter qu’il n’y a rien qui soit vraiment susceptible d’entrainer ma présence dans sa demeure. Peut-être aurait-elle l'impression, si elle croit à l’hypothèse de ma visite, que je sois venu pour lui faire mon officiel conquête comme dans les romances médiévales. Ce n'est pas qu'elle ne mérite pas une telle attention, mais, ce ne serait certainement pas venant de la part d'un gringalet comme moi. Un sombre imbécile qui n'obtint le courage de poser des actes dits masculins que sous l'effet de sa libido.
Tous les hommes agissent de la sorte, maintenant que j’y pense.
Pendant que je patiente dans le salon, mes yeux se posent sur les luxueuses fournitures qui meublent le manoir et les contemple - Il n’y a pas à dire… le fiancée d’Angéla a les moyens - Le Vallet revient pour m'annoncer que sa propriété a acceptée de me voir.
Et, ce n’est pas comme si son approbation était réciproque.
Je n’ai rien, de justifiable du moins, contre Angéla. Mais, mon dernier souhait en ce moment n’est certainement pas de tomber nez à nez avec elle. Si ce n'était pas à cause du gage de monsieur Granjardin, j'aurais trouvé une excuse pour ne pas venir ici.
Une gastro, une hernie… forcément quelque chose !
- Sébastien, c'est toi ?
- Bon... bonjour Angéla.
Croiser à nouveau les yeux d’Angéla est un supplice. Elle me balance un regard rempli de surprise et du genre d’étonnement qu’affiche une personne pleine de crainte - elle ne comprend pas ce que je fais ici. Elle redoute peut-être le pire - puis, demande au majordome de se retirer. Lequel fait une révérence à sa maîtresse avant de nous absenter.
- Comment vas-tu ? Je suis très heureuse de te voir, dit-elle avant de se jeter allègrement sur moi.
Elle m'étreint soudainement après s'être assuré que nous soyons tous les deux seuls dans la pièce. Un rictus que je fais machinalement me fait découvrir que je suis tout aussi content de la revoir. Surtout après ce qui s’est passé le soir d'avant.
Une explication s'impose...
Remarque #2 : Voyez-vous, le moyen le plus sûr de retrouver du confort après avoir commis l'irréparable est de se faire nantir de bonheur par la personne à qui on a, quoiqu'inconsciemment, fait du tort.
En d'autres termes, je suis content qu'Angéla m’accueille aussi bien même si j’ai trompé ses sentiments à mon égard en couchant avec Gisèle. Bon après, c'est vrai, elle n’a aucun moyen de savoir que je me suis malencontreusement consolé de son absence. Mais, ça fait quand même chaud au cœur de l'a ressentir auprès de moi et de pouvoir compter sur son attention malgré le contraste exigeant que nous impose les évènements actuels.
Des évènements regrettables… autant chez moi que chez elle !
Angéla est toute dépeignée et froissée. Apparemment, j’ai interrompu un grand entretien qu’elle avait avec ses domestiques. Les préparatifs du mariage, aussi vraisemblables qu'importants, poursuivent inflexiblement leur cours et la maîtresse des lieux parait s'en donner à cœur joie.
J’ai l’impression d’être de trop.
Je n'arrive pas très bien à saisir quelles sont les véritables intentions d’Angéla.
Aime-t-elle vraiment son fiancé ?
En tout cas, je doute fortement que ce soit un esprit de cupidité qui guide son jeu. Elle est loin d’être ce genre de femme. Dans ce cas, je ne voudrais évidemment pas me surestimer, mais alors que ressente-t-elle vraiment pour moi ? Un jour, on s'embrasse comme des fous et on est à deux doigts de faire l'amour. Le jour d’après, elle s'implique et se dévoue corps et âme, telle la femme parfaite, dans les préparatifs de son mariage avec un autre.
Ou alors, est-ce cela le problème ?
Peut-être est-elle obligée de se marier... d’une manière ou d’une autre.
Angéla Morel est issue d'une des familles les plus respectées de toute la région. Pas respecté par l'autorité de leur pouvoir financier, mais plutôt pour l'observation irréprochable de leur sens de l’éthique et des valeurs. Plusieurs de ses frères et sœurs se sont d’ailleurs mariés à de grandes familles et portent de grand nom. Fait qui, au fil du temps, a considérément augmenté la notoriété de leur lignée. Je pense que c'est probablement ce complexe qui doit entraver son choix marital bien que je ne dispose guerre d'arguments plausibles pouvant justifier qu'elle m'aurait préféré à Jonathan dans d'autres circonstances.
Elle doit se marier selon les règles de sa famille, avec un homme de bonne famille et avant qu’elle ne perde son âge généreux. Je suis incapable de lui offrir cet avenir dans l’immédiat.
Le choix semble donc clair !
…
Quelques minutes après nos joyeuses retrouvailles, Angéla et moi sommes dans le jardin. Je l’aide à ajuster quelques décorations avec les agents d'une compagnie d’évènement. Nous avons laissé les domestiques du manoir s'occuper de l'intérieur quand le camion de l'entreprise Cosmox, l'entreprise de décoration censée s'occuper d'embellir le jardin pour l'événement, a garée à l'entrée.
Si vous vous demandez - surtout vous, les hommes - pourquoi je me retrouve à jouer les bénévoles pour les préparatifs du mariage de la femme que j'aime avec l'homme que je déteste… Eh bien, sachez que je ne possède pas la réponse à cette question.
Et... cela... à mes dépends, malheureusement.
- Bon, je crois que je vais y aller maintenant. Il se fait déjà tard et j'ai des évaluations à préparer.
Bon mobile !
- Non ! Reste encore un peu avec moi, s’il-te-plaît. Il n'est que dix-huit heures, à peine et puis… ta présence ici me fait tellement de bien, si tu savais.
Qu… Quoi ?
Sérieux ?
- D'a… d’accord. Si tu veux.
Et une fois de plus, je frémis face au pouvoir de persuasion d'Angéla. Quoique fortement amplifié par mon insuffisance de détermination, mon manque naturel de masculinité et l’amour que je ressens pour elle.
...
Les agents de Cosmox sont déjà partis et il doit faire vingt-et-une heures par-là. Angéla a retenu ma présence toute la journée et je me demande bien ce qu'elle peut me vouloir - C'est vrai, après avoir décidé de continuer son mariage et donc de mettre corrélativement un terme à la relation naissante que nous avions entamé, que peut-elle bien me vouloir de plus ? - Elle mime peut-être de requérir ma présence, mais ce ne serait certainement pas pour mes talents en décoration.
Après la ceinture en guirlande scintillante que je me suis maladroitement fait autour du cou, il est clair que je n’en ai pas.
Mais, je dois avouer que ça me manque aussi de m'occuper de l'embellissement de l'appartement depuis que Gigi s'y est personnellement impliquée… donc, ça ne me déplait pas particulièrement de l’aider.
Sous la dernière table où l'on travaille, un faux mouvement de ma part fait tomber un objet au sol entre les tréteaux - Je ne sais pas ce qui est tombé, mais je pense que ça doit être un plateau ou un couvercle. En tout cas, c’est quelque chose assez lourd et bruyant pour qu’on l'entende depuis le manoir - Le bruit de l'objet, dérangeant notre tranquillité, attire l’attention du personnel de sécurité sur nous. Angéla et moi tentons ainsi de rapidement de mettre la main là-dessus. Cependant, il fait déjà tout noir - les projecteurs n’ont pas encore été installés - et nos fronts, à Angéla et à moi, se heurtent désorientés par l’obscurité et la rapidité de nos gestes.
Suite à la brusque percussion, nous restons un moment à se regarder dans le noir de l'œil, agenouillé sur la pelouse. Et, quand nous apercevons que des faisceaux de lumières blanches provenant des lampes des agents de la sécurité du manoir, Angéla et moi prenons peur puis nous cachons instinctivement sous les tréteaux nappés de soi. Réfugiés sous la table pour une raison que nous ignorons, nos regards se croisent à nouveau et je pense que l'excitation de se cacher suscite pas mal de choses en nous. Des choses plutôt voluptueuses.
Après le passage des gardes, nous jetons un petit coup d'œil pour se rassurer qu’il n’y a plus personnes dans les parages. Puis, Angéla marmonne quelque chose comme « nous devons chercher comment quitter le jardin vu que nous ne pouvons plus y rester si tout le monde considère que nous n'y sommes plus ». Moi, évidemment, je ne suis pas particulièrement enchanter à l'idée de quitter cet endroit et de briser cet instant magique. Contrarié, je tente alors de rappeler à mon hôte le jour où nous nous sommes retrouvés dans la même situation. Ce jour où je l'avais trouvé dans la cave du lycée.
- Ha, ha, ha !
- Qu'est-ce-qui t'amuse autant ?
- Je pensais au jour où je t'avais consolé dans la cave du lycée. Tu te rappelles ? On était à peu près dans la même posture, dis-je dans une tentative désespérée d’éterniser le moment.
- Hihihi ! Mais, je ne m'a rappelle pas que tu m'aies consolé, moi.
- Si, tu avais les larmes aux yeux, ce jour-là et j'avais fini par te faire rire après.
Légèrement embarrassée par mes propos, Angéla rougit et me tapote, taquine, sur l'épaule.
Un coup dur pour mes pauvres os !
- Ce n’est absolument pas vrai. Je t'avais dit que j'avais de la poussière dans l'œil.
- Mais bien-sûr. Ha, ha, ha !
- Hihihi !
J'adore ce moment. Il est tellement beau et paisible. Je souhaiterais qu'il dure un peu plus. Juste toute la vie, et... ça... ça me suffirait amplement. Et, ce serait la moindre des choses... vraiment.
Après l’éclat de nos rires, Angéla jette un autre coup d'œil hors des tréteaux pour voir s’il n’a pas été trop fort pour attirer l'attention des vigiles. Ayant remarquée que le bruit est passé inaperçu, elle tente alors de sortir et me fait un signe de la main pour que je la suive.
Il me semble qu’elle a un plan.
Toujours contre son idée de s’échapper de notre prison de bois et de soi, je prends instinctivement son bras et la ramène maladroitement vers moi - Ce qui arrive quand vous suivez trop de scène romantique à la Bollywood - Nous tombons tous deux sur la pelouse en bas des tréteaux nappés, la bouche de l’un sur celle de l’autre, et nous nous embrassons spontanément. On sait qu'on avait envie de le faire depuis et on s’emploie à s’exaucer mutuellement.
Pour les baisers par contre, il ne faut pas rêver.
Il neigera en enfer avant qu'on ne puisse assister à une scène de baiser dans un film bollywoodien.
Je n’ai pas l’intention de prendre le risque de la laisser partir à nouveau - Elle ne va pas me filer entre les doigts, cette fois-ci - En un quart de seconde, je fais me déjà le film de ce qu'il adviendrait si j’avais suivi Angéla hors des tréteaux : Nous aurions rapidement filés. Elle, dans sa chambre par la fenêtre arrière et moi, hors du manoir en escaladant les murs du derrière. Angéla se serait reposée au court d’une bonne longue nuit de sommeil et se marierait demain dans l'observation et l'application des préceptes valeureux de la famille Morel. Quant à moi, j’irais retrouver mon quotidien ennuyeux et barbant avec mes colocataires loufoques, les élongations et la fatigue d'après le sport, les bonnes vieilles visites du mardi à la campagne et l'absence d'Angéla au lycée.
C’est trop pour moi. Je ne peux pas laisser cette occasion m’échapper. Il faut que je change ça, que je reprenne le contrôle.
Même si je n'ai jamais vraiment eu le contrôle sur quoique ce soit.
J’ai en moi ce désir de tenir Angéla dans mes bras. Ce nouveau désir qui a déjà concurrencé tous les autres et que je n'arrive pas à contrôler - Je ne possède pas ce désir, c'est le contraire - Ça me brûle la poitrine, les bras, les yeux, la langue, les pieds et les parties intimes. Je boue intérieurement - Pourquoi personne ne m'a dit qu’avoir envie de faire l'amour pourrait provoquer des risques de pneumonie ou de douleur rénales ? - Tout mon corps chauffe et je sens que je vais faire une fièvre si je ne vais pas au terme de cette action, cette fois-ci. Ma vue et mon orientation sont brouillées. Mais, aussi étonnant que cela puisse paraitre, j’agis avec une agilité indescriptible. Mes attouchements maladroits régulent ma coordination, tant je suis précis dans mes gestes.
Je commence par retirer le sweat-shirt d’Angéla en enfouissant lentement mes mains autour de ses hanches - Heureusement que je me suis fait une manucure, la veille. La scène actuelle aurait pu être très différente sinon… voir sanglante. Prenez-en note, les gars - Angéla, par contre, ne fait pas preuve d'autant de modestie et de timidité pour me dévêtir. Elle n’hésite pas à me déchirer abruptement le chemisier et ne s'arrête pas de me griffer sur le dos avant de se rendre compte qu'elle a déjà effacé toutes traces de tissus textiles sur ma peau - Ça rapidité et mon agilité font un brassage harmonieux bien que je me sente souvent complexé par la précision et la sûreté dont elle fait preuve. Je me doute bien qu'elle ait eu plusieurs aventures avant moi. Pourtant, constater sa maitrise gestuelle et sa lucidité malgré sa brutalité me parait presque trop vexant et rabaissant. Sa supériorité dans le domaine me saute aux yeux avec stupeur. Une stupeur qui amplifie mon excitation.
La douce Angéla que j’ai connue a disparue. Ne reste plus que l’Angéla furtive, la vampire. Celle qui est assoiffée de moi et écorche chacun de mes vêtements comme s’ils n'étaient que de simples feuilles de papier.
C’est presque de la maltraitance domestique.
Ça m’excite davantage.
J’ai longtemps tenue avant de sauter sur l'occasion pour lui retirer sa petite culotte. Je dois avouer qu'à plusieurs occasions, je l'ai longuement reluqué pendant que l'on travaillait. Pourtant, quand elle n'a qu'à faire des haillons de mes vêtements, moi, je dois encore prendre tout mon temps - Soit par inexpérience, sois trop occupé à savourer le moment présent - pour la dévêtir.