Chapitre 15 - Le champion de minigolf

Enfin, je suis sorti de la salle de gym. Et quand je dis que je suis sorti, ce n’est pas au premier degré qu’il faut le prendre. J’en ai définitivement fini avec le sport et tout ce qui y a attrait.

Si je dois me taper des pompes pour avoir un physique plus masculin, autant que ça plaise à quelqu’un. Et si ce n’est pas à Angéla, ce ne sera à personne d’autre.

 

- T’es rentré, Sébas ?

- Oui, j’suis là, Gigi.

Gisèle, ma très jolie et attentionnée colocataire, est devenue tellement attentionnée envers moi. Je ne sais pas si c’est parce qu’elle s’est faite passer un savon par sa mère, ou que la découverte du dessous de ma couette a révélé une autre partie de son ahurissante personnalité. Chose qui est quand-même assez ironique. Quand je réclamais bien plus de bienséance de la part de Gigi, elle ne manquait pas de me clamer son manque de considération à mon égard. Mais, ça ne me disait rien qu’elle soit méchante avec moi vu que j’avais Angéla pour me remonter le moral. Mais, maintenant qu’Angéla est partie, Gisèle fait ses pas pour m’attendrir. Seulement, je n’en nécessite plus autant qu’avant.

Strange and complicated !

 

- Aujourd’hui, c’est Samedi. C’est le weekend. Tu as des projets ?

- Euh… une de mes collègues va se marier. Mais, je pense que je n’y irais pas.

- Comment ça ? Pourquoi ne devrais-tu pas t’y rendre ?

- Ce n’est pas… pas quelqu’un de très… important… pour moi.

C'est vrai, ce n’est pas quelqu’un d’important. On n’a juste passé la nuit ensemble.

 

Mais, on n’a pas fait que passer la nuit ensemble. On s’est blotti l’un contre l’autre. On s’est touché, on s’est caressé. On s’est embrassé, on n’a fait l’amour et j’ai appris quelque-chose chez elle qui a le don de jouer sur mon humeur : Angéla va peut-être se marier avec un autre homme. Mais, cette nuit que nous avons partagé ensemble, j’ai su que celui qui a fait d’elle une femme, c’est bel et bien moi.

 

§

 

Il y a quelques heures, Angéla et moi nous sommes retrouvés allongés dans l'herbe sous les tréteaux démunis de notre vêture. Je me suis réveillé aux bruits des couverts en argent conjuguées aux pas des agents de l’entreprise Cosmox. Angéla était innocemment blottie sur mon torse et dormait à point fermé. Je n’ai pas assez eu de temps pour contempler sa beauté, cette fois-ci. Je consacrais l’intégralité de mon attention sur le moyen de m’échapper du manoir, car la situation était critique - Il fallait juste qu'un des employés de Cosmox laisse tomber un ustensile pour découvrir le mystère - C’était très dangereux et je n’étais pas sorti de l’auberge. J'avais un de ses mal de crane - On aurait dit Gigi quand elle se réveille après avoir dansée et bu toute la nuit - Je pense que j'avais du mal à réfléchir parce que j'avais passé toute la soirée, la tête plaquée sur le plateau en argent qui était tombé entre les tréteaux nappés avant que tout ça ne commence.

Angéla a été brutale cette nuit.

 

Ça cognait, ça cognait et sa faisait du bruit. On a même dû faire une pause quand un des vigiles s'est approché de la table pour vérifier d'où provenait tout ce brouhaha. Mais, une toute petite pause parce qu’ensuite, nous avions repris encore plus violement comme des chevaux de course dopées avant un championnat équestre.

Évidemment, Angéla gémissait comme une jument digne de ce nom.

 

§

 

Il y’a toujours eu plusieurs théories autour de l’homme à qui la femme décide de confier sa virginité - Bien-sûr, des théories propulsés par les machistes et les sexistes - Pourtant, je sens que si hier encore, j’avais des doutes quant à mon rôle dans le cœur d’Angéla, je sais dès à présent que je ne suis pas qu’un jeune homme qu’elle a approché au lycée par le seul fruit du hasard.

 

 

- J’ai trois billets pour aller au parc aventure. Et, j’y vais avec Sabrina. Ça... ça t'intéresserait de venir ?

- Pourquoi pas ?

-  Super ! S’exclame Gisèle avant de se jeter pesamment sur moi.

Je n’ai pas beaucoup de raisons de refuser son offre. Si ce n’est pour dire, carrément aucune. Au contraire, je dois avouer que je suis assez flatté qu’elle ait pensé à moi en m’adressant une telle attention.

En réalité, j’apprécie beaucoup.

 

...

 

Arrivés au parc, n’ayant pas pris de petit-déjeuner, les sœurs Giordano et moi, nous arrêtons d’abord au restaurant. Café, croissants, brioches, tartines de confiture à la fraise et au chocolat font office de ravitaillement. Ensuite, nous songeons à commencer les festivités ludiques en s’attaquant directement au minigolf.

 

- Savez-vous que j'ai déjà remporté une compétition quand j’étais au collège ? Dis-je fièrement.

- De minigolf ? Demande Sabrina.

- Oui ! Je m’y connais beaucoup. J’avais même fais gagner mon équipe lors des régionales.

La belle époque !

 

Faire du minigolf était l’une des résolutions que j’avais prise à la mort de papa. Je voulais être un champion. Je voulais faire dans ça et j’étais déjà bien parti.

 

» À l’âge de sept ans, en première année de collège, au lycée LaForme, j’étais Sébastien Mordécaille. Un jeune garçon fort et intelligent avec une carrière très prometteuse dans le minigolf.

Bien qu’attristé par la mort de papa, qui ne datait pas de beaucoup à cette époque, je comptais me refaire une vie avec la passion qui avait animé mon enfance - Quoique techniquement, j’étais encore enfant à cette époque - Cependant, cette initiative n’était pas à cent pour cent personnelle : Lisa Monderat. C’était le nom de la fille qui avait stimulé mon côté sportif - Je crois qu’elle doit apprendre dans une université à Paris maintenant - Ce n’était pas ma coach. C’était la fille qui me plaisait secrètement.

 Bon après, c’est vrai. Beaucoup d’entre vous, ayant une assez grande mémoire et ayant retenu que j’ai affirmé au début que je n’avais jamais eu de vie amoureuse dans mon enfance, me traiterons sans doute de menteur. Mais, je ne mens pas, je craquais pour elle… enfin, pour lui.

Je vous explique...

 

À la fin du second trimestre, les éliminatoires de la coupe régionale de minigolf s’étaient achevées. Et évidemment, j’avais permis à ce que mon équipe soit qualifiée, comme je l’ai dit plus haut – Je suis cohérent pour le moment - Malicieusement, j’avais attiré Lisa dans la forêt, derrière le lycée. Histoire de récupérer ma récompense. Elle me l’avait promis. Si l’équipe du collège passait les éliminatoires grâce à moi, elle me congratulerait à sa manière. En clignant bien des yeux sur le mot ‘’manière'’. Bien-sûr, je n’allais pas vaciller ou me défilé, au contraire.

Perdus dans le dessin raturé à l’ancre vert et marron des arbres et de l’herbe, j’approchais mes lèvres de celles de ma « princesse » pour prendre mes mérites. Malheureusement, à la place, je reçu une belle paire de gifle en retour - Bien serrée et acide - J’étais fougueux et je voulais lui en mettre une aussi.

Juste une petite pour « qu’elle » comprenne que l’on ne m’utilise pas.

 

- T’es bizarre toi, t’embrasse les garçons.

Je ne rigole pas c’est ce qu’elle… enfin… ce qu’il avait dit ce jour-là.

 

- Quoi ? T’es… t’es un garçon ?

- Oui ! Siddharth Mordred, ce nom ne te dit-il rien ?

- Bah ! Carrément pas du tout. Et puis, les garçons ne portent pas d’jupes.

- Je suis indou et écossais. Et, chez moi, on accorde une place très importante au vestimentaire. Ça c’est un kit, pas une jupe.

 

» Plus jeune, j’ai souffert de déficience auditive. Donc, je n’arrivais pas très bien à entendre d’une oreille – ma petite oreille droite chérie - La première fois, que j’avais perçu son nom, c’était quand une de ses camarades l’avait appelée pour arranger le matériel du club. Il faisait partie des membres qui s’occupaient de l’entretien et moi, j’aimais rester là à l’admirer ranger les équipements après l'entraînement.

Pour ma défense, on n’était pas dans la même salle de classe, il était très efféminé et n’était entouré que de fille.

À sept ans, je n’avais pas beaucoup de répartie, j’avoue.

 

- Mais, quand tu disais que tu voulais me récompenser à ta manière, ça voulait dire quoi ?

- Que j’allais tout simplement te donner quelques outils du matériel du club de minigolf. Ce sont mes parents qui les ont achetés pour l’école. Et, au tournoi régional, nous n’en aurons pas besoin parce que c’est la fédération qui se chargera, elle-même, de fournir le matériel.

- Oui ! Ça, je le sais. Mais, qu’est-ce-qui t’as fait croire que le matos du club m’intéressait ?

- Bah ! Sébastien, je sais que ta famille n’est pas très aisée et je voulais juste t’encourager parce que je trouve que tu joues vraiment très bien.

- J’ai déjà mon matériel à la maison et c’est avec ça que je m’entraîne là-bas. D'ailleurs, ce n’est pas une question de sou. Je suis enfant unique, j’te signale.

- Ah bon ? Pourtant, tu regardais drôlement le matériel de l’équipe quand je le rangeais. On aurait dit que tu le désirais. C’était sensuel, ton regard. C’était fougueux.

- Hein ?

- Et, c’est ce que j'attrapai qui t’intéressait le plus. Tu ne regardais pas les autres. Moi, je voulais juste aider un ami très talentueux.

- Mais, c’était toi que je regardais et que je désirais.

- Oh… beurk !

- J’ai dit ‘‘c’était’’. Ce n’est plus d’actualité, maintenant que je sais que t'es un garçon.

- Ah d’accord !

Et… pas la peine de me juger… hein… les lecteurs. On n’a tous fais des erreurs comme ça dans l’enfance.

Tous !

 

» D’autant plus que moi, je l’ai vraiment payé. À la fin de cet horrible épisode, Siddharth avait raconté à tout le monde que j’avais des tendances homosexuelles et que j’avais tenté de l’embrasser de force. Quand on a convoqué ma mère, elle était furieuse et ne voulait plus que je fasse du sport. Elle disait que c’était un secteur de pervers et que si plus jeune, j’avais eu des embrouilles du genre, ce n’est pas avec le temps que ça s’arrangerait. Suite à cela, nous avons quittés Toulouse.

Et maintenant, vous comprenez pourquoi ma mère, d’ordinaire surprotectrice, à insister pour que si je doive quitter son toit, il faille que je m’installe avec une femme. Et, vous voyez aussi pourquoi je déteste le sport, aujourd'hui.

 

 

- Et le score est de 10 - 30 - 40. Sébastien, t’es vraiment sûr que t’as fait du mini-golf, toi ? Balance Sabrina, hilare.

Je m'étais juré de ne plus faire du minigolf, mais je pense que je vais me donner une seconde chance.

Désolé papa pour les flatulences que j’ai laissé échapper sur ta tombe après la citation de serment.

 

- Je t’ai battue, toi et Gigi. S’exclame-t-elle à nouveau. Hum ! Grande sœur, tu fais des efforts. C’est bien. Mais… ce n’est pas assez. Voilà ! Hihihi ! Repasse dans cinquante-trois ans.

- Cinquante-trois ans ? Demande Gisèle.

- Le temps que j’entame, que je finisse ma carrière de mini-golfeuse et que je me fêle toutes les cotes, retourne fièrement Sabrina en se frottant les mains autour de la taille et en dandinant sur elle-même.

- Bah ! Si je dois attendre que t’ai tes soixante-huit ans, moi, j’aurais quel âge alors ?

Ha, ha, ha !!!

 

Et la scène s’acheve avec une séquence de rires aux éclats collectifs.

 

 

Après le minigolf, nous passons au grand huit où les filles découvrent ma phobie des hauteurs. Nous nous rendons dans un manège enchanté, par la suite, où Gisèle et moi on s’embrasse dans le noir sous l’effet de la peur. Nous participons également à une chasse aux trésors. Et, il se trouve que le fameux trésor est un œuf de dinosaure. Cet œuf d’à peu près six centimètres ne trouve rien de mieux que de se briser sur ma pauvre tête me remplissant ainsi d'une substance verdâtre, gluante et puante - Le slime s’est même glissé dans mes sous-vêtements - Pour finir, nous mangeons une glace sur le chemin du retour et on achète des jeux de société.

Monopoly, Scrabble, Cartes, Bingo !

 

Plus tard dans la soirée, j’aperçois, depuis les bords de ma fenêtre, une ligne de voiture qui passe par la nationale et semble provenir de l’hôtel de ville. Les gens qui sortent par le toit de ses véhicules, ballonnés de rubans roses ; blancs et bleus, scandent ‘’Vive les mariés’’ accompagnés de trompettes et de tubas dans une mélodie populaire.

C’est drôle de voir une telle manifestation quand on a conscience que l’on aurait pu empêcher qu’elle se produise

Et je ne parle pas du simple « Je m’y oppose ».

 

Je ne la vois pas très bien depuis ici. Mais, Angéla a l’air vraiment heureuse. Et, en toute honnêteté, je suis très heureux qu’elle le soit.

En quittant la scène, rabattant les fenêtres derrière la fanfare, je me retourne et regarde Gigi. Elle est allongée sur mon lit, vêtue d’une longue et grosse chemise blanche et d’une culotte à poche de teinte grise, sa jambe pin-up, la passion dans notre regard. Je retire mon marcel avant de poser un pied sur le lit. Puis, je m’approche d’elle et lui siffle intimement « Allons-y ».

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