« Ceci dit… Je crois qu’une mansarde serait encore plus jolie, tiens. Je ne savais pas que j’aimais autant les petits endroits chaleureux avant de construire le mien, tiens. »
Cette journée d’été était baignée d’un vigoureux soleil, tout ce qu’il en fallait pour fondre sur place. Vêtue d’une robe rose clair vaporeuse, ses pieds nus goûtaient au contact chaud de la terre battue. D’un petit geste presque dansant, elle pivota, considérant son petit tas de bois, songeuse. Un nouveau regard pour sa cabane lui donna un peu plus de matière à réflexion, car encore, elle se demandait s’il lui faudrait partir faire un nouveau tour dans la forêt attenante à son terrain ou non.
« Bah, ce serait pas non plus une épreuve horrible, fit-elle avec un haussement d’épaule et un poing sur la hanche. Y a pas âme qui vive ici, je devrais pas me retrouver en danger… Sauf que niveau viande, ça commence à me manquer… »
Elle poussa un gémissement pour agrémenter sa réflexion, concluant tout en croisant les bras.
« Ça me gêne, de parler toute seule… Je veux dire, c’est trop bizarre… Les gens font ça, normalement ? Je suis tellement contente d’entendre ma voix que je me pose pas la question, mais, j’ai peut-être l’air d’une folle. Ouais mais en même temps, pour qui je dois sauver les apparences au juste ? »
Sur cette interrogation insoluble, Emily Anna Ré décida de mettre un terme à ses songes inutiles pour prendre une décision :
« Je commence la mansarde ; si j’ai besoin de bois, je vais en chercher. Fin. »
Elle porta un tas de bois jusqu’à sa cabane et s’attela à la tâche jusqu’au soleil couchant. De là, sur son toit inachevé, elle eut une place de choix pour en admirer la vue. L’immense boule dorée déclinait derrière une montagne au loin, colorant le ciel de pourpre, et les herbes d’ambre, tel le peintre qui, avant sa nuit, ajoutait les dernières touches à son œuvre. Demain, il changerait alors d’avis pour du bleu d’aube, du gris, puis du jaune, pour retomber, inlassablement, chez le orange avant sa nuit.
Accoudée contre un bord de son toit en construction, Emily eut un petit soupir.
« J’ai bien fait de demander à Aria de me filer de la viande de temps en temps, mais si elle oublie, je suis pas dans la merde, moi. »
De sorte que plus jamais l’on ne pût la rappeler à ce monde, elle avait forcé le Sommeil à souffler dans son Cor alors que la princesse se tenait au bord d’une falaise. Sa carcasse devait être fracassée de part en part, sinon déjà mangée par les verres et les corbeaux.
Son âme, elle, était au faîte du bonheur. Sa vue l’attestait si bien…
Une cabane chaleureuse pour passer les heures. Plus de regard tendre de sa mère à supporter. Plus d’absence de son être le plus cher à découvrir, plus d’inquiétude à causer à son frère. Juste le soleil, l’herbe, la tranquillité d’esprit…
« Et une cabane à terminer ! »
Elle se redressa, mais aussitôt, elle sentit son ventre la tirailler, lui tirant un rire argentin.
« D’accord, bon, manger passe en priorité alors. »
Avec un petit sourire tranquille, elle descendit les marches jusqu’à la cuisine, se demandant bien ce qu’elle pourrait essayer de préparer ce soir.