J’observe le ciel à travers la fenêtre de mon bureau tout en tripotant mon crayon. Cela fait deux jours que je n’ai pas croisé Hans. Je me dis qu’il a peut-être enfin lâché l’affaire, mais au fond de moi, je sais que ce n’est pas vrai. Je ne comprends toujours pas pourquoi je suis allée le voir ce soir-là. Pourtant après mon malaise et ma discussion avec Vincent, c’était la chose qui me semblait à faire absolument. Ce n’est qu’en sortant de chez lui que je me suis rendue compte que c’était une belle connerie. Mon crayon me tombe des mains, mais mon regard ne quitte pas le ciel. Il est magnifique. J’ai l’impression qu’il me nargue. Je finis par détourner les yeux. Isis s’est endormie sur sa chaise. Son visage est si paisible, tellement serein que je l’envie. Elle devait être épuisée. Toute la journée, elle m’a aidée à rentrer et sortir mes classeurs de l’armoire. Mon regard finit par se poser sur mon horloge. Il va être l’heure d’aller manger. Je me lève et va vers mon armoire pour la cadenasser. Je me dirige ensuite vers mon aide de camp pour la réveiller. Soudain, on frappe à ma porte. Isis se redresse en sursaut. Hans rentre en trombe dans la pièce. Un sourire euphorique illumine son visage.
- Darkan, il faut absolument que tu viennes !
- Que me veux-tu, Wolfgard ? lui demandé-je quelque peu méfiante.
- J’ai trouvé la solution à ta condition !
Je me tends. Évidemment pourquoi d’autre me réclamerait-il ? Toutefois, il a piqué ma curiosité.
- Ah ! Et c’est quoi ?
Il secoue la tête.
- Impossible de le dire, tu dois venir.
J’hésite un instant à refuser, mais je sais que j’en suis incapable. Maintenant que Hans me là dit, je veux savoir.
- J’amène Isis dans sa chambre et puis je suis à toi, l’informé-je.
- Ça marche, je t’attends dans la salle d’entrainement.
Décidément, je comprends de moins en moins.
- Ma main n’est pas encore valide, relevé-je.
Son expression se fait de plus en plus énigmatique.
- Patience ! Tu le sauras bien assez vite.
Un dernier coup d’œil et il disparait.
Je me dépêche d’accompagner Isis chez elle, avant de rejoindre tout aussi rapidement la salle d’entrainement. Comme prévu, Hans s’y trouve. Je remarque qu’il est au stand de tir. Je me rapproche.
- Alors ? demandé-je. Que veux-tu me montrer ?
- Je te préviens, je ne crois pas que ça va te plaire, mais c’est la seule idée qui m’est venue à l’esprit.
- Je crains le pire, soupiré-je.
Il sort son arme de son étui et retire la sécurité. Il pointe la cible du doigt.
- Va te placer dos à elle.
Je crois d’abord à une mauvaise blague, mais en croisant le regard sérieux de mon collègue, je me rends bien vite compte que ce n’est pas le cas. Je commence à saisir où il veut en venir.
- Tu es un vrai malade.
- Fais-moi confiance ! me rétorque-t-il en souriant.
- Si tu rates…
- Je ne raterai pas. Allons, ne me dis pas que tu as peur ?
Son regard brille d’une lueur de défi. Je le fixe en silence. Il ne doute vraiment de rien. Une personne sensée n’accepterait jamais d’obéir à cette requête surtout quand c’est de quelqu’un que vous détestez. La logique voudrait que je refuse. Si Hans tire mal, je suis morte. Est-ce que j’ai une bonne raison de faire confiance à un imbécile pareil ? J’ai beau réfléchir, je n’en vois aucune. Enfin, pensé-je, il y en peut-être une. Depuis notre première séance, il a toujours respecté sa promesse de ne pas me toucher et pour moi cela représente beaucoup. Je hausse les épaules.
- Très bien, tu l’auras voulu, soupiré-je. Mais sache que si je meurs, tu risques de me suivre rapidement.
- Cela n’arrivera pas.
Je me place là où il souhaite me voir. Bizarrement, je suis calme. Peut-être que cela m’est égal de mourir ? Cette pensée me fait honte. J’ai promis, il y a longtemps que je me battrais pour survivre. Si je suis cette logique, je ne devrais pas être là à attendre gentiment de me faire tirer dessus, mais voilà aujourd’hui, j’ai décidé de croire en Hans. Celui-ci se positionne face à moi. Je me demande dans quel état d’esprit il est. L’instant d’après, il tire. Toutefois au dernier moment au lieu de me viser, Hans a pointé son arme vers le haut. Mon collègue sourit satisfait de son coup. Il se rapproche de moi, son semi-automatique toujours serré dans sa paume.
- Si tu voyais ta tête, s’esclaffe-t-il. Tu croyais vraiment que j’allais te tirer dessus ?
Mes épaules se relâchent quelque peu quand je comprends que tout ça n’était que du bluff. J’ai beau fanfaronner, je dois avouer que j’ai dû prendre sur moi pour m’empêcher de trembler. Le cri sort tout seul.
- Espèce de sadique ! Pourquoi t’as fait ça ?
Il me fixe surpris.
- Et prendre le risque de te blesser si je commettais une erreur ? Je suis très bon, mais pas fou ! s’exclame-t-il avec gravité avant de poursuivre plus calmement. Quoi qu’il en soit, j’ai tenu parole, maintenant, à toi de tenir la tienne. Alors que se passe-t-il dans la section médicale ?
Je grimace. Il m’a eue. Dès l’instant où j’ai accepté son défi, il avait gagné et il le savait. Sa petite démonstration n’a fait que confirmer ma confiance en lui. Désormais, je ne peux plus faire marche arrière. Malgré tout, je nage en plein trouble. La question est simple contrairement à la réponse. J’hésite sur la manière à adopter. J’ai peur des conséquences. Si je le dis, on me le fera regretter bien assez vite. J’ai juré le silence. Hans n’a toujours pas bougé. Il veut une réponse. Je me frotte le visage avec mes mains pour calmer la tension qui me gagne. Je ne sais plus ce que je dois faire. Inconsciemment, je touche une cicatrice sur le haut de mon front. Je me l’étais faite le jour de ma rencontre avec Isis. Cette blessure m’en avait fait baver pendant longtemps. C’est vrai, depuis que je suis ici, j’enchaine les tourments. À cause de ses missions, mon corps devient de plus en plus hideux. Isis et Vincent ont raison, cela ne peut pas continuer de cette manière indéfiniment. Pourquoi est-ce que je persiste à faire comme si tout allait bien, alors que je sais que c’est tout le contraire ? Qu’est-ce que ce secret m’a apporté depuis que je l’endure ? La réponse s’impose à moi immédiatement. Rien et c’est bien ça le problème. À partir de cette pensée, je ne me préoccupe plus des répressions. Une ancienne colère refait surface. Elle me surprend par sa violence. La dernière fois que j’en ai ressenti une de cette ampleur, c’est quand j’ai rencontré mon père. Je m’étais jurée qu’il payerait pour ce qu’il m’avait fait. J’ai peut-être enfin trouvé la manière d’y arriver. Je fixe le plafond.
- Je tue, dis-je de but en blanc.
Voilà, c’est sorti. Je retrouve les yeux de Hans. Ses iris d’un bleu turquoise magnifique me scrutent avec intensité. Bien que cela me déstabilise quelque peu, je m’interdis de détourner le regard. Après avoir avoué, je dois assumer.
- Je tue des expérimentations ratées, précisé-je.
- Des quoi ?
- Des cobayes qui ne sont plus utiles à l’armée.
- Depuis quand ?
- 6 ans
Hans regarde ses pieds. Je ne perçois ni haine ni colère sur son visage, juste une forte incompréhension. Je m’attends à ce qu’il s’éloigne de moi, mais il n’en fait rien. Il se contente de relever la tête pour me dire :
- Tu vas tout me raconter.
Je ne sais pas pourquoi, mais ses propos me soulagent. Je vais rompre un serment fait à mon père et cela ne me dérange plus.
Je reviens ici pour te dire que j'ai adoré ce chapitre ! Il m'a fait un peu penser à Divergente. J'ai trouvé l'échange entre Elena et Hans beaucoup plus vivant et cohérent que dans tes tout premiers chapitres. Leurs réactions paraissent réalistes et leur correspondent. J'ai été un peu surprise par Hans qui entraîne Elena dans le stand de tire et je n'ai pas compris pourquoi, ce qui a d'autant plus attisé mon intérêt, haha. Oui, j'ai une mémoire de petit poisson (j'ai oublié la condition donnée à la fin du chapitre 14, c'est pour ça que je n'ai pas compris XD) mais je ne regrette pas, car justement, je me suis sentie comme Elena, déroutée.
Et ah oui, on voit le changement en Elena, haha. Et aussi, je trouve que tu gères bien les révélations (ce que fait Elena dans le Projet 66) et la révélation de ses secrets et bien faite, je trouve. C'est vrai que l'aveuglement d'Elena est un peu étrange, mais j'ai mis cela sur le fait qu'elle ne semble pas aimer la vie (enfin c'est plus compliqué que ça, bien sûr) et que au fond d'elle-même, elle souffre. Donc, ça ne m'a pas paru si incohérent. On sent qu'elle évolue et qu'elle reprend sa vie en main face à son père !
Petite fofaute :
*m'a aidé (il manque le e à la fin puisque c'est Elena qui s'exprime)
A+
Petite remarque : le verbe "soulager" dans l'avant dernière phrase est au passé alors que le reste de ton texte est au présent :).