Elena s’est enfuie sans donner la moindre explication. J’ai remarqué que lorsque la situation ne lui convient pas, elle préfère battre en retraite. Toutefois, avant qu’elle ne disparaisse, j’ai cru voir une expression terrifiée apparaitre sur son visage à la mention de sa mission. Je doute qu’elle fasse ça pour me préserver, mais elle semblait sincèrement inquiète. Décidément, je ne comprends plus rien et c’est quelque chose qui peut m’irriter. J’ai l’impression que plus je veux en apprendre, plus je m’éloigne de la réponse. J’ai beau être un haut gradé, dans cette situation, je ne suis qu’un simple soldat parmi tant d’autres. Je fais les cent pas dans mon bureau depuis tout à l’heure. Une rage soudaine monte en moi. Mon poing frappe le mur. Ne pas savoir est une véritable torture. Je reprends ma marche frénétique. Elena est une de mes seules solutions et c’est de loin la moins dangereuse. Je me mets à douter au fond, pourquoi je m’acharne à ce point ? Je réfléchis et peine à trouver la réponse. Je me dis que c’est pour Anna, puis je réalise que c’est surtout pour moi. Je souhaite comprendre ce que j’ai vu dans cette forêt. Malgré ses silences, Elena m’a appris sans le vouloir que la créature venait de la section médicale. J’avais déduit juste. Mais alors, quel est leur but ? Faire une armée de monstres ? Cela ressemblerait à de la science-fiction et ce serait stupide. Je reste persuadé que leur objectif est plus profond que ça. Le maréchal Darkan est connu pour être un homme d’une rare intelligence. Il a forcément une idée moins banale et c’est ça qui m’effraye le plus. J’en viens à m’interroger sur le sens de cette base. Je me suis toujours demandé pourquoi elle existait. On n’a pratiquement aucun contact avec l’extérieur. Elle se trouve isolée en plein milieu de la montagne cachée par la forêt. La première fois que je l’ai vue, j’en ai eu des frissons. Une froideur émanait des murs. La porte de mon bureau qui s’ouvre met fin à mes réflexions. Au vu de cette entrée qui a le don d’augmenter ma mauvaise humeur, je devine immédiatement qui est le visiteur. Mon regard se porte sur l’intrus et je vois ainsi ma déduction confirmée en découvrant Nikolaï sur le palier. L’étonnement apparait sur son visage lorsqu’il me remarque. Il n’est pas exagéré de déclarer que je ne suis pas présentable. J’ai jeté ma veste par terre en arrivant et déboutonné le haut de ma chemise, tellement j’avais chaud. Pour ne rien arranger, à force de passer ma main dans mes cheveux, ils sont dans un désordre pas possible.
- Nikolaï, combien de fois t’ai-je déjà dit de ne pas entrer chez les gens de cette manière ? m’exclamé-je, exaspéré. Tu te crois dans un moulin ?
- Pourquoi ? Tu as quelque chose à cacher, me réplique mon frère sans paraitre le moins du monde désolé.
- Bien… Bien sûr que non, bafouillé-je. Et puis, ce n’est pas le problème ! La prochaine fois, tu attends que l’on t’autorise à entrer.
Pour toute réponse, mon ainé lève les yeux au ciel. Je me retiens de faire une quelconque remarque. Autant, parler à un mur ! Sans se préoccuper davantage de mon mécontentement, il s’enquiert en me désignant du menton :
- Un problème ?
Je tente de cacher mon trouble derrière un demi-mensonge :
- Je me demande comment apprendre le tir à mon élève.
- Cela ne va toujours pas ? constate-t-il en croisant ses bras sur sa poitrine.
- Pour être honnête non et Darkan est loin de me faciliter la tâche.
- Fais-toi aider.
- Surtout pas ! Je passerai pour un incompétent, m’empressé-je de rétorquer. De plus, tu connais la meilleure ? Cette idiote s’est blessée aux mains. Je peux faire une croix sur l’entrainement pendant quelques jours et vu le temps qu’il me reste cela ne m’arrange pas du tout.
- Je suis sûr que tu fais ton possible.
- Au fait, que me veux-tu ? demandé-je pour changer de sujet.
- Luna m’a transmis une lettre pour toi. Elle était débordée et ne pouvait s’en occuper, me répond-il en me tendant la note en question.
- Merci. Autre chose ?
- Non. Je vais te laisser. Et puis si je peux te donner un conseil, petit frère, évite de te prendre la tête. Si tu expliques calmement à Elena, elle ne peut que progresser.
- J’aimerais avoir ton optimisme, mais malheureusement cette andouille est une vraie tête de mule.
- Fait comme tu veux. Allez, salut.
- Salut.
Nikolaï sort de la pièce comme il est entré. Je m’adosse à ma table et ouvre la missive de Luna. Cela doit être notre projet de stratégie. Je lis distraitement les paragraphes. Je n’ai pas la tête à ça et pourtant c’est un projet qui me tient à cœur. Je m’en occuperai lorsque je serai plus attentif. Le gargouillement que fait mon estomac met définitivement fin à mes préoccupations. Je regarde ma montre. Il est passé 22 h. Pas étonnent que je meure de faim. Je n’ai pratiquement rien avalé de la journée.
Je suis à la cantine de la base. Le plat qui m’a été servi est toujours aussi insipide. L’aspect et le goût ont beau être peu appétissants, j’ai fini par m’y habituer. Je mange sans entrain. Ce soir contrairement à ma routine, je soupe seul. Nikolaï, Luna ou encore Liam sont souvent mes compagnons de table, mais aucun n’était présent aujourd’hui. Je termine mon assiette en raclant les bords à l’aide de bouts de pain. Un groupe de jeunes soldats passe à côté de moi au moment où je me lève. Certains en remarquant mon grade se mettent au garde-à-vous. Je les ignore et débarrasse ma place. Ils finissent par rompre leur pose et continuer leur chemin. C’est contraire au règlement. Normalement, j’aurais dû leur prêter attention, mais ils savent que je ne suis pas trop à cheval sur les règles. Ils auraient agi autrement s’ils avaient eu affaire au major général Tellin. Au lieu de tourner en rond, je préfère aller me reposer dans ma chambre. Au moins, je suis sûr que là, je ne serais pas dérangé. Lorsque j’y suis, je m’allonge sur mon lit et reprends mes réflexions. Je n’ai pas le temps de me concentrer que l’on frappe. Je peste intérieurement. Qui cela peut-il bien être à une heure pareille ? J’ouvre et trouve sur le seuil la personne que j’attendais le moins. Elena me dévisage sans rien dire. La stupeur passée, je la laisse entrer et claque la porte derrière elle. Elle avance jusqu’au centre de la pièce. Elle semble complètement ailleurs. N’en pouvant plus de patienter, je me lance :
- Que me veux-tu, Darkan ?
- Discuter, me dit-elle sans prendre la peine de me faire face.
- Cela ne peut pas attendre demain ?
- Non ! répond-elle sèchement
Je m’affale sur mon lit. Sans que je l’y invite, elle attrape une chaise et s’assoit dessus à califourchon. Après un long silence pendant lequel nous nous dévisageons, elle se lance :
- Pourquoi veux-tu savoir tout ça ?
- Cela ne te regarde pas.
- Oh que si ! Ne crois pas t’en tirer comme ça, Wolfgard. Je te le redemande. Pourquoi veux-tu savoir ?
Je me tais et remarque qu’elle a plissé les yeux. Elle doit me soupçonner de quelque chose, mais j’ignore quoi. Elle tapote nerveusement sur le dossier de la chaise. Elle attend une réponse, mais ne voyant pas venir, elle reprend :
- Est-ce que par hasard, tu serais un rebelle ?
Je reste sans voix. Elle m’accuse d’être un traitre. Je secoue la tête vigoureusement. Avant d’avoir pu répliquer, elle se lève et sort un poignard de sa veste. Elle avance calmement vers moi, ce qui la rend encore plus terrifiante. Elle continue :
- Si c’est le cas, je n’aurai pas d’autre choix que de te livrer.
Elle pointe son arme vers ma gorge.
- Réponds !
Je déglutis bruyamment. Elle ne semble aucunement rigoler. Je me décide à lui révéler une part de la vérité.
- Quelqu’un que je connais a disparu en venant ici. Je souhaite juste la retrouver.
Une lueur de surprise transparait dans ses prunelles. Toutefois, la dureté de son regard revient directement après.
- As-tu une preuve de ce que tu me racontes ?
- Nikolaï pourra te confirmer tous mes dires.
Elle recule légèrement son arme de ma peau.
- Inutile, contrairement à toi, je lui fais confiance.
Elle finit par retirer sa lame pour de bon et la ranger dans sa veste. Je pousse un soupir de soulagement que je ravale direct quand elle me pointe du doigt.
- Mais ne crois pas t’en tirer à si bon compte, m’avertit-elle.
Je me lève. Décidément, il y a quelque chose que je ne comprends pas dans son comportement.
- Depuis quand es-tu si loyale à l’armée ? m’étonné-je.
Ma collègue qui m’avait déjà tourné le dos fait volte-face violemment. Je n’ai pas le temps de réagir que je suis plaqué au mur. Elena n’en a pas l’air, mais elle a une sacrée force vu son gabarit.
- Si j’étais toi, je ferais attention, me met-elle en garde.
- Tu ne fais rien pour cacher ton mépris pour cet endroit, relevé-je. Pourquoi le défendre ?
- Tais-toi !
Elle tremble légèrement. C’est rare de la voir perdre son contrôle. Je hausse les épaules et me dégage de son emprise sans trop de difficulté. Elle serre les poings. Son corps est traversé de frissons.
- Décidément, c’est quoi ton problème ? vocifère-t-elle.
Je suis définitivement largué. C’est plutôt elle qui en a un. Qu’est-ce qui lui prend ? Je m’avance et lui demande de se calmer. Elle relève la tête brusquement et me gifle. Je lui empoigne le poignet et la maitrise. Elle doit me faire une crise. Elle gesticule, mais voyant que cela ne sert à rien, elle se laisse faire. Je l’assois de force sur une chaise. Elle attrape son visage entre ses mains et murmure des propos inaudibles.
- Darkan ? m’inquiété-je.
Elle se redresse au son de ma voix.
- Tu tiens donc si peu à la vie ? me demande-t-elle de but en blanc.
Je ne fais rien pour cacher mon étonnement. Où veut-elle en venir ?
- Bien sûr que j’y tiens, affirmé-je
- Alors tu devrais faire plus attention. Tu crois que ton ami vaut la peine que tu y laisses la vie ?
- Non, mais tu t’entends ? m’indigné-je.
- Je ne fais qu’énoncer la vérité.
- Quand bien même je risque ma vie, j’aurais au moins fait quelque chose qui me semble juste.
- Tous tes beaux discours ne servent à rien, ricane-t-elle. Qui essayes-tu de convaincre en disant cela ?
- Pas toi en tout cas. De toute façon, je me fiche bien de ce que tu peux penser.
- Vraiment, je ne te comprends pas. Pourquoi te démener à ce point pour quelqu’un qui est peut-être mort à l’heure qu’il est ?
À l’instant où ma collègue a prononcé ces mots, j’ai eu l’impression de recevoir un coup de massue.
- Qu’est-ce qui te prouve qu’il est mort ? murmuré-je d’une voix blanche.
Livide, Elena plaque sa main sur sa bouche et ne rajoute rien. La colère refait surface en moi. Je lui attrape le menton pour qu’elle m’écoute.
- Désormais, tu ne peux plus faire marche arrière.
- Je ne dirai jamais rien ! crache-t-elle.
- Tu viens pourtant de le faire à l’instant.
Elle grimace face à mon dernier argument. Elle se mure dans le silence. Je continue :
- Vas-tu m’expliquer maintenant ?
- Je ne peux pas.
- Tu n’as pas vraiment le choix. Car peu importe la manière, j’arriverai à te faire parler.
- Du chantage ? s’insurge-t-elle.
- Appelle cela comme tu le veux !
- Ce n’est pas de cette manière que nous nous entendrons mieux.
- Si tu savais comme je me fiche de notre entente ! Je veux savoir, un point c’est tout !
Nouveau moment de silence. C’est quand je crains de ne plus rien obtenir de ma collègue que celle-ci déclare d’une voix résignée :
- C’est d’accord. Je te le dirai.
Un mélange de soulagement et de joie me gagne et j’ai bien du mal à cacher le sourire qui me monte aux lèvres. J’ignore pourquoi ce brusque revirement, mais « enfin » est le seul mot qui me vienne à l’esprit.
- Mais à une condition, continue Elena.
Mon euphorie retombe quelque peu. Évidemment, cela ne sera pas gratuit.
- Si c’est réalisable, j’accepte.
- Je veux que tu me prouves que tu es digne de confiance.
Je me fige et grimace. C’est ça sa condition ?
- Comment ?
- Débrouille-toi ! me lâche-t-elle.
Sur ce, Elena se dépêche de se lever et de quitter la pièce. Pourtant, avant qu’elle ne sorte, je suis prêt à jurer qu’elle souriait.
En revanche, je trouve que tu racontes beaucoup. Je ne suis pas sûre que la scène du réfectoire soit utile. Je pense que tu pourrais plus montrer les caractères des personnages, plus par leur gestuelle et leur description. De même avec les actions. Sortir plus de la tête de Hans ou Elenna ou Isis, et creuser le détail. Je ne sais pas si c'est très compréhensible tout ce que je raconte... je suis désolée si ce n'est pas claire... m'enfin, ce n'est que des suggestions pour t'aiguiller. ^^ Je me répète mais pose des questions si tu en as, je serais ravie de t'y répondre :)
https://arnierblog.wordpress.com/2019/02/08/cas-pratique-montrer-plutot-que-raconter/
Si tu connais déjà, eh bien : Oups ! ^^'