Chapitre 15 - Envolé

Par arno_01
Notes de l’auteur : Et voilà, le dernier chapitre du tome 1.
Il vous faudra attendre quelques mois pour le tome 2.

Le soir même, nous étions de retour à l’ENOS. Les quatre brigades s’étaient réunies dans un des salons de l’école. A la table centrale avec les autres meneurs des brigades, Georges nous débriefait ce qui s’étaient passés durant toute la journée.

« Voilà, terminait-il sa présentation, maintenant vous connaissez en détail la belle pagaille de la journée. Quand même, devoir déployer vingt mille militaires, pour encadrer d’autres militaires !

- Ils ont découvert d’énormes disfonctionnement dans la chaîne de commandement, rajouta Elia. Heureusement que ce n’était qu’un entraînement. Des têtes vont tomber.

- Vous croyez qu’on pourrait leur demander des médailles ? leur demandais-je avec un grand sourire. »

La blague perdura et se changea en fou rire général.

« Sérieusement, me demanda Mia. Vous avez pu récupérer les codes de chacun ?

- Oui, Lou est en train de les transmettre à Wearek.

- C’est fait, me souffla-t-elle à l’oreille.

- Alors maintenant on fait quoi ? »

Cette question je ne l’avais pas anticipée. Et bien que posée par un des amis de Georges, elle m’était très clairement destiné. Trop concentré par la mission, je n’avais pas envisagé la suite. Que dirait Wearek ? que pourrait-il faire ? S’il n’avait plus la direction de l’ENOS, il n’avait peut-être plus la possibilité de mettre en place ce qu’il souhaitait par la suite. Ferait-il quelque chose pour nous ou nous laisserait-il tomber ?

Tous me regardaient, j’avais pleinement – tout en étant plongé dans ces questions – que le silence s’était fait. Il devenait palpable, tangible. Aussi avant d’y être trop immergé dans ces questions, je les mis de côté.

« Pour ma part, ce soir je vais danser. Qui vient ? » lançais-je en bravade à ma brigade. Le cri unanime d’approbation qui suivit, me rassura un peu. Nous verrions bien demain. Et nous commençâmes tous à sortir du salon. Quand Elia jura assez fort pour couper toutes les conversations.

« C’est quoi ça ?! » Elle tenait son terminal à un des membre de sa brigade qui était spécialisé en informatique. Je le vis regarder à son tour son terminal, et blanchir. Nous nous jetâmes tous sur le nôtre, pour regarder la même chose se produire partout. A travers les étages, le même cri d’incompréhension résonnait à tous les étages. Nous entendîmes mêmes quelques cris des bâtiments voisins.

Dès que j’avais vu mon terminal, je m’étais précipité, bousculant tout le monde, vers Lou. En chemin j’avais agrippé Swann que je traînai derrière moi. Lou avait déjà commencé à travailler, elle s’était étalée par terre. Deux claviers étaient sortis, et trois écrans étaient projetés au mur d’à côté.

« Tout le monde a le même problème », me dit-elle sans me lancer un seul regard, se doutant au silence qui s’était fait que je m’approchais d’elle. Swann vint la rejoindre, et sans un mot entre eux se mirent à travailler – enfin au vu de ce qui arrivait c’était juste une tentative de travail.

« Je pensais que tu nous avais mis les plus hautes protections, n’est-ce pas ? lui demandais-je

- C’est le cas. Ce qui veut dire qu’il y a un cheval de Troie, dans un de ces programmes de protection.

- Qu’est-ce qu’ils sont en train de faire à nos terminaux ? nous demanda Mia, qui s’était approchée. Nous on n’arrive pas à prendre la main dessus.

- Moi non plus, confirma Lou. J’arrive uniquement à le ralentir, et à comprendre à peu près ce qu’il fait. Passe-moi ton terminal Mia, que je compare. »

Elle et Swann travaillaient sur trois terminaux : le mien, celui de Lou, et celui de Mia. Et pendant cinq minutes il n’y eut aucun autre bruit que leurs doigts qui tapaient le carrelage où des claviers de saisies complexes étaient projetés. Elle demanda alors qu’on lui envoi d’autres terminaux. Certains s’étaient déjà totalement éteint. Mais sur d’autres le virus tournait encore.

Nous étions tous sous le choc. Nous avions tous des terminaux militaires depuis notre engagement – qui devaient donc avoir une technologie de protection importante. Dans chacune de nos quatre brigades, nous avions ajouté de nouveaux systèmes de protections. Je savais que Lou n’avait jamais réussi à percer les terminaux des trois autres brigades, à sa grande déception. Nous obligeant à recourir à des méthodes plus traditionnelles pour nous favoriser lors des entraînements – investir le terrain à l’avance pour poser des pièges ou trafiquer les batteries adverses.

Les méthodes de protection n’étaient pas les mêmes dans chacune des brigades présentes – encore moins dans tous l’ENOS si les cris que nous entendions était provoqué par le même virus.. Qu’un cheval de Troie ait pu s’introduire sur tous nos terminaux me paraissait impossible. Ce ne pouvait être un hasard, et avait dû être préparer depuis longtemps.

Lou finit par rendre son verdict.

« Sur la plupart des terminaux, les données sont effacées. Par-dessus le programme réécrit et réefface environ soixante-dix fois. De sorte qu’il serait impossible de relire les données de nos terminaux. Sur certains terminaux, avant d’être supprimées, les données sont copiées et envoyées sur le réseau. Je n’ai pas réussi à savoir où.

- Chez qui les données sont-elles perdues ? demanda Mia

Je vis Lou déglutir avant de répondre

- Toute ton équipe Mia. Ainsi que tout le monde sauf : Georges et Estelle; Elia, Luc et Stourn; et puis Anthem, Swann et moi.

- Wearek avait reçu tous les codes avant que ça ait commencé ?

Mia avait compris la même chose que moi. Et je surpris les regards d’Elia, et Georges qui avaient suivi le même raisonnement. Les noms cités, à part les responsables de brigades, étaient les spécialistes en sécurité et piratage de chaque groupe – excepté celui de Mia.

- Oui, confirma Lou, qui devait commencer à comprendre.

- Fais chier ! jura Mia.

Et nous regardant Elia, Georges et moi

- Bien joué, le serrement dans sa voix était réel. C’est vos brigades qu’il a choisies. Bon courage pour la suite. Ça ne sera pas rigolo pour la suite, mais vous aurez la chance d’être avec vos brigades. »

Nous étions tous d’accord. Aucun des présents ne voulait se séparer de sa brigade, de ses amis, et c’est pourquoi nous avions tant donné, et tout risqué.

Mia parti en jurant « Il aurait pu en choisir quatre ! » Mais aucun des trois capitaines retenus n’avions cherché à l’arrêter. Nous aurions pu lui dire que cela ne nous voulait rien dire. Que la copie de nos données ne pouvait être un indice. Que le piratage ne venait pas forcément de Wearek. Que … Que …

Mais cela n’aurait servi à rien. Nous avions tous compris que seul Wearek avait pu faire cela. C’était lui qui avait fourni aux officiers les programmes de hackage et de protection que nous avions installés sur nos terminaux. C’était dans ces programmes, qui devaient nous protéger, que Wearek avait caché le cheval de Troie. Il devait vouloir s’assurer que personne ne puissent garder des traces de ce qu’il nous avait fourni.

Les données des responsables informatiques et des chefs de brigade avaient été copiées pour que nous puissions les retrouver, et remettre en place nos outils, quand nous serions là où Wearek nous voulait. Au service de je ne sais trop quoi. A faire des choses dont j’en savais encore moins.

Nous n’allâmes pas danser. Chacun préférant se retirer avec sa brigade. Les terminaux finissaient de se réinitialiser. Désormais tout blanc, ils ne détenaient aucune donnée. Wearek avait effacé toutes ses traces – et aux passages quelques une des nôtres : photos, vidéo de nos mois ici avaient disparus.

* * *

Dans la nuit, alors que je me débattais en rêve contre un problème insoluble – comment faire rentrer un crâne brisé dans mon term, pour enfiler le tout dans le trou d’une serrure – l’activation de mon terminal me réveilla.

Je me plongeais dedans pour voir ce qu’il me restait. Ce fût rapide : rien. Tout avait été supprimé, peut-être copié ailleurs mais pas disponible sur le moment. Ce n’était pas la perte des outils informatiques de Lou qui me peinait – d’autant que j’aurais parié qu’elle avait des sauvegardes – mais j’y avais quelques photos : de ma famille, de la brigade, de Xian, mais surtout de Cynthia.

J’en étais à me dire qu’il me fallait écrire un message à Wearek, quand j’en reçus un de sa part. C’était nos nouvelles affectations. J’étais affecté en tant que lieutenant principal d’une brigade, dans une division qui m’était inconnue. Même le corps d’armé n’était pas précisé : infanterie, navigation, stations. Je n’en savais rien. A part le principal, toute ma brigade était avec moi.

Je partis pour me rendormir un peu plus serein que la veille, quand la fin du message me marqua : nous avions rendez-vous dans moins d’une heure à l’extérieur de l’ENOS. Nous devions passer outre le couvre-feu, et ne rien laisser derrière nous. L’affectation était donc bien totalement officieuse. Ça y’est nous allions partir.

Je réveillai tous mes camarades. Joanne et Lou avait trouvé refuge dans un des dortoirs libres d’à côté, et je frappai comme un forcené pour les réveiller. Nos affaires, en partie prêtes depuis deux jours, furent facile à emballer. J’aurais voulu effacer jusqu'à notre présence dans l’école, mais Lou avait perdu ses outils informatiques. Je dû me contenter d’espérer que Wearek y aurait pensé.

Dehors les patrouilles de surveillance du couvre-feu étaient inexistantes – pour le dernier soir personne n’allait tenter de faire respecter une des règles les plus bafouées de l’école.

Sur le chemin de notre de rendez-vous, en plein milieu des bâtiments de dortoir ouest, je vis des lumières dans l’un d’eux. C’était le dortoir de Georges qui avait dû recevoir comme moi des instructions spéciales. Secret Défense. A ne divulguer sous aucun prétexte. Détruire le message avant arrestation. Telles étaient les consignes qui y étaient associées. Je pariais que si nous faisions un détour vers le nord, nous verrons le dortoir d’Elia allumé – ou déjà vide s'ils avaient été plus rapides.

Sortir de l’école, en passant par-dessus le mur d'enceinte, était une formalité. Nous l’avions fait tant de fois pour aller danser. Je sentis cette fois-ci un pincement au cœur, nous partions vers l'inconnu. Non. Si je voulais être exact c’est moi qui emmenais mes amis vers l'inconnu. Et, avide d'aventure, d'un peu de gloire aussi, ils me suivaient. Aveuglément.

En haut du mur Xian, se permit quelques pas de danse sous notre regard à tous, dans un silence presque religieux. Il venait de notre part dire un au revoir à l’ENOS. Cette école si bizarre qu’elle encourageait la triche sous toutes ses formes, et qui nous avait laissé quelques bons souvenirs. Nous comprenions que nous y laissions un peu de cette sensibilité et cette insouciance qu’on nous avait permis de garder ces quelques mois, bien loin des réalités de la guerre.

Vingt-cinq minutes plus tard nous étions enfoncés entre les champs cultivés et les terrains d’entraînements militaires. En plein milieu du chemin, une Buse noire nous attendait.

Il y avait un seul occupant, qui ne prit pas le temps de vérifier qui nous étions. Il tendit une enveloppe d’instruction que je pris, lui indiquant ainsi qui dirigeait – je me promis de ne plus faire cette bourde par la suite devant un inconnu.

Le sergent nous salua, et sans qu’une seule parole n’ait été échangée il partit par le chemin d’où nous venions. La liasse d'instruction ne contenait que des indications de vols – je n'aurai vraiment pas dû prendre cette liasse. Je les tendis à Brunach, qui accompagné de Joanne, alla prendre le pilotage de notre Buse.

Brunach resta en rase motte, laissant voir les phares de notre avion éclairer le sol. Nous partîmes plein nord, vers ces terrains ou s’entraînaient l’artillerie spatiale – lunaires, vides de toute traces. Notre conversation s’en ressenti : inexistantes. Ceux qui ne s’étaient pas encore rendormis, se perdaient dans leurs pensées – et j’étais le plus perdu d’entre eux.

Aussi nous accueillîmes l’aurore avec soulagement. La lumière du soleil se reflétaient doucement sur l’océan vers lequel nous nous dirigions. Toute l'équipe se réveilla peu à peu. Nous étions partis. Et les sourires s’épanouissaient doucement sous nos pensées qui s’alignaient. Xian était déjà parti dans une danse silencieuse arrachant nos regards à l’océan.

« Alors, c’est bien vrai ! Lança Maro dans un bâillement. Nous avons réussi ?

- Réussi l'ENOS, oui. Mais où va-t-on ? Je n’en sais rien.

- Nous ne savons même pas dans quelle unité nous sommes affectés.

- Quoi vous n’avez pas devinez ?! s’interloqua Swann. C’est pourtant évident. Nous sommes recrutées pour être là prochaine équipe de missions secrètes. »

Ça y est c’était dit, sans que j'aie eu besoins de le lancer. Nous rîmes tous, à ce rêve d'enfant qui nous avait quitté depuis longtemps, et que nous nous empressions d’aller retrouver. Fini l'école où nous savions ce qui nous entourait. Nous n'irons pas non plus au front à servir de chair à canon pour général incompétent, ou de bouclier vivant pour vétéran aguerri.

Je ne savais si nous avions plus de chance d’y survivre. Je savais uniquement que j’avais les meilleurs amis et frères d’armes que je pouvais demander. Je savais aussi que Wearek détenait les codes d'affectation de Cynthia – et sait-on jamais ceux de Julie – et qu’il comprendrait qu’en paiement de l'équipe que je lui apportais il devrait les protéger.

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