Chapitre 15
Pris au piège
Hava ne comprit pas tout de suite le sens de cette phrase, même quand six hommes entrèrent dans la pièce dans un même mouvement. Ils étaient habillés comme dans les films d’action américains : costume noir, lunettes noires, et si on avait pu le voir, sans doute le regard noir. Cette présence n’étonna pas Hava qui pensait qu’un milliardaire américain ne devait pas se balader dans un pays étranger les mains dans les poches. Tous les six s’assirent par deux sur des tables autour d’eux. Vinrent ensuite des serveurs qui avaient sur leur plateau de quoi satisfaire les convives avec des boissons variées. Hava pris un soda tandis que ses parents se laissèrent séduire par un grand cru. Quand chacun eut trouvé son bonheur, Ambrister se mit debout et porta un toast.
— Je vous propose que nous levions nos verres à ce pays merveilleux que je découvre en ce moment même. J’ai le sentiment qu’il est beaucoup plus intéressant que je ne l’imaginais.
— Je vous le confirme, sourit Albin. Nous y avons d’ailleurs rencontré notre trésor, poursuivit-il en regardant Hava, les yeux embrumés.
— Moi de même, j’y ai déniché mon pygmalion, ajouta Ambrister en la fixant lui aussi.
Elle n’appréciait pas d’être ainsi le centre de l’attention. De plus, autant elle comprenait ce que son père voulait dire, autant l’air avide que lui portait le milliardaire la mettait mal à l’aise. À voir le sourire sur les lèvres de ses parents, elle était la seule à ressentir ce malaise. Comme toujours, la discussion entre adultes ne l’intéressait pas et elle s’en détourna. Elle observait nerveusement autour d’elle. Elle avait l’impression d’être un animal que l’on venait de piéger.
— Hava, ça va ? Tu ne t’ennuies pas trop ? s’enquit Célia.
— Tout va bien, mentit-elle.
— Nous disions à monsieur Dester que nous étions surpris de le rencontrer ici, au Bhoutan, lui chuchota Albin. D’autant qu’il doit avoir des milliards de choses à gérer après le décès de son père.
— J’adore inviter des personnes intéressantes à ma table, expliqua Ambrister qui l’avait entendu. Pour être franc, ce n’est pas vraiment un hasard si je suis là aujourd’hui, et si nous nous rencontrons.
Son ton avait changé quand il avait dit cette phrase. Hava l’observa plus attentivement, un sourire mauvais avait accompagné ses dernières paroles.
— On m’a beaucoup parlé de toi hava.
Cette fois, le doute n’était plus permis. Quelque chose clochait, même ses parents avaient eu un mouvement de recul quand Ambrister avait dit son prénom. Comment le connaissait-il ?
— Pour tout te dire, on m’a même parlé de toi bien avant ta naissance, poursuivit-il.
— Mais qu’est-ce que vous racontez ? s’étonna Célia.
— Nous allons vous laisser, compléta Albin.
Il se leva, en saisissant la main d’Hava dans un geste protecteur. Elle hésita quelques instants entre l’envie d’en savoir plus et le fait de se protéger. Mais pour ne pas les contrarier, elle se leva à son tour.
— C’était un plaisir, mais nous sommes fatigués, confirma Célia.
— Vous n’allez pas nous quitter si vite ? lâcha Ambrister.
Cette phrase sonna comme un signal, et les six hommes se levèrent à leur tour. Avec une dextérité déconcertante, ils se positionnèrent par deux derrière d’Hava et ses parents. À l’évidence, cette manœuvre était préparée. Albin tenta de pousser l’homme qui était devant lui qui évita sa main et lui fit une prise aux bras. L’homme força le père d’Hava à se rasseoir. Il n’était même pas essoufflé. Hava et sa mère se regardèrent. Si Albin avait été maîtrisé aussi facilement, ce n’était pas la peine qu’elles essayent quoi que ce soit. Toujours sans se parler, elles reprirent leur place. Tous les sourires avaient disparu autour de la table, et Ambrister parla sincèrement pour la première fois.
La lumière baissa d’un coup. Le ciel, qui était encore lumineux quelques seconds avants malgré l’heure tardive, s’était soudain alourdit, tournant à l’orage. Le bruit du vent dans les tuiles et les vieux volets en bois qui tapaient contre les fenêtres furent pendant quelques secondes les seuls sons qui les entourèrent. Ambrister finit par reprendre la parole.
— La personne que vous appelez monsieur Trulin travaille pour moi depuis des années. Son vrai nom est Prats. Son boulot consiste à traquer pour moi les proies les plus rares à travers le monde, et aujourd’hui, il m’a ramené la plus précieuse à mes yeux.
— Qu’est-ce que vous racontez ? s’inquiéta Albin. Que vous a-t-il ramené ?
— Votre fille, Hava.
— Vous ne la toucherai pas un cheveu de ma fille ! Nous ne vous laisserons pas faire.
— Ne vous inquiétez pas, ce n’est pas à ses cheveux que nous en voulons.
Ambrister avait dit cette phrase avec un ton qui avait fait passer un frisson dans tout le corps d’Hava. Son regard était un mélange d’avidité et de de colère. Hava n’avait pas peur pour elle, mais pour ses parents. Elle ne voulait pas qu’il ne leur arrive le moindre mal. Depuis qu’ils étaient revenus dans ce pays, elle se sentait responsable d’eux. Elle les mettait en danger sans cesse. Hava ne voulait pas continuer à les mettre en danger.
— Je vais avec vous seulement si vous laisser repartir mes parents.
— Malheureusement, ce n’est pas possible Hava. Ce sont mes invités eux aussi. D’ailleurs, nous allons nous mettre en route, j’en ai assez de me vautrer dans la boue.
Encore une fois dans un même mouvement, les hommes attrapèrent les bras d’Hava et de ses parents et les forcèrent à se lever. Un bruit se fit entendre à l’extérieur qu’Hava reconnaissait facilement, l’hélicoptère avait remis son moteur en route. Les hommes resserrèrent leurs étreintes puis ils les forcèrent à avancer. Albin essaye de résister mais il se prit un coup de poing dans le flanc qui lui ôta toute envie de résister. Ils allèrent vers l’arrière de la maison. Quand Ambrister ouvrit la porte, une rafale de vent accompagnée de pluie fraiche entra dans la pièce. L’homme d’affaire mit son bras devant son visage pour se protéger et il cria de continuer à avancer pour se faire entendre entre le bruit de l’hélicoptère et celui de la tempête grandissante. L’appareil vrombissant n’était qu’à une cinquantaine de mètres.
Le petit groupe quitta la maison avança contre les éléments. Hava essayait de résister, mais elle était toujours maintenue des deux côtés, à tel point qu’ils la portaient presque. Ils en étaient à mi-chemin quand soudain un mur se dressa devant eux. C’était un mur de fleurs qui poussaient à une vitesse extraordinaire, si bien qu’en quelques secondes, ils étaient coupés de l’hélicoptère par un mur végétal à taille humaine. Ambrister, agacé, tenta de pousser les tiges d’un geste violent et il se mit à crier. Des boutons rouges lui poussèrent sur la main. Un des hommes qui tenait Hava la lâcha pour désigner les boutons des fleurs qui s’ouvraient, laissant apparaitre des petits êtres. Ils ressemblaient à des petites fées qui dormaient.
— Mais ce n’est que des sylphes, leur cria monsieur Prats. Vous ne risquez rien. Ce ne sont que des esprits innocents.
Mais à peine avait-il fini sa phrase que des petites lumières apparaissaient dans toutes les fleurs. Les petit être ouvraient les yeux. Puis ils commencèrent à s’envoler, l’un après l’autre. Quand ils furent en l’air, Hava pensa au vol de papillon qu’elle avait vu la veille. Ils étaient plus d’une centaine qui commencèrent à tourner de plus en plus vite, ce qui créa un tourbillon. Hava et les autres durent se cacher les yeux pour se protéger. Les sylphes tournèrent de plus en plus vite, jusqu’à ce qu’une vive lumière blanche leur firent fermer les yeux d’aveuglement. Quand enfin elle put enfin rouvrir les yeux, les sylphes avaient disparues. Elles avaient laissé place à Sinha. Mais il n’avait pas l’air doux et paisible qu’elle lui avait connu. Le lion des neiges qui était devant elle étaient couvert de ronces et il montrait des crocs aiguisés. L’homme qui avait lâché Hava quelques secondes plus tôt n’eut pas besoin de plus pour faire demi-tour et repartir vers la maison en courant. Mais avant qu’il pût y rentrer, la porte s’ouvrit et Anan et Ikari en sortirent.
En quelques secondes, la situation s’était complètement inversée, et c’était maintenant Ambrister Dester et ses hommes qui étaient pris au piège. Hava l’observa. Il s’intéressait plus à sa main douloureuse qu’à ce qu’il se passait autour de lui. Par contre, quand elle regarda Prats / Trulin, elle s’attendait à le voir apeuré, mais au lieu de ça, son visage était barré par un sourire qui l’inquiéta. Il tourna la tête vers elle, et hava s’aperçut que son regard avait changé. Puis c’est son visage complet qui se transforma et même son corps. Si bien que devant elle, ce n’était plus le chasseur de proie qu’elle avait devant elle, ni même le fonctionnaire français… Non, la personne qui lui faisait face était celle de ses visions : Dajimi.
— Nous allons enfin pouvoir jouer à visage découverts, cria-t-elle à Hava pour couvrir le bruit du vent.
Elle leva les bras et commença à tourner sur elle-même en prononçant des phrases qu’Hava ne comprenait pas. Il y eut quelques explosions aux alentours où apparaissaient des créatures. Hava ne savait pas ce qu’elles étaient, mais elle n’était pas rassurée. La plupart ressemblaient à ce qu’Hava pouvait croiser dans ses pires cauchemars. Des lézards géants avec des pinces de crabes, des taupes géantes sans yeux mais avec des serpents à la place de la gueule qui s’orientaient tous vers elle. Hava reconnu même le rat qu’elle avait vu plus tôt dans le restaurant, un rat géant avec de longs poils en forme de dreadlocks. Un autre qui ressemblait à un vautour géant multicolore avec des jambes. Le dernier, elle le reconnut facilement bien qu’elle ne l’avait jamais vu. Sa taille imposante ne laissait pas de doute possible sur son identité : le yéti.
Les hommes d’Ambrister partirent en courant, laissant leur proie à leur sort. Hava attrapa les mains de ses parents et les fit reculer jusqu’à Anan et Ikari. Sinha les rejoignit tandis que les créatures leur faisaient face. Ambrister observait d’un regard ahuri les deux groupes qui se faisaient face près à en découdre.
Dajimi se mit entre Hava et les créatures. Comme en attestait le sourire ancré sur son visage, elle était heureuse d’être au centre de l’attention après tout ce temps dans l’ombre. Elle fixait Hava intensément de ses yeux bleus. Elle ne bougeât pas pendant quelques secondes, comme si elle réfléchissait à la marche à tenir. Derrière elle, les créatures s’impatientaient. Finalement, Dajimi prit la parole.
— Pourquoi es-tu revenue Hava ? J’ai tout fait pour t’éloigner de tout ça. Je suis sûr que tu sais ce qu’ils nous ont fait.
— Qui ça ?
— Les humains ! Pour eux nous sommes des monstres, des incongruités. Et quand ils ne comprennent pas quelque chose, sous prétexte de s’en protéger, ils l’enferment. Et toi et moi, ils nous ont enfermés plusieurs milliers d’années. Ils méritent de payer pour ça. Rejoins-moi et nous nous vengerons.
Hava repensa au procès, au discours du grand maitre contre eux. Dajimi avait raison, les humains les avaient enfermés dans des prisons dorées. Même si c’était encore flou dans son esprit, des images lui revenaient. Elle se revoyait en train d’observait les montagnes avec l’envie de voir au-delà, de savoir de quoi était fait le reste du monde. Elle voulait en savoir plus.
— Vous racontez n’importe quoi. Je n’ai que quinze ans. J’ai été adopté ici et maintenant je vis en France. Je n’ai rien à voir avec tout ça.
— C’est ça, et c’est un petit chat à côté de toi ; Dajimi désignait Sihna. Tu en as vu beaucoup, des lions des neiges en France ? Nous sommes sur Terre pour protéger les Hommes, mais ils ont eu peur de nous. Et comme toujours, quand quelque chose leur fait peur, ils préfèrent le cacher que s’y confronter. L’enterrer et l’oublier. D’ailleurs, tu pourras remarquer que toutes les traces de notre époque ont soit disparue, soit été laissé à l’abandon. Regarde les pyramides, nos anciennes cités, dont la plus belle d’entre eux : l’Atlantide.
— Non, les atlantes ont fait exprès de cacher leur cité aux yeux des hommes, cria Hava. Ils l’ont fait après ton procès car ils se sentaient en danger !
— Tu vois que tu n’es pas celle que tu prétends…
Hava mis une main devant sa bouche. Elle venait d’être manipulée. Elle venait de divulguer ce qu’elle avait vu au travers des moulins à prières. Elle avait envie de vomir, comme pour sortir cette colère, cette torpeur qui la saisissait. Pourquoi elle ? Qui était-elle vraiment. La scène était comme figeait pendant quelques secondes. Dajimi la fixait comme si elle voulait lire dans ses pensées. Elle se tourna alors vers la créature à la tête d’oiseau. Il lui fit oui de la tête, tout doucement, comme s’il répondait à une question invisible. Dajimi retourna la tête vers Hava tout doucement avec un sourire vicieux.
— Je sais que tu doutes encore, alors laisse-moi te raconter une histoire.
Quelques coquilles :
- Vous ne la toucherai pas un cheveu de ma fille --> vous ne toucherez
- si vous laisser repartir mes parents --> si vous laissez
- Albin essaye de résister --> essaya
- ils étaient coupés de l’hélicoptère --> il furent
- Mais ce n’est que des sylphes --> ce ne sont que des sylphes
- Les petit être ouvraient les yeux --> les petits êtres
- au vol de papillon --> vol de papillons
- jusqu'à ce qu'une vive lumière blanche leur firent fermer les yeux d’aveuglement --> leur fassent (à vérifier)
- Elle se revoyait en train d’observait les montagnes --> observer
- toutes les traces de notre époque ont soit disparue, soit été laissé à l’abandon --> disparu, laissées