Chapitre 14 une rencontre inattendue

Chapitre 14 

Une rencontre inattendue

Encore une fois, Hava eut la sensation de tomber jusqu’à ce qu’elle sente qu’elle était allongée, mais pas sur le sol. Elle était dans le confort d’un lit. Elle ouvrit les yeux et reconnut immédiatement les lieux : elle était de retour dans sa chambre, à l’hôtel. Son premier réflexe fut de regarder l’heure sur son portable : il était déjà près de midi. Elle se leva rapidement et alla taper à la chambre de ses parents. Quand la porte s’ouvrit, elle trouva sa mère en pyjama. Elle buvait un café qui avait l’air très serré à l’odeur.

— Tu as bien dormi ma chérie ? demanda Célia en se retenant de bâiller. 

— Pas trop non… et vous ?

— Non, répondit Albin qui venait de sortir de la salle de bain. Je ne sais pas si c’est l’âge, l’altitude ou le décalage horaire, mais j’ai du mal à récupérer du décalage horaire.

— Moi non plus, dit Célia. En plus j’ai fait un drôle de rêve cette nuit.

— Il ne pouvait pas être aussi bizarre que le mien… renchéri Albin. On était dans un temple extraordinaire au sommet d’une montagne.

Un bruit de verre brisé retentit. Célia avait laissé tomber sa tasse. Elle regardait son mari, la bouche ouverte, mais aucun mot ne sortit. Hava sentait que cette conversation n’allait pas dans la bonne direction. Si ses parents se rendaient comptent qu’ils n’avaient pas rêvés, ils allaient se poser beaucoup de questions, et peut-être la prendre pour un monstre. Albin s’approcha de sa femme, inquiet. Il se baissa pour ramasser les morceaux de verre.

— ça va ma chérie ? Tu ne t’es pas blessée ? 

 

         Elle regardait son mari, semblant peser les mots qui allaient sortir de sa bouche. Comment demander à son mari s’il avait été au même endroit que lui dans son rêve. Cette idée, certes romantique, avait quelque chose de fou qui lui faisait peur. Hava la regardait, inquiète, mais au moment où sa mère rouvrit la bouche, quelqu’un toqua à la porte. La voix de Junjie se fit entendre au travers.

 

— Bonjour, je vous ai laissé dormir au maximum, mais nous allons devoir nous mettre en route, je vous ai réservé une surprise pour ce midi.

— Nous arrivons, cria Hava ; puis, elle se tourna vers sa mère. Dépêche-toi maman, Papa et moi allons t’attendre à l’accueil.

         Elle prit son père par la main et l’emmena sans qu’il n’ait le temps de réagir à la cafétéria où elle avait fait plus ample connaissance avec leur guide la veille. 

Seulement vingt-quatre heures plus tôt… Hava avait pourtant l’impression que cela faisait beaucoup plus de temps. Elle avait été enlevée, emmenée dans les airs par un dragon, avait visité une cité inconnue, avait découvert qu’elle n’était pas celle qu’elle pensait être… 

Junjie les accueillit avec son éternel sourire. Ils s’installèrent à la même table. Le guide commanda un thé noir, et elle et Albin des cafés.

— Vous avez l’air fatigué, monsieur, dit Junjie pour entamer la conversation.

— Je dois bien avouer que je n’ai pas passé une bonne nuit. J’ai fait un rêve… étrange.

— Comme vous le savez, le Bhoutan est considéré comme la terre des dragons. Il y a une légende qui dit qu’au cours de vos nuits, il peut arriver que l’un d’eux vienne vous chercher dans vos rêves pour vous montrer un aperçu d’une de vos anciennes vies. On dit que c’est ce qui explique que vous êtes fatigué quand vous vous réveillez. Si vous ne vous souvenez de rien, c’est que votre ancienne vie était moins intéressante que celle que vous avez dans le présent.

— C’est une belle histoire, mais je ne suis pas sûr d’avoir eu d’autres vies avant. J’ai toujours cru que la vie commence à la naissance, et qu’elle se termine au moment de notre mort… le plus tard possible.

— Vous savez, nous n’avons pas peur de la mort ici, puisque seul notre corps meurt. Nous pensons que nous nous réincarnons dans une autre vie, humaine ou non. Ah, je vois votre femme qui arrive, je vous propose que l’on se mette en route.

Sans attendre de réponse, Junjie se leva pour saluer Célia puis tous les quatre se mirent en route. Le temps avait changé depuis la veille. Il faisait beaucoup plus froid, mais l’air restait sec. Ils prirent le petit escalier pour descendre au village. Hava ne pouvait s’empêcher de surveiller si elle ne voyait pas le chauffeur de taxi. 

— Ça ne va pas, Hava ? s’inquiéta Albin.

— Si, mentit-elle. Je regardais si une flèche n’allait pas arriver de nulle part.

Junjie pouffa de rire tandis qu’Albin haussa les épaules, ne comprenant pas la référence. Hava fit attention à se montrer plus discrète. Plus elle regardait les habitants qui jouaient dans la rue, et plus elle s’apercevait qu’elle ne les avait pas vus jusqu’à là. Maintenant, leurs sourires lui sautèrent aux yeux. Les enfants s’amusaient et jouaient ensemble, les adultes rigolaient franchement. Elle se sentait loin de ce qu’elle voyait au quotidien en France, avec tous les écrans qui mettaient des barrières entre les gens.

Ils s’étaient éloignés du centre du village, si on pouvait appeler ça ainsi. Les maisons étaient beaucoup plus distancées les unes des autres.

— Aujourd’hui, je vous emmène voir comment vivent les gens d’ici, expliqua Junjie. Nous rendons visite à un bon ami.

— Nous allons chez Neten ? demanda Hava. 

— Oui, exactement. Lui et sa famille sont ravis de nous inviter à leur table ce midi.

— Ah non, il est hors de question que nous mangions à l’œil, s’insurgea Célia. Nous allons payer notre repas.

— Ils le prendraient pour un affront, répondit le guide. Même si à vos yeux, nous ne roulons pas sur l’or, ce n’est pas ce qui compte pour nous. Pour preuve, quand dans presque tous les pays du monde, l’argent est ce qui régit la réussite, ici, nous estimons que c’est le bonheur qui doit primer. Notre pays a même inventé le concept de bonheur national brut. Ici, plus la population est heureuse et plus nous estimons que la gestion est bien faite. Alors, surtout, si vous ne voulez pas blesser mes amis, ne leur proposez surtout pas de les payer.

Même s’ils n’aimaient pas beaucoup cette idée, Célia et Albn acceptèrent. Ils étaient heureux de découvrir les coutumes locales. Leur dernière visite avait été tellement éphémère qu’ils avaient l’impression de venir pour la première fois. 

La maison de Neten était à la bordure du village. Hava la trouva très grande de l’extérieur, mais quand ils y pénétrèrent, elle comprit pourquoi. Le bas était occupé par deux yacks et un cheval. Ils durent presque les pousser pour atteindre le petit escalier qui les mena dans une grande pièce à la chaleur agréable issue d’un poêle posé en son centre. Après des salutations chaleureuses, tous s’installèrent en cercle autour du chauffage à même le sol, sur d’épaisses couvertures. Hava avait du mal à se concentrer sur la conversation qui débutait tant elle était obnubilée par le mélange d’odeurs qui se mélangeait. Entre l’odeur très forte des animaux et celle très âcre qui sortait de la grande marmite qui était posée sur le poêle, elle ne savait pas par laquelle elle était la plus gênée. 

Ce n’est que quand Albin l’appela pour la troisième fois qu’elle sortit de sa torpeur. 

Je disais, Hava, que tu étais très heureuse de revenir sur les traces de ton enfance.

— Oui, c’est vrai, confirma Hava sans entrain, mais je n’ai pas de souvenirs de….

Elle laissa ses mots en suspens. Quelqu’un tirait sur son serre-tête nœud papillon du jour. Elle se retourna. Une petite fille, qui ne devait pas avoir plus de quatre ans, la regardait avec de grands yeux. Encore une fois, ce qui marqua Hava, c’était le beau sourire qui illuminait son visage. Bien qu’elle n’ait jamais vu de fille aussi jeune avec des cheveux blancs, ou encore des étrangers dans sa maison, cette enfant les accueillait avec le même sourire sincère que ses parents.

Neten s’adressa à la petite fille d’un ton qui ne pouvait que signifiait qu’il la réprimandait. Le visage de la petite fille passa alors de l’illumination d’un sourire à une mou sombre et sans équivoque. Elle se retourna pour repartir. Hava ne put se retenir de la rattraper par le bras. La petite se retourna vers elle et son sourire revint aussi vite qu’il était parti.

— Ne la laisse pas t’embêter, Hava. Kim a la fâcheuse habitude d’être un peu collante quand on lui montre de l’affection.

— Ça ne me dérange pas du tout, au contraire, le rassura Hava.

Elle accompagna ses mots d’une caresse sur les cheveux de la petite fille qui se jeta dans ses bras. Puis avec une agilité propre à son âge, la petite fit une pirouette pour se retrouver habilement assise entre les jambes d’Hava. Pour lui faire plaisir, elle retira son serre-tête, et le posa sur la tête de la petite fille. 

— Tu as gagné une amie pour la vie, Hava ! s’amusa Neten, mais si elle te dérange, n’hésite pas à la repousser. 

— Qu’est-ce qu’il se passe ? demanda une femme qui descendait du second étage par une échelle en français avec un accent très marqué.

C’était la femme de Neten. Hava était étonnée qu’elle parlât français, mais sans même qu’elle n’ait à poser la question, la nouvelle arrivante leur en expliqua la raison.

— Bonjour, je m’appelle Palmo. Neten m’a expliqué que vous veniez de France. Il m’a appris votre langue. Je suis content de la pratiquer pour de vrai.

— C’est incroyable comme vous parlez bien, s’enthousiasma Célia.

— Vous être adorable, répondit Palmo en rougissant.

Elle s’approcha de la marmite, en mélangea le contenu, puis porta une cuillère à sa bouche. 

— Le kewa datshi est prêt.

Quelques instants plus tard, Hava avait une assiette posée sur une cuisse, et Kim sur l’autre. La petite fille, toujours avec son sourire charmeur, picorait dans le plat qui lui faisait face. Bien qu’elle ait très faim, Hava hésitait à l’arrêter. L’odeur très forte qui se dégageait ne lui donnait pas très envie d’y goûter. 

— Qu’est-ce que c’est ? demanda Albin qui ne paraissait pas beaucoup plus inspiré par le plat.

— C’est un mélange de pomme de terre du jardin et de fromage de yack d’en bas. On ne peut pas faire plus local, rigola Neten.

Toujours aussi peu inspiré, Hava prit une toute petite cuillérée qu’elle porta à ses lèvres. À peine le couvert eut touché sa peau qu’Hava sentit une brûlure puissante. Soudain, des images se basculèrent dans sa tête. Des images d’un autre temps, d’une autre vie. Elle se voyait manger goulûment du kewa datshi avec des couverts en or, seule.

— Hava, Hava. Ça va ?

Quelqu’un la secouait. Elle ouvrit les yeux, et tout ce qu’elle vit, c’était deux grands yeux devant elle. Kim la regardait, inquiète. Hava s’était évanouie. A priori à peine quelques secondes, vu que ses parents n’avaient pas eu le temps de bouger.

— Oui, ça va. Désolé, je ne m’attendais pas à ce que ce soit si fort.

—  Ah bon ? s’étonna Palmo. Pourtant je n’ai mis qu’un piment, on le sent à peine.

Hava regarda ses parents et elle ne savait pas s’il fallait en rire ou en pleurer. Ils menaient chaque portion à la bouche avec la prudence d’un démineur qui s’apprête à couper un fil. Hava, sous prétexte d’en donner à Kim, n’osa plus en manger. Les images qu’elle avait vues pendant le court labbe de temps où elle s’était évanouie avaient eu l’air très réelles. Surtout, elle avait reconnu le lieu d’où elles provenaient : Sangri-lah. Tout la ramenait là-bas. Quand ce n’était pas un papillon dragon, c’était le goût très fort d’un plat local. Elle devait y retourner pour voir ce qui se cachait derrière le troisième moulin. Peut-être allait-elle apprendre comment elle avait quitté ce lieu et se retrouver à l’autre bout du monde.

— Ça va Hava ? Tu n’as pas touché à ton assiette s’inquiéta Junjie.

— Tout va bien, je n’avais pas très faim mentit-elle. 

— Nous avons des fruits pour le dessert si tu veux, proposa Palmo.

— Oui, je veux bien, répondit Hava avec un sourire sincère.

Après ce repas, le petit groupe sortit pour une ballade digestive. Neten voulait absolument montrer son exploitation de rhododendron qui commençait à prendre. Palmo avait passé une écharpe autour d’elle pour porter le petit frère de Kim, seulement âgé de quelques mois. La petite fille, elle, ne lâchait pas la main d’Hava. Elle portait comme une couronne le cadeau qu’elle lui avait fait. Le champ de fleur que leur présenta Neten était magnifique. Même s’ils habitaient à la campagne en France, ils n’avaient jamais eu un tel tableau devant les yeux. Devant eux s’étalaient des millions des fleurs d’un rose écarlate, avec en arrière-plan des montagnes géantes surplombées de neige éternelle. Hava ne sut retenir des larmes devant un tel spectacle. Elle comprenait mieux pourquoi ses guides étaient si enthousiastes à leur présenter.

Kim courrait entre les fleurs pendant qu’ils avançaient au milieu de la toile. Le doux vent qui fouettait le visage d’Hava lui apportait la bonne odeur des fleurs. Ils restèrent de longues minutes à observer ce spectacle. 

— Nous allons devoir y aller, finit par dire Junjie. Il ne faudrait pas que l’on se fasse surprendre par la nuit. Elle tombe très vite dans les montagnes.

Sans plaisir, ils suivirent le guide. Le moment de la séparation avec la petite Kim fut un déchirement pour les deux jeunes filles. La petite famille suivit ensuite Junjie avec une nostalgie du moment qu’ils venaient de vivre. Ils avançaient sans un mot. Le guide les quitta un peu avant de rentrer à l’hôtel. Ils avançaient comme des robots, fatigués de la journée qu’ils venaient de vivre. Ils traversaient la cafétéria quand ils furent arrêtés par une voix qu’Albin reconnut instantanément, même des années plus tard.

— Bonjour monsieur et madame Martin. Je suppose que c’est la petite Hava ?

C’était Simon Trulin, celui qui avait permis l’adoption d’Hava.

Parfois, dans les films, pour montrer l’effet de surprise, l’image est fixe pendant quelques secondes, comme pour insister sur l’incongruité d’une situation. Hava avait toujours détester ces passages qu’elle trouvait trop artificiels. C’était pourtant exactement ce qui se déroulait devant ses yeux. Elle ne connaissait pas l’homme qui se tenait devant eux, mais à l’évidence, ses parents si. Ils avaient eu besoin de quelques secondes pour intégrer le fait qu’il se tenait là. Finalement, comme si son esprit rejoignait son corps, Albin finit par rompre le silence.

 

— Bonjour, monsieur…

— Trulin.

— Monsieur Trulin. Quelle surprise de vous revoir ; puis se tournant vers sa fille ; Hava, c’est grâce à lui que nous avons eu le bonheur de t’accueillir chez nous.

— Vous exagérez, je n’ai fait que mon travail. Quel hasard de tomber sur vous ! C’est la deuxième fois que je viens dans cette région, et la seconde que je tombe sur vous. J’espère que vous ne venez pas pour un service après-vente ?

 

L’homme accompagna son propos d’un rictus mauvais. Hava se força à sourire, mais elle n’aimait pas cet homme. Il renvoyait quelque chose de froid. Il devait être le seul à des centaines de kilomètres à la ronde à se balader en costume avec cravate, et visiblement, cela ne le dérangeait pas le moins du monde. Il ressemblait à un touriste, et il cultivait cette image. Ses cheveux bruns gominés étaient impeccablement coiffés sur le côté. Rien de dépassait chez lui. Hava le trouvait trop propre pour être honnête.

Elle n’avait qu’une envie, c’était de retourner dans sa chambre, mais ses parents répondirent favorablement à une invitation de prendre un café. Hava ne trouva pas d’excuse et elle les accompagna. Albin et Célia avaient l’air tellement heureux qu’elle n’osait pas les contrarier. Elle avait l’impression que leur voyage était enfin réussi, maintenant qu’ils avaient retrouvé un témoin de leur ancien passage ici. 

Hava trouva la discussion interminable. Elle n’écoutait que d’une oreille distraite. Elle était concentrée sur les napperons rouges. Elle s’amusait à faire des plis avec pour leur donnait des formes rigolotes. Une amie lui avait montré un jour comment fabriquer un cygne avec une serviette pliée et Hava essayait de se souvenir des différentes étapes. En voulant faire un pli délicat, la serviette lui échappa des mains et tomba au sol. Elle se baissa et son regard fut attiré par une forme un peu plus loin, dans la pénombre des pieds de chaises, elle distingua deux petits points lumineux, deux yeux qui observaient dans sa direction. Elle se concentra dessus. Après quelques secondes, ses yeux s’étaient habitués à la faible luminosité et elle distingua un animal, une espèce de rat avec de longs poils. Hava poussa un petit cri qui le fit fuir et il disparut rapidement.

 

— Que se passe-t-il, Hava ? s’inquiéta Alban.

— J’ai vu un drôle d’animal, répondit-elle. 

 

         Après ceux qu’elle avait vus la veille, elle se demandait s’il y avait des animaux qu’elle connaissait dans ce pays. À part quelques chats et chiens croisés au hasard des sentiers au cours de leurs balades, elle n’avait rencontré jusqu’à alors que des animaux qui lui étaient inconnus jusque-là.

 

— Sûrement un rat sauvage. Une vraie horreur ces bestioles, renchérit Trulin avec un rictus de colère. Où en étais-je ? Ah oui, je vous proposais de nous retrouver tout à l’heure pour que nous puissions dîner en ville. J’ai repéré un petit restaurant local qui a l’air très sympathique. Désolé, je vais devoir vous laisser. 

— Nous pourrions faire une photo pour fêter ces retrouvailles inattendues, proposa Célia qui avait déjà sorti son téléphone.

— Tout à l’heure si vous le voulez bien, j’ai déjà assez abusé de votre temps.

 

         Comme il était arrivé, il se leva et disparut avec la discrétion d’un renard. Cette rencontre fortuite avait mis Albin et Célia en joie. Pour eux, c’était un signe que leur voyage était une réussite. Ils étaient enchantés qu’Hava ait pu mettre un visage sur l’homme grâce à qui leur rencontre avait était possible. 

 

— Dommage que l’on n’ait pas fait de photo, regretta Célia.

— Ne t’inquiète pas, on la fera tout à l’heure. Allons-nous préparer, nous n’avons pas beaucoup de temps avant de repartir.

 

         Hava s’isola dans sa chambre. Quand ses parents lui avaient annoncé qu’elle partait en pèlerinage sur les terres de son enfance, elle ne pensait pas qu’ils étaient autant dans le vrai. Qui était-elle ? Les images se bousculaient dans sa tête, mais une s’imposait à elle, celle de monsieur Trulin. Hava n’aimait pas l’impression qu’il lui avait faite. Elle ne savait pas pourquoi, mais elle n’avait pas aimé cette façon de la regarder. Elle avait l’impression de connaitre ce regard, et surtout, de ne pas l’apprécier…

         Après une préparation rapide, la petite famille retrouva le diplomate français dans le hall de l’hôtel. Mr Trulin sortit et les emmena d’un pas rapide à travers les rues escarpées du village. Malgré la lumière baissante, il se déplaçait avec l’agilité d’un félin, à tel point qu’Hava commençaient à avoir chaud. Après quelques centaines de mètres, il s’arrêta devant une grande maison en bois qui paraissait vide.

 

— C’est dommage, ça a l’air fermé, constata Célia. Nous n’avons qu’à retourner à l’hôtel, il ne doit pas encore être trop tard pour être servis.

— Pas du tout, la rassura-t-il. C’est ouvert, suivez-moi.

 

         Il s’avança dans la petite allée de la maison. À peine avait-il mis un pied sur l’allée terreuse, que la porte de la maison s’ouvrit, et qu’un homme en sortit. Lui, aussi était en costume. Elle ne savait pas pourquoi, mais Hava trouvait que cette scène semblait artificielle, et elle avait l’impression d’être manipulée.  Le nouvel arrivant leva haut les bras pour saluer Trulin. En l’observant, Hava pensa qu’elle connaissait ce visage, mais elle n’arrivait pas à mettre un nom dessus. 

 

— Je rêve ou c’est Ambrister Dester, le patron d’Adhara, s’étonna Albin.

— Tu crois ? Qu’est-ce qu’il ferait là ? J’ai lu partout qu’il vient de perdre son père. Le pauvre aurait bien mille autres choses à faire que de s’occuper d’un boui-boui au Bhoutan.

 

         Trulin était quelques mètres devant eux, et Hava ne distingua que quelques mots. Suffisamment pour se rendre compte que la discussion était en anglais, ce qui pouvait confirmer l’identité de l’homme. Il jetait à Hava des regards qu’elle n’appréciait pas. Elle avait l’impression d’être encore une fois dévisagée, non pas comme une curiosité comme elle en avait l’habitude à cause de ses cheveux, mais plutôt comme une proie. Le regard que l’homme posait sur elle était lourd et difficile à soutenir. Trulin revint vers eux, le visage toujours décoré de son sourire mesquin.

 

— Je vous l’avais dit, le restaurant est bien ouverr. Mon ami est ravi de nous y accueuillir.

— Excusez-moi, mais c’est dingue comme il ressemble à Ambrister Dester.

— C’est normal puisque c’est lui. Il avait besoin de se changer les idées. Il est venu quelques jours s’isolé du tohu-bohu qui règne à New-York. C’est une vielle connaissance. Venait, je vais vous présenter.

 

Et mêlant le geste à la parole, il fit demi-tour et tous les quatre avancèrent. Ambrister les salua chaleureusement. Hava le trouvait particulièrement souriant pour quelqu’un qui venait de perdre son père. Il leur parla dans un français au charmant accent américain.

 

— Bonjour, mon ami m’a dit beaucoup de bien de vous. Je suis ravi que vous soyez mes invités ce soir. Venez.

         

         Ils le suivirent à l’intérieur. Autant la maison paraissait abandonnée, ou au moins non entretenu, autant l’intérieur était incongru quand on savait que l’homme le plus puissant de la planète y logeait. L’endroit ressemblait beaucoup à la maison de Junjie qu’ils avaient visités dans la journée, mais en moins bon état. Le hall était décoré d’un grand tapis rouge rapiécé posé sur un plancher en bois où l’on pouvait distinguer le sous-sol à travers les trous. Hava regardait autour d’elle si des animaux sauvages ne les observaient pas.  Son sentiment de malaise ne finissait pas de grandir.

         Ambrister poussa une porte et avança dans la pièce attenante. Elle était dans le même état que la pièce précédente : poussiéreuse et abandonnée. Ca avait effectivement dû être une salle de restaurant dans un temps ancien, mais Hava était certaine que personne n’avait mangé ici depuis des années. Pourtant, cela ne semblait pas gêner Ambrister le moins du monde. Il alla s’asseoir à la plus grande table, et il invita ses convives à en faire de même. Hava s’aperçut à ce moment-là que c’était la seule table nettoyée et déjà dressée. Quand tous furent assis, Ambrister se mit dbout et leva son verre, et avec un sourire mauvais, il déclara :

 

— Que le spectacle commence.

Vous devez être connecté pour laisser un commentaire.
Herbe Rouge
Posté le 06/06/2021
J'ai trouvé curieux qu'ils se retrouvent comme s'ils sortaient d'un rêve (à la rigueur, les parents, mais pourquoi Hava aussi ? Peut-être que ce sera expliqué plus tard ?)
"elle regardait les habitants qui jouaient dans la rue"--> c'est un peu curieux de lire ça... ils ne travaillent pas, les habitants ? peut-être faudrait-il préciser si c'est un jour de fête, ou un dimanche ?

Quelques coquilles :
- un ton qui ne pouvait que signifiait qu’il la réprimandait --> signifier
- une mou sombre --> moue
- Hava était étonnée qu’elle parlât français --> j'aurais mis "parle", mais c'est à vérifier (je ne suis pas très calée sur les règles de conjugaison).
- le court labbe de temps --> laps de temps
- comment elle avait quitté ce lieu et se retrouver à l’autre bout du monde. --> "pour" au lieu de "et"
- Le champ de fleur --> fleurs
- rose écarlate --> rouge écarlate (écarlate, c'est forcément rouge).
- Hava avait toujours détester ces passages --> détesté
- Rien de dépassait chez lui --> rien ne dépassait
- pour leur donnait des formes rigolotes --> donner
- grâce à qui leur rencontre avait était possible. --> été
- Allons-nous préparer --> Allons nous préparer
- le restaurant est bien ouverr --> ouvert
- Il est venu quelques jours s’isolé --> s'isoler
- Venait, je vais vous présenter --> Venez

La chute est intrigante, encore une fois, c'est chouette !
Vous lisez