Chapitre 15 : Un vrai ultracrépidarien

Par Elly
Notes de l’auteur : Premièrement, je te remercie de prendre de ton temps pour lire mon histoire, ça me fait très plaisir !
Deuxièmement, je prends tous les avis et toutes les critiques à partir du moment qu'elles sont constructives et que ce n'est pas de la méchanceté gratuite ! Donc n'hésite pas à laisser un commentaire pour me donner ton avis.
Troisièmement...Bonne lecture !

« Salut. »

Les mots que Thalion venait d’écrire ne tardèrent pas à obtenir une réponse de son tuteur.

« Mon fiston vient-il de m’envoyer un message ? Est-ce un rêve ? Une hallucination ? Un miracle ? »

« Ahah. Très drôle, Berry. J’ai répondu à tes précédents messages, je te signale ! »

« Tes réponses laconiques m’ont énormément rassuré, c’est vrai. »

« Ne me dis pas que tu boudes à cause de ça ? »

« Allons, ce n’est plus de mon âge. »

Thalion ricana. Berry était un vieux grincheux qui boudait comme un enfant quand quelque chose ne lui plaisait pas, il le savait.

« J’ai compris que tu devais être occupé. Je ne voulais pas t’embêter. »

Le cœur de Thalion se serra de culpabilité. Depuis la rentrée, il avait reçu quelques mots écrits de Berry, soucieux pour lui. L’adolescent y avait brièvement répondu, mais n’avait jamais trouvé le temps pour réellement discuter, ni l’énergie. Les bouleversements dans sa vie scolaire avaient leur rôle à jouer. Sa gorge se noua en songeant à l’inquiétude qui avait dû ronger son tuteur ces dernières semaines. Heureusement que Thalion avait enfin un moment pour converser avec lui. L’entraînement étant annulé ce week-end par ordre de Madame Delacroix, il avait saisi cette occasion pour se poser dans un des salons de l’académie avec de quoi écrire. C’était des salles chaleureuses souvent réservées au repos. Les élèves s’y rassemblaient pendant leur temps libre, parfois pour travailler, mais surtout pour bavarder entre amis. On y trouvait des canapés en cuir, des tables comme celle sur laquelle il écrivait, des livres et un feu de cheminée. Il avait fait exprès de choisir le salon le moins fréquenté de l’académie pour échanger tranquillement avec son tuteur.

Comme le réseau ne passait pas à l’académie, et que l’adresse était inconnue par mesure de sécurité, les élèves échangeaient avec leur famille à travers des papimédias. Ces feuilles d’apparence similaire à celle d’un parchemin, étaient vendues par pair avec deux stylos plume en bronze. Les papimédias étaient utiles pour converser sans laisser de trace. Lorsqu’on écrivait sur l’une des feuilles, le message s’inscrivait instantanément sur l’autre papier. Les mots s’effaçaient ensuite. En revanche, on pouvait uniquement échanger avec le propriétaire de la seconde feuille. C’était pour cette raison que le corps enseignant et le personnel de l’académie usait d’un autre moyen que les apprentis magériens pour communiquer avec les parents d’élèves et le monde extérieur en général.

« C’est vrai qu’il s’est passé pas mal de choses. », se contenta-t-il d’écrire.

« Raconte-moi tout. »

Le magérien sourit avant de s’exécuter. Thalion commença par des banalités sur l’académie : sa classe, ses professeurs, et les cours. Cependant, il prenait toujours soin d’édulcorer un peu la réalité pour ne pas l’inquiéter, adoucissant la manière dont on se comportait avec lui. Il n’évoqua donc pas son harcèlement, d’autant que les principaux responsables avaient arrêté. Camille semblait avoir compris le message, et Thalion soupçonnait Ayden d’avoir été traumatisé par la colère d’Eris. Il passa aussi sous silence l’altercation avec M. Pradel. Berry n’hésiterait pas à abuser de son statut pour faire pression sur l’académie. Lui qui avait déjà des rapports tendus avec certains conseillers, il n’avait pas besoin d’empirer les choses en se créant d’autres ennemis. Plutôt que de lui rapporter ses ennuis, Thalion écrivit quelques mots que Berry ne pensait pas à recevoir.

« Au fait, je me suis fait des amis. »

L’adolescent attendit avec impatience la réponse de son tuteur. Il devait se demander si c’était une plaisanterie. Ou bien était-il en train de pleurer de joie ? Ça lui ressemblerait bien.

Mais les minutes s’égrenèrent et aucune réponse ne vint. Il fronça les sourcils.

« Tu as fait une crise cardiaque ? »

Un soulagement accompagna l’apparition des traits d’encre sur la feuille.

« Non, mais je n’en suis pas passé loin. Des amis, tu dis ? Mais c’est fantastique, Thalion ! Je t’avais dit que des gens finiraient par t’apprécier tel que tu es. »

Un sourire étira ses lèvres. Thalion était ravi de pouvoir lui donner une bonne nouvelle, en espérant qu’il se fasse moins de mouron pour lui.

Berry voulut en savoir plus sur ses amis, et le magérien accéda à sa demande avec plaisir. Bien sûr, il ne manqua pas de dire à quel point ils étaient insupportables.

« Tu as l’air de bien t’amuser avec eux. Ça me rassure de voir que tout se passe bien pour toi. »

Même si ce que Thalion avait raconté à Berry n’était pas tout à fait exact, il n’avait pas tort. Du moins, sa situation pourrait être pire.

Thalion se décida à lui parler de son entraînement et de l’hypothèse de Madame Delacroix à propos de ses migraines quand un mouvement au coin de l’œil attira son attention. Il releva la tête, mécontent d’être dérangé, avant de reconnaître l’individu. C’était Calysse. Elle s’était figée en remarquant sa présence, et le scrutait en silence, sans sourciller. Elle hésita à entrer, et lorsqu’elle esquissa un pas en arrière, Thalion ouvrit la bouche :

  —  Tu fuis ? Ça ne me surprend pas, mais je ne pensais pas qu’Eris se liait d’amitié avec des lâches.

Elle se figea une nouvelle fois, et planta son regard dans le sien. Ses yeux étaient d’un étonnant vert d’eau. Elle serrait un livre épais contre elle en se mordant la lèvre, indécise. Le silence s’éternisa. Thalion supposa qu’elle allait faire demi-tour, jusqu’à ce qu’elle s’avance dans la pièce, tête baissée, pour aller s’assoir sur le canapé. Il afficha un rictus amusé. Son commentaire avait fait son effet.

Calysse l’ignora royalement et ouvrit son livre. Choisissant de s’occuper d’elle plus tard, Thalion se reconcentra sur sa discussion avec Berry. Il lui raconta ce qu’il s’était passé à la Plaine endormie et son passage à l’infirmerie, avant de lire sa réponse.

« Madame Delacroix a l’air compétente. Elle trouvera peut-être un moyen de remédier au problème. Je vais la joindre pour en discuter avec elle. Tant qu’à faire, je vais me replonger dans les archives du Conseil. Je trouverai peut-être un cas qui se rapproche de son hypothèse. En attendant, tu devrais éviter de forcer à ce point. »

« Je sais, mais j’ai enfin réussi à produire une illusion, Berry ! »

« Et tu as fini à l’infirmerie. »

« Ce n’était rien de grave. Juste un malaise et quelques saignements. »

« Allons, ne dis pas de bêtise. Ta santé est plus importante que le reste. Tu dois la préserver. »

Thalion grommela, ce qui lui valut un coup d’œil perplexe de Calysse. Franchement, prendre soin de lui était le cadet de ses soucis. Ça faisait des années que sa situation n’évoluait pas. Des années que ses efforts ne récoltaient que de maigres résultats. Pendant que les autres élargissaient leurs capacités, lui ne faisait qu’en tester les limites. Il ne supportait plus de faire du surplace. Thalion était prêt à tout pour progresser.

D’autres mots apparurent sur la feuille :

« Je sais à quoi tu penses. Je te le déconseille vivement. »

« Je ne vais pas arrêter de m’entraîner. Mais je serai plus prudent. Dis-toi que maintenant, j’ai deux chaperons sur le dos pour me surveiller. »

Thalion comprenait ses réticences, les mêmes que celles de Nohan, sauf qu’il n’avait plus d’autres choix. Il devait mettre ses limites à rude épreuve pour les briser.

« Et heureusement ! Ils pourront te cadrer. Tu as tendance à te laisser emporter par tes émotions. »

Thalion aurait aimé le contredire, mais il se remémora sa brève folie meurtrière après l’humiliation au cours de Lutte et précautions contre la magie noire. Submergé par la haine, les voix étaient apparues pour la première fois, et avaient resurgi dans les toilettes quand il avait déversé sa rage. Vraisemblablement, elles profitaient de sa colère pour la nourrir et le faire entrer dans une espèce de transe incontrôlable. Un violent frisson lui parcourut l’échine lorsque le souvenir de son acharnement sur Camille s’imposa dans son esprit. Après l’incident avec Pradel, il s’était promis de ne plus se laisser submerger par la colère. On pouvait dire que c’était un échec cuisant. Thalion ne pouvait plus se permettre d’échouer au risque que ces voix prennent le dessus. Les conséquences pourraient être terribles.

Il chercha un moyen d’aborder le sujet des voix avec Berry de manière subtile, mais avec un thème pareil, c’était un peu compliqué. Au lieu de se prendre la tête avec et de faire attendre son tuteur, il choisit d’aller droit au but.

« Eh, Berry… Si je disais que par moment j’entends des voix étranges, ça serait inquiétant ? »

« Si ton fils t’annonçait qu’il entend des voix sorties de nulle part dans sa tête, tu trouverais ça normal ? »

Un rire nerveux à moitié étranglé s’échappa de sa gorge. Calysse le dévisagea comme si sa place était à l’asile, et elle n’aurait peut-être pas tort.

« Néanmoins, les corbeaux sont des cas un peu particuliers… »

Le rythme cardiaque de Thalion s’accéléra en lisant la suite de sa réponse. Alors ces voix ne serait pas le fruit d’une instabilité mentale ?

Alors qu’il commençait à lire la suite de ses explications, un cri le fit sursauter, le forçant à détourner son regard de la feuille. Dans l’encadrement se tenait une jeune fille avec une mâchoire ciselée, des grains de beauté et des cheveux noirs coupés au carré. Il ne la connaissait pas, mais son visage lui rappelait celui d’une fille pour qui il avait eu des sentiments à l’école Magéra. Elle avait un peu moins de grains de beauté qu’elle, mais deux placés juste en dessous de l’œil droit. Il ne s’était jamais déclaré, craignant le rejet. Si elle avait su, elle aurait probablement affiché la même expression que la fille dans l’encadrement de la porte. Pétrifiée, ses yeux étaient bloqués sur Thalion qui hésitait entre se cacher sous la table ou lui adresser son majeur.

  —  Je… Pardon, je voulais juste… euh… commença-t-elle d’une voix aigüe, ses explications entrecoupés par ses bégaiements.

Agacé par cette magérienne qui s’acharnait à justifier sa présence comme si elle redoutait d’être puni pour avoir osé pénétrer dans la même pièce que lui, le visage de Thalion se crispa. L’apprentie dû deviner ce que son regard impénétrable dissimulait parce qu’elle s’excusa, fit une courbette comme si c’était un prince tyrannique à l’égo sensible, avant de réaliser son erreur et de s’excuser de nouveau. Quelque part, elle lui faisait penser à Nohan en version fille, et en un peu plus maladroit. À deux doigts de pleurer, la magérienne s’enfuit à toute allure en le voyant froncer des sourcils.

Thalion soupira avant de fusiller Calysse du regard qui faisait de son mieux pour étouffer ses gloussements. Dire qu’il était venu ici pour avoir la paix… Puis Thalion se rappela sa discussion avec Berry. Ses yeux s’empressèrent de lire sa réponse et… rien. La feuille était vierge.

  —  Non, non, non, non, non ! se lamenta-t-il à mi-voix.

Les mots écrits sur le papimédia subsistaient quelques instants avant de disparaître. Il s’était laissé distraire par l’apparition de la jeune fille, si bien qu’il n’avait pas eu le temps de lire !

De nouveaux mots tachèrent la feuille.

« Mais je ne me fais pas de soucis pour toi. Je dois te laisser, j’ai une réunion avec le reste du Conseil pour parler des agissements suspects des vampires. Je compte sur toi pour m’écrire de temps en temps ! »

Thalion avait envie de hurler en jetant la feuille par la fenêtre. La confiance de Berry en lui allait le tuer ! Non seulement il n’avait rien appris, mais comment allait-il trouver le courage de relancer le sujet et d’en dire plus, maintenant ?

Calysse éternua, interrompant ses lamentations. Son regard se braqua vers elle, toujours assise sur le canapé. Elle avait un nez fin, et ses sourcils étaient froncés, illustrant la concentration dont elle faisait preuve durant sa lecture. Ses cheveux bruns étaient rassemblés par un ruban de soie blanc nacré s’accordant parfaitement à l’uniforme. Eris ne l’avait pas clairement avoué, mais il y avait des tensions entre elles.

Sa discussion avec Berry étant finie, Thalion se leva pour s’approcher de Calysse qui ne remarqua pas sa présence derrière elle.

  — « Apodictique : qui présente un caractère de vérité absolue » lut-il par-dessus son épaule, la faisant sursauter. Ton passe-temps, c’est de lire des dictionnaires ? Charmant.

Elle referma violemment le livre et ses joues se colorèrent. Sous le coup de la panique, sa bouche s’ouvrait et se fermait sans qu’aucun son ne sorte.

  —  Si tu cherches à imiter un poisson hors de l’eau, tu le fais à la perfection.

Elle vira du rose au rouge tomate en une fraction de seconde. C’était d’une rapidité impressionnante. Mais Thalion remarqua la lueur d’agacement qui traversa son regard. S’il arrivait à lui inspirer de la colère plutôt que de la peur, ce serait un bon début. Il s’assit lourdement sur le fauteuil en face sans la quitter des yeux. Elle essuya ses mains moites sur son uniforme, mal à l’aise. Elle serrait si fort son livre que les jointures de ses mains commençaient à pâlir.

  —  Que veux-tu ? finit-elle par demander après de longues secondes silencieuses.

Elle retint sa respiration comme si elle craignait sa réaction.

  —  Je n’ai plus le droit de parler avec une camarade de classe, maintenant ? répondit-il innocemment.

  —  C’est que… Tu ne parles à personne d’autre que Nohan et Eris donc…

Elle n’avait pas tort. Thalion ne s’intéressait qu’à eux. Il ne voulait pas perdre de temps à sympathiser avec d’autres gens. Deux amis, ça lui convenait très bien. Quand bien même il voudrait plus, il doutait de trouver des individus aussi téméraires que ces deux-là. Comme il n’aimait pas tourner autour du pot, le magérien ne passa pas par quatre chemins.

  —  Tu ne restes plus avec Eris. Pourquoi ?

Autant entrer dans le vif du sujet et s’occuper du problème à sa source.

  —  Ce n’est pas tes affaires, déclara-t-elle en détournant le regard.

  —  Non, mais je vais quand même m’en mêler.

Ça réponse lui arracha un froncement de sourcil, l’air contrarié, mais elle garda le silence.

  —  Alors ?

  —  Je ne te dirai rien.

  —  Très bien, je vais essayer de deviner dans ce cas. À mon humble avis, mon charisme est si intimidant que ta seule solution est de m’éviter, et donc d’éviter Eris.

Une moue dubitative la secoua. Pour une fois, son regard vint se poser sur son visage, le détaillant avec attention.

  —  N’importe quoi. Tu n’as aucun charme.

  —  Bien sûr que si puisque je te le dis, la contredit-il.

  —  Tu as tort.

  —  Non, ma parole est apodictique.

Thalion parvint à lui arracher son premier sourire qu’elle s’empressa d’effacer, encore plus irritée. Au moins, elle s’était un peu déridée et ne serrait plus son livre avec autant de force.

  —  Arrête de pérorer, ordonna-t-elle en s'enfonçant dans le canapé.

  —  Je sais ce que veut dire pérorer. Ça signifie parler avec prétention.

  —  Bravo. Tu as une culture générale.

  —  Pour me récompenser, tu vas me dire quel est le problème avec Eris ?

La magérienne soupira avec un agacement bien plus visible.

  —  Tu n’es qu’un ultracrépidarien, marmonna-t-elle.

  —  Pardon ?

  —  Si tu me donnes la définition de ce mot, je répondrai à ta question.

Une lueur de défi brillait dans ses prunelles. Voilà un regard qu’il aimait bien.

  —  D’accord. J’ai la réponse.

  —  Ah vraiment ?

  —  Oui.

Thalion sortit sa baguette et, sans lui laisser le temps de réagir, il lança le sort en pointant le livre :

  —  Héla !

Le livre lui échappa des mains pour atterrir sur ses genoux.

  —  Tricheur ! s’écria-t-elle en se levant du canapé, les poings serrés.

  —  Ultracrépidarien, se contenta-t-il de dire en feuilletant le grimoire. Personne qui donne son avis sur des sujets à propos desquels il n’a pas de compétence. Tu dis n’importe quoi. Les embrouilles entre amis, ça me connaît.

Le ton ironique de sa phrase ne réussit pas à balayer son mécontentement. Elle se rassit en croisant les bras.

  —  Tu as triché.

  —   Tu n’avais pas précisé que je ne pouvais pas m’aider de ça, se justifia-t-il en désignant le livre.

Calysse grommela des paroles qu’il ne parvint pas à saisir. Thalion avait l’impression d’avoir en face de lui une enfant frustrée d’avoir perdu. La magérienne finit par soupirer bruyamment avant de commencer à se triturer les doigts. Toute sa frustration s’était évaporée pour ne laisser qu’un visage marqué par l’appréhension. Thalion attendit qu’elle se lance.

  —  On s’est disputée à propos de toi.

Le maudit se retint de lever les yeux au ciel. Évidemment, le contraire l’aurait étonné. Il aurait aimé un peu d’originalité, histoire de rendre les choses plus divertissantes.

Devant son absence de réaction, elle poursuivit. Malgré la panique qui entrecoupait sa respiration, elle continua jusqu’au bout ses explications.

  —  Tu es un magérien voué au mal. Un être dangereux qui n’apporte rien de bon. Eris est une magérienne brillante. Elle est douée. Elle a un avenir prometteur qui l’attend. Je suis sûr qu’elle va faire de grandes choses. Si elle reste avec toi, non seulement sa réputation va en prendre un coup, mais tu ne vas lui apporter que des problèmes. Les rumeurs qui ont circulé en sont la preuve. Tu te rends compte de quoi on l’accusait ? Je lui ai dit… que tu risquais de foutre sa vie en l’air et qu’elle ferait mieux de s’éloigner de toi tant qu’elle le peut encore. Ça ne lui a pas plu. Mais je ne veux pas que plus tard elle soit associée au corbeau. Moi non plus, je ne veux pas de problèmes. Sauf qu’en restant avec toi, c’est impossible, et qu’elle s’obstine à vouloir être ton amie. Elle ne veut pas m’écouter et s’énerve quand j’essaye de lui expliquer. Alors… C’est moi qui suis obligée de m’éloigner.

Elle acheva son monologue avec un soupir de soulagement. Ses épaules se relâchèrent comme si elle se délivrait d’un poids porté seul depuis trop longtemps. Tant mieux si ses aveux lui avaient fait du bien. On ne pouvait en dire autant pour Thalion.

Il contracta la mâchoire pendant que son regard restait braqué sur elle. Il avait envie de cracher quelques paroles acides, mais il ne le pouvait pas. C’était douloureux d’entendre ces mots. Douloureux de réaliser qu’il était d’accord avec elle. Et encore plus de se rendre compte qu’il était trop égoïste pour en avoir quelque chose à faire. Il avait enfin accepté deux personnes à ses côtés, il était hors de question de les lâcher. N’en déplaise à ceux qui s’inquiétaient pour eux. Quand on entrait dans sa vie, ce n’était pas pour y faire des allers-retours. Son cœur n’était pas une gare ferroviaire.

  —  En gros, tu flippes. Pour elle. Pour toi, résuma-t-il d’une voix sèche.

  —  Oui…

  —  Je comprends.

Les yeux de la magérienne s’écarquillèrent d’incompréhension. Elle semblait avoir du mal à assimiler ses mots. Confuse, elle se mit à bafouiller.

  —  Je… Tu…

  —  Oui. Je comprends, répéta-t-il avec lenteur alors que le soulagement illumina le regard de Calysse, mais je ne peux rien faire pour toi.

Son visage se décomposa comme si elle venait de recevoir un coup de massue. Le magérien ricana devant son air sonné.

  —  Oh, Cally. Tu ne pensais tout de même pas que je serais capable de la faire changer d’avis ? Tu la connais mieux que moi. Tu sais à quel point elle peut se montrer têtue. Crois-moi, si j’avais eu ce pouvoir-là, elle serait déjà partie depuis longtemps.

Elle baissa les yeux, la mine déconfite. Thalion venait de briser son dernier espoir. Sans doute s’était-elle imaginée qu’il parviendrait à lui faire entendre raison. Mais que ce soit en tant qu’amie ou ennemie, on ne se débarrassait pas d’Eris aussi facilement.

  —  En plus, ce n’est pas moi qui lui fais le plus de mal actuellement, mais toi.

Cette déclaration eut l’effet d’une gifle sur la magérienne. Elle se redressa en sursaut, l’air hébété.

  —  Comment ça ?

  —  Ta présence lui manque. Elle ne le montre pas mais… c’est évident.

Thalion se souvenait de son attitude à la bibliothèque. Elle tenait à elle, ce qui était logique puisque Calysse était sa meilleure amie.

  —  C’est vrai ? murmura-t-elle d’une voix émue.

  —  Oui.

Si quelqu’un avait dit un jour à Thalion qu’il rassurerait une fille même pas proche de lui pour qu’elle se réconcilie avec sa meilleure amie, il lui aurait ri au nez.

  —  Eris est ce qu’elle est. Qu’on le veuille ou non, elle n’en fera qu’à sa tête. Donc maintenant c’est à toi de voir. Si ça peut te rassurer, je ne compte pas t’embarquer dans mes problèmes. Contente-toi juste d’être là pour elle comme tu l’as toujours fait jusqu’ici.

Calysse demeura interdite quelques instants, réfléchissant à ses dernières paroles. Thalion se sentit soudainement épuisé. Régler les problèmes amicaux, ce n’était pas de tout repos. S’il s’occupait de ça, c’était uniquement pour Eris.

  —  Vu comme ça, tu n’as pas tort, reconnut-elle après un long silence.

  —  Parole apodictique, tu te rappelles ?

Cette remarque lui valut un nouveau sourire de la part de la magérienne. Un sourire empreint de reconnaissance. C’était nouveau. C’était perturbant. Thalion déposa le livre sur la table basse à ses pieds et se leva en époussetant ses vêtements pour masquer son trouble.

  —  Bien. Maintenant que ma mission est accomplie, je te laisse lire ton dictionnaire.

Thalion rassembla ses affaires. Au moment de partir de la salle, Calysse l’interpella.

  —  Qu’on soit claire : je ne veux pas être ton amie…

  —  Je ne veux pas que tu le sois.

  — … Mais si tu continues de te comporter comme ça, je serais peut-être obligée de changer d’avis.

  —  Alors continue de me voir comme une source d’ennuis à éviter, ça me va très bien.

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Sonia85
Posté le 05/11/2023
Salut,

Un bon chapitre. L'idée du papmédia est super !

Mot en trop :
Les mots s’effaçaient ensuite après. -- Les mots s’effaçaient ensuite ou Les mots s’effaçaient après.

Le maudit préféra s’occuper d’elle plus tard et se reconcentra sur sa discussion avec Berry. -- Le maudit "s’occuperait" d’elle plus tard et se reconcentra sur sa discussion avec Berry.

"S’il" Thalion arrivait à lui inspirer de la colère plutôt -- "Si" Thalion arrivait à lui inspirer de la colère plutôt

Répétitif :
Ta santé est plus importante que le reste. Tu dois te "préserver". » (tu dois prendre soin de toi)
Mais ça faisait des années qu’il la "préservait"

Mal formulé :
Sauf qu’il n’avait plus d’autres choix que de mettre ses limites à rude épreuve. -- Il n’avait plus d’autres choix, il devait mettre ses limites à l'épreuve.

Temps :
Eh, Berry… Si je disais que par moment "j’entendais" des voix étranges, ça serait inquiétant ? -- Eh, Berry… Si je disais que par moment "j’entends" des voix étranges, ça serait inquiétant ?

Problème de mot :
Son regard se barqua vers elle, -- se braqua

Voilà !
Bon courage !
Elly
Posté le 05/11/2023
Bonjour !

Contente que ma petite invention t'ait plu ! Et surtout, que mes chapitres continuent de te plaire.

Merci de prendre le temps de relever mes fautes, je corrigerai ça dès que possible !

Merci beaucoup !
MrOriendo
Posté le 21/08/2023
Hello Elly,

Encore un chapitre dans lequel il ne se passe pas grand chose, mis à part un long dialogue centré sur des préoccupations d'ados. C'est bien écrit, c'est très sympa à lire, le coup du dictionnaire est bien trouvé et m'a donné le sourire à plusieurs reprises, et les papimédias c'est une excellente idée pour étoffer ton univers.

Mais je pense de plus en plus qu'il devient urgent de faire avancer l'histoire. J'ai le sentiment que tu nous vends une belle histoire d'amitié, dans un monde à la HP que tu prends plaisir à créer, mais qu'il manque un vrai scénario qui serve de colonne vertébrale, avec une intrigue captivante, du danger, de l'action...

Pour utiliser une métaphore culinaire, on se régale avec tes petits fours, tes verrines et tes canapés, c'est plein de saveurs et on sent que tu maîtrises bien toutes ces mises en bouche. Mais là, on a envie d'attaquer le plat principal !

Sinon, du côté des personnages, c'est vraiment chouette d'avoir des nouvelles de Berry et de Calysse, c'est à la fois rafraîchissant et bienvenue car ils avaient disparu de la circulation depuis un certain temps (et puis, même si Calysse vient clairement expliquer à Thalion qu'elle le considère comme un nid à em**rdes qui détruit tout ce qu'il approche, il y a un côté touchant dans leur manière d'intéragir qui laisse présager d'une vraie relation entre ces deux-là).

Au plaisir de lire la suite,
Ori'
Elly
Posté le 22/08/2023
Coucou !

Je comprends ton point de vue. C'est vrai qu'il faudrait que je trouve un moyen de lier tout ça à l'intrigue pour que ce soit intéressant et que le lecteur n'ait pas l'impression de perdre son temps. après normalement, au prochain chapitre, il devrait se passer un peu plus de choses !

Vu la relation de Thalion avec son tuteur, ça aurait été étrange que Berry disparaisse aussi subitement ! Et je voulais faire de Calysse le personnage qui ne se présente pas comme une alliée, du moins au début, ni comme une ennemie non plus. Je trouvais que ça pouvait être intéressant.

Merci pour ton commentaire !
Froglys
Posté le 14/07/2023
Hey ! J’ai énormément apprécié ce chapitre et je trouve que ça approfondit l’amitié entre Thalion et Éris, c’est magnifique connaissant le caractère d’un certain sorcier…

J’avais un conseil pour le dialogue entre Berry et Thalion. Aujourd’hui même une amie m’a conseillé lors des dialogues par téléphone ou dans lesquels l’une des parties n’est pas présente de ne pas mettre de tiret et de mettre le texte en italique. Uniquement pour la partie absente. J’ai trouvé ça pas mal parce que c’est plus facile pour le lecteur de comprendre que ce n’est pas une véritable conversation en face à face et de ne pas se perdre.

Voilà ! C’était une excellente lecture je m’en vais lire la suite !
Elly
Posté le 14/07/2023
Salut !
Merci beaucoup pour ton commentaire, je suis ravie que ce chapitre t'ait plu ^^ ! Effectivement, ça montre à quel point il tient à elle x)
Oh, je n'avais pas pensé à ça ! C'est une très bonne idée, je pense que je vais l'appliquer.

Encore merci, j'espère que la suite te plaira tout autant :)
Némériss
Posté le 05/07/2023
Voilà un petit chapitre très intéressant ! Tout d'abord, j'adore le concept des papimédias, ça à l'air super pratique et surtout ça ne laisse pas de trace ! Dommage de ne pas pouvoir les essayer x)

L'échange avec Calysse était bienvenu. Thalion s'investit dans son amitié avec Eris jusqu'à arranger les choses entre elles, c'est touchant, et surtout ça lui fait réaliser certaines choses (bien qu'il en avait déjà un peu conscience).

Je reviens bientôt pour lire la suite :)
Elly
Posté le 06/07/2023
J’avoue que j’aimerais bien aussi essayer x) après notre bon vieux téléphone reste tout aussi pratique !
Je voulais un peu développer la relation entre calysse et thalion, j’en ai profité pour montrer son attachement pour elle ^^

Hâte de lire tes prochains retours !
Némériss
Posté le 06/07/2023
Oui mais il y a un certain charme dans le fait d'écrire sur du papier pour communiquer x) Sans parler de voir les lettres apparaître une à une, un peu comme un développement argentique en photo !

:)
minoucheKa
Posté le 13/06/2023
salut,

je suis d'accord avec Reveanne sur le fait qu'il y est beaucoup de dialogue et que l'intrigue n'avance pas vite. Mais je comprends ton envie de prendre le soin d'appronfondir les relations. Ce qui fonctionne c'est que Thalion devient de plus en plus attachant. Faire avancer l'intrigue n'est pas non plus mon fort :-).
Sinon je n'ai pas bien compris comment fonctionne le papimédia et tu ne developpes pas l'autre moyen utilisé par les profs (ce n'est peut etre pas important pour ton histoire...).

quelques coquilles:
cheminé----cheminée
ensuite aprés dans la même phrase
le seul inconvénient est ------ était
breve folie meutrière qui était -----s'était
Voilou
Elly
Posté le 13/06/2023
Salut !

Oui développer l'intrigue est ce qui m'est le plus difficile x) Mais promis ça finira par avancer !
Mince l'explication n'est pas très claire :/ j'essaierai de l'éclaircir dans le cas, et je n'ai pas développer l'autre moyen car ce n'est effectivement pas vraiment important. Mais peut-être que je l'ajouterai si c'est perturbant.
Merci pour les coquilles, je vais corriger ça, et merci beaucoup pour ton commentaire !
Reveanne
Posté le 03/06/2023
Youpi!
(c'est une salutation comme une autre...)
J'avais complètement oublié Berri, moi... XD
Sinon, on n'avance pas tellement... je ne suis pas fan de ce type de scène entre ados, mais le coup du dico est sympa.
Bon, si j'ai bien compris je vais devoir attendre une semaine entière pour avoir le suite maintenant... c'est horrible. :'(
Elly
Posté le 03/06/2023
Berry n'apparait pas tellement dans la suite de l'histoire c'est vrai xD
Je reconnais que l'intrigue met du temps à se mettre en place et que ça peut paraître long, surtout quand on est pas fan des scènes entre ado. Moi j'adore faire dialoguer mes persos et approfondir les relations, mais peut-être que mon intrigue en pâti un peu en effet :/
Eh oui, il y a un petit temps d'attente mais tu verras ça passera vite x)
Reveanne
Posté le 03/06/2023
On peut approfondir les relations par autre chose que du dialogue ;)
Une semaine pour avoir la suite, c'est loooonnng. pffff
(dit la fille qui publie aussi à la semaine XD )
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