Lydia et son grand-père discutaient avec animation sur la politique du royaume quand Léo gagna enfin les appartements de sa sœur. Lorsque celui-ci pénétra dans le salon, la jeune fille ne put s’empêcher de jeter un coup d’œil à l’extérieur et constata que le soleil déclinait de plus en plus. D’ici deux heures, il ferait nuit noire.
- Tu arrives bien tard, le railla-t-elle.
- Désolé, répondit Léo légèrement absent.
Il avait l’air fatigué et lorsqu’il croisa le regard de sa sœur, il détourna la tête aussitôt. Les sourcils de la Lydia se froncèrent imperceptiblement. Elle ignorait si elle se faisait des idées, mais elle trouvait que Léo se comportait étrangement. Ne semblant pas remarquer un quelconque changement chez son petit-fils, son grand-père s’exclama joyeusement :
- Il commence à se faire tard. Je vais vous laisser.
Elle ne se préoccupa pas davantage de l’état de son frère et tourna la tête vers le vieil homme. En exécutant le geste à la parole, celui-ci se releva de son siège. Lydia aurait voulu qu’il reste encore un peu, mais maitre Ludovic devait bientôt arriver pour sa leçon du jour. Il se rapprocha de ses deux petits-enfants et avant que ceux-ci ne puissent réagir, il les enveloppa dans une étreinte où Lydia put y sentir tout l’amour qu’il leur portait.
- Sachez tous les deux que vous êtes ma plus grande fierté, commença-t-il d’une voix gorgée d’émotions. N’oubliez jamais que nous formons une famille. Peu importe les obstacles, nous devons demeurer unis.
Presque en cœur, Lydia et Léo resserrèrent leurs bras autour du vieil homme. Ils restèrent ainsi de nombreuses secondes enlacées avant que celui-ci brise le contact. Toutefois, il maintint une main sur l’épaule de chacun. Il porta son regard Léo et déclara :
- Je sais que je n’ai pas à te le dire, car c’est ton rôle, mais protège ta sœur, Léo.
Le principal concerné opina lentement du chef. Le vieil homme se tourna ensuite vers Lydia.
- Je te demanderais, Lydia, d’en faire de même pour ton frère.
- Je te le promets, Papy.
Un fin sourire se dessina sur les lèvres du grand-père.
- Me voilà rassurer.
Avant de partir, il glissa quelque chose dans la main de sa petite-fille.
- J’avais prévu de te l’offrir juste avant la cérémonie de passation, mais comme les choses ont été un peu précipitées, je préfère te le donner aujourd’hui.
La jeune fille découvrit au creux de sa paume un paquet enveloppé dans un tissu blanc. Elle le déballa et ne put retenir une légère exclamation en trouvant un médaillon couleur argent. Elle reconnut celui de la grand-mère de Léo qui était malheureusement décédée il y a près de vingt ans. Elle appuya sur le bouton qui se situait au sommet du bijou pour l’ouvrir. Mais au lieu de voir le portrait de la vieille femme, elle aperçut une petite peinture qui la représentait avec son frère et son grand-père. Elle fut subjuguée par le travail d’orfèvre qu’avait accompli l’auteur de ce dessin. Elle détourna les yeux de cette merveille pour les porter sur son interlocuteur.
- C’est trop, Papy, déclara-t-elle la voix enrouée par l’émotion. Je ne peux pas, c’est ton trésor.
Celui-ci replia les doigts de sa petite-fille sur le médaillon.
- Et j’ai décidé de m’en séparer pour te l’offrir. Accepte ce dernier cadeau de ma part, je sais qu’avec toi, il est entre de bonnes mains.
Lydia ne put réprimer une larme qui coula le long de sa joue. Elle passa la chaine du bijou au-dessus de sa tête. Un certain courage l’emplit lorsqu’elle sentit le métal froid toucher sa peau. Elle posa sa main dessus.
- J’en prendrais grand soin, Papy. Merci beaucoup.
Après une nouvelle étreinte, il fut l’heure de se quitter. Ses petits-enfants le raccompagnèrent jusqu’à la grille du château. Juste avant de s’éloigner, le vieil homme leur fit un dernier signe puis il tourna les talons et entreprit de descendre la colline. Lydia contempla un moment la route où avait disparu son grand-père puis reporta son attention vers Léo.
- Quel est ton programme ? s’enquit-elle.
- J’ai quartier libre, l’informa-t-il. Je commence mon service demain matin à la première heure.
Tout en parlant, ils retournèrent dans le château.
- J’ai ma leçon pour le baquet de la semaine prochaine dans peu de temps, mais après je n’ai rien de prévu. Tu restes avec moi ce soir ? demanda sa sœur.
- Est-ce là vos désirs, mademoiselle ? s’enquit Léo espiègle.
Pour toute réponse, la jeune fille lui asséna une claque dans le dos. Prenant cela pour une affirmation, Léo lui emboita le pas lorsqu’elle s’engouffra dans l’escalier les menant à ses appartements.
Comme convenu lors de la précédente séance, Maitre Ludovic arriva une heure plus tôt pour donner sa leçon du jour. Bien que plus longue, celle-ci fut pour Lydia moins éprouvante que la veille. En effet, le vieil homme n’aborda que très peu le sultanat de Tehara et se concentra principalement sur l’empire de Gorski. Comme la jeune fille s’était laissée à croire, l’actuel général en chef de l’empire, Stieg de Hérou continuait de faire des siennes. Contrairement à son prédécesseur, le présent dirigeant n’était malheureusement pas aussi pacifique. Enfin, pensa Lydia avec tristesse, tandis qu’elle se rappelait la manière dont Stieg avait pris le pouvoir, il n’avait rien d’étonnant à ce que celui-ci agisse de cette manière. L’homme avait été nommé après que l’ancien général était mort à la suite d’une famine qui avait décimé une bonne partie de la population Gorskienne. Personne n’ignorait que l’empire possède peu de ressources. Se trouvant au nord du continent, il n’était pas rare qu’un hiver, particulièrement rude, porte préjudice aux récoltes. Stieg de Hérou avait dès lors promis lors de son ascension au pouvoir de donner à son peuple les moyens de subvenir à leur besoin. De ce fait, il fallait acquérir de nouvelles terres davantage fertiles que celle sur leur territoire. Le Conseil d’Eula leur en avait octroyé quelques-unes pour calmer les ardeurs de leur voisin, mais tous savaient que cela était loin d’être suffisant pour le général en chef. Depuis le dernier hiver qui fut à nouveau très rigoureux, les anciens craignaient à tout moment une invasion de l’empire et face à la force militaire de Gorski, Eula risquait de ne pas faire le poids. La menace était plus qu’imminente. De plus, la méfiance de la part du sultanat de Tehara mettait en péril la sécurité d’Eula. Il fallait donc en plus de regagner la confiance de dame Arza, apaiser Stieg de Hérou. Lydia appréhendait cette rencontre avec le militaire. Il ne lui avait jamais laissé un très bon souvenir même si elle devait reconnaitre son attachement profond à son peuple. C’était simplement que comme avec le capitaine Hogg, elle avait toujours eu du mal avec les soldats. Elle n’ignorait rien sur le fait qu’il était indispensable d’avoir un moyen de défense, mais elle savait à travers l’histoire de son pays qu’une guerre engendrait systématiquement de lourdes pertes que ce soit du côté des vainqueurs ou des perdants. La jeune fille espérait sincèrement ne jamais vivre de conflit, mais comme pour son avenir, celui de son pays semblait bien sombre.
Après son exposé sur l’empire Gorski, Maitre Ludovic était passé à un cours sur les langues des différents pays invités. Toutefois, cela fut davantage une révision pour Lydia qui depuis longtemps était une parfaite polyglotte. Du fait de son statut, les anciens avaient mis un point d’honneur à ce qu’elle connaisse les langues des sociétés frontalières, chose très utile lors des rencontres diplomatiques comme celle de la semaine prochaine. La jeune fille aimait tout particulièrement converser avec celle du sultanat de Tehara. Celui-ci était assez chantant et beaucoup moins compliqué à parler que le dialecte de Gorski qui était assez rêche et davantage guttural. Pourtant, que ce soit pour l’un ou pour l’autre, Lydia affectionnait de découvrir la culture de ses voisins. Seul le parler du royaume d’Ipaya posa quelques difficultés puisque contrairement aux autres langues, Lydia ne l’avait jamais pratiqué dans la vraie vie. Certaines de ses prononciations lui étaient inconnues. Lydia avait parfois l’impression de siffler comme un serpent quand elle s’aventurait à les émettre. Elle ressentait quelques appréhensions lorsqu’il lui faudrait entretenir une conversation avec les hôtes d’Ipaya. Elle priait secrètement pour que ceux-ci s’exprimassent dans sa langue.
Voyant que son élève démontrait sa capacité à dialoguer dans une langue étrangère avec une grande facilité, Maitre Ludovic décida de ne pas prolonger plus que nécessaire la leçon. Tout en rangeant ses feuilles, ses yeux s’attardèrent sur Léo qui lisait tranquillement dans un coin de la pièce.
- La séance est terminée pour aujourd’hui, Lydia. Je compte sur vous pour fêter dignement et avec sagesse la nomination de votre frère.
À son évocation, Léo redressa son nez de la page qu’il était en train de consulter et porta son regard sur l’ancien. Lydia déclara :
- Je ne vous remercierais jamais assez de l’avoir intégré dans votre garde, Maitre.
Lydia espérait que son ainé n’entendait pas le timbre un peu trop aigu de sa voix, signe qu’elle lui mentait. Alors certes, elle était heureuse de la présence de son frère, mais désormais qu’il le veille ou non il représentait une menace pour elle. Il la connaissait sur le bout des doigts et elle craignait à tout moment qu’il découvre ses véritables intentions. Elle allait devoir redoubler de vigilance. De plus, elle ignorait comment Léo allait réagir face au sort qu’il l’attendait. Les anciens allaient-ils lui dire la vérité sur sa fonction de Grande Sage ? Tôt ou tard, il le saura et Lydia se demandait bien qui il allait choisir. Elle ou les anciens ?
Lydia et son grand-père discutaient avec animation sur la politique du royaume quand Léo gagna enfin les appartements de sa sœur. -> Je pense que tu gagnerai à rendre se passage plus vivant. Pourquoi ne pas faire arriver le lecteur au milieu de leur discussion ?
En exécutant le geste à la parole, celui-ci se releva de son siège. -> Je crois que cette tournure de phrase n’est pas correct. Ce serait plutôt en joignant le geste à la parole, puisque l’on dire joindre le geste à la parole !
Leur étreinte est vraiment très touchante… J’avais presque envi de les enlacer moi aussi ! Leur séparation est vraiment déchirante, j’ai beaucoup de peine pour le vieil homme.
La partie sur la leçon géo-politique me semble bien dense et longue. J’avoue ne jamais être très fan de ce genre d’explication donc peut-être que je me trompe, mais c’est un peu indigeste à mon goût. Je pense que je ne retiendrai pas une bonne partie de ces informations… Y a t’il moyen de raccourci ? Ou de rendre cela plus vivant ? Pourquoi ne pas le faire sous forme de dialogue ? Lorsque c’est plus dans l’action cela capte souvent bien mieux l’attention du lecteur :)
Je pense que la deuxième partie de ce chapitre peut-être amélioré, mais j'ai tout de même grandement apprécié ma lecture !
Voilà un chapitre très doux au début et très dense à la fin. Vu qu'une bonne moitié du chapitre est consacré à cet au revoir en famille et au médaillon que le papy donne à Lydia, je suppose que cet objet va avoir de l'importance par la suite (le titre le suggère également).
Dans la deuxième partie, on en apprend plus sur les royaumes étrangers, mais je dois t'avouer que je trouve le premier paragraphe très chargé en informations. S'il y avait quelques dialogues ou d'autre techniques de "show, don't tell", ça rendrait le tout un peu plus fluide.
J'ai été surprise d'apprendre que Lydia est une parfaite polyglotte, car il me semble que rien ne laisse présager cette compétence chez elle dans les chapitres précédents.
Petite coquille à la fin: "qu’il le veille ou non" -> veuille
Chapitre très intéressant, où l'on avance encore dans notre compréhension de ce monde. J'ai beaucoup aimé le passage concernant les langues. Pour trouver le sujet particulièrement délicat à aborder sur mes propres projets, je ne peux que saluer cette approche avec Lydia qui s'approprie plus ou moins les langues frontalières selon les cas ! C'est très bien ficelé, bravo.
Ma principale remarque sur ce chapitre concerne le dernier paragraphe. Là encore, je ne fais que suggérer, à toi de voir ce que tu en fais.
"Lydia espérait que son ainé n’entendait pas le timbre un peu trop aigu de sa voix, signe qu’elle lui mentait. Alors certes, elle était heureuse de la présence de son frère, mais désormais qu’il le veille ou non il représentait une menace pour elle"
* sa voix aigüe trahit le mensonge ? Très bonne idée. Pourquoi ne pas introduire cet élément plus en amont dans l'histoire ? Ca rendrait le lecteur plus complice avec Lydia au lieu d'obliger le narrateur à traduire ce détail. Dès qu'il lirait "voix aigüe", il comprendrait qu'elle ment.
* la seconde phrase, selon moi, n'est pas nécessaire. Car à ce stade, on comprend très bien les enjeux de Lydia, et en quoi la présence de son frère dans la garde présente pour elle un réconfort et une menace !
Et sinon, deux petites coquilles que j'ai pu relever :
- « Me voilà rassurer » > rassuré
- « J’ai ma leçon pour le baquet » > le banquet ?
Pour la partie sur les langues, j’ai toujours trouvé ça passionnant, même si comme tu l’as mentionné c’est assez difficile d’insérer ça dans une histoire. Contrairement à certains auteurs, je n’ai pas un don pour imaginer des langues, je me rabat alors davantage sur les intonations.
Léo agit étrangement au début du chapitre. Est-ce qu'il aurait appris quelque chose qui l'a mis mal à l'aise ? Comme le futur rôle de sa soeur ? Ou bien quelque chose d'autres ? Je suis curieuse de savoir !
Le passage avec le médaillon m'a émue ^^ Le papy est vraiment adorable et on sent tout son amour pour ses petits enfants ^^ Je pense que le fait qu'il leur ait demandé de rester souder quoiqu'il arrive va pousser Léo à suivre Lydia quel que soit son choix. Je ne le voix pas se retourner contre elle lorsqu'elle cherchera à fuir avec Mati. Ce serait trop étrange sinon >.<
Pour le reste, les infos sont bien distillées. Je pense que tu gagnerais vraiment à couper ton immense paragraphe en deux ou trois plus petits, histoire que ce soit plus digeste visuellement et au niveau du contenu. Mais sinon, ça va ^^
Sur ce, je te laisse =)
A tout bientôt !
Natsunokaze