Les deux élèves de l’académie de magie ne parlaient pas, chacun tourné vers les étendues de verdures que nous longions dans notre calèche. Jegal, quant à lui, était absorbé dans la lecture de son livre et ne s’en était pas détaché depuis notre départ. Avec Kay à l’extérieur qui assistait le cocher et assurait notre sécurité, l’ambiance était au plus bas. J’avais moi-même récupéré un livre dans mes bagages et n’accordait plus trop d’importance aux autres.
Lorsque notre véhicule s’arrêta, je relevai la tête, les yeux me tiraient d’avoir lu à l’ombre de l’habitacle. Dehors, l’air était chaud et une douce brise caressait les herbes et les arbres, faisant verdoyer leur magnifique couleur sous le soleil. Kay et le cocher étaient également descendus de leurs places et s’avançaient vers nous.
— On va pouvoir accélérer la cadence, annonça le fantôme qui gardait toujours sa faux auprès de lui.
Léoni acquiesça à ma gauche, les autres continuaient de regarder fixement celui qui parlait.
— Je possède une magie innée, commença-t-il en nous regardant tour à tour. Cela ressemble à de la téléportation, mais le concept en est un peu différent. Je ne vais pas vous l’expliquer en détail, ce serait inutile et bien trop long. Sachez simplement que je vais ouvrir une brèche dans l’espace qui nous permettra de passer un certain nombre de kilomètres en instantané.
Ce que Kay nous expliquait ressemblait à une magie d’une ampleur impressionnante ! Mon cœur s’accéléra d’excitation à l’idée de pouvoir assister à un tel spectacle.
— Je vais avoir besoin de l’aide de tous. Monsieur Jegal, j’aurais besoin que vous me créiez un itinéraire à partir d’ici avec de nombreuses escales à environ cinquante kilomètres les unes des autres. La dernière devrait être à deux cents kilomètres de l’entrée de la capitale, commanda le jeune garçon.
— Ce sera fait. Des escales particulières ?
— Il me semble que les villes de Migas, Genlen et Vellrath sont à peu près sur le chemin. Ajoute également les arrêts conseillés par Zacarías.
Le mandaté hocha la tête ayant compris les ordres qu’il devait suivre.
— Léoni, je vais avoir besoin de ton épée. Si elle est suffisamment chargée en particules, cela devrait m’aider à faire passer notre attelage, formula le faucheur à l’encontre de l’épéiste-mage. Nathan, quand tout sera prêt, vous ferez comme je vous l’ai expliqué.
Le cocher, dénommé Nathan, acquiesça et s’assit contre l’arbre avant de fermer les yeux.
— Thalion, suis-moi, je vais te préciser la marche à suivre.
Alors que tout le monde se dispersait, je me retrouvais seule, debout, à ne savoir que faire. Chacun s’occupait de la tâche que Kay lui avait indiquée. Étais-je si inutile que j’étais la seule dont Kay n’avait pas besoin ? Je remarquai les deux jeunes mages, devant les chevaux dont le plus petit expliquait à l’autre qui l’écoutait avec attention.
Kay faisait de grands gestes, se déplaçait de droite à gauche et détaillait avec vigueur un sort.
J’hésitais à les rejoindre. Je voulais aider et la magie avait quelque chose d’attirant et d’excitant. Quoi de mieux que de leur proposer mon assistance ? Pourtant, alors que je m’apprêtais à les rejoindre, je m’arrêtais net.
Je ne pouvais pas. Je n’étais pas censée connaître la magie. J'étais censée avoir passé ces deux dernières années auprès de marchands itinérants. Pas je-ne-sais-où avec un demi-homme pratiquant la magie et le combat, et m’ayant transmis quelques-unes de ses connaissances il n’y avait pas plus de quelques jours.
Je sentis mon cœur battre d’autant plus fort, chaque battement résonnait à mes oreilles. Il n’était pas aisé de cacher des informations à ses proches et encore moins de devoir se restreindre soi-même. Une boule d’émotions monta dans ma gorge, amère et pesante. Je détestais devoir garder autant de choses pour moi, mais une petite voix au fond de moi murmurait que les explications que je donnerais risquaient de creuser un fossé entre nous.
Toute cette histoire me donnait le vertige. La vérité, c’était que j’avais peur. Pas seulement qu’ils découvrent ce qu’il s’était passé durant ces deux années, mais aussi parce que je ne savais plus qui j’étais moi-même. J’avais peut-être changé au point de devenir quelqu’un d’autre… et cette idée me terrifiait.
Prenant une profonde inspiration, je rassemblai mon courage. Un pas, puis un autre, je m’avançai en direction des deux garçons. Je devais penser à autre chose, trouver un moyen, même infime, de me rendre utile. C’était la seule façon de ne pas me perdre complètement dans mes propres doutes.
— D’après ce que tu m’as dit, le mieux serait de dessiner un portail terrestre. Ce n’est pas très compliqué, mais, comme ta magie t’est propre j’ai un doute sur la marche à suivre. En fait, je ne suis même pas sûr de pouvoir faire grand-chose, expliquait Thalion accroupi sur le sol qui dessinait un plan dans la terre grâce à un bâton.
— Est-ce que je peux aider ? suis-je intervenue à la fin de sa tirade.
Tous deux s’étaient retournés en même temps, Kay fut certainement le plus surpris, mais le plus rapide à réagir.
— Eh bien… Nous nous occupons de la partie magique et Léoni et Jegal sont bien assez de deux pour s’occuper d’un itinéraire. Tu peux aller te reposer à l’intérieur ou prendre exemple sur Nathan.
Sa remarque me frappa de plein fouet. Il me voyait donc vraiment comme un poids, un simple boulet, une fillette inutile qu’on traîne par obligation. Une pointe de colère monta en moi, teintée d’un soupçon de honte. Mon regard se posa sur mon grand frère, mais il ne dit rien, ne prit pas ma défense.
Les mâchoires serrées, je refusais de m’effacer. Ignorant royalement les suggestions du petit fantôme intangible, je me penchai au-dessus de son schéma, bien décidée à prouver que je n’avais pas besoin qu’on m’indique où me placer. S’ils ne voulaient pas me voir participer, tant pis pour eux parce que j’allais prouver que je pouvais aider tout autant qu’eux.
Devant mes yeux se présentait un schéma grossier de notre calèche et deux dessins gravés dessus. Tous les deux identiques, ils étaient constitués de cercles formés de runes et se chevauchaient, certains plus petits et d’autres plus grands. Placés à gauche et à droite du plan de Thalion, l’ensemble du plan était également composé de plusieurs traits qui semblaient lier le tout entre eux.
— Ce sont des runes, n’est-ce pas ? les questionnai-je sans attendre de réponse. Je peux vous aider à les tracer. Je ne m’y connais pas, mais s’il suffit de représenter ça à taille réelle, je peux aider.
Mon ton se montrait sans appel, mais j’avais peur qu’ils refusent, prétextant mon inexpérience et la connaissance magique nécessaire. Au lieu de ça, Kay sourit et me lança un coutelas.
— À vous de jouer alors. On fera un test quand vous aurez fini pour s’assurer que ça marche. On a pris assez d’avance sur nos poursuivants, donc, même si on prend la journée, ça ne devrait pas être dangereux.
Je hochai la tête, le cœur palpitant, heureuse de pouvoir enfin participer. Kay s’éloigna et me laissa en compagnie de Thalion.
— Où commence-t-on ?
Thalion entreprit alors de m’expliquer en détail la conception d’un sort runique et son utilité. Il s’installa près de moi, traçant d’un geste précis des lignes et des symboles dans la terre meuble.
— La véritable force des cercles runiques, commença-t-il, réside dans trois aspects fondamentaux : stabilité, puissance, et complexité.
Il marqua une pause, pointant du doigt trois dessins dessinés dans le sol. Le premier, une spirale, le deuxième un cercle et le troisième un triangle.
— Comme tu le sais, une rune est une magie écrite. Elle peut permettre aux non-mages d’utiliser la magie avec une pierre d’énergie. Mais pour les mages, elle peut les aider dans la pratique de sorts puissants. Ceux pour lesquels une simple phrase ne suffit pas ou qui pourrait être dangereuse pour son annonciateur. Le cercle agirait dans ce cas comme un ancrage, empêchant la magie brute de se dissiper dans l’air ou de dévier.
Il traça désigna le premier motif pour illustrer ses propos.
— La puissance, poursuivit-il, est directement liée à la quantité d’énergie infusée dans le sort. Le cercle est alors utile pour décupler cette énergie. Généralement, on le stabilise aussi, pour ne pas que tout explose.
Il ajouta un symbole ondulé autour de la rune de puissance, comme une mise en garde silencieuse.
— Enfin, la complexité, expliqua-t-il en traçant des lignes supplémentaires sur le dernier symbole, définit la nature même du sort. Plus un sort est subtil, plus il peut intégrer des effets variés. Mais la complexité exige un savoir précis et beaucoup de maîtrise pour éviter les erreurs. C’est aussi l’une des raisons pour lesquelles les runes sont plus simples qu’un simple sort.
Je suivais chacun de ses gestes, fascinée par la fluidité avec laquelle il construisait ces schémas.
— En combinant ces trois éléments, conclut-il en posant la main sur le schéma final, tu obtiens un cercle runique efficace et stable. Mais c’est un art délicat, où chaque détail compte.
Je hochai la tête, consciente de l’immense savoir qu’il essayait de me transmettre. Ce n’était pas juste de la magie comme Fallon me l’avait appris. C’était une symphonie de symboles et d’intentions, chaque trait dicté par la volonté et l’expérience. Je sentais déjà le poids de la responsabilité qui venait avec ce savoir. Peut-être n’aurais-je pas dû autant insister pour participer à quelque chose d’aussi dangereux.
— Il existe une quantité impressionnante de runes. Mais aujourd’hui on n’aura qu’à en utiliser six différentes. À répétition et, selon les associations que l’on en fait, elles auront des effets bien précis. Nous voulons nous servir de la magie unique de Kay pour voyager, mais il a besoin de plus de puissance et de stabilité.
Il se pencha pour me montrer comment tracer les premiers symboles avec précision. Chaque mouvement était mesuré, presque solennel. Puis il recula légèrement, me laissant essayer par moi-même.
Sans ses conseils, mes tracés auraient été approximatifs, mais, avec ses indications patientes, je parvins à former un premier cercle runique au bout d’une heure. Je laissai échapper un soupir mêlé de soulagement et de fierté. Ce n’était qu’un début, mais pour la première fois, je sentis que j’avais créé quelque chose qui pouvait réellement fonctionner.
— Je trouve que c’est plutôt pas mal.
Thalion examina plus en détail mon œuvre.
— Bien, tu peux terminer avec les deux derniers cercles pendant que je m’occupe de la deuxième partie de l’autre côté.
Les deux heures suivantes, mon frère s’occupa donc de sa propre conception avant de revenir vers moi. J’avais finalement réussi, malgré les nombreuses hésitations sur la position exacte de chaque symbole. Chaque ligne tracée avait été un effort, chaque décision une lutte contre le doute. Mes mains étaient tendues et douloureuses à force d’appuyer sur le couteau pour marquer le bois avec suffisamment de précision. Mais en voyant le cercle complété devant moi, une vague de soulagement m’envahit, mêlée à une fierté discrète.
Thalion me rejoint finalement, me félicitant avec un sourire.
— Tu es quand même bien douée. Ce n’est pas facile d’en comprendre les principes, même pour de simples gravures.
Il s’affaira à chercher quelque chose dans son sac dans le coffre de la carriole et revint avec un pot rempli d’une substance noire.
— Je vais appliquer ça sur nos tracés pour qu’ils ne s’effacent pas sous les effets de la magie. Tu devrais aller rejoindre les autres.
Je compris rapidement que je n’étais plus vraiment utile pour cette étape, puisqu’il ne possédait qu’un seul pot de cette mixture. J’acquiesçai, un peu résignée, et m’éloignai en direction de nos quatre compagnons, qui étaient assis plus loin, plongés dans une conversation animée.
Je m’installai à leurs côtés en silence, attentive à leurs échanges sans chercher à intervenir. Le murmure des voix et les éclats de rire épars me permirent de relâcher un peu la pression. Après tout, il était rare d’avoir ce genre de moment de calme au milieu du chaos.
— J’ai été plusieurs fois rencontrer le seigneur d’Arlame, c’est fou qu’on ne se soit jamais croisés, fut surpris Kay.
Léoni frappa dans ses mains. Il était hilare. Je me demandais ce qui pouvait le rendre aussi euphorique, sûrement la boisson que je voyais devant lui.
— Ce n’est pas faute d’essayer. Chaque fois que je me rends dans une ville où tu es censé te trouver, tu disparais. T’es comme le vent, mec. In-sai-si-ssable.
— Je ne fais pas exprès ! Je viens, j’accomplis ma mission et je repars. Ça ne sert à rien de s’attarder quelque part.
Léoni sourit à la remarque de son ami, mais, dans la bouche de ce dernier, ces mots ne semblaient pas prononcés par simple amusement. C’était une philosophie, un mode de vie assumé. À chacun le sien, sans doute. Pourtant, quelque chose dans l’attitude de Kay trahissait une forme de lassitude. Son sourire à lui était plus crispé, comme s’il suivait une règle qu’il n’appréciait pas particulièrement, mais qu’il acceptait malgré tout.
Cherchant à clore le sujet, il m’interrogea sur l’avancée des cercles.
— Thalion est en train de fignoler le reste. Il devrait bientôt finir.
— Parfait ! Nous mangerons avant de faire un premier test en espérant que tout fonctionne. Notre stratège a pu nous confectionner un trajet idéal. Selon nos prédictions, nous devrions arriver à Valbe d’ici deux jours maximum.
Après cela, Léoni et le cocher partirent préparer un repas froid avant que Kay ne se mette au travail. Thalion, de son côté, utilisa la magie pour nettoyer les ustensiles avec soin. Une fois tout rangé, nous nous dirigeâmes vers la carriole, désormais ornée des cercles runiques noircis.
— Thalion, comme tu es un mage prudent, pas comme cet imbécile de chevalier que tu trimballes avec toi, grogna-t-il, il faudra que tu actives les runes dès lors que mon portail apparaîtra.
Il attendit que Thalion hoche la tête avant d’attraper l’épée de Léoni et sa propre arme. Je n’avais pas encore compris l’utilité de leur présence.
Kay s’avança devant le fiacre, serrant fermement ses deux armes, une dans chaque main. Lorsqu’il ferma les yeux, la gemme incrustée dans l’épée se mit à briller d’une lueur intense et vibrante. Le jeune mage se concentrait, son souffle lent et régulier, avant de porter sa grande faux devant lui. Une vague de chaleur s’en échappa, distordant légèrement l’air autour de lui, et une substance noire, presque visqueuse et glaciale, prit forme sous nos yeux. Elle se modelait en suivant les mouvements précis et fluides de la longue lame, dessinant dans le vide des contours qui défiaient l’imagination.
Le concepteur des cercles runiques, Thalion, prit alors la parole. Il récita une incantation dans la langue ancienne qui donnait à la magie sa volonté.
— Onouo ézé ioul éd loé klé, moovol riol éd kivzddoiv.
À chaque répétition de cette phrase, une rune gravée sur la carriole s’illuminait, pulsant comme un battement de cœur, et je vis mon frère pâlir. Chaque mot semblait lui coûter une part de lui-même. Lorsqu’il prononça l’incantation une seconde fois, Léoni attrapa sa main, comme pour lui transmettre un peu de sa force.
Lorsque Thalion acheva enfin le rituel, un silence lourd s’abattit avant que tous ne s’effondrent, épuisés et haletants. Les armes que Kay tenait quelques instants plus tôt glissèrent de ses mains affaiblies. L’épée retomba mollement à ses pieds, et la grande faux bascula sur le côté. Par chance, elle ne le blessa pas.
Malgré tout, le rituel semblait avoir porté ses fruits.
Devant la carriole s’étirait désormais une énorme masse brumeuse, ovale et mouvante. Son existence même semblait irréelle, presque impossible à concevoir. Un faible murmure s’en échappait, semblable au bruissement de feuilles qui s’agitent sous une brise douce. Ce murmure avait quelque chose de fascinant, presque ensorcelant. Plus je la regardais, plus j’avais l’impression qu’elle m’appelait, qu’elle voulait que je m’en approche. La profondeur insondable de cette brume m’attirait comme un abîme qu’on ne peut quitter des yeux. C’était immense, infini, et au fond de moi, je savais que ce portail n’était pas simplement un passage… c’était un lieu en soi, dont la nature me dépassait.
— Ne t’approche pas, gronda la voix de Kay.
Je sursautai. Ce n’était pas à moi qu’il s’était adressé, mais au cocher qui avait déjà avancé de plusieurs pas dans la direction de l’étrangeté magique.
— C’est normal de se sentir ainsi devant une puissance magique aussi forte, mais il faut rester conscient de soi-même, le rassura-t-il. Maintenant que tout est prêt, nous allons pouvoir partir. Dès lors que le fiacre entrera dans le portail, nous ressortirons à un autre endroit.
Prêts à partir, chacun remballa ses affaires et reprit sa place. Léoni, voyant Kay à bout de forces, le souleva avec précaution et l’aida à s’asseoir dans l’habitacle. Jegal et moi prîmes place en face d’eux.
Une légère secousse me fit basculer légèrement en avant lorsque les chevaux commencèrent à tirer le véhicule. Je retins ma respiration lorsque la lumière extérieure vacilla un instant, comme si le monde retenait son souffle avec moi. L’espace sembla s’éteindre, puis une nouvelle lueur jaillit.
Le paysage avait changé. Quelques secondes plus tôt, nous traversions encore une vaste plaine, mais le portail de Kay nous avait transportés ailleurs. À travers la petite fenêtre de l’habitacle, je distinguais au loin l’agitation d’une petite ville. Les toits de pierre et les rues animées semblaient surgir d’un vieux tableau.
Trois coups retentirent contre le bois et une voix étouffée s’exclama.
— Vous pouvez descendre. Nous avons franchi la première étape.
Léoni a effacé les symboles gravés grâce à un sort d’invisibilité pratiqué avec Thalion, puis nous sommes entrés dans la cité. Le cocher et les chevaux sont restés à l’entrée des fortifications, tandis que Kay, Jegal et Thalion se sont dispersés pour nous trouver un toit pour la nuit. Nous avions rendez-vous tous ensemble au plus tard à dix-huit heures à l’entrée de la ville où nous avions laissé Nathan.
Léoni et moi étions chargés d’une tout autre affaire.
Nous ne pouvions conserver plus longtemps notre véhicule parce qu’il n’était pas assez discret et trop volumineux pour le faire passer le portail aussi souvent. Voilà pourquoi je me retrouvais avec Léoni à devoir trouver des manteaux pour terminer notre voyage à pied pendant que Nathan terminerait d’acheminer nos affaires jusqu’à la capitale.
— Kay m’a conseillé de nous rendre en plein cœur de la ville. Une boutique appelée « Zhabille ».
Écoutant donc les conseils avisés de notre ami fantôme, nous pénétrâmes dans le commerce. Nous avons expliqué aux commerçants la raison de notre venue et, sans plus attendre, ils avaient commencé à travailler. Pour patienter, nous nous installâmes sur deux fauteuils dans un coin de la boutique. Là, Léoni a soupiré bruyamment.
— Enfin un peu de repos… Depuis qu’on est partis ce matin, mon cerveau n’a pas arrêté de tourner. Je crois qu’il fait une surchauffe.
J’esquissai un sourire. Léoni n’avait rien de sérieux ou d’inquiétant, même dans les situations les plus tendues. Son naturel détendu et ses blagues parfois douteuses parvenaient toujours à alléger l’atmosphère. En réalité, sa présence avait quelque chose de rassurant, presque apaisant. Être à ses côtés donnait l’impression que, malgré tout, les choses finiraient par s’arranger.
— Kay a également étudié la magie ?
Léoni haussa les sourcils, surpris.
— Non, ses parents étaient chercheurs. Mais un pouvoir inné peut apparaître sans rien savoir sur la magie. Souvent, c’est dangereux. Le royaume offre une bourse à toute personne se découvrant un pouvoir inné.
— Dans ce cas-là, pourquoi Kay ne se trouve-t-il pas dans une académie ? demandai-je curieuse.
— Il a préféré s’occuper d’autre chose avant d’y aller. Mais j’avais entendu que, récemment, il refusait beaucoup plus de propositions d’emplois. Je me suis dit qu’il comptait sûrement raccrocher. Et cela s’est avéré juste. Le voilà maintenant avec nous en direction de Valbe.
Il sourit sincèrement. Pas de ce sourire feint qu’il offrait à tout va, mais de celui qui exprimait réellement son soulagement.
— Ça fait du bien quand un plan se déroule correctement.