Chapitre 16 : Yaël

Par Maric

La louve

Tenant toujours sa main, je dirige Enora vers la chambre proche de la sienne lors de son dernier séjour au manoir, où Erik notre mage, a installé Laure à ma demande.

Il est près d’elle et son stéthoscope s’attarde sur les battements de son cœur. Il se tourne vers nous et fait signe à Enora de s’approcher.

  • Dans quelques temps, il faudra qu’elle voie un cardiologue.
  • Pourquoi, je croyais que vous l’aviez guérie.

La jeune fille inquiète, s’énerve, ses lèvres sont serrées sur des paroles qu’elle ravale pour ne pas blesser Erik qui ne mérite pas son ire. Elle ne comprend pas que notre magie ne peut pas tout guérir sur ce monde, ni dans le nôtre d’ailleurs.

  • Non, j’ai fait repartir son cœur et je lui ai donné de l’énergie pour accélérer son retour à la vie.
  • Elle était morte ?

Je sens qu’une panique rétrospective l’envahit, je la vois se décomposer et je pose ma main sur son épaule pour la rassurer.

  • Elle venait juste d’expirer quand je suis arrivé, c’est pourquoi j’ai pu la réanimer, comme avec un défibrillateur. Mais je crains que tout cela n’ait fragilisé son cœur et il vaudra mieux consulter un spécialiste.

Je presse son épaule mais elle se dégage en me jetant un regard noir. Ok, elle nous en veut et je le conçois parfaitement. Je lis la colère qui l’étouffe dans la raideur de son dos et dans ses poings serrés. Elle s’approche de Laure et lui caresse les cheveux tendrement. Celle-ci a retrouvé des couleurs et Erik me confirme qu’elle dort.

Je lui demande en aparté ce qui l’empêche de guérir complètement Laure de son traumatisme. Il me répond qu’il aurait pu le faire s’il elle avait eu nos capacités de régénération. Les terriens sont plus vulnérables que nous et s’il a réussi à la sauver, la jeune femme n’en gardera pas moins une certaine fragilité, ce qui ne l’empêchera pas de vivre normalement, me précise-t-il, si elle est bien suivie. C’est déjà ça, même si je conçois que cela ne suffise pas à Enora.

Erik me surprend en ajoutant que seule la Dame, si elle avait été encore dans notre monde, aurait eu la puissance pour guérir Laure. Cette révélation me rappelle douloureusement que notre Dame a disparu depuis fort longtemps et qu’aucune autre ne s’est révélée malgré les assertions des devins.

Je secoue la tête pour chasser cette tristesse et me dirige vers la sortie, ma présence étant inutile, voire non désirée. Enora a besoin de rester seule auprès de sa cousine. Néanmoins, je me sens blessé par son rejet même si je le comprends. J’ai un pincement au cœur en imaginant la suite, ses questions, nos réponses. Elle culpabilise car elle a bien saisi qu’elle était la cible de ces hommes mais en ignore la raison … et nous aussi. Je me pose la question depuis que nous avons émergé dans son jardin. Malheureusement, ils nous ont échappés avant qu’on puisse les interroger.

  • Tu vas où ?

La question a surgi, dure, piquante, alors qu’elle me tourne toujours le dos. Je suis surpris mais je note qu’elle n’hésite plus à utiliser sa capacité de télépathe avec moi, ce qui est plutôt positif et me rassure un peu quant à son acceptation de cette nouvelle réalité.

Je pense qu’il me faudra faire appel à Zark pour l’aider à appréhender ce qu’elle vient de découvrir, sachant qu’elle n’est pas au bout de ses surprises.

  • Je rejoins Roland et la meute, je dois vérifier qu’aucun d’eux n’est blessé.
  • Bien sûr, les loups… ils sont tellement plus importants

Je sens une telle amertume dans ses pensées, alors qu’inconsciemment elle m’envoie l’image de Laure que je voie pourtant de mes propres yeux. Je ne peux m’empêcher de rétorquer que les deux loups ont risqué leur vie pour elle et qu’il ne s’agit pas seulement d’animaux. Je m’en veux aussitôt, ma réaction épidermique est un peu malvenue au regard de ce qu’elle a vécu cette nuit.

Elle se tourne vers moi, la surprise dans ses yeux rougis et une rougeur gênée envahit ses joues. Je la laisse supputer la portée de mes paroles et claque la porte de ma psyché pour bien lui montrer ma réprobation puis après un dernier regard où je laisse passer ce que je peux d’empathie, je sors de la pièce.

Bien que l’ai soigneusement caché, je suis furieux, bordel ! et… blessé. Non pas après elle, mais après moi incapable de lui montrer ce que je ressens, à quel point je voudrai pouvoir lui éviter de souffrir. J’appréhende les prochaines heures et mon cœur se serre en pensant aux révélations auxquelles elle devra faire face. J’ai été paniqué par son appel, mais soulagé qu’elle se tourne vers nous. Je n’ose imaginer ce qui aurait pu lui arriver si elle n’avait pas cru suffisamment en son pouvoir pour m’appeler. En ce moment, je n’ai qu’une envie, qu’elle s’endorme pour la rejoindre sur la toile et retrouver ainsi mon lien-sœur car c’est ce qu’elle est pour moi.

Je languis de la voir jouer avec moi, sa danse de séduction me va droit à l’âme, Je souris malgré moi à cette réminiscence.

Comment va-t-on faire concorder ces deux pans de nos existences. Nous nous affrontons dans ce monde et nous flirtons sur la toile. Cependant pour l’instant je suis le seul en avoir conscience. Que se passera-t-il quand elle comprendra qui je suis, me rejettera-t-elle ? Je ne peux l’envisager. Mes mâchoires se crispent à cette seule pensée.

Nous nous sommes peu vus finalement et la dernière fois cela s’est mal terminé mais je côtoie son lien toutes les nuits et ce qu’elle m’inspire est bouleversant et merveilleux. Je n’ai jamais ressenti un tel sentiment. Mon corps s’en souvient au réveil et mon désir est puissant. Je la veux ! Pas seulement son corps… quoique son corps… Rien que de l’imaginer le mien réagit douloureusement Putain je suis mal barré ! si Roland savait ça, il se foutrait bien de ma gueule.

Je me frotte le visage en ricanant amèrement et m’arrête au milieu des escaliers qui descendent vers le hall, je dois de me reprendre, vite ! Je ferme les yeux et prends de grandes inspirations.

J’entends qu’on frappe violemment sur ma psyché. Roland ! je m’ouvre à lui pour apprendre que Sira n’est pas bien, cette mauvaise nouvelle me remet aussitôt les idées en en place et plein d’inquiétude pour ma plus jeune guerrière je me précipite vers l’infirmerie qui jouxte le quartier de la meute.

Lorsque j’entre dans la pièce, j’aperçois Sira allongée sur la table en inox, tranquille, le museau sur ses pattes avant, Erik et Roland se tiennent près d’elle.

  • Sa psyché est fermée, qu’est-ce qui se passe ? je leur demande.

Sira se redresse, sa queue remue du plaisir de me voir, mais… ce n’est pas Sira, c’est son loup.

  • Le loup a pris les commandes, au début j’ai cru qu’elle s’était endormie après la bataille, comme c’était sa première confrontation… mais Orion m’a averti que son esprit était fermé quand on a traversé le portail.

Je me sens coupable, j’aurais dû être plus attentif à eux, même pendant le combat. C’est de ma responsabilité.

  • Nous aurions tous du faire attention à elle, Orion dit qu’un éclair a frappé juste à côté d’elle et j’ai dans l’idée que le loup a eu peur pour elle et est passé aux commandes.

Roland me transmet sa nervosité et son inquiétude. Son analyse me semble juste même si la situation est inédite. Je passe ma main dans mes cheveux en réfléchissant. Je vais essayer de l’atteindre, mais nous sommes tous fatigués, nous avons utilisé beaucoup d’énergie dans le combat. Pour atteindre Sira il va falloir que je plonge loin derrière l’esprit du loup ce qui ne va pas se faire sans difficulté car son instinct lui dicte de protéger sa maîtresse.

Erik nous propose d’unir nos forces pour que je tente de ramener Sira à la surface. J’acquiesce, mais je reste perplexe, comment se peut-il qu’elle n’arrive pas à reprendre le pouvoir ? Je croise le regard de mon ami qui visiblement se pose la même question. Nos compagnons à quatre pattes, s’inquiètent et proposent également leur aide que je refuse. Tant que je ne sais pas ce qui s’est passé, je ne veux prendre aucun risque pour eux.

Mon esprit est resté ouvert et j’entends qu’on frappe doucement à la porte de ma psyché. Enora me demande l’autorisation d’entrer et j’apprécie cette délicatesse. Je l’invite à pénétrer mes pensées.

  • Je suis désolée, est-ce que les loups vont bien ?
  • Non Sira n’est pas bien.

Je perçois aussitôt son inquiétude, je crois qu’elle a une tendresse particulière pour notre jeune recrue qui lui a montré son attachement lors de notre dernière rencontre.

  • Est-ce que je peux faire quelque chose ?

Pourquoi pas ! Enora a une puissance qu’elle ne soupçonne pas. Je pense qu’elle en a à peine utilisée lors de l’affrontement. Néanmoins j’hésite car elle va pénétrer plus avant dans notre monde.

  • Es-tu prête à en découvrir plus ?

J’entends son silence et je l’imagine hésitante dans la chambre de Laure. J’attends patiemment, mais néanmoins nerveux, sa réponse.

  • Ok, en quoi puis-je aider ?
  • Rejoins-nous, nous avons besoins d’énergie.

Je lui envoie l’image de Sira et je surprends son étonnement devant le loup qui a l’air d’aller très bien. Je la guide vers nous.

Roland soulagé tape ma paume en signe de victoire. Je lui souris et rassure nos compagnons qui usent la moquette de leurs quartiers avec leurs va et vient angoissés. Nous attendons la jeune fille tandis que je caresse le loup qui ferme les yeux de contentement.

  • Il faut que tu laisses ton amie revenir, lui dis-je doucement.
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Laure Imésio
Posté le 09/08/2022
Coucou
Je dévore ces chapitres. Tous les ingrédients sont réunis. Le mystère, la romance...Tu amènes le lecteur à croire qu'Enora est porteuse de pouvoirs extraordinaires, et qu'elle est une future nouvelle Dame, cela lui permettra sans doute d'aider sa cousine. Le fil jaloux, on avait deviné qu'il s'agissait de Yaël, de plus en plus passionné. Et à présent l'hôte de la louve qui ne refait pas surface... Que de suspense !
Maric
Posté le 10/08/2022
Coucou
Oui les évènements s'accélèrent
J'espère que la suite te plaira autant
A bientôt
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