Chapitre 15 : Enora

Par Maric

Sauvetage

Les loups sautent sur l’échine des hommes réussissant enfin avec leur poids à les faire chuter. Yaël et Roland se précipitent pour les ceinturer, évitant agilement les éclairs qui fusent dans toutes les directions. Un genou dans leur dos pour les immobiliser, ils bloquent fermement leur bras en arrière paumes à l’intérieur, empêchant ainsi toute autre tentative d'agression qui se retournerait contre nos agresseurs. L’homme que j’imagine être leur mage murmure quelque chose que je ne comprends pas et les deux hommes se raidissent dans une immobilité de statue. Au même moment mes yeux s'agrandissent lorsque j'aperçois deux nuages grisâtres et cotonneux qui s’échappent des corps, s’effilochent et disparaissent dans le brouillard.

Yaël se redresse vivement et pousse un cri de rage à cette vision. Il se tourne vers moi et s’arrête les yeux brillant d’émotion et d’émerveillement.

Une aura rouge aux bord légèrement rosé s’échappe en vagues vaporeuses de mon corps et forme un halo autour de moi. Je me regarde les yeux ronds d’étonnement, j’ai du mal à croire à de que je vois. Ce ne peut pas être moi ! Je nage en pleine fiction pourtant la cruelle réalité me frappe à nouveau devant le corps de ma cousine toujours immobile au sol.

Mon esprit s’étire alors dans un cri puissant de douleur. Je m’effondre en pleurant sur le corps de Laure. Tout est de ma faute, si elle n'était pas venue pour m'aider, comme toujours, elle serait en ce moment à Paris, tranquille. Le mage se précipite vers elle alors que mon bouclier s’évapore dans la nuit en même temps que cet étrange halo qui me recouvrait. Il se penche sur ma cousine et Yaël vient me prendre aux épaules pour m’arracher à elle. Je résiste mais fermement il me redresse et enserre ma taille pour m’écarter de Laure. Désespérée et résignée face à sa force, je me laisse finalement aller contre son torse solide et pose ma tête sur son épaule sur laquelle je dépose tout ma peine et ma douleur. Je sens ses lèvres se poser sur mes cheveux. « Courage, Erik notre mage s’occupe d’elle, il fera tout ce qui est en son pouvoir pour la sauver ».

Je hoche la tête et pose mes mains sur ses bras qui m’entourent. Roland s’approche de nous et pose sur moi un regard amical et compatissant. Les deux loups s’allongent à mes pieds comme pour me soutenir. Je baisse un instant les yeux vers eux et croise leur regards où brille une lueur rouge. J'ai la fugace impression qu'ils comprennent ma douleur. 

Je tente de calmer les battements rapides de mon coeur en observant le mage palper Laure avec les même gestes qu’un médecin, puis il pose une main sur son front et ferme les yeux. « Il scanne l’intérieur pour vérifier s’il y a des dommages ». Je ne sais pas si la précision de Yaël me rassure, mais je n’ai pas d’autre choix que de faire confiance à cet homme qui tient la vie de ma cousine entre ses mains. Je vois le corps de Laure sursauter alors qu'il a posé la main sur son coeur. Je veux m'élancer pour... je ne sais pas ! mais les bras de Yaël m'encerclent plus fermement.

  • Elle vit ! dit enfin le mage à mon grand soulagement. Elle est très faible mais heureusement la flèche n'a pas touché d'organe vital,  elle devait être de faible intensité.

Ce n’est pas l’impression que j’ai eue lorsque celle-ci a percuté Laure, mais peu m’importe, elle vit, c’est ce qui compte. J'ai l'impression de respirer à nouveau.

  • Je vais lui transmettre un peu de mon énergie pour qu'elle se remette plus rapidement.

Je remercie le mage et le regarde opérer avec une certaine appréhension. Les paumes de ses mains diffusent une lumière blanche qui semble s’infiltrer à l’intérieur de ma cousine lorsqu’il les pose sur ses tempes. Laure ouvre, une fraction de seconde, ses yeux d’une blancheur lunaire avant de les refermer.

  • Je l’ai endormie pour un bon moment. Il faut laisser à son corps le temps de se remettre des dommages occasionnés.

Le mage se redresse après avoir enveloppé ma cousine dans un cocon translucide qui ressemble au bouclier que j’ai créé.

Rassurée sur le sort de Laure, toutes les émotions remontent à la surface et je craque. Je me serais effondrée si les bras puissants de Yaël ne m’avaient pas retenue. Je me retrouve serrée contre lui alors que des torrents de larmes dévalent sur mes joues.

  • Chhht, ça va aller. Elle va s’en tirer.

Il me berce comme une enfant, me laissant le temps de me reprendre, puis à regret je quitte la sécurité de ses bras pour me tourner vers les hommes qui nous ont agressées.

Roland est penché sur eux et il semble effaré. Il tourne vers Yaël un regard agrandi par l’horreur. Je m’approche vivement alors que Yaël tente de m’en empêcher. Une odeur nauséabonde que j’avais refoulée tant mon inquiétude pour Laure éclipsait tout le reste, m’agresse avec violence. Je porte ma main à ma bouche réprimant un haut le cœur. Les loups se sont écartés et font des va et vient autour du jardin en grognant incommodés eux aussi par l’odeur.

Dans le brouillard qui s’est peu à peu éclairci j’aperçois les deux cadavres dont la décomposition s’accélère d’une façon ahurissante.

  • Ils sont morts depuis plusieurs jour, dit Yaël qui étudie les corps.

C’est impossible, mais la réalité est là face à moi et je revois les deux lueurs s’échapper des corps.

A ce moment-là mon esprit revient en arrière, vers cet autre homme retrouvé près de chez moi. Et je me souviens de ce que Romain a dit : « il était mort depuis plusieurs jours ».

Je ne sais pas ce qui s’est passé, mais je suis convaincue qu’il était là pour moi. Et dans un éclair de compréhension, je sais ce qu’ils ont fait même si je peine toujours à y croire. Et ce que j’ai fait pour nous défendre, est-ce que j’y crois ? Il est temps que j’accepte certaines choses.

La colère gronde en moi. Ces enflures sont entrées par effraction dans la psyché de deux inconnus qui n’ont pas survécu aux dommages causés à leur cerveau. Ils en ont vraiment fait, en quelque sorte, des zombis.

Deux innocents sont morts pour qu’ils puissent m’atteindre… Mais pourquoi ? Je me sens coupable et j’ai envie de hurler ma rage, mais je dois réagir, nous avons deux cadavres sur le dos.

  • On ne peut pas les laisser ainsi, dis-je la voix rauque.

Je me tourne vers Yaël et Roland et leur demande de déplacer les corps le long de la haie. Yaël me fixe et comprend que je ne suis pas seule… dans ma tête. Il se tourne vers son ami d’un air entendu et ils exécutent ma demande.

  • Il n’est pas questions que les gendarmes retrouvent deux corps dans cet état ou que ce soit, dis-je à nouveau d’un ton calme bien que la tempête enfle en moi.
  • On ne peut pas les laisser non plus ici, que voulez-vous faire ?

Le mage s’est rapproché et parle d’un ton réprobateur. Je ne le regarde pas, je suis attentive à mon « guide », je ferme les yeux et faisant abstraction de l’odeur insupportable qui parvient à mes narines et me donne des nausées, je passe lentement mes mains au-dessus d’eux faisant naître un nuage de givre délicatement rosé qui s’étale en douceur et j’ai l’impression avec respect sur eux et les enveloppe dans un cocon de glace afin de stopper les effluves de mort et la putréfaction qui rattrapent ces pauvres bougres arrachées à leur famille sans doute, je leur demande de me pardonner… s’ils le peuvent là où ils sont maintenant.

C’est un vrai cauchemar ! Je voudrais pouvoir oublier ces visages boursouflés. Je ne sais pas qui est responsable, mais il paiera ! C’est une promesse que je leur fais.

Je pose mes mains au sol, m’ancrant à la terre et murmure les paroles qui me sont dictées. «Terre et force du Nord, humblement je t’implore, étend vers ces corps ta ramure, dans un linceul de verdure »

La haie se développe lentement et enseveli les corps dans un entrelacs de branches et de feuilles.

Je souffle, épuisée, écœurée. « Qu’est-ce qu’on fait maintenant ? » Epuisée par l’énergie de l’incantation, je ne me suis par rendue compte que j’avais diffusé ma question dans les pensées de Yaël et Roland.

  • La haie et la terre vont absorber les enveloppes de ces deux hommes assez rapidement et d’ici on ne voit rien.

En disant cela, Roland a pris du recul pour scruter le jardin afin qu’aucun indice suspect ne subsiste.

Yaël appelle les loups demande au mage de noyer à nouveau le paysage sous le brouillard et un portail s’ouvre à nouveau. Le mage y conduit le cocon où repose Laure suivi par les loups.

Il m’enjoint de prendre quelques affaires ce que je fais comme une automate aidée par les deux hommes qui respecte mon silence, sentant mon humeur coléreuse et mon incompréhension.

J’aurai des questions et il me faudra des réponses, je crois qu’ils en sont conscients. Et surtout j’aurai une colère à exprimer… en son temps.

Nous ressortons de la maison que je ferme avec un pincement au cœur, ne sachant pas quand je la reverrai, Roland fait une dernière fois le tour du jardin avant de prendre ma valise et de passer le portail.

Il ne reste que Yaël et moi, il me tend la main. Je l’aurais surement refusée à l’arrogant et prétentieux connard, mais un rayon de lune traverse le brouillard et dépose dans ses yeux noirs une lueur bleu nuit et à ces yeux là je ne peux pas refuser. Je lui prends la main le cœur battant et nous traversons ensemble le portail.

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Laure Imésio
Posté le 09/08/2022
Coucou,
A nouveau un chapitre palpitant, qui répond à des questions, autant qu'il en pose de nouvelles, ton univers se précise, le mage apparait à l’œuvre, on découvre encore les pouvoirs d'Enora, et on finit avec une touche "romantique", c'est un régal !
(aux bord légèrement rosé -) bords rosés)
A bientôt !
Maric
Posté le 10/08/2022
Coucou
Merci pour ton retour qui me fait plaisir
J'espère que la suite te plaira également
A bientôt
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