Chapitre 17

Jusqu’à présent, elle avait à peu près dit la vérité… En omettant toutefois l’essentiel. Eustache Lawal avait mis en place un test particulièrement agressif pour découvrir les Talents, ceux ayant échoué étaient mis de côté pour ne pas révéler le contenu de la séance. Pour elle, ça avait fonctionné. Ses dernières heures avaient donc été occupées à faire connaissance avec ses futurs collègues, et notamment ceux qui lui apprendraient son métier. La déception se lisait sur les traits de Marcelin qui peinait à accepter l’absence de mystère caché derrière toute cette affaire. Même si une pointe de culpabilité fleurissait dans un coin du cerveau de Solola, elle était avant tout soulagée d’être crue. Toutefois, le plus complexe restait encore à venir : mentir ouvertement sur son propre Talent.

            Comme si Marcelin avait lu dans ses pensées, il aborda justement le sujet avec un sourire encourageant.

- Et ton Talent alors ? C’est quoi ?

Le rythme cardiaque de Solola accéléra. Il ne fallait pas qu’elle lui dise la vérité. Mais quelle vérité ? Pourquoi était-elle aussi stressée à l’idée de révéler à son ami son Talent ? Elle avait beau chercher la source de son mal-être, il lui échappait totalement. Peut-être confondait-elle stress et excitation. En tout cas l’excitation lui semblait être un sentient bien plus cohérent en pareille situation. Solola ne put toutefois se débarrasser totalement de l’impression que quelque chose manquait mais elle décida de faire abstraction. Devant les sourcils froncés de Marcelin, elle se demanda combien de temps avait duré son absence.

- Désolée, c’est mon côté théâtral, je ménage le suspense ! Je sais respirer dans l’espace ! J’ai rencontré la directrice de l’Agence spatiale internationale qui est assez impressionnante mais plutôt sympa, et le mec qui va m’apprendre le métier.

- Super ! s’exclama Marcelin, les yeux écarquillés d’admiration. Mais attend … ça veut dire qu’ils vont t’envoyer vivre sur une autre planète ? J’ai entendu qu’ils testaient actuellement le potentiel de vie sur plusieurs astéroïdes …

- Euuh, je ne sais pas trop. On m’a dit que le but était que je participe à ces études oui, mais de là à y vivre je ne pense pas … En tout cas pas tout de suite !

- J’espère ! Je ne suis pas contre l’amitié à distance, mais si je pouvais au moins te garder sur la même planète ça m’arrangerait, quand même.

Solola répondit au clin d’œil de son ami par un franc sourire. Elle était heureuse de voir que leur complicité n’avait pas trop souffert de leur dispute. Le petit arrière-goût de trahison qui lui chatouillait la conscience en était d’autant plus inexplicable. La fatigue lui parut être le parfait coupable, assumant donc la responsabilité du trouble de ses sentiments et du brouillard opaque logé dans son esprit.

- En parlant de distance, tu vas habiter où maintenant que tu n’es officiellement plus une étudiante de la Deter ?

- Eh bien … Je vais rester ici, répondit Solola d’une voix peu assurée.

Les sourcils froncés, tous ses efforts étaient tournés vers le brouillard de son esprit. Une réponse s’imposait à elle sans pour autant savoir d’où elle venait.

- Contrairement aux métiers qui forment régulièrement, il n’y a pas souvent de nouvelles recrues à l’Agence spatiale donc ils n’ont pas de logements dédiés. Du coup ils ont négocié que je garder ma chambre à la Deter, mais je ne sais pas pour combien de temps.

Marcelin marqua un temps d’hésitation, partagé entre la surprise et la joie.

- Bon, je suis content que tu ailles bien en tout cas. Et que tu aies découvert ton Talent bien sûr ! Je me suis fait du souci tu sais …

            Solola eu à peine le temps d’ouvrir la bouche que la tête du Tournesol apparut dans l’embrasure de sa porte. Marcelin était en retard pour le service du midi et c’est avec gratitude que Solola le vit se diriger vers la sortie, sans qu’il ne remarque le trouble sur son visage. Secouant la tête, elle était brusquement sortie de sa torpeur et réalisait peu à peu ce qui venait de se passer. Son Armémoire s’était fermée sans crier gare, puis s’était ouverte de nouveau tout aussi subitement. Au moment où elle avait voulu répondre à Marcelin, plus aucun souvenir de la DNSTR ne subsistait. Un flou artistique planait autour de sa rencontre avec Cordélia et Miko, mais tout le reste s’était évaporé. Au moins n’avait-elle pas eu l’impression de mentir, cela lui avait grandement facilité la tâche. Pourtant elle avait honte. Honte de ne pas pouvoir se révéler auprès de son ami, de devoir prétendre être quelqu’un d’autre. Mais ce qui la perturbait le plus, c’était cette impression désagréable de devenir réellement quelqu’un d’autre lorsque son Armémoire se refermait.

Finalement, une fois la porte de sa chambre close, elle alluma son Holopad, prête à faire face à la dernière épreuve de la matinée : l’annonce à ses parents.

 

            - Alors ? questionna Palmyre.

            - La belette est en orbite, je répète, la belette est en orbite … chuchota Marcelin en lançant des regards anxieux vers la porte tout juste fermée.

Il entraina Palmyre un peu plus loin avant de s’expliquer.

- Elle me cache des choses. Je ne sais pas encore démêler le vrai du faux dans tout ce qu’elle vient de me dire mais il y a quelque chose qui cloche. Quand je lui ai demandé quel était son Talent, son regard est devenu vide, absent… Le souci, c’est qu’elle dit ne pas se souvenir de sa sortie du labo…

Devant l’air dubitatif de Palmyre, Marcelin eut peur qu’elle ne le prenne pour fou. Certes il avait toujours eu un faible pour la fantaisie et préférait souvent le rêve à la réalité. Pourtant cette fois-ci, il ne s’agissait ni d’affabulation, ni d’exagération. Le petit sourire naissant aux coins des lèvres de Palmyre le rassura.

- Alors Watson, l’enquête continue !

- Ah donc Sherlock c’est toi ? taquina Marcelin en passant un bras autour de sa taille.

En plein élan vers ses lèvres, Palmyre s’écarta soudain de lui. Des étudiants venaient de faire leur apparition à l’autre bout du couloir. Ramenant ses mains à lui, Marcelin continua d’avancer en rongeant son frein. Il avait beau prendre sur lui, la situation le pesait de plus en plus. Et ce jour-là, après avoir observé Solola lui mentir sans broncher, accepter le rejet de Pamyre lui parut surhumain.

Il souhaitait lui laisser du temps, être attiré par les âmes en perdition et espérer qu’elles changent du tout au tout en quelques mois n’était pas réaliste. Marcelin avait choisi Palmyre en connaissance de cause, avec l’envie profonde d’être à ses côtés le jour où enfin, elle serait prête à sauter le pas. Son désir n’avait pas évolué, mais ses sentiments s’étaient renforcés, et avec eux la difficulté de ne pas prendre les choses trop personnellement. Doucement, les limites de ce qu’il pouvait endurer se rapprochaient. Si bien qu’il pouvait presque les sentir du bout des doigts.

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arno_01
Posté le 17/09/2021
Je reprend ici une lecture dont je n'avais plus eu le temps de suivre les parutions. Et c'est avec plaisir que je retrouve Solola et Marcelin.

Par rapport à mes remarques précédentes, j'aime bien le fait que Marcelin devinant le mensonge de Solola décide de continuer l'enquête. Cela permet de le laisser dans l'histoire. Et comme j'aime bien ce personnage

Par ailleurs les derniers paragraphes du point de vue de Marcelin permet de lui faire gagner de la profondeur, d'explorer ses sentiiments et c'est appréciable.

A bientot dans la suite
Arnaud
MadelinePerlef
Posté le 19/09/2021
Bonjour Arnaud
Merci beaucoup pour ce commentaire !
J'espère que la suite continuera à te plaire !

À bientôt !
Zoju
Posté le 04/06/2021
Salut ! Toujours un plaisir de continuer ton histoire !
Nous retrouvons donc Marcellin qui ne semble pas dupe de ce que lui raconte Solola. Je dois t'avouer que j'ai été un peu perdue en lisant le début de ce chapitre, car je n'avais pas directement compris que Marcellin se trouvait en face d'elle. Il s'est passé combien de temps entre la fin du chapitre 16 et le début de celui-ci ? Je me dis que c'est très rapide car Solola ne sait même pas encore combien de temps son absence a duré.
On a ensuite l'explication de pourquoi elle va rester à la Deter. Ce n'est pas une critique, mais personnellement si j'étais à la place de Marcellin, je me dirai qu'il y a quelques choses de louche dans ce qu'elle raconte. Solola s'est-elle bien mentir ? Elle va devoir s'entrainer si Sherlock et Watson mènent l'enquête.
Pour le reste, j'ai bien aimé la description de ce que fait l'armémoire sur le cerveau de Solola aussi bien de son point de vue que celui de Marcellin. C'est d'ailleurs chouette ce changement de point de vue au milieu du chapitre. On sent le lien entre Palmyre et Marcellin, même si parfois il m'arrive de ne pas toujours y croire sans doute car la jeune fille n'assume pas encore complètement cette relation. J'aime beaucoup les réflexion de Marcellin là-dessus.
Quoi qu'il en soit, bien que court, c'est un chouette chapitre. J'ai hâte de lire la suite ! :-)
MadelinePerlef
Posté le 04/06/2021
C'est un chapitre que j'ai eu un peu de mal à écrire mais je suis contente qu'il te plaise :)
Je vais voir comment je peux faire pour que ça soit plus clair que Marcelin est en face d'elle.
Et Solola n'est pas une excellente menteuse en effet Haha
Après peut être vaut-il mieux que je la fasse quitter la Deter...
MariKy
Posté le 13/05/2021
Salut Madeline !
Quel plaisir de retrouver Marcelin... La scène des retrouvailles était particulièrement attendue, je me demandais comment Solola allait s'en sortir. Je ne m'attendais pas à ce fonctionnement de l'Armémoire, qui l'empêche en temps réel de révéler ses secrets.
Le changement de point de vue en deuxième partie est particulièrement bienvenu, je suis bien contente que Marcelin ne soit pas tombé dans le panneau et ravie qu'il poursuive son enquête !
MariKy
Posté le 13/05/2021
Oups j'ai juste oublié de noter une coquille :"Ses dernières heures avaient donc été occupée à faire connaissance avec ses futurs collègues" => occupées
MadelinePerlef
Posté le 21/05/2021
Hello Mariky!
Merci pour ton commentaire ! J'avoue que j'ai eu beaucoup de mal à écrire ce chapitre, petite panne d'inspiration...
Merci pour ta vigilence sur la coquille !
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