PRESENT : ELIJAH
Le petit groupe prit tout de même des précautions lorsqu’il fallut entrer dans le quartier de la paix. Ici se trouvaient les temples du culte de l’omniscient, les bâtiments d’aide humanitaire, l’ambassade de la cité-état de Nirim. C’était un lieu dynamique et vaste. Une grande place où les gens se croisaient et se recroisaient dans des va et viens incessants tout au long de la journée. Ici, personne ne se battait, personne ne se disputait. Les relations étaient cordiales voire amicales et on pouvait considérer ce quartier comme l’un des plus sécurisées de la mégapole. Mais en ce moment, les chasseurs de prime grouillaient. Ils étaient là, se mêlant à la population mais se distinguant par leurs accessoires et leur démarche résolue. Quelle chance qu’il eût fait beau aujourd’hui ! Cela allait grandement faciliter le camouflage des cinq jeunes mages. Chacun portait un accessoire qui cachait la lueur de magie dans ses yeux. Elijah n’avait eu d’autre choix que de mettre des lunettes de soleil, avec ses yeux dorés, mais Evvy et Ethan portaient des casquettes dont l’ombre de la visière voilait leurs yeux et Aya avait mis des lentilles. Quant à gringe, sa frange suffisait amplement à cacher ses yeux. Mais malgré ces camouflages de fortune, il fallait rester prudents. La photo d’Elijah apparaissait encore dans les avis de recherche des journaux et une exposition trop longue à la vue de tous aurait suffi à le faire repérer. Alors ils s’étaient cachés dans un coin, à l’ombre de trois arbustes qui bordaient un immeuble. Ici, les gens passaient sans leur jeter le moindre regard.
- Ce quartier est l’un de ceux où nous avons le plus de boulot. Expliqua Aya : Comme les chasseurs y viennent rarement, il y a beaucoup plus de mages. Il faut donc surveiller les environs pour que, si quelqu’un reconnaît un mage, nous puissions intervenir dans les temps pour le sauver. Mais ces dernières semaines, avec l’affluence de chasseurs dans les zones de sécurité relative, ‘les mages ont tendance à migrer vers des quartiers plus dangereux comme le quartier riche ou le quartier des études où ils pensent pouvoir s’intégrer dans la masse des étudiants et y passer inaperçus. Mais ils se trompent. Il y a peu, deux mages ont été découverts par un professeur dans le quartier des études. Ils suivaient des cours d’histoire des arts à l’université et ils ont été capturés juste à la fin d’une journée de cours, alors qu’ils rentraient à la résidence.
Une femme passa et leur jeta un regard rapide. Le silence se fit. Bref. Tendu. Lorsque la femme repartit, il y eut comme un soupir général, comme si un poids venait d’être enlevé du monde. Ethan fit remarquer qu’il valait mieux ne pas trop s’attarder ici et les cinq jeunes gens se levèrent.
Ils traversèrent la grand-place d’un pas un peu pressé, slalomant dans la foule. Elijah était à la ramasse. Il voyait le dos de ses compagnons disparaître par intermittence derrière les costumes colorés des habitants de Nirim. Il y avait du monde aujourd’hui, chacun était sorti et avait voulu profiter des rayons du soleil qui annonçaient le début de Ninnt : la saison douce. Mais dans ce capharnaüm de bras et de jambes, de têtes souriantes et de corps vigoureux, l’équipe de mages avait du mal à rester soudée et, par plusieurs fois, Elijah manqua de perdre complètement ses compagnons. Ils finirent tout de même par sortir de cet enchevêtrement et retrouvèrent le calme du quartier populaire qui était mitoyen au quartier de la paix. Ici, les gens vivaient dans un relatif confort, de vieilles maisons en torchis et en bois en côtoyaient des neuves en pierre dans un étrange contraste. A cette heure où la plupart des gens étaient au travail ou à l’école, il n’y avait presque personne dans le quartier. Seulement quelques paresseux qui flânaient dans les rues, les yeux fermés, le visage souriant, heureux d’avoir retrouvé le beau temps et de vivre dans un monde où la magie était le quotidien, sans se douter que ceux qui leur fournissaient cette magie ne le faisaient pas de leur plein gré. Aya expliqua que le quartier populaire était assez surveillé par le LERM car c’est ici que se cachaient les familles de mages. Il n’était pas rare que des équipes de rapatrieurs ou des chasseurs de prime soient envoyés pour récupérer deux parents et une fratrie de trois ou quatre petits mages : le taux de natalité était de plus en plus élevé à Nirim. Pour cette raison, il y avait souvent des équipes de sauvetages envoyées dans le quartier par les Libellules. Malheureusement, la charge de travail était souvent trop grande et les équipes ne pouvaient pas sauver tout le monde. D’un autre côté, Jake ne pouvait pas se permettre d’envoyer plus de gens sur le terrain car cela augmentait les risques de se faire capturer et qu’à part l’équipe de sauvetage et l’équipe de terrain, aucun autre mage n’était physiquement ou magiquement capable de combattre les rapatrieurs et les chasseurs, si la base venait à être découverte.
Elijah écoutait, apprenait et retenait les informations qu’on lui transmettait. Il devait être midi, à présent. Le soleil était haut dans le ciel et quelques nuages gris commençaient à le cacher. Le temps s’était rafraichi et Evvy avait remis la veste qu’elle avait enlevé ce matin. Le petit groupe décida de retourner dans le quartier pauvre, dans l’immeuble où ils s’étaient arrêtés pour passer en revue leur mission du jour. Ils traversèrent les rues désertes du quartier populaire, se cachant, parfois, lorsqu’un chasseur passait. Puis ils parvinrent enfin en vue du Dédale. Pour rejoindre leur point de départ, ils allaient devoir le traverser. Elijah commençait à avoir l’habitude d’y passer. Chaque embranchement lui était familier, les ruelles étroites encadrées de hautes habitations avaient de moins en moins de secrets pour lui. Néanmoins, quelque chose se dégageait de cet endroit. Quelque chose de malsain et d’un peu sinistre. À leur passage, les têtes se tournaient, les gens leur lançaient de longs regards silencieux. Dans la semi-pénombre du Dédale, on sentait la cupidité de ses habitants imprégner l’air. C’est ici que se rassemblaient les hors-la-loi, les assassins, les voleurs et les habitants les plus pauvres, les plus sales et les plus étiques de tout le quartier pauvre. Attraper un mage aurait suffi à leur donner assez d’argent pour vivre deux ou trois ans sans manquer de rien. Elijah évitait ces regards avides et avait troqué ses lunettes de soleil contre ses lunettes de vue. Ils s’étaient enfoncés dans le labyrinthe et devaient se trouver en son centre lorsqu’ils entendirent le cri. C’était un hurlement glaçant, imbibé de terreur. La voix retentissait, stridente, désespérée. Le groupe s’arrêta net. Il n’y eut plus un bruit. La figure d’Aya se rembrunit. Ethan serrait les dents et se tenait aux aguets. Il avait les mains bien écartées, prêt à utiliser son pouvoir au moindre problème. Gringe s’était tout à coup recroquevillée, les mains sur le crâne, et poussait de petits geignements. Evvy la berçait avec affolement et Elijah s’était retourné brusquement, scrutant la rue, derrière eux. Le cri avait été tout proche. Sûrement à deux rues ; trois, grand maximum. Aya poussa un soupir.
- Des chasseurs. Ce n’est pas normal qu’il y en ait ici.
- Et alors ? riposta Elijah : Qu’est-ce que ça fait, que ce soit normal ou pas ? Il faut aller aider cette personne ! Elle est en danger !
- On ne peut pas ! C’est trop dangereux. intervint Gringe.
- Qu’est-ce que tu en sais, toi ?!
- Je suis un mage d’intuition ! J’ai vu ce qu’il se passait ! Il y a quatre chasseurs de rang officiel, ils ont chopé une fillette et une femme. La femme a détruit une bonne partie du quartier en utilisant ses pouvoirs. Des renforts sont arrivés, c’est une catastrophe, Elijah Meyer ! Ce serait du suicide d’aller là-bas ! Il y a au moins dix chasseurs, peut-être quinze !
- J’en ai rien à faire. Deux personnes sont en danger, je ne peux pas permettre qu’on reste là, les bras ballants, à attendre qu’elles se fassent emmener. Elles peuvent terminer mortes, sur le marché noir, ou pire : vivantes, au LERM ! J’y vais.
Sur ces mots, il fit volte-face et prit la rue en sens inverse, suivant les hurlements qui s’élevaient, toujours plus perçants. Ethan fut le premier à partir à sa suite, l’injuriant et lui parlant d’une voix essoufflée.
- Reviens ici ! Tu ne peux pas y aller ! Tu vas mettre tout le monde en danger, espèce d’imbécile !
L’adolescent parvint à le rattraper et lui prit le bras mais Elijah se dégagea.
- Tu crois que tu vas pouvoir t’en sortir tout seul ? Tu te crois capable de faire face à des dizaines de chasseurs qui ont toutes les armes nécessaires pour t’immobiliser alors que toi tu n’es même pas capable de te servir de ton pouvoir ? Et qu’est-ce que tu comptes faire pour te battre contre eux ! Tu n’as pas d’armes, et même si tu utilisais ta magie, qu’est-ce que tu pourrais bien faire ? Les soigner ?
- Si tu ne veux pas que je meure, tu n’as qu’à m’accompagner !
- Fais chier ! marmonna le garçon.
Mais il accéléra sa course et se retrouva bientôt de nouveau au niveau d’Elijah. Les deux garçons continuèrent à courir. Les cris se faisaient plus proches et ils débouchèrent finalement sur les lieux du crime : Un embranchement de rues, comme il y en avait tant dans le dédale. Mais à ce carrefour se trouvaient des dizaines de femmes et d’hommes, rassemblés autour de deux magiciennes. L’adulte se débattait avec frénésie, utilisant sa magie pour se libérer de l’emprise de ses attaquants. Elle protégeait une fillette de l’âge de Nethan qu’Elijah reconnut immédiatement.
- Annia !
Ethan lui adressa un regard interrogateur mais, déjà, le jeune adulte avait bondi et se précipitait vers la troupe de chasseurs.
Avec l’élan, il réussit à se frayer un passage jusqu’aux deux victimes. Quand la femme le vit, elle lui jeta un regard méfiant puis sembla le reconnaître.
- Tu es le petit qui vient dans notre repère, de temps en temps ! Je croyais que tu avais disparu !
- Ce n’est pas le moment de taper la discute ! J’ai ouvert un passage, il faut qu’on s’en aille !
La femme fronça les sourcils et se campa sur ses appuis.
- Je reste. Je vais retenir les chasseurs. Prends la petite Annia, mets-la en sécurité, mais pas au repère ! Préviens la directrice qu’on est en mauvaise posture !
- Je…
- Vas-y !
Elijah jura. Il attrapa la petite et cria à Ethan de l’aider. L’adolescent ne fut pas long à réagir. Quelques secondes après l’appel, un bloc de pierre sortit des décombres vint s’écraser tout près des chasseurs qui durent s’écarter pour protéger leur vie. Elijah en profita et prit ce passage. Bientôt, il se retrouva à courir aux côtés de son compagnon, la fillette dans ses bras, une horde de chasseurs à leurs trousses.
- Qu’est-ce que tu as fichu, bordel, Elijah ?!
- J’ai sauvé une vie !
- Qui est cette petite ? Tu la connais ? Et la femme qui était avec elle, qu’est-ce qu’elle va devenir ?
- Je ne connais pas le nom de la femme mais cette petite, c’est Annia. Une amie de Nethan du temps où on se cachait dans le repère de Gilta Reik.
- Tu as vécu dans un repère ?
- Evidemment ! Tu m’as vu ? Je ne pouvais pas assurer seul la protection de Neth !
Leur discussion fut interrompue par les cris d’une chasseuse qui se rapprochait dangereusement d’eux. Les autres étaient plus loin, très loin derrière. Mais celle-ci n’était qu’à un mètre ou deux et courait à grandes foulées, se rapprochant un peu plus à chaque pas.
- Il faut qu’on la sème ! s’exclama Elijah.
- Quelle merveilleuse idée, Meyer ! Vas-y, je t’en prie, trouve-nous un super plan puisque c’est toi qui nous as fourrés dans ce merdier !
- Je cherche, figure-toi !
Ethan tendit la main et arracha un pavé du sol par la force de sa pensée. Il se retourna et lança la pierre en direction de leur poursuivante. Le projectile atteignit sa cible en plein visage. La chasseuse poussa un cri de rage. Et fut déséquilibrée. Elle tomba et commença immédiatement à se relever. Cela fit gagner plusieurs mètres aux deux garçons qui bifurquèrent à un embranchement.
- Non ! s’exclama Ethan.
Ils étaient arrivés dans une impasse. Ils n’avaient plus de moyen de fuite. Le mur se dressait devant eux, colossal, infranchissable, et derrière, ils entendaient déjà la voix de la chasseuse, plus déterminée que jamais à les attraper : trois mages en un seul coup, cela représentait une véritable fortune. Elijah avisa ce qui l’entourait. Des immeubles, des maisons, des pavées en dessous, un mur devant eux. Les pavés pourraient ralentir les chasseurs si Ethan se servait de sa magie mais ça ne ferait que retarder la capture. Ils n’avaient pas le choix.
- Suis-moi ! dit-il en s’engouffrant dans un immeuble dont la porte était défoncée.
Ils grimpèrent les marches quatre à quatre. Au troisième étage, Elijah posa la petite par terre et s’accroupit devant elle.
- Annia, je ne vais pas pouvoir continuer à te porter, ça nous ralentis, surtout que je n’ai pas une très bonne endurance. Ce qu’on va faire c’est que je vais te tenir la main et tu vas nous suivre. Ok ?
Elle hocha vigoureusement la tête et prit la main du jeune homme. Ils reprirent leur ascension. Plus bas, ils entendaient les cris des chasseurs qui étaient à peu près tous dans la cage d’escaliers maintenant. Ils montèrent encore et encore et débouchèrent sur le toit avant de fermer la porte qui en donnait l’accès et de la bloquer comme ils le pouvaient. Il bruinait. Les gouttelettes tombaient sur leur visage, le soleil était caché par de fins nuages gris. Autour d’eux, il n’y avait aucune issue. Seulement le toit de l’immeuble et d’autres toits. Ethan s’emporta :
- Et maintenant ? Qu’est-ce qu’on fait ? Tu comptes te tuer en essayant de sauter de toits en toits ?
- J’en sais rien, Ethan ! C’était la seule issue qui s’offrait à nous ! Commençons par appeler les autres, ils pourront nous apporter de l’aide.
- Pas question ! Ils n’ont rien demandé, ne les fourre pas dans ce puits à emmerdes ! Tu les laisses en dehors de ça, on va se débrouiller.
Le silence tomba. On entendait les pas des chasseurs qui se rapprochaient. Ethan avait le regard vague, il semblait être en train d’analyser chaque possibilité une par une, très rapidement. Il sortit finalement de sa transe, son regard brillait d’un éclat fou mêlé d’inquiétude. Il parla d’une voix lente, détachant chaque syllabe, et plongeant son regard dans celui d’Elijah.
- Ecoute-moi bien, Meyer. Je ne t’aime pas particulièrement. Tu es un froussard et un incapable, mais je vais quand même te sauver. Je vais utiliser ma télékinésie à longue distance pour te transporter sur un autre toit, là où les chasseurs ne pourront pas t’avoir. Tu descendras le toit et tu te dépêcheras de retrouver les autres. Vous préviendrez Jake et vous retournerez à la base.
- Mais… Et toi ? Tu ne peux pas utiliser ta magie sur toi-même ! Comment comptes-tu t’enfuir ?
- Je me débrouillerai. J’ai participé à la destruction d’une partie du LERM, le jour de l’accident. Je connais un tour de passe-passe. Ce n’est pas simple, mais je peux réussir. Il suffit que je sois assez rapide. il posa une main sur l’épaule du mage de soins : Allez, on y va.
- Hein ? mais attends… ! Qu’est-ce que…
Le jeune homme n’eut pas le temps de terminer sa phrase. Déjà, il s’envolait et flottait à une trentaine de mètres au-dessus du sol. Ethan réalisait une prouesse. Le jeune adulte et la fillette filaient dans les airs à une vitesse assez rapide et bientôt, ils redescendirent lentement vers le toit d’un autre immeuble, une centaine de mètres plus loin. Ils retombèrent un peu rudement. Elijah prit la fillette dans ses bras et alla la déposer sous le petit préau qui surmontait le toit de l’immeuble. Il lui intima de rester là et s’éloigna un peu, fouillant les toits du regard pour trouver l’immeuble où Ethan était resté.
Il finit par le repérer sur un immeuble, si petit qu’il n’était qu’un point, au loin. Soudain, la porte du toit de l’immeuble s’ouvrit et le jeune homme vit dix, non, quinze chasseurs armés jusqu’aux dents déferler sur le toit et encercler Ethan. Il hurla. Il le savait, il aurait dû protester, il n’aurait jamais dû laisser Ethan seul, là-bas. Il se sentait horrible, il avait l’impression d’être comme Jio, d’avoir abandonné quelqu’un alors qu’il avait besoin de lui. Il avait ce même goût amer dans la bouche que le jour de sa fuite du LERM, juste avant qu’il ne trouve Nethan, juste avant qu’il ne laisse tomber son premier ami.
PASSE :
Le coup de feu retentit tout près d’eux. Et la seconde d’après, Caleb se convulsa. Elijah se retourna juste à temps pour voir son ami s’écrouler dans les décombres. Il revint vers lui, alarmé, et lui prit la main dans l’espoir qu’il se relève. Mais il ne le fit pas.
- Qu’est-ce que tu fous, Caleb ?! Faut pas rester là ! Le bâtiment C vient d’exploser, c’est dangereux !
Elijah tira sur le bras de son ami mais il ne bougea pas. Alors il s’accroupit près de lui et tâtonna sur son torse. Il finit par la trouver, là, au niveau du haut de la cage thoracique. La plaie semblait profonde. Elijah souleva le t-shirt de son ami. Ce n’était pas beau à voir. Du sang, encore du sang, ça coulait sans s’arrêter et venait se déverser sur le sol, se mêlant au sang des autres personnes mortes au même endroit. Au milieu de la blessure, il y avait une balle. Le médecin qui avait tiré était mort juste après, trébuchant et tombant la tête la première sur une pierre du bâtiment qui s’était effondré. Elijah jura, posa une main sur la plaie, et ferma les yeux. Il se concentra, sentit la douleur affluer sous son crâne, mais n’y prêta pas attention. Soudain, il ne sentit plus le corps de Caleb sous ses doigts. Quelque chose lui avait pris la main. Il ouvrit les yeux. Caleb avait soulevé sa main et la tenait fermement, malgré les forces qui le quittaient. Il souriait et regardait Elijah avec tendresse. Cela agaça profondément le jeune homme.
- Qu’est-ce que tu fais ?! Je vais te soigner, j’en suis capable ! Laisse-moi faire au lieu de me tenir la main comme un débile !
- Elijah…
- Tais-toi, je ne veux pas t’entendre. Tu es en train de te fatiguer à parler.
Il reposa sa main sur la plaie mais Caleb la lui reprit.
- Arrête. Je ne veux pas être sauvé.
- Non, toi, arrête. On n’est pas dans un livre, c’est pas le moment de te la jouer dramatique. Tu n’es pas un soldat tombé au combat, tu es un gosse ! Juste un gosse parmi les centaines d’autres qu’il y a ici. Il n’y a aucune raison que tu meures alors tu la boucles et tu me laisses te soigner !
Caleb poussa un rire grinçant, à mi-chemin entre la toux et le spasme. Il gémit de douleur, se contracta, puis se détendit. Son regard était suppliant, il tenait toujours la main ensanglantée d’Elijah.
- Tu ne vas pas me sauver au prix de ta vie. Je ne me permettrai pas d’être sauvé au prix de ta vie. Et de toute façon, je n’ai presque plus de magie, ils ont tout donné à ce gars, ce mage artificiel. Si j’avais eu de la magie, je ne serais pas couché par terre à te regarder comme un chien. Mais j’en ai plus. Alors laisse-moi par terre et passe ton chemin. Toi, tu as encore de la magie, sers t’en pour des gens qui en auront encore besoin.
- Tu divagues. Tu dis n’importe quoi, Caleb. Arrête ton char et laisse-moi te soigner.
- Il n’y a plus rien à faire, Elijah.
- N’importe quoi ! Caleb : si tu meurs je te frappe !
L’intéressé poussa un rire faible.
- Ce n’est pas une blag…
- Eh, toi là-bas ! Tu es un mage ? Viens par là, petit, c’est dangereux, là où tu es !
Elijah se retourna. Un médecin venait d’arriver. Il jura. Non. Il n’allait pas le suivre, il ne retournerait pas au LERM. Plutôt mourir ! Il se pencha sur Caleb, fouilla le garçon, et trouva le revolver qu’ils avaient ramassé il y a une heure, lorsqu’ils étaient sortis de leur chambre. Il était chargé. Le cran de sécurité était enlevé. Il était prêt à être utilisé. Elijah se retourna et le pointa sur le médecin.
- Ne vous approchez pas !
L’homme recula, stupéfait, et écarta les mains, les plaçant bien en évidence.
- Pose ça, petit. Ce n’est pas un jouet. Tu pourrais te faire mal.
- Je sais parfaitement ce que c’est et comment m’en servir. Ne vous avisez pas de faire un pas de plus. Sinon je tire.
L’homme partit dans un rire franc qui contrastait avec la situation dans laquelle il se trouvait. Il essuya les larmes dans ses yeux, jeta un regard provoquant au jeune mage, et fit un pas. Elijah tira. La balle fendit l’air et vint perforer le poumon de l’homme qui s’écroula par terre, les yeux révulsés, essayant de reprendre son souffle. Il adressait un regard terrifié et étonné à Elijah. Le garçon ouvrit la bouche, lâcha son arme. Il venait de tuer quelqu’un. Les larmes brouillèrent son champ de vision, il fut pris d’un haut le cœur et vomit. Il avait tué quelqu’un. Quelqu’un qui avait une vie, peut-être une famille. Il venait de détruire une vie. Lui, il avait fait ça. Ressaisis-toi. Tu n’as pas le temps de penser à ça. Après tout, il n’hésitait pas à détruire ta vie à toi, lui. C’était vrai, mais… C’était une ordure. Oui. C’en était une. Et de toute façon, ce n’était pas le plus grave. Elijah se retourna. Il s’était éloigné de Caleb et ne le retrouvait plus. Il le chercha du regard, bien que la tâche fut plus difficile qu’escompté à cause de ses lunettes qui étaient cassées. Il réussit néanmoins à retrouver son ami. Il courut vers lui et s’agenouilla à ses côtés, l’appela. Mais Caleb ne répondit pas, ne tourna même pas ses yeux vers son ami. Son regard était fixe, mort. Ses muscles étaient décontractés, sa poitrine ne se soulevait plus. Il était mort. Il avait eu le culot de mourir alors qu’Elijah le lui avait interdit. Le jeune homme lui donna un coup de poing dans le ventre.
- Crétin ! J’en étais sûr : tu voulais que je te frappe, hein ? Ton humour est vraiment merdique, Caleb !
Il donna un deuxième coup, et puis un autre, et encore un autre. Et finalement il s’arrêta, les larmes dévalant ses joues, laissant des sillons humides derrière elles. Il se leva, attrapa le revolver, et partit, laissant son ami seul, l’abandonnant parmi tous les autres cadavres dispersés dans les décombres.
PRESENT :
Le cercle se refermait autour d’Ethan. Les chasseurs le prenaient en tenaille, il ne pouvait pas s’enfuir. Elijah aurait voulu dévaler les escaliers de l’immeuble, lui venir en aide, mais il ne pouvait pas. Il devait veiller sur Annia, et il ne serait jamais arrivé à temps. C’était fini. Ethan allait se faire prendre alors qu’il venait à peine de le rencontrer. Les chasseurs avaient envahi le Dédale et cela annonçait une bonne cueillette. Il n’y avait rien à faire. Elijah se haït d’être impuissant, de ne pas être en mesure de protéger ses pairs. Il se recroquevilla, se prit la tête entre les mains. Soudain, il y eut une détonation. Le jeune mage se redressa, ramassa ses lunettes qui étaient tombées, et les remit sur son nez. Il y avait une sorte de fumée qui s’échappait dans le ciel, comme un nuage de poussière. L’adulte fronça les sourcils. Son regard se porta à quelques mètres plus bas. Là ! L’immeuble venait de s’effondrer ! Projetant les chasseurs dans le vide où les écrasant sous des décombres ! Mais alors… Ethan… Était-ce lui qui avait fait ça, avait-il sacrifié sa vie ? Non. Impossible. Il ne pouvait pas être mort, il ne devait pas. Elijah alla récupérer Annia et sortit un communicateur de sa poche. Il intima à l’objet de contacter Aya.
Bientôt, il y eut un bruissement, et une image floue de la jeune femme apparut sur la surface noire et lisse du communicateur. Elle avait l’air inquiète et essoufflée mais aussi soulagée d’avoir à faire à Elijah. Avant qu’elle ne puisse prendre la parole, le jeune homme lui expliqua toute la situation.
- Aya, on a des problèmes. On est partis avec Ethan pour voir qui était en danger et on a réussi à sauver une fillette que je connais. Mais les chasseurs nous ont poursuivis jusqu’à une impasse et nous avons dû monter sur le toit d’un immeuble pour leur échapper. C’est là qu’Ethan a commencé à m’inquiéter. Il a évoqué un plan et a dit qu’il se débrouillerait et nous a transporté, la fillette et moi, sur le toit d’un autre immeuble. J’ai vu les chasseurs arriver et l’encercler, puis j’ai entendu une détonation. L’immeuble s’est effondré et… Bon sang, Aya, je ne sais pas si Ethan est encore en vie !
- Elijah ! Calme-toi ! Respire. Vous êtes où ?
- Je ne sais pas. il prit le temps d’observer les environs : Il y a le parc du Dédale à ma droite, je suis sur un vieil immeuble avec un préau en tuiles rouges sur le toit. En face de moi, à cent mètres, il y a l’immeuble qu’Ethan a fait sauter. Si vous n’avez pas bougé de l’endroit où on était, je pense que vous devez être à huit-cents mètres de là où je suis. Il y a un barbier en bas de « mon immeuble ».
- Il y a des chasseurs ?
- Non.
- Très bien. Descend du toit et attends-nous devant chez le barbier. On arrive.
Le communicateur redevint noir. Elijah prit la main d’Ania et descendit les escaliers avec elle. Il gagna la boutique et attendit devant pendant une ou deux minutes sous le regard intrigué du commerçant qui devait se demander ce qu’il se passait dans son quartier. Aya finit par arriver, suivie par une Evvy bouleversée et par Gringe qui semblait dans ses pensées. La cheffe d’équipe inspecta Elijah de la tête aux pieds, jugeant son état puis, sans un mot reprit sa course. Ils parvinrent enfin devant l’immeuble qui s’était écroulé. C’était étrange. Il n’était pas tombé, entraînant d’autres bâtiments dans sa chute, comme des dominos. On aurait plutôt dit qu’une pression l’avait écrasé jusqu’à ce que les fondations cèdent. Il n’avait presque pas fait de dégâts autour de lui. C’était l’œuvre de la magie. Les soupçons d’Elijah se confirmaient : Ethan était à l’origine de cette destruction. C’est Aya qui commença à s’activer la première. À l’aide de sa magie qui lui permettait d’invoquer une créature immense et effrayante, elle fouilla les ruines, soulevant de gros décombres, sans prêtait attention à la douleur que lui infligeait l’utilisation de sa magie noire. Bientôt, les autres membres s’activèrent. Evvy se servit de cordes lumineuses pour déplacer les roches et Gringe se servit seulement de ses mains, puisque son pouvoir ne lui permettait pas de l’aider. Ce fut Evvy qui trouva l’adolescent. Il était caché sous une pierre et, par chance, il n’avait pas été écrasé. Mais était-ce vraiment de la chance ? Elijah s’approcha. Ethan était inconscient mais sa poitrine se soulevait à un rythme régulier. Il balaya son corps du regard et ses yeux tombèrent sur la jambe du mage de télékinésie. Une pierre s’était fichée dedans, l’entaillant profondément. Ethan perdait beaucoup de sang. On ne pouvait pas le déplacer sans risquer d’aggraver la blessure. Aya ne savait que faire. Alors Elijah prit une inspiration et lâcha :
- Je vais le soigner.
- Hein ? fit Evvy : Mais je croyais que tu ne savais pas utiliser ta magie.
- Je sais l’utiliser. C’est juste que ça fait mal. Mais je peux m’en servir, j’en suis capable. Laissez-moi faire.
Ils eurent l’air hésitants, ne sachant que faire. Ils se lançaient des regards emplis de doutes et Elijah ne savaient pas pour quelle raison ils s’inquiétaient. C’est Ania qui les décida à le laisser opérer. Elle se fraya un chemin dans le cercle qu’ils avaient formé et intervint de sa petite voix fluette.
- Un jour, Elijah m’a soignée quand je m’étais cognée la tête. Sans lui, je serais peut-être un légume aujourd’hui. Vous pouvez lui faire confiance.
Il y eut encore quelques secondes de latence puis Aya hocha la tête. Elle s’écarta d’Ethan et ses deux camarades en firent de même. Ania encouragea le jeune homme d’un signe de tête. Alors Elijah se mit au travail.
Aussi, les scènes de combats sont bien faites, c'est assez long sans qu'on se lasse, il y a de l'action et du suspense, parfait!
De même que le passé est tragique... J'en avais les larmes au yeux! En plus, il est original, tu as réussis à reproduire cette scène que l'on voit dans chaque livre et film de ta manière. Donc elle est vraiment propre à ton livre, bravo!!
Merci pour le commentaire !
J'ai effectivement essayé d'avoir une grande palette de personnages de sorte à ce qu'ils aient chacun leur caractère. Le problème c'est que je m'y perds un peu entre tous ces personnages... ^^'
C'est vrai que pour le passé, la perte d'un ami est une scène qu'on retrouve dans beaucoup de livres et de films mais je pense qu'il était nécessaire de la mettre. J'ai donc essayé de la retranscrire du mieux que je pouvais, comme je le sentais.
J'avoue, j'avais les larmes aux yeux quand je l'ai écrit.