CHAPITRE 18

Par Taranee

PRESENT : JIO

 

            L’adolescent se précipita vers la porte et tendit le bras pour ouvrir la poignée. Mais à ce moment, une main l’attrapa et le tira brutalement en arrière. Jio tomba, se releva, et fit face à son opposant : Addal.

- Laissez-moi passer ! s’emporta-t-il.

- Que viens-tu faire devant la porte du bureau du maître de guilde ?

- Ce ne sont pas vos affaires ! Tout ça se passe entre Soö et moi ! Écartez-vous, je n’hésiterai pas à utiliser ma magie !

Mais l’homme ne bougea pas. Jio fulminait. La colère avait grandi un peu à chacun de ses pas et avait atteint son paroxysme au bout du couloir, lorsqu’il avait commencé à deviner les contours de la porte. Il voulait passer. Il devait passer. C’était urgent. Il fallait qu’il ait une discussion sérieuse avec Soö car cette situation ne pouvait plus durer. Mais Addal était là et lui barrait la route. Pourquoi fallait-il toujours que quelqu’un se mette en travers de son chemin ?! Il fronça les sourcils. Un éclat traversa son regard et fit briller ses yeux comme deux diamants noirs. Son aura apparut autour de lui et un orbe de magie à l’état brut se matérialisa dans sa main. Addal serra les dents.

- Tu es confus Jio, je peux le comprendre vu les récents évènements auxquels tu as fait face, mais je t’assure que la magie ne te sera pas nécessaire.

- Vous étiez au courant ! Soö vous avait dit ! Vous étiez au courant de ses plans et vous n’avez rien dit ! Voss paroles viennent de le prouver !

- Calme-toi, respire, tu risques de détruire le bâtiment si tu déchaînes ta magie.

- Mais qu’il s’écroule, ce fichu bâtiment ! Que la forteresse soit détruite, réduite en cendres ! Moi, j’en ai rien à faire ! J’ai toujours détesté cet endroit ! cria Jio.

Et sur ces mots, il lança son projectile. L’orbe fusa vers Addal qui se téléporta et vint se ficher dans la porte, y laissant une trace sombre, semblable à une marque de brûlure. Jio réagit au quart de tour. Il se précipita vers la porte et l’ouvrit à la volée avant qu’Addal n’ait pu le retenir, entrant dans la salle tel un ouragan.

            Assis sur son trône, Soö releva la tête et haussa un sourcil. Il n’eut pas le temps d’esquisser d’autre geste car déjà, le jeune homme avait couru vers lui et l’avait saisit au col de son habit, le plaquant contre le dossier du siège.

- Vous ! accusa Jio : Vous vous êtes bien foutu de moi, depuis quelques semaines !

Soö ne perdit pas son air calme et serein. Il se contenta d’adresser à son invité impromptu un sourire cordial.

- On dirait que tu as envie de discuter Jio. Quelque chose te tracasse ?

- À quoi est-ce que vous jouez exactement ? Pourquoi me provoquer de la sorte ? Quel est votre but ?!

- Je ne vois pas de quoi tu parles.

- Ne vous foutez pas de moi ! Vous savez très bien de quoi je parle : Pourquoi avoir ordonné l’agression de Maz ? Vous n’aviez pas le droit ! Vous aviez dit que vous ne lui feriez pas de mal.

Le maître de la guilde leva un sourcil.

- Il ne me semble pas avoir dit ça. Je t’ai dit que je la libérerai de la guilde au therme du contrat. Tu es trop sensible, Jio. Je ne fais que te tester pour voir ce qu’il faut changer dans ton attitude.

Jio poussa un ricanement et enleva son manteau noir d’un coup sec avant de le jeter par terre d’un geste théâtral.

- Je n’ai pas à changer d’attitude en fonction de vos envies, je suis ici pour remplir ma part du contrat, je ne suis pas votre marionnette !

Soö se leva et s’approcha de Jio, le dominant de sa taille. Il se pencha sur le garçon.

- Ah oui ? Pourtant je m’amusais bien, moi, avec toi. Tu es tellement influençable que tu as complètement changé d’attitude depuis que tu es ici. Es-tu sûr de ne pas être la marionnette de quelqu’un ?

- Ça suffit !

Jio avait violemment bousculé Soö, lui faisant perdre l’équilibre. Il lui jeta un regard furieux et commença à s’écarter. Addal intervint à ce moment. Il disparut de l’encadrement de la porte où il se trouvait pour réapparaître juste derrière l’adolescent. Mais le jeune mage d’ombres s’y attendait. Il fit tout à coup volte-face et frappa Addal au ventre à l’aide d’un orbe noir. Il contourna le mage de téléportation et se plaça derrière lui, lui plaquant une lame sur le cou et le retenant par l’épaule. Addal poussa un juron, Jio eut un rire sardonique. Ses yeux brillaient tels deux diamants noirs sous ses cheveux qui retombaient sur son front. À ce moment, il était dangereux. On aurait pu voir en lui un détraqué prêt à tuer quiconque se mettrait sur son chemin. Lorsqu’il parla, sa voix dénotait d’ironie et il semblait se retenir d’éclater d’un nouveau rire.

- Alors Addal ! T’es bien rendu ! Je te tiens, maintenant, à quoi va te servir ta téléportation ? Je serai avec toi où que tu ailles ! Et d’ailleurs, tu vas m’emmener quelque part !

Ce n’était plus la même personne. Ce n’était plus Jio Ateëm, un mage d’ombre ravagé par son passé, mais une autre personne. Un monstre, peut-être, qui aurait laissé éclater sa colère. Soö s’était relevé, son visage était cramoisi.

- Bon sang, qu’est-ce qui te prend Jio ?! cria-t-il : Tu as un contrat !

- Et je romps ce contrat ! Je m’en vais ! Addal, téléporte-nous immédiatement au Keruen ! Je veux aller à Poralguar !

- Et ton amie ? intervint Soö : Tu comptes la laisser ici, tu comptes te comporter en lâche et l’abandonner encore une fois ?

Jio releva la tête. Pendant une seconde seulement, ses yeux perdirent leur éclat terrifiant et il sembla sur le point de se calmer. Mais la rage prit le dessus et il dit d’une voix glaciale, détachant chaque syllabe minutieusement :

- Je n’en ai rien à faire. Vous ne pouvez pas lui faire de mal tant que je ne suis plus sous votre emprise. C’est tout ce qui importe. il dévia son attention sur son prisonnier et appuya un peu plus sur le cou d’Addal avec sa lame : Qu’attends-tu pour te téléporter ?

L’homme serra les dents, échangea un regard avec Soö. Ils discutaient en silence. Soudain, un pentacle apparut sur le sol, faisant fuir tous les poissons qui se trouvaient à cet endroit, et une seconde après, ils ne furent plus là.

 

PRESENT : SOÖ

Soö s’affala sur le trône et renversa la tête en arrière, poussant un rire moqueur.

- Quel idiot ! Je me suis bien fait avoir, hein ?

Comment avait-il pu être assez négligent pour ne pas prévoir les actions de Jio ? Comment avait-il pu croire que ce sale morveux était capable de contrôler sa colère ? C’était une erreur de débutant, une erreur qui n’aurait jamais dû se produire. Avait-il sous-estimé le garçon ? Certainement. Il n’était visiblement pas prêt à obéir. Mais Soö ne comprenait pas. Son plan s’était passé exactement comme prévu, il avait manipulé les sentiments du garçon à la perfection, il lui avait fait ressentir exactement ce qu’il voulait. Alors pourquoi ? Quelle partie du plan avait été mal effectuée ? La colère aurait dû motiver Jio, pas le révolter ! Avait-il fait une erreur en lui laissant autant de liberté ? Il avait ordonné l’agression de Maz Akell pour que Jio la sente en insécurité, qu’il veuille la sortir de là au plus vite. Mais il l’avait abandonnée ici ? Ressentait-il réellement de l’affection pour la jeune fille ? Si oui, alors pourquoi n’avait-il pas hésité un seul instant à partir ? Pourquoi… Pourquoi ? Les interrogations défilaient dans l’esprit de Soö et il se rendait compte qu’il avait perdu le contrôle de la situation. Or, ça n’aurait jamais dû arriver. Alors c’était comme ça ? Il n’était réellement pas à la hauteur de son père ? Ce père qu’il avait tant haï, ce père qui avait su mettre Jio à ses ordres, faire de lui son pantin… Et lui venait d’échouer dans cette tâche… Il poussa un cri de rage, détacha la broche qui maintenait sa cape en place, et la balança à l’autre bout de la pièce. Elle fit deux rebonds et alla s’écraser devant la porte dans un bruit clair et distinct.

- Dis-moi ce que je dois faire pour te retrouver ! Qu’est-ce que je suis censé faire pour nous venger de père si mon pion décisif échappe à mon contrôle ?!

 

PASSE :

 

            On toqua à la porte de la chambre et Soö s’assura que personne ne pouvait voir qu’il avait quitté sa chaise avant d’aller ouvrir. Son grand-frère s’engouffra dans la pièce, les yeux pétillants d’excitation. Il portait des vêtements amples à manches longues, malgré la chaleur de l’après-midi, et cachait quelque chose dans sa main. Il s’approcha de Soö et s’accroupit devant lui, le sourire aux lèvres.

- Devine ce que j’ai dans ma main, petit frère !

- Je ne sais pas… Une part de gâteau aux baies de Näm ?

- Non, mieux que ça, beaucoup mieux !

Il ouvrit la main et déplia le chiffon qui s’y trouvait. A l’intérieur du tissu, il y avait une broche. Imposante, brillante, éclatante de fastuosité et richement décorée. C’était un saphir où étaient apposées les armoiries des Nowise : Une tête de renard d’Uhul[1] au-dessus de deux mains griffues. La pierre était enserrée dans une cage d’argent dont les barreaux ressemblaient à du lierre grimpant. La bouche de Soö s’ouvrit en un « Oh » admiratif et il demanda :

- C’est pour moi ?

- Evidemment ! C’est ton anniversaire après tout !

Il hocha la tête avec vigueur et caressa le bijou du bout de son doigt. Mais son expression s’assombrit et il releva la tête, adressant un regard grave à son frère aîné.

- Mais c’est la broche de père, non ? Tu la lui as volée, Nilt ?

Son frère eut un sourire coupable et ses yeux brillèrent de malice.

- Peut-être bien, oui. Il n’en a pas besoin après tout… Alors que toi tu as cassé la tienne : tu vas mourir de froid pendant la saison des neiges, si tu ne peux pas accrocher ta cape.

Soö pouffa et vint se blottir contre son grand-frère qui lui caressa la tête.

- Merci, Nilt.

- Garde-la pour toujours, comme un souvenir. Si jamais on était séparés…

- Parfois tu dis des choses vraiment étranges, grand-frère…

 

PRESENT :

 

Un nouveau rire lui vint et il se dit que décidément, il était d’humeur bien guillerette ces derniers temps. Oui, Jio venait de partir, mais il reviendrait bientôt. Il ne pourrait pas se tenir éloigné de la guilde bien longtemps. Soö se leva, marcha jusqu’à la baie vitrée, et posa son regard au loin, dans les montagnes, sur un oiseau qui planait autour des rochers.

- Tu m’amuses, Jio. Mais je ne vais pas supporter bien longtemps tes petits caprices et ta quête de liberté…

 

 

4 Le renard d’Uhul est une espèce très féroce présente sur la face magique de Sambremonde. C’est une bête énorme et noire, très rusée et amatrice d’énergie magique.

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Canopus
Posté le 23/07/2022
Waw!!! Ce chapitre es génial, remplie de rebondissement de de style! On voit encore vachement l'évolution de Jio qui, malgré la colère, arrive à réfléchir et à prévoir les mouvement de ses adversaires.

Et, maintenant qu'il est parti, il va pouvoir retrouver notre Neth et notre Elijah!

Merci pour ce chapitre!
Taranee
Posté le 23/07/2022
Aaaaaah ! Je suis vraiment contente que tu aimes ce chapitre !
Si tu savais comme j'ai dû me retenir et attendre pour écrire ce passage ! Ce chapitre était presque tout écrit dans ma tête quand j'ai commencé la réécriture, je savais qu'il devait y être !
On voit comment les personnages ont évolué, comment Jio essaie de s'émanciper de la guilde, tu sais quoi ? Moi aussi, j'adore ce chapitre ! ^^

Merci de tes remerciements (non mais ! C'est quand même à moi de te remercier d'écrire un commentaire par chapitre ! ^_^)
A bientôt dans la suite des aventures !
Canopus
Posté le 23/07/2022
Héhé! comme quoi, tu écris tellement bien qu'on sent ta joie d'écrire ce chapitre XD

Et sache que ça me parait normal de dire ce que je pense. Surtout pour quelqu'un qui "commence". Ça donne envie de continuer ^^
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