Chapitre Dix-Sept : Divorce
Quoi de plus confortable qu’un bon lit moelleux ? Valentin aurait aimé y dormir plus longtemps. Commissaire à la Brigade de Protection des Mineurs, il était rentré très tard la nuit dernière. Ce n’était pas exceptionnel. Son emploi lui demandait beaucoup de temps. Dormant dans son lit merveilleusement agréable selon lui, il ne voulait surtout pas qu’on l’interrompe dans son sommeil si reposant. Hélas, il sentit qu’on grimpait sur son lit, qu’on s’avançait à petit pas jusqu’à lui. On trébucha sur son pied. On s’assit sur son ventre. Il sentit des cheveux lui chatouiller le visage et des petites mains tâter son torse.
- Hummm…Gabrielle…soupira-t-il.
- Papounet ! hurlèrent deux voix dans ses deux oreilles.
Le jeune homme plissa les yeux, terriblement surpris. Peu à peu, ses paupières s’ouvrirent et la pénombre laissa place à deux formes semblables. Valentin voyait double. Quatre yeux violets le fixaient. Deux bouches fendaient deux visages, laissant deviner une joie immense. Puis, il réalisa qu’il n’hallucinait pas. Elles étaient bien deux, identiques comme deux gouttes d’eau. Il soupira. Il avait oublié un instant que six ans étaient passés depuis qu’il avait quitté la Brigade Criminelle, et qu’il avait eu depuis une paire de jumelles.
- Notre Papounet adoré est réveillé ! déclarèrent les deux petites filles en cœur.
Il émit un grognement contrarié. Sa matinée au lit était gâchée. Céleste et Candice, c’était leurs prénoms, plongèrent sous les draps pour faire un câlin à leur père.
- Papounet, t’es rentré tard ?
- J’ai fait un trop beau dessin à l’école.
- La maîtresse, elle m’a même donné un bonbon.
- Et Maman, elle n'a pas l’air contente.
Valentin donna un bisou à chacune, alors qu’elles souriaient, ravies.
- Comment ça, elle n’est pas contente Maman ?
- On sait pas, répondirent les jumelles à l’unisson.
Céleste et Candice parlaient souvent en même temps. Elles disaient régulièrement « nous » ou « on ». C’était comme si elles étaient réglées pour dire les mêmes paroles, pour faire les mêmes gestes, pour rire de façon synchronisée. Elles ne pouvaient rien faire séparées. Il fallait qu’elles soient dans la même classe, qu’elles partagent la même chambre, qu’elles restent l’une auprès de l’autre. Elles étaient très liées, et pourtant, elles avaient une personnalité différente. Céleste était calme et très attentive, comme sa mère, alors que Candice était plus malicieuse et tirait du caractère de son père. Et malgré cette différence, elles s’adoraient.
C’est alors que Gabrielle, sourcils froncés, entra dans la chambre, avec un petit garçon dans les bras. Elle le déposa par terre et s’empressa d’ouvrir les volets, pendant qu’il se roulait dans les vêtements de son père.
- Valentin ! Debout ! Allez, pas de temps à perdre !
- T’as vu l’heure ? grogna le jeune homme.
- Oui et alors ?
- Écoute, je suis vraiment rentré tard et…
- Et ce n’est pas la première fois, ironisa-t-elle. Si tu rentrais plus tôt, tu dormirais plus.
- Je ne choisis pas mes horaires.
- C’est ça… Lève-toi, on a rendez-vous dans moins de deux heures.
- Hein ? Comment ça, on a rendez-vous ? Et avec qui ?
- Chez le notaire, répondit Gabrielle, pète-sec, avant de se tourner vers ses enfants. Les filles, allez vous habiller, vos vêtements sont sur vos lits. Et quant à toi Raphaël…enlève cette chemise de ta bouche.
Il s’exécuta et tendit les bras vers sa mère, implorant. Elle soupira et le prit dans ses bras. Les jumelles sortirent du lit à grands regrets et quittèrent la chambre en disant « On te l’avait dit Papounet, qu’elle n’était pas contente Maman ». Le Papounet en question eut tôt fait de se lever et de bloquer la sortie de la pièce à sa femme.
- Attends un peu là ! C’est quoi cette histoire ?! T’as pris rendez-vous chez un notaire sans me prévenir ?
- T’es prévenu, maintenant.
- Et tu peux peut-être m’expliquer pourquoi on y va ?
- Pour divorcer.
- Et t’as pris cette décision, comme ça ?! Toute seule ! Sans en discuter avec moi !
- Tout à fait ! Comment veux-tu que j’en discute avec toi, puisque tu n’es jamais à la maison ! Et pousse-toi de cette porte !
Il s’exécuta, et elle sortit avec son fils toujours dans les bras. Valentin la suivit jusque dans la cuisine. Il n’allait pas abandonner la conversation si facilement.
- Jamais à la maison ! s’écria le jeune homme. Non mais voyez-vous ça ! Tu n’es pas plus présente que moi ! Je te rappelle qu’on a presque le même boulot !
Raphaël tourna la tête vers sa mère, attendant la réponse avec impatience. Pour lui, les disputes étaient drôlement passionnantes. Elle le posa par terre et, à sa plus grande joie, lui donna un boudoir à grignoter pour l’occuper. Elle le supplia d’aller jouer avec ses sœurs. Tout content, il s’éloigna vers la chambre des jumelles, son boudoir à dans la bouche.
- Vous plaisantez, Monsieur le Commissaire ?! reprit la jeune femme. On a tout, sauf le même boulot ! C’est vrai que je ne suis pas à la maison 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, mais je fais passer mes enfants avant tout le reste, et s’ils ont besoin de moi, je suis là !
- Bien sûr, approuva Valentin. Pareil pour moi.
- Non, justement ! On dirait que tu t’en fiches de nous !
- Mais arrête tes conneries !
- Mes conneries ?! La dernière fois que je t’ai appelé pour aller chercher les enfants à l’école, tu m’as dit « oui, je vais y aller ». Trois heures plus tard, la maîtresse m’a appelée pour me demander ce que tu foutais, parce que tu n’étais pas allé les récupérer, et que les filles étaient en pleurs ! Et c’est des conneries, ça, peut-être ?!
- Attends deux minutes ! Ce jour-là, je te jure que j’y avais pensé, mais Laurie…
- Ah Laurie ! Je m’étonnais encore qu’elle ne soit pas encore survenue dans la conversation celle-là ! hurla Gabrielle, à s’exploser les poumons.
À tout juste 30 ans, Laurie avait déjà un parcours presque parfait. Elle travaillait en tant que juge d’instruction au 12, quai de Gesvres, c’est-à-dire, à la Brigade de Protection des Mineurs. Elle était intelligente, et donc, douée. Elle était aussi très belle, et elle le savait. Elle se mettait en valeur pour qu’aucun homme ne lui résiste. Pourtant, il y’en avait bien un, à qui elle n’arrivait pas à plaire. Valentin Levesque.
Il était arrivé, six ans auparavant, dans cette brigade centrale. Ses supérieurs de la Crim’ l’avaient muté ici, sous prétexte qu’il ne pouvait plus travailler avec sa femme. Il était devenu commissaire, et il avait tout de suite adoré son nouvel environnement, qui était très différent de celui de la Brigade Criminelle. Il venait en aide à des enfants maltraités, à des adolescents en fugue ou disparus, et à d’autres mineurs victimes de pédophilie et de pédopornographie. Dès son premier jour de service, Laurie était tombée sous son charme. Elle le désirait ardemment et avait tout tenté pour le séduire. Malheureusement pour elle, Valentin restait indifférent à toutes ses tentatives.
La jeune femme n’avait pas mis longtemps à comprendre que son cœur était déjà pris. Elle avait découvert Gabrielle, un jour où elle venait rendre visite à son mari sur son lieu de travail. À l’époque, cette dernière était contrainte de travailler à l’accueil, étant donné son état de grossesse. Ses supérieurs lui avaient interdit d’aller sur le terrain, afin d’éviter toute fausse couche.
Laurie n’avait pas attendu une seconde pour la détester. Elle détestait tous les hommes qui se retournaient sur le passage de Gabrielle. Elle détestait que Valentin soit fou amoureux d’elle. Elle détestait qu’elle soit enceinte de lui. Elle détestait qu’elle soit si belle et si douce. Elle la détestait parce qu’elle la trouvait parfaite, et qu’elle lui faisait de la concurrence.
Après la naissance de Céleste et Candice, la jeune femme espérait de tout son cœur que Gabrielle ait du mal à perdre les kilos de sa grossesse. Lorsqu’elle vint au Quai de Gesvres, quelques mois plus tard, pour montrer les jumelles aux amis de son mari, Laurie ne put que constater qu’elle était redevenue fine, qu’elle était encore plus ravissante qu’auparavant, et que ses filles étaient deux petites merveilles de la nature. La juge d’instruction en arriva donc jusqu’à haïr sa rivale.
Trois années passèrent, auxquelles elle n’arrivait toujours pas à séduire Valentin, ni même à sympathiser avec lui. Un beau jour, Raphaël se manifesta dans le ventre de sa mère, et son père était plus que ravi d’avoir un troisième enfant, d’autant plus qu’il s’agissait d’un garçon. Laurie était tout aussi contente, parce qu’elle était certaine que cette fois-ci, Gabrielle ne réchapperait pas aux conséquences de sa grossesse. Dès que Raphaël eut pointé son petit nez dans ce monde rempli de brutes, Valentin s’empressa de l’amener à son travail pour le montrer à ses collègues. Laurie dut admettre que ce bébé-là était mignon comme tout et qu’il avait les yeux de son père. Sa haine envers Gabrielle augmenta encore. La seule satisfaction qu’elle put tirer de cette grossesse fut les quelques kilos que la jeune maman n’arrivait plus à se défaire.
Malgré ses rondeurs qui ne l’enlaidissaient pas, Valentin était toujours aussi fou amoureux de Gabrielle. Il la trouvait même de plus en plus attirante. Désespérée de ne pas réussir à l’avoir pour elle, Laurie trouva une nouvelle solution pour attirer le jeune homme vers elle : détruire son couple.
- Tu peux me dire pourquoi tu parles d’elle alors qu’elle n’a rien à foutre ici ?! s’écria Valentin.
- Ah s’il te plait, ne fais pas l’innocent !
- Je ne fais rien du tout ! Je veux simplement savoir ce que tu me reproches !
- Tu le sais très bien !
- Non, je ne le sais pas ! Pourquoi je te le demanderais alors ? Attends, tu veux divorcer, et je suis censé quand même savoir les raisons exactes qui te poussent à faire ça !
Gabrielle ne répondit pas et commença à ranger le salon, en ignorant superbement son mari. Mais Valentin était perdu dans une profonde réflexion.
- Tu crois que je te trompe ? s’étonna-t-il, après plusieurs minutes de silence.
- Je ne le crois pas. J’en suis sûre.
Il se tut à nouveau, pour réfléchir.
- Tu crois que je te trompe avec Laurie ?
- Tout à fait.
Le jeune homme éclata de rire au nez de son épouse. Celle-ci, vexée, se renfrogna.
- De toutes les femmes qu’il y’a sur Terre, tu as choisi juste celle que je ne peux pas blairer ! fit-il, toujours en riant. M’enfin, Gabrielle, c’est ridicule ! Depuis qu’on est marié, je n’ai jamais posé le petit doigt sur une femme !
- Arrête de me prendre pour une conne. Je veux divorcer, et je ne changerai pas d’avis.
Valentin reprit son air sérieux. Il était contrarié à l’idée que sa femme le quitte, surtout pour un malentendu. Il restait calme, mais Gabrielle le soupçonnait de bouillir de rage à l’intérieur de lui.
- Tu ne peux pas prendre cette décision à la légère, confia-t-il en posant une main sur sa taille, et dont elle se dégagea rapidement.
- Ce n’est pas une décision à la légère. J’ai bien réfléchi.
- Et tu as pensé aux enfants ? Raphaël n’a que deux ans ! Il a encore besoin de nous !
- Je sais…
- Et les jumelles n’ont que six ans ! Elles sont si jeunes ! Ça va avoir une influence sur leur comportement, et sur leur travail à l’école ! Cette histoire va les traumatiser !
- Ah, je t’en prie ! s’énerva Gabrielle. Ne confonds pas nos enfants avec ceux avec qui tu as affaire à ton boulot ! Tes trucs psychologiques, tu les gardes pour toi ! D’autant plus qu’ils sont bien traités, et qu’ils ne sont pas battus à longueur de journées !
- J’ai jamais prétendu le contraire !
- C’est ça !
Sa colère retomba et elle regarda tristement son mari dans les yeux.
- Je suis désolée Valentin… Mais j’ai bien réfléchi, et je crois qu’il vaut mieux que les enfants vivent avec moi. J’aurai leur garde.
- Quoi ?! explosa-t-il.
Il se laissa tomber sur le canapé, et la jeune femme vit le moment où il allait s’arracher les cheveux tellement il était désespéré.
- Tu ne peux pas faire ça, Gabrielle ! Tu ne peux pas ! Tu sais qu’ils représentent tout pour moi !
- Je sais mais…
- Je refuse de ne les voir qu’une fois toutes les semaines ou qu’un week-end sur deux !
- Tu sais que la loi sera de mon coté…avoua-t-elle doucement en s’asseyant à ses côtés.
Valentin déglutit. Il ne voulait pas être séparé des enfants qu’il avait tant désirés dans le passé. Ils comptaient énormément pour lui. Sa femme osait parfois penser qu’il les aimait encore plus qu’elle. Le jeune homme se demandait comment elle allait gérer trois enfants, tout en conciliant sa vie privée avec le travail. Ils y arrivaient tout juste à deux, alors seule, elle ne risquerait pas d’aller bien loin. Et lui, arriverait-il à s’en occuper s’il était seul ? Raphaël, qui ne vivait que pour sa mère, ne lui faciliterait certainement pas la tâche.
- Val’, je suis vraiment désolée…murmura Gabrielle. Je n’ai pas le choix.
Pendant ce temps, dans la chambre des jumelles, l’heure était aux noces. Céleste et Candice célébraient officiellement leur mariage avec Raphaël (qui n’avait accepté de se marier que lorsqu’il avait terminé son boudoir). Quelques bijoux en plastique (dont deux diadèmes), deux bouts de tissus transformés en voiles de mariée, du maquillage emprunté à Maman, une petite table avec trois assiettes et un faux gâteau. Tout cela sur un fond musical des contes d’Henri Dès.
- Bon Raphaëlo…commença Candice.
- Tu vas nous prendre un bras chacune…poursuivit Céleste.
- Et nous allons marcher jusqu’à l’autel.
- Et tu nous feras un bisou sur la joue.
Raphaël ne semblait pas comprendre ce qu’elles attendaient de lui. Comme il ne réagissait pas et gardait un grand sourire béat, chacune des jumelles saisirent l’un de ses bras. Il se laissait faire, malgré son étonnement, et le cortège put enfin débuter.
- Tantantata…fredonnèrent les deux sœurs, en marchant gracieusement vers leur table de nuit. Tantantata…Tantantatatatatatatatatah…
- Gahgah…répondit la voix de Raphaël en écho.
Les enfants s’arrêtèrent en bout de chemin, et elles se tournèrent vers lui, les yeux brillants.
- Si tu veux que je t’épouse, je suis d’accord. Et toi, Raphaël, veux-tu m’épouser ? demanda Céleste.
- Uh ? s’étonna l’intéressé en relevant la tête vers son aînée.
- Oh ! Que c’est gentil ! s’extasia-t-elle, prenant ainsi sa réponse pour un « oui ». Fais-moi un bisou !
Le petit garçon n’était pas encore un expert des bisous. Aussi, ce fut sa sœur qui dut enfreindre l’étiquette, et l’embrasser sur la joue gauche. En bonne spectatrice, Candice applaudit, puis se maria à son tour.
- Bon, Raphaël, je veux t’épouser. Et toi, est-ce que tu es d’accord ?
- Gnuh ?
- Il est trop chou ! s’exclama-t-elle, heureuse d’être mariée à son petit frère.
Elle se pencha vers lui et déposa un petit bisou sur sa joue droite. Céleste applaudit le plus fort qu’elle le pouvait.
- Nous voilà Mari et Femmes ! Raphaël, Céleste et Candice !
- Boh…Sieste, Caddie.
Il était bien trop jeune pour parler distinctement. Le mot qu’il prononçait le mieux était « Maman ». Sieste et Caddie signifiaient Céleste et Candice dans son langage de bébé. Quant à Papa, Raphaël ne pouvait pas supporter le sien, alors il n’avait pas pris la peine d’apprendre le mot.
- Maintenant que nous sommes mariés, nous allons manger le gâteau.
- Et après, nous irons faire la nuit de noces.
- Mais attention, on ne pourra pas faire de bébés…
- Parce que ce que Papa et Maman nous ont dit de faire pour en avoir, ça marche toujours pas.
- On a tout essayé. Les graines, les choux et la salade…
- Faudra qu’on leur redemande.
Les trois enfants Levesque s’assirent (tant bien que mal pour Raphaël) autour de la table et firent mine de manger le gâteau en plastique (sauf pour le plus jeune, qui s’amusait à voler les fourchettes de ses sœurs).
- Et si on mettait autre chose comme musique ? proposa Candice.
- Bonne idée.
Elles choisirent un autre CD pour enfants, et dansèrent plus ou moins bien au milieu de la chambre. Même Raphaël les imitait : il remuait son popotin, ses petits bras levés. Il tourna en rond plusieurs fois autour de ses sœurs, et tomba sur les fesses dès qu’il eut le tournis, étonné par ce qui lui arrivait.
Leurs parents avaient cessé de se disputer, du moins, c’était ce qu’ils croyaient. Puis, leurs voix s’étaient à nouveau élevées, et avaient coupé Candice dans son superbe déhanché digne d’un canard.
- Admettons, admettons ! s’énervait Valentin. Admettons que tu dises vrai ! Si c’est le cas, qui t’as dit que je te trompais avec Laurie ?!
- Parce qu’en plus, tu veux que je te révèle ma source ?
- Tout à fait ! Qui te dit que c’est quelqu’un digne de confiance ?
- Je le sais, c’est tout !
- Qu’est-ce que tu perds à me le dire de toute façon ?! Tu veux divorcer et je n’arriverai pas à te faire changer d’avis !
- Je ne te le dirai pas !
- Et pourquoi ça ?
- Parce que sinon, tu vas à aller la voir et…
Elle s’arrêta, alors que Valentin fronçait les sourcils. Il venait de réaliser qui était l’auteur de ce malentendu.
- Ne me dis pas que c’est Laurie en personne qui t’a dit que je couchais avec elle ?
- Si, lâcha Gabrielle, amère.
- Mais quel culot, je te jure ! pesta le jeune homme, en s’éloignant vers sa chambre.
Il disparut quelques minutes, et revint dans le salon, entièrement habillé et l’air grave.
- Tu vas où ?
- Régler un compte.
- Valentin ! Et le notaire ?!
- Annule.
- Annuler ?! On est sur le point de divorcer, et tu veux que j’annule ?!
- On n’est sur le point de rien du tout ! On éclaircit d’abord l’affaire, et on divorcera éventuellement quand on y verra plus clair ! Alors prends le téléphone, et annule ce putain de notaire !
Valentin remarqua qu’elle était secouée, et voulut faire preuve de douceur.
- Il faut que tu me racontes tout Gabrielle, fit-il en lui prenant tendrement les mains. Quand est-ce qu’elle t’a dit ça ?
- Il n’y a pas longtemps. Elle est venue me voir au bureau. Mes hommes sont témoins. On dirait que ça l’amuse de m’humilier en public. Tu sais Val’, je vais t’avouer quelque chose. Ce n’est pas la première fois qu’elle vient me voir à la Crim’.
- Ah bon ?
- Non. Elle est sans doute venue deux ou trois fois. La première fois, c’était pour me dire qu’elle te trouvait super bien foutu et qu’elle avait envie de coucher avec toi. La seconde fois, c’était pour me dire quelque chose qui ressemblait à « J’aurai ton mec, tes enfants et ton boulot ». Et la dernière fois, c’est-à-dire, la semaine dernière, c’était pour me faire part de vos prouesses au lit.
- La salope, siffla Valentin, furieux.
- Quand on divorcera, tu pourras faire tout ce que tu veux, mais si tu te mets avec elle, je compte sur toi pour qu’elle n’approche pas les enfants. C’est une folle.
- Fais-moi confiance. Tu vois, Gabrielle, tu aurais du m’en parler avant. On n’en serait pas là.
La jeune femme ne répondit pas, hésitante.
- Ne me dis pas que tu crois ce qu’elle t’a dit ?!
- Un peu.
- Gabrielle, enfin ! Tu es bien placée pour savoir qu’elle envie tout ce que tu possèdes ! Tu ne peux pas la croire, elle !
- Je ne sais plus du tout où j’en suis avec vous deux ! Vous me mélangez les pinceaux !
Valentin soupira. Il lui faudrait encore du temps pour que sa femme lui accorde une entière confiance, suite à cette histoire.
- Je vais au boulot, annonça-t-il en lâchant à regret les mains de sa compagne. Je ne reviendrai pas avant midi.
Elle hocha la tête et le regarda sortir de l’appartement. À peine la porte fut refermée derrière lui, que Céleste, Candice et Raphaël sortirent de leur cachette pour faire un câlin à leur maman désemparée.
- Ça va aller Maman, hein ?
- Oui, ça va aller…murmura-t-elle, avant d’éclater en sanglots.
Laurie s’était bien débrouillée pour faire plonger Gabrielle dans le doute. Peu après la naissance de Raphaël, elle était allée lui rendre visite au Quai des Orfèvres afin de lui faire comprendre que son mari l’intéressait et qu’elle désirait faire plus connaissance avec lui. Gabrielle était restée choquée par tant d’audace, de même que ses hommes présents dans la pièce. Mais la jeune femme n’avait pas paniqué, ayant une confiance aveugle en son mari.
Six mois plus tard, Laurie revint à la Crim’. Devant son sourire mauvais, Gabrielle s’était méfiée.
- Tu sais quoi ? Un jour, je te prendrai tout ce que tu as. Ton mec, tes enfants, et ton boulot.
- J’en doute, avait sifflé l’intéressée, qui venait tout juste d’être nommée Capitaine.
Elle allait plus fréquemment voir Valentin à son travail. Elle faisait des efforts pour qu’il ne se lasse pas d’elle, car elle avait peur que Laurie arrive à réaliser ce qu’elle souhaitait faire un jour. En plus, le jeune homme rentrait de plus en plus tard chez lui. Lorsqu’il avait envie de retrouver sa famille, la juge d’instruction l’en empêchait par les sentiments.
- Voyons Valentin ! Tu ne vas quand même pas rentrer chez toi alors que cet enfant a souffert le martyre !
Et lui, qui aimait tant les bouts de choux, tombait dans ses filets et passait des nuits entières à soutenir des enfants maltraités, sans se rendre compte que Gabrielle devenait de plus en plus suspicieuse à son égard. Laurie parfumait même la veste du commissaire lorsque celui-ci était dans une autre pièce. De cette façon, sa femme doutait davantage de sa fidélité. De son côté, Valentin était toujours tendre et amoureux avec elle, comme si de rien n’était, ce qui l’embrouillait davantage.
Gabrielle essayait aussi de le faire revenir vers elle en forçant sur son rôle de père. Un jour où elle ne pouvait pas aller chercher ses filles à l’école maternelle, elle l’avait appelé pour lui demander de les récupérer. Valentin lui avait promis qu’il passerait prendre les jumelles dès qu’elles sortiraient. Il l’avait même écrit sur un post-it pour s’en souvenir. Laurie était avec lui lorsqu’il était au téléphone avec sa femme. Elle avait fait exprès de parler fort pour que Gabrielle puisse l’entendre.
- Val’, qui est avec toi là ? J’ai du mal à t’entendre.
- Oh laisse…avait répondu négligemment le jeune homme. C’est Laurie…
Elle avait raccroché, cent fois plus inquiète qu’à l’ordinaire. Son inquiétude s’était changée en fureur lorsqu’elle avait appris qu’il n’était pas allé chercher Céleste et Candice à l’école.
- Merde ! s’était-il écrié, horrifié par cet oubli. J’avais complètement zappé ! J’étais tellement débordé, tu vois, et… En plus, je te jure que je l’avais écrit quelque part pour que je m’en souvienne, mais je ne retrouve plus ce putain de post-it ! Comment vont les filles ?
- Elles pleurent, avait répondu Gabrielle, amère.
Laurie s’était mentalement félicitée d’avoir jeté le fameux post-it à la poubelle, et d’avoir occupé Valentin avec de grosses affaires afin de lui faire oublier ses filles à l’école. La semaine suivante, elle était retournée voir Gabrielle à son travail et avait joué le grand jeu.
- Gabrielle, si tu savais… Non, tu es bien placée pour savoir mais quand même, ton mari, Valentin, il est…oh ! Rien que de repenser à la nuit dernière, je…
Fort heureusement, elle n’avait pas pu continuer sa phrase car Albert l’avait virée du 36. Les hommes de Gabrielle s’étaient vite inquiétés pour leur patronne.
- Ça va Gab’ ?
- Franchement, laisse cette nana là où elle est, elle est vraiment super culottée !
- Tu devrais prendre ta journée.
- Envoie-la chier !
- Tu veux un verre d’eau ?
- Gabrielle, tu es vraiment sûre que ça va ? avait demandé Anthony, pris de panique.
La jeune femme restait muette et pétrifiée. Elle était toujours assise à son bureau, mais ses yeux étaient grand ouverts, et sa peau très pâle. Enfin, elle s’était ranimée, et avait sorti un annuaire de son tiroir.
- Qu’est-ce que tu vas faire ?
- Prendre une décision. Ça ne peut plus durer, avait-elle répondu sèchement en décrochant son téléphone.
Les flics l’avaient regardé composer un numéro. Ils avaient cru que c’était celui du Quai de Gesvres, là où travaillait Valentin, mais ils s’étaient tous trompés.
- Bonjour, je suis bien chez Maître Courdier ? Oui, j’aimerais prendre rendez-vous avec lui, le plus rapidement possible. C’est pour un divorce.
La grande porte de la Brigade de Protection des Mineurs s’ouvrit sur un Valentin plus furieux que jamais. Les standardistes lui adressèrent un petit « Bonjour Commissaire » auquel il ne répondit pas. Il monta au quatrième étage en courant, et une horde d’enfants l’accueillit. Sa colère retomba aussitôt.
- Ouais, y’a Valentin !
- Valentin !
- Tu viens jouer avec nous ?!
- Tu m’avais promis que tu m’accompagnerais voir le docteur !
- Désolé les enfants, je ne suis pas de service aujourd’hui.
- Oh…
- Dommage !
- Excusez-moi Monsieur, mais pour porter plainte, où dois-je aller ? demanda timidement une femme avec son fils.
Énervé contre les fonctionnaires paresseux, Valentin siffla trois gardiens de la paix.
- C’est pas parce que c’est dimanche qu’il ne faut pas accueillir convenablement les gens, d’accord ? Vous n’êtes pas payés pour rien branler ! Toi, tu prends la plainte de Madame. Toi, tu amènes la gosse à l’infirmerie, je te rappelle qu’elle a le poignet cassé ! Et toi, tu joues avec les gamins ! Ne les laisse pas sans surveillance !
Les trois flics hochèrent la tête, terrifiés.
- Une dernière chose ! Est-ce que la juge d’instruction est là ?
- Laurie ? demandèrent-ils à l’unisson, étonnés.
- La juge d’instruction, répéta Valentin, qui ne voulait pas prononcer son nom.
- Oui, elle est dans son bureau.
- Très bien, j’espère que vous lui avez bien dit adieu, parce que vous n’allez pas la revoir de sitôt !
Après avoir embrassé une dernière fois ses petits protégés, le jeune homme retrouva la colère qui l’animait au départ, et se rendit jusqu’au bureau de Laurie. Il l’y trouva, plongée dans la lecture d’un dossier. À peine eut-elle levé les yeux, étonnée de le voir ici, qu’il la gifla du mieux qu’il le put.
- Hey ! Qu’est-ce qui te prend ?! Tu n’as pas le droit de lever la main sur moi !
- Je fais ce que je veux ! Et ne viens pas pleurer comme une gamine, c’est qu’une raclée ! Tu mériterais pire que ça !
- Mais qu’est-ce que…ah ! Je vois ! Ta femme t’a plaquée et c’est sur moi que tu t’en prends ! Mais que veux-tu, ce n’est pas de ta faute si elle…
- Ta gueule ! rugit-il, en lui empoignant le bras.
Il la força à se lever de son bureau. Elle essaya de se débattre mais il la tenait si fort qu’il lui était impossible de s’échapper de son étreinte.
- Tu me fais mal ! Arrête !
- Ferme-la, je te dis ! Et suis-moi au lieu de rechigner !
Valentin l’amena dans son bureau, à l’abri des oreilles indiscrètes. Elle voulut se mettre à l’aise mais il l’en empêcha.
- Je t’ai pas demandé de t’asseoir, lança-t-il d’un ton sec. De toute façon, tu ne restes pas très longtemps ici.
- De toute façon, avec ta femme, c’est foiré d’avance, riposta Laurie.
- C’est là que tu te trompes. Ma femme ne fonctionne qu’avec des preuves.
- Elle en a.
- Pas des concrètes.
Il sortit deux papiers du tiroir de son bureau, et se hâta de les remplir. Enfin, il ordonna à la jeune femme de ne pas bouger d’un pouce et quitta la pièce pour aller voir Charles, son supérieur hiérarchique.
- Que penses-tu de la Martinique pour Laurie ?! C’est la saison des pluies là-bas, ça lui ferait le plus grand bien ! s’exclama Valentin, en débarquant dans le bureau sans frapper à la porte.
- Pardon ? s’étonna le commissaire divisionnaire.
- Ou peut-être en Polynésie Française…C’est encore plus loin de Paris ! Enfin, du moment que c’est pas en métropole, tu peux l’envoyer dans le commissariat de DOM-TOM que tu veux !
- Attends, attends, Val’ ! Tu veux que je mute la juge d’instruction ?!
- Manque plus que ta signature.
- Non.
- Non ? répéta le jeune homme.
- Non. Je ne la muterai pas ailleurs.
- Très bien. Je démissionne. T’auras ta lettre demain.
Charles sursauta, surpris. Il ne s’attendait déjà pas à ce que Valentin réclame le départ de Laurie, alors il fit presque une attaque lorsque ce dernier lui annonça sa propre démission.
- Tu comprends, Charles, je n’ai rien contre toi. Avec ou sans boulot, ça revient au même du moment que j’ai toujours du fric, mon appart’, ma villa à Nice et ma famille. Mais bon, t’as fait ton choix. Tu veux garder cette salope dans le service, c’est comme tu veux. Moi, je me barre. Pas question de rester une minute de plus ici avec elle.
- Et si tu m’expliquais d’abord pourquoi tu veux que je la vire ?
- Je vais faire court. Harcèlement moral sur ma femme. Et presque sexuel sur moi.
- Quoi ?! s’étrangla son supérieur.
- Okay, c’est presque exagéré, je sais. Mais figure-toi que Gabrielle est sur le point de divorcer tout simplement parce que ta juge d’instruction vient sans cesse la voir à son bureau pour lui dire des choses pas très agréables à entendre pour une épouse… Et en ce qui me concerne, elle n’arrête pas de me tourner autour depuis que je suis ici, et elle commence vraiment à devenir tout ce qu’il y’a de plus chiant et collant. Alors, je repose ma question. Y’en a bien un des deux qui doit partir. C’est elle ou moi ?
Charles connaissait bien Gabrielle. Il savait que c’était une femme très raisonnable, honnête, gentille, et une épouse aimante. Pour qu’elle en arrive au point de vouloir divorcer avec son mari, c’était qu’il y avait vraiment un sérieux problème dans leur couple. Quant à Valentin, il était un excellent flic et il n’avait vraiment pas envie de le laisser filer.
- Guadeloupe, ça t’ira ?
- Elle était jolie ta robe de mariée Maman.
- Ouais, je veux la même quand je serai plus grande.
Céleste et Candice avaient pensé que regarder les albums-photos remonterait le moral à leur mère. Malheureusement, c’était plutôt le contraire. Chaque photo d’elle et de Valentin faisait grossir la boule au fond de sa gorge. Les voir si heureux, ventre plat ou rond, vêtus en mariés ou pas, l’attristait davantage. Elle serrait Raphaël contre elle, comme s’il s’agissait d’un ours en peluche (à ce stade, c’était un peu son rôle).
- Oh ! Là, c’est quand Papounet est revenu de l’hôpital ! s’écria Candice, horrifiée par ce très mauvais souvenir.
- Oui, répondit seulement Gabrielle.
Elle ne put s’empêcher de repenser à cette période de sa vie. Jamais elle n’avait eu aussi peur pour Valentin que ce jour-là. Alors qu’il pistait un homme suspecté de pédophilie, un complice avait tiré sur lui, et il avait reçu deux balles dans l’épaule. Ses hommes avaient voulu l’amener en urgence à l’hôpital, mais il avait lourdement insisté pour qu’on le conduise voir sa femme. Par chance, Gabrielle, enceinte de Raphaël à cette époque-là, était chez elle avec ses deux filles (encore jeunes). Quand elles avaient vu le jeune homme, en sang et le teint blême, soutenu par ses hommes, elles n’avaient pu retenir un cri, et les jumelles avaient beaucoup pleuré. Lorsque Valentin s’était évanoui, après lui avoir dit un très faible « je t’aime » (car c’était l’unique raison de sa venue), la jeune mère s’était réellement affolée. Les pompiers étaient venus le chercher, et les deux sœurs, traumatisées, avaient été confiées à leurs marraines, Jessica et Lucile. Pas une seule fois, malgré son état de grossesse, Gabrielle n’avait cessé de veiller sur son mari, qui avait séjourné un mois à l’hôpital.
- C’est nul de repenser à ça ! s’écria Céleste, en tournant au plus vite la page de l’album-photos et coupant ainsi sa mère dans ses souvenirs. C’est passé !
- Oh, mais c’est qui là ? s’exclama sa sœur jumelle, tout sourire. Hein, Raphaël, c’est qui ?
- Moa, répondit le petit garçon, visiblement heureux d’être dans l’album-photos de la famille.
Quatre kilos à la naissance, contre deux chacune pour les jumelles. Raphaël était une véritable boîte de conserve. Et un de ces ventres… Il était resté presque dix mois dans le ventre de sa mère tellement il s’était plu à l’intérieur. Céleste et Candice avaient été très contentes à l’idée d’avoir un petit frère, mais leur enthousiasme n’avait été rien à côté de celui de leur Papounet adoré. Il avait toujours rêvé d’avoir un garçon pour assurer sa descendance. Le jour de son anniversaire, il s’était attendu à avoir la montre qu’il avait montrée à sa femme devant la vitrine d’une bijouterie.
La boîte qui enfermait son cadeau n’avait rien de la taille d’une montre, et il avait été déçu…mais pas pour longtemps. Dans ce carton, Gabrielle avait enfermé un test de grossesse positif avec sa notice, une échographie, un biberon, une sucette, un ours en peluche, un pyjama pour garçon taille naissance et une grenouillère avec écrit dessus « j’aime mon papa ». Elle était partie travailler juste après avoir posé le paquet sur le lit où son mari dormait encore. Inutile de préciser qu’à son réveil, Valentin avait sauté au plafond, hurlé dans tout l’appartement, et fait un saut au Quai des Orfèvres. Si Berthier et Anthony ne l’avaient pas retenu, le bureau de la jeune femme aurait été transformé en chambre à coucher.
Mais tout ça était si loin. Et en même temps si proche. Elle croyait qu’elle avait accouché des jumelles la veille, et de son fils le matin même. Elle déposa un baiser sur le front de Raphaël, qui sourit, ravi. Au même moment, Valentin fit son apparition dans l’appartement, et ses filles accoururent pour l’accueillir.
- Papounet ! T’es revenu !
- Et oui, je suis revenu ! Qu’est-ce que vous croyiez ?! Que j’étais parti pour de bon ? demanda-t-il en s’accroupissant près d’elles pour les prendre dans ses bras.
- Oui…
- Et ben non !
- Vous allez vous séparer Maman et toi ?
- Non, Céleste.
- C’est vrai ?
- Tout à fait ! Et on va toujours à Nice cet été !
- Ouais ! s’écrièrent les jumelles, réconfortées, en prenant la direction de leur chambre.
Durant les grandes vacances, la famille Levesque se rendait dans sa villa à Nice, qui n’était autre que la maison où Valentin avait vécu durant sa jeunesse. Il avait fait comprendre à Gabrielle qu’il avait besoin de retrouver cet endroit où il avait passé tant de temps avec sa mère. Ils avaient fini par racheter la villa, et Marietta y séjournait l’année, en prenant toujours aussi bien soin du lieu. Thierry venait parfois l’aider à s’occuper de la piscine et du jardin. Céleste et Candice adoraient leur seconde maison, surtout depuis que leurs parents leur avaient appris à nager. Elles passaient leurs journées dans l’eau. Raphaël barbotait aussi à sa façon, c’est-à-dire, avec sa bouée et sa mère.
- Pourquoi tu leur as raconté des mensonges ? demanda Gabrielle, froissée.
- C’est pas des mensonges.
- Et Elle ?
- Elle est virée. On ne la reverra pas de sitôt. C’est loin, tu sais, la Guadeloupe.
Elle soupira. Pourquoi son mari ne voulait-il pas comprendre qu’elle avait envie de faire une pause, ne serait-ce que pour se remettre les idées en place ? Valentin semblait désirer retrouver un train de vie normal, trouver une solution à tout pour tout arranger. Elle, elle demandait seulement à y voir plus clair dans leur situation.
- Val’, j’aimerais qu’on reparle de notre éventuelle séparation.
- Mais pourquoi tu veux tant divorcer ?! demanda-t-il, énervé. Si tu ne m’aimes plus, tu n’as qu’à le dire franchement au lieu de tourner autour du pot !
Raphaël crut que sa mère broyait ses petites côtes, tellement elle le serrait fort. Évidemment qu’elle l’aimait encore ! Valentin était le seul homme qui avait réussi à faire renaître l’espoir en elle. Il était le seul qui avait réussi à lui redonner confiance. Il était le seul à qui elle avait fait des promesses, à qui elle avait donné trois enfants à croquer. L’homme de sa vie. Et il n’y en aurait pas d’autres. Mais Laurie était parvenue à la faire douter envers son mari. Gabrielle pensait qu’une pause était nécessaire pour repousser ses appréhensions.
- Alors, tu ne dis rien ? fit le jeune homme, tout sourire.
Il savait très bien qu’elle n’avait pas cessé de l’aimer.
- Enfin, Gabrielle, regarde tout ce qu’on a construit ensemble…
- Oui…mais tu vois, je n’arrive plus à te faire confiance.
- Je n’ai (presque) jamais fait de faux pas. Tu peux bien me donner une seconde chance, non ?
Valentin s’approcha d’elle pour l’embrasser mais elle le repoussa, un peu plus brutalement. Raphaël soupira de soulagement. Il n’aurait pas aimé se retrouver écrasé comme une crêpe entre ses parents.
- Je t’en prie Val’, arrête ! Ne tente plus rien ! J’ai besoin de réfléchir !
Et s’il l’embrassait, elle succomberait et oublierait toute cette histoire. La jeune femme ne voulait pas céder aussi facilement à son mari.
- Du temps ! Tu peux attendre juste un peu ?
- Tu sais bien que je ne suis pas patient…
- Et bien, tu vas apprendre à l’être ! lança Gabrielle, en se levant pour aller préparer le repas de midi.
Elle avait laissé derrière elle Raphaël, sur lequel Valentin sauta pour le capturer dans ses bras. Le petit garçon se mit aussitôt à hurler, choqué d’être martyrisé de cette façon par son propre père.
- Gabrielle, attention, j’ai pris ton fils en otage ! Viens m’embrasser tout de suite si tu ne veux pas que je lui fasse subir milles supplices !
- Maman ! beugla Raphaël, remuant des bras, des jambes et des fesses.
L’intéressée ne leur accorda pas la moindre attention. Après quelques minutes, où le jeune homme essaya d’immobiliser son fils (et où celui-ci voulu donner un coup de pied à son agresseur), la situation dramatisa davantage. Ils se bagarraient presque. Ils avaient roulé en boule sur le canapé, et Valentin avait pris le dessus, faisant subir à Raphaël la pire des tortures : les chatouilles. Ce petit dernier était tenace, et malgré le fait qu’il se tordait dans tous les sens, il avait tenté d’aveugler son père en lui mettant le doigt dans l’œil.
- Ouah ! C’est trop sanglant ! s’exclama Candice, qui venait de sortir de la chambre, alertée par les cris de la bataille.
- Attends Raphaël, on vient à ta rescousse ! lança Céleste.
Elles prirent leur élan et sautèrent sur leur père, à qui elles coupèrent momentanément le souffle. La bagarre prenait de l’ampleur mais Gabrielle ignorait toujours son stupide mari et ses enfants trop excités. Le clan de Raphaël avait l’avantage de comporter plusieurs combattants, mais Valentin avait plus de force que ses trois enfants réunis.
- Alors, qui a gagné ? susurra-t-il alors qu’il écrasait les trois corps de sa petite progéniture.
Les jumelles grognèrent et fusillèrent du regard leur père (elles avaient pris ce gène de lui, il n’y avait aucun doute), alors que Raphaël fit claquer ses quelques dents de laits, avant de les montrer au prétendu vainqueur. C’était signe d’une morsure proche.
- Ah ah, tu croyais m’avoir hein ? se moqua son père, en évitant cette petite bouche grande ouverte qui s’était abattue sur lui.
Le petit garçon croisa les bras, apparemment vexé. Ses sœurs, coincées, usèrent du mieux de ce qu’il leur restait : leurs poumons.
- Maman ! Papounet nous a kidnappés ! Viens nous sauver !
Gabrielle ne répondit pas, trop occupée à mettre la table. Les enfants s’inquiétèrent aussitôt de ce manque de réaction.
- Maman nous aime plus ? demanda Céleste, les larmes aux yeux.
- Mais non, c’est quoi ces bêtises ? Maman vous aime plus que tout au monde, alors arrêtez de dire n’importe quoi !
- Mais elle a rien répondu !
- Ce n’est pas contre vous.
- Ah…firent les trois enfants, soulagés.
- Et dis Papounet, on pourra aller voir Hugo aujourd’hui ? demanda Candice, les yeux brillants.
- Je ne vous y amènerai seulement si vous me rendez un petit service.
- Tout ce que tu voudras, Papounet, du moment qu’on va voir Hugo !
Hugo était un petit garçon à peine plus âgé que Raphaël (ils avaient seulement un an de différence), et les enfants Levesque adoraient s’amuser avec lui et Louna, une autre petite fille. Leurs parents s’entendaient très bien, mais ce n’était pas un hasard. Louna était la fille de Lucile et Raoul, et Hugo était le fils de Jessica.
Si, quelques années auparavant, une personne avait prédit à Jessica qu’elle aurait un fils, elle lui aurait rit au nez et lui aurait balancé à la figure : « Va voir ailleurs connard ». Elle aurait pensé tout ce scénario improbable.
Pourtant, un jour, alors qu’elle prenait des photos sur les prestigieux escaliers du Palais de Justice, elle recula et trébucha. Elle aurait pu se briser les os dans sa chute. Cependant, elle n’avait pas eu le temps de débouler les innombrables marches car, par miracle, un homme était juste derrière elle et l’avait rattrapée au vol. Le visage face au ciel, elle avait regardé les nuages, les yeux écarquillés.
- Ouah ! Permettez si j’abuse de vos bras quelques secondes de plus ? Ça va faire une magnifique prise de vue ! Ne bougez pas hein !
Les pieds de la jeune femme prenaient encore appui sur une marche, mais le haut de son corps était soutenu par les bras de son sauveur. Après quelques clichés du toit du Palais de Justice et du ciel, elle lui avait demandé de la remettre sur pieds.
- Et bien…je crois que je dois vous dire merci. Merci. Voilà.
Il avait souri, attendri.
- Vous devriez faire attention avec vos chaussures.
- Je sais, mais c’est les talons-aiguilles d’une copine. En réalité, j’ai pas vu la marche. Au fait, je m’appelle Jessica. Jessica Lavergne.
- Christophe.
C’était la première fois que la photographe trouvait un homme en costard-cravate séduisant. Il avait à peu près son âge. Il était grand et brun. Ses yeux bleus pétillant de malice cassaient l’image de l’homme sérieux qu’il renvoyait. Après s’être dévisagés longtemps, ils avaient un peu discuté. Jessica avait beaucoup parlé d’elle, du moins, jusqu’au moment où son téléphone l’avait interrompue. C’était Raoul, qui avait le chic légendaire pour tout casser. Elle s’était sauvée si vite qu’il avait eu du mal à réaliser qu’elle avait déposé un baiser sur sa joue en guise d’au revoir.
Plus les semaines passaient en coup de vent, plus Christophe se languissait de Jessica. Celle-ci ne voulait pas se persuader qu’elle avait envie de le revoir. Finalement, le jeune homme se lança à sa recherche. Il avait de l’aide, à commencer par l’annuaire. Au pire des cas, il irait la trouver au journal où elle travaillait. Par chance, elle n’était pas sur liste rouge. Il se rendit chez elle, alors qu’elle se trouvait sous la douche. Elle l’accueillit enroulée dans une serviette, trempée, et le rouge aux joues. Ils avaient un peu plus fait connaissance autour d’un café. Une heure après, ils s’embrassaient, et l’heure suivante, ils étaient au chaud sous la couette…
- Il y a juste une chose que tu ne m’as pas dit ! avait déclaré Jessica, le lendemain.
- Laquelle ?
- Tu fais quoi dans la vie ?
- Ouille…Ça ne va pas te plaire…
- Dis toujours. Ça ne peut pas être pire qu’homme politique.
- Justement. Je suis député.
- Député…comme…les députés à l’Assemblée Nationale ? avait-elle bégayé, horrifiée.
- À ton avis ?
- C’est pas possible ! Ils sont vieux, tous crades là-dedans, et ils sont super chiants ! Tu ne peux pas être député ! Tu ne peux pas faire de la politique ! C’est pas possible !
- Je suis l’un des plus jeunes, avait-il répondu. C’est mon premier mandat.
- C’est pas vrai, c’est pas vrai ! Pourquoi ça n’arrive qu’à moi ?!
Jessica détestait par-dessus tout la politique, et lorsqu’elle avait appris le métier de Christophe, elle avait eu l’impression de recevoir un poignard dans le cœur. Non seulement elle n’aimait pas ce domaine, mais en plus, que dirait-on si on voyait un député et une simple photographe ensemble ?
- Qu’est-ce que je fais ? Je m’en vais alors ?
- Non, non et non ! Tu restes là ! Du moment que tu ne parles ni de ta mère, ni de politique, tout ira bien ! Parce que ça me fait tout bizarre de te le dire, mais je crois que je t’aime…
C’était la première fois qu’elle ressentait un sentiment comme celui-là. Christophe n’était pas une simple passade. Ils s’étaient mis d’accord pour ne pas parler du statut du jeune homme, et de ne rien trop laisser paraître en public. Après deux mois de couple, surgit ce que Jessica considérait comme une catastrophe. Elle était enceinte, et ce n’était pas forcément une bonne chose pour elle.
Ce fut d’ailleurs l’objet de sa première dispute avec Christophe. Il était heureux à l’idée d’être père, mais elle ne voulait pas de cet enfant et lui avait clairement fait comprendre qu’elle désirait avorter. Après tant de contrariétés accumulées par cette dispute, Jessica fit une fausse couche. Cela lui provoqua un gros choc émotionnel. Elle avait perdu l’enfant avant même d’avoir avorté, et elle n’avait pu se résoudre à cette idée. Elle avait aimé inconsciemment ce petit être, et l’avoir tué l’avait plongée dans une profonde dépression. Ce fut une période où Gabrielle, Valentin, Lucile (et même Raoul), et évidemment Christophe lui apportèrent beaucoup de soutien. Avec leur aide, elle s’en remit petit à petit. Son compagnon culpabilisait toujours, certain d’être responsable de la fausse couche même si Jessica lui avait assuré du contraire.
Un an après cet évènement, la jeune femme avait retrouvé enfin la volonté d’avoir un enfant et en avait fait part à Christophe. Il avait bien accueilli la nouvelle. Et neuf mois plus tard, Hugo était né, pour le plus grand bonheur de ses parents. Jessica regrettait de temps en temps l’enfant qu’elle aurait pu avoir avant lui, mais la venue de son fils avait réussi à effacer une grande partie de l’amertume qu’elle avait encore en elle. Elle était même heureuse, chose qu’elle n’aurait jamais pu croire un jour.
- Alors Papounet, c’est quoi cette condition ? demandèrent les jumelles en chœur.
- Uh ? s’enquit Raphaël, suspicieux.
- Pas ici. On pourrait nous entendre, chuchota Valentin.
Sans se faire remarquer par Gabrielle, il s’enfuit, suivi de ses enfants, dans la chambre des jumelles (la meilleure pièce pour un quartier général). C’est seulement lorsque la jeune femme les appela pour passer à table, une demi-heure plus tard, qu’ils sortirent de leur repère. Valentin s’était caché derrière un mur pour écouter la prestation de sa progéniture.
- Maman, regarde ! On a un dessin pour toi ! s’exclama Candice.
- Oui, regarde !
- Baaaah…fit Raphaël en tendant un dessin à sa mère.
Ils avaient tous dessiné un petit quelque chose pour elle. Le petit garçon avait gribouillé maladroitement un cœur rouge (son père l’avait aidé). Céleste et Candice avaient dessiné leur famille, avec leur papa, leur maman, leur petit frère, et elles.
- Merci les enfants, murmura Gabrielle, émue, en s’accroupissant pour les embrasser.
- Et tu sais quoi Maman ? Papa, il nous a dit qu’il ne voulait pas te quitter.
- Ouais, et même qu’il a dit qu’il t’aime très fort beaucoup.
- Bawo !
Voilà. Son mari avait encore frappé. Gabrielle n’avait pas douté un seul instant qu’il était derrière toute cette mise en scène.
- Valentin !
- On m’appelle ? fit innocemment le jeune homme, en sortant de sa cachette, les mains dans les poches.
- Qu’est-ce que tu…
Il vint se planter tout près d’elle. Ses filles regardaient avec impatience la scène. Raphaël, qui s’était accroché à la jambe de sa mère, avait levé la tête vers son père.
- Ose me dire dans les yeux que tu veux divorcer.
- Je…
Elle n’y arrivait pas. Il approcha son visage du sien. Il allait poser ses lèvres sur les siennes, lui dire des mots doux, et elle allait craquer. Enfin, Valentin l’embrassa, et elle passa l’éponge. Céleste et Candice applaudirent, et Raphaël tourna joyeusement autour de ses parents. Le jeune homme n’ajouta rien après ce baiser. Étonnée, elle lui lança un regard chargé d’interrogations.
- La vérité sort de la bouche des enfants, Gabrielle.
Fin
Extra Huit : Le phénomène Raphaël
Ce matin-là, Valentin et Gabrielle étaient occupés à quelque chose que les enfants n’étaient pas encore en âge de pratiquer. En général, quand ils se retrouvaient le matin dans leur lit, ce qui était plutôt rare, ils en profitaient toujours pour rattraper le temps perdu. Ce matin-là aurait été un matin câlin, oh oui, très câlin, si seulement Céleste et Candice n’en avaient pas décidé autrement…
- Papounet ! On est debout ! Tu nous achètes des dragibus ?! T’avais promis ! hurlèrent les jumelles en débarquant à l’improviste dans la chambre nuptiale.
Gabrielle poussa un petit cri surpris et se tassa du mieux qu’elle put, alors que Valentin remonta un peu le drap et se coucha entièrement sur elle pour cacher la nudité de sa femme.
- Ça fait trois fois ce mois-ci ! grinça la jeune maman, à l’oreille du commissaire.
- Et merde…
- Mais fais quelque chose, bon sang !
- D’accord, d’accord. Pas de panique ! Dites-moi les filles, combien de fois je vous ai demandé de frapper à la porte avant d’entrer ?
- Plusieurs fois, Papounet, répondirent-elles à l’unisson.
- Ça se reproduit encore une fois, et c’est la raclée de votre vie.
Suite à une mauvaise expérience de leur courte vie, les jumelles furent terrorisées. Elles avaient beau se vanter à l’école d’avoir un « super Papa policier » et une « jolie Maman gentille », elles savaient aussi qu’ils ne rigolaient pas avec la discipline.
Un jour, leurs parents avaient retrouvé un stylo qui ne leur appartenait pas dans une de leurs trousses. Après leur avoir fait passer un subtil interrogatoire, ils en avaient conclu que Céleste et Candice l’avaient volé à une camarade de classe. La réaction de Valentin et Gabrielle avait été terrible.
- On se saigne les quatre veines pour vous nourrir et vous éduquer correctement, vous avez même presque tout ce que vous voulez, et voilà ce que ça donne ?! avait crié leur père, furieux. Jamais je n’aurai cru ça de vous ! Désespérant ! Lamentable ! Honteux !
- Mais Papounet, c’est juste un stylo, avaient expliqué les jumelles pour assurer leur (maigre) défense.
- Ouais, aujourd’hui, c’est juste un stylo ! Mais dans dix ans, ce sera quoi ?! Un téléphone portable ou un scooter ?!
Valentin avait réellement cédé à la panique. Il rencontrait chaque jour des délinquants et tomberait sans pitié dans l’alcool si ses filles devenaient comme eux, une fois adolescentes. Gabrielle, elle, ne s’était pas mise dans tous ses états. Elle avait gardé son calme, et avait seulement déclaré d’une voix glaciale :
- Vous me décevez, les filles.
Quoi de plus pire que les foutres du Papounet adoré et de la perte de confiance de la Maman tant aimée ? Pour couronner le tout, la sanction avait été monstrueuse. Un après-midi enfermées dans leur chambre à pleurer sur leur sort et à dessiner des petits cœurs pour leurs parents (qui ne s’étaient pas laissés influencer !). Privées de télévision, de bonbons, de gâteries et de bisous. Gabrielle leur avait simplement apporté un petit goûter pour qu’elles tiennent jusqu’au repas du soir. En bref, la punition avait été tellement sévère que les jumelles avaient fait le serment de ne plus jamais recommencer.
Devant la menace de « la raclée de leurs vies », Céleste et Candice adoptèrent une bataille en retraite.
- On est désolées Papounet. On ne le fera plus, s’excusèrent-elles, dociles.
- Parfait ! s’exclama ce dernier, en souriant.
Il leur tendit ses grands bras, et elles se ruèrent sur lui pour lui faire un gros câlin chacune. Vint ensuite le tour de Gabrielle, qui s’était auparavant enroulée dans les draps, alors que son mari enfilait discrètement un boxer. Les jumelles se glissèrent ensuite dans le lit, et se collèrent à leur père pour lui masser les épaules. Ce dernier, tout sourire, avait sa tête posée contre le flanc de sa femme.
- C’est étrange que Raphaël ne soit toujours pas réveillé…fit Gabrielle, étonnée. D’habitude, 8 h 30, c’est son heure.
- Oh pitié, laisse-le dormir ! Au plus, il reste dans son lit, au mieux je peux profiter de toi !
- Valentin !
- C’est vrai ! Quand il est là, il n’en a plus que pour toi !
- C’est ma faute, tu crois ?! Tu sais bien que Raphaël est très attaché à moi, et qu’on ne peut rien faire à ça !
- Ouais, m’enfin, c’est pas ju…
Un craquement lui coupa la parole et le fit grimacer. Candice devait certainement avoir déplacé un nerf.
- Bon, ça suffit, les filles. Vous allez me démonter le dos si vous continuez !
- Oui Papounet.
Au même moment, un hurlement fit trembler les murs de l’appartement.
- Mamaaan !
- Raphaël ! soufflèrent les parents et les jumelles en chœur.
- On dort encore, on dort encore, on dort encore…récita Valentin comme une prière. Nous n’avons rien entendu ! On dort encore…
- Mamaaan !
- Val’, je suis certaine qu’il pleure ! Va le chercher !
- Hors de question ! S’il pouvait me cracher à la figure, il le ferait ! Et d’abord, pourquoi tu n’y vas pas, toi ?!
D’un regard, elle lui rappela qu’elle était encore nue sous les draps. Le jeune homme soupira, et se leva péniblement du lit. Sa matinée avec Gabrielle tombait à l’eau. Il quitta la pièce et, bientôt, un silence pesant tomba dans la chambre. Gabrielle avait discrètement enfilé une nuisette. Une sorte de suspense s’éleva. Raphaël ne criait plus.
- Attention, je lâche le monstre ! hurla la voix lointaine de Valentin.
Sur le moment, ni Gabrielle, ni les jumelles n’entendirent un seul bruit. Mais si elles écoutaient bien, elles auraient pu entendre des petits pas feutrés pointure 18, qui tentaient d’atteindre le plus vite la chambre. Rapidement, Raphaël fit son apparition sur le seuil de la porte, les yeux brillants de larmes et les bras tendus vers le lit sur lequel il ne pouvait pas monter (sa petite taille ne jouait pas en sa faveur). Son père arriva à la rescousse et le souleva pour le poser sur le matelas. Enfin, il affronta la dernière ligne droite : le quatre-pattes jusqu’à Maman.
- Maman…gazouilla-t-il, satisfait, une fois dans les bras de sa mère.
- Sept secondes. Pas mal fiston, tu as battu ton record ! s’exclama Valentin, montre en main.
- Maman, répéta le petit garçon, visiblement heureux.
Il enfouit son petit nez retroussé au creux de la poitrine de la jeune femme, tandis que celle-ci caressant doucement ses cheveux blonds en bataille. Il ressemblait tellement à son père qu’elle savait qu’il serait son portrait craché dans quelques années. Céleste et Candice ne purent s’empêcher de l’embrasser tellement il était à croquer. Valentin, quant à lui, se recoucha auprès de ses filles, la mauvaise humeur en plus. Il adorait son fils, mais ne supportait pas l’indifférence qu’il avait à son égard. Il voulut reposer sa tête contre le flanc de Gabrielle, mais Raphaël le regardait d’un air douteux. Avec toute la force que ce petit bout avait, il essaya de repousser son père si musclé avec ses petits pieds pointure 18. En vain. Il était essoufflé, et Valentin n’avait pas bougé d’un pouce. Il voulut recommencer mais sa mère s’en rendit compte et se fâcha.
- Ça suffit Raphaël !
Il redressa son petit visage rond vers sa mère, la contempla avec ses grands yeux noirs, et lui adressa son sourire le plus innocent. Valentin, lui, tourna le dos à sa femme pour lui montrer qu’il boudait.
- Que veux-tu que je fasse d’autre ?! s’énerva Gabrielle, alors que le petit garçon battait joyeusement des pieds, savourant sa victoire.
Rien. Il n’y avait rien à faire. Raphaël aimait sa mère et ne supportait pas son père. Et il n’y avait aucune solution à cela. Désespérée par l’attitude de son mari et de son fils, la jeune femme soupira.
- De toute façon, ça ne va pas durer. Je travaille aujourd’hui, et c’est toi, Val’, qui garde les enfants.
- Je sais.
- Très bien. Si tu sais, je peux aller me préparer. Je pars dans une heure.
Raphaël et toute sa graisse dans les bras, elle se leva et quitta la chambre. Céleste et Candice la suivirent, bien contentes de prendre leur petit-déjeuner. Voyant que toute sa famille avait déserté la pièce, le laissant ainsi tout seul dans son lit, Valentin se leva à contrecœur pour aller imposer sa présence dans la cuisine.
Raphaël était ravi. Il trônait comme un souverain sur sa chaise haute, avec son petit air hautain de bébé-roi. Au bout de la table, il y avait ses sœurs, des princesses, qui dévoraient leurs tartines de Nutella. À sa gauche, il y avait sa mère, sa tendre reine, qui lui avait gentiment donné un morceau de pain. Enfin, à sa droite, son père remuait son café à l’aide d’une petite cuillère. Le petit garçon eut un sourire triomphant. Il dominait son père, qui n’était autre que son serviteur ou son bouffon officiel. C’était selon les jours.
- Papounet, qu’est-ce qu’on va faire aujourd’hui ? demandèrent les jumelles à l’unisson.
- J’en sais rien. S’il pleut, on reste à la maison. Sinon…pour organiser un truc avec votre frère, c’est vraiment difficile, vous voyez.
Raphaël ne comprenait pas tout ce que son père disait, mais il se sentit visé. Vexé, il jeta sa petite cuillère en plastique et pleine de compote de pomme sur Valentin. Gabrielle le sermonna durement, et l’humeur du jeune homme descendit davantage.
- Ça doit être une tradition dans la famille de ne pas aimer son père…grogna-t-il, en lançant un regard assassin sur son fils.
- Ne dit pas n’importe quoi Val’ !
- C’est vrai ! Je me demande bien ce que je lui ai fait pour mériter ça !
- Boah ! s’exclama Raphaël, tout content.
Les jumelles pouffèrent de rire. Leur petit frère les amusait beaucoup avec ses onomatopées bien à lui et ses petites sautes d’humeur. Après le petit-déjeuner, elles se faufilèrent dans leur chambre, laissant à leurs parents le soin de débarrasser la table. Une fois la tâche accomplie, Valentin et Gabrielle s’adonnèrent à un gros câlin, qui ne plut vraiment pas à Raphaël, toujours emprisonné dans sa chaise haute.
- Maman ! Maman ! Maman !
La jeune femme ne répondit pas, trop occupée à embrasser son mari. Le petit garçon, vexé, insista. Il n’arrêtait pas de gigoter pour se faire remarquer.
- Maman ! Maman ! Maman !
Sans réponse. Il décida alors d’utiliser la ruse. Ses parents se bécotaient à côté de sa chaise haute. Il se hissa le plus qu’il pouvait sur l’accoudoir et tendit sa main pour attraper la nuisette de sa mère. Valentin, bien qu’occupé, aperçut son fils en pleine action, et un frisson d’horreur parcourut son corps.
- Gabrielle, le gosse ! s’écria-t-il, effrayé à l’idée que son unique fils se brise les os sur le carrelage.
Elle se retourna en un éclair et se dépêcha de le prendre dans ses bras, alors qu’il venait de saisir un pan de sa nuisette. Il affichait un sourire joyeux, heureux d’avoir contribué à la séparation temporaire de ses parents.
- Raphaël, tu deviens trop lourd pour moi. Et si tu allais dans les bras de ton père pour une fois ?
Il n’eut pas le temps de donner son avis qu’il se retrouvait déjà au seul endroit où il ne voulait surtout pas être.
- Maman ! supplia-t-il, alors qu’elle partait vers la chambre.
Pour éviter toute destruction de ses tympans, Valentin suivit sa femme pour satisfaire son chenapan de fils. Raphaël n’était ni méchant, ni turbulent. En réalité, c’était un adorable petit ange sur pattes. Il se montrait seulement infernal à vivre lorsqu’il trouvait que sa mère était trop éloignée de lui.
Très vite, Raphaël trouva des avantages à être porté par son père. Déjà, il ne fatiguait plus Gabrielle. Ensuite, Valentin étant plus grand ; il avait une meilleure vue de ses épaules. Enfin, il pouvait toujours avoir des contacts avec sa mère.
- Maman ! jubila le petit rusé, dès que sa mère eut fini de s’habiller.
Elle s’approcha de lui pour lui faire un bisou, et c’est alors que Valentin constata l’horrible vérité. Il n’était qu’un support. Son fils se servait de lui.
- Reprends-le Gabrielle, je ne suis pas une grue !
- Non, répondit-elle fermement. Tu vas aller lui donner son bain pendant que je vais habiller les filles.
- Uh ? s’étonna Raphaël, qui avait seulement compris que quelque chose qui n’allait pas lui plaire allait se produire.
- Quoi ? hurla son père, horrifié. Mais chérie, tu veux avoir deux suicides sur la conscience ou quoi ?!
La jeune femme les laissa seuls, et Raphaël commença à pleurer amèrement.
- Mamaaan ! brailla-t-il, terrifié à l’idée d’être abandonné à son père.
- Gabrielle ! supplia Valentin sur le même ton. Reviens ! Ne me laisse pas seul avec lui !
Mais elle décida de leur tenir tête, et ne revint pas sur sa décision. Le jeune homme prit donc le chemin d’une mort assurée, le chemin de la salle de bain. Son fils continuait de pleurer et d’appeler sa mère. Quant à lui, il râlait mentalement contre son épouse. Valentin eut du mal à déshabiller Raphaël. Une fois dans son bain, il n’arrêtait pas de gigoter dans tous les sens, et de battre des pieds dans l’eau. Il adorait ordinairement le bain, mais seulement lorsque c’était Gabrielle qui le lui donnait.
- Maman, Maman, Maman, Maman, Maman, Maman, Maman, Maman, Maman, Maman, Maman, Maman ! réclama-t-il, au grand dam de Valentin.
Lui s’efforçait de paraître calme, de ne pas entendre les braillements de son fils, et de rester concentré sur sa peau de bébé.
- Maman, Maman, Maman, Maman, Maman, Maman, Maman, Maman, Maman, Maman, Maman, Maman ! continua Raphaël, désespéré.
Valentin s’obligeait de frotter le dos de son fils sans dire un mot. Il devait se retenir, sinon il ne répondrait plus de lui-même.
- Maman, Maman, Maman, Maman, Maman, Mam…
Splash ! Raphaël se retrouva éclaboussé. Son visage dégoulinait d’eau mélangée au savon parfum pomme. Ses yeux auparavant mouillés de larmes étaient écarquillés, révélant une surprise qu’il avait du mal à contenir. Il restait bouchée bée. Il ne comprenait pas ce qui venait de lui arriver. Valentin, lui, souriait avec triomphe. Surpassé par les plaintes de son fils, il lui avait donné, non pas « la raclée de sa vie », mais plutôt « l’éclaboussement de sa vie ».
- Je te préviens. À chaque fois que tu diras « Maman », je t’éclabousserai encore, jusqu’à ce que tu t’arrêtes.
- Maman ? s’étonna Raphaël, sans doute pour tester.
Splash ! Il se retrouva une nouvelle fois aspergé d’eau. Il frotta ses paupières, avec un sourire joyeux et naïf.
- Maman.
La même opération se déroula. Raphaël éclata de rire. Valentin, surpris que son fils s’amuse avec lui, esquissa un sourire.
- Maman, Maman, répéta le petit garçon, pressé de se faire éclabousser.
Pendant ce temps, dans la chambre des jumelles, Céleste et Candice avaient désiré porter un vêtement identique à l’autre, excepté la couleur. Elles adoraient se ressembler, mais avaient promis à leurs parents de ne jamais se faire passer l’une pour l’autre.
- Pourquoi Raphaël, il est comme ça ? demanda Candice, qui brossait les cheveux de Céleste.
- Parce que c’est un petit garçon, et que tous les petits garçons sont collés à leur maman. De la même façon que toutes les petites filles aiment masser leur papa et rêvent de se marier avec lui, expliqua Gabrielle, qui coiffait Candice.
- Ah…répondirent-elles, un peu perdues.
- C’est un phénomène psychologique qui concerne tous les enfants.
- Et même Papounet, il était amoureux de sa maman ?
- Probablement au début, oui ! Mais même plus grand, il est resté très attaché à elle.
- À Mamie du Ciel ?
- Oui.
- Oh…
Les jumelles étaient souvent admiratives lorsque leurs parents évoquaient leur grand-mère décédée. La Mamie du Ciel, comme elles l’avaient surnommée, était une sorte de modèle pour elles. Valentin et Gabrielle leur avaient toujours parlé d’elle dans le plus grand bien. Ainsi, cette Mamie courageuse, gentille, honnête, généreuse (et même passionnée), avait une énorme place dans les cœurs des deux petites filles, qui ne l’avaient pourtant jamais connue de leurs vies.
- Tiens, Raphaëlo a arrêté de crier « Maman », remarqua Céleste.
- Ah oui, c’est vrai, fit Candice.
- J’espère simplement qu’ils ne me mettent pas la salle de bain sans dessus-dessous ces deux-là ! soupira Gabrielle.
Cinq minutes plus tard, Valentin apparut dans l’encadrement de la porte de la chambre, avec un petit garçon aux cheveux blonds touffus enroulé dans une serviette de bain.
- Qu’il est mignon ! s’exclamèrent les jumelles.
- Qu’il a été chiant aussi, confia le jeune homme. Mais bon, je l’ai bien arrosé. Il va rester propre pendant plusieurs jours !
Content de lui, Raphaël applaudit et les membres de sa famille ne purent s’empêcher d’éclater de rire.
- Bon, Raph’, tu ne vas pas rester tout nu devant des filles quand même ! Allez viens, on va s’habiller !
- Na, répondit-il à son père, en secouant la tête.
- Et si !
Le jeune homme quitta la chambre, son petit fardeau dans les bras. Étrangement, Raphaël ne réclama pas sa mère. Au contraire, il lui fit au revoir de sa petite main, avec un grand sourire sur le visage.
À peine eut-elle fini de se maquiller, que Gabrielle intercepta son mari dans le salon.
- Valentin, je dois y aller ! On fait comment pour limiter les dégâts avec Raphaël ?
- Je vais m’en occuper. Tu rentres à quelle heure ?
- Je ne sais pas vraiment. J’essaierai de ne pas revenir trop tard, mais je ne te promets rien.
Valentin embrassa la jeune femme, puis l’accompagna jusqu’à la chambre des jumelles. Elles jouaient avec leur petit frère. Gabrielle lança un clin d’œil discret à ses filles pour leur faire comprendre qu’elle partait travailler et que Raphaël ne devait surtout pas s’en rendre compte. Elle déposa à chacune un baiser sur la joue, pendant que leur père faisait diversion.
- Oh Raphaël ! Regarde la pâte à modeler ! s’exclama-t-il en lui montrant la pâte molle tant interdite à son fils.
Le regard du petit garçon dériva immédiatement de Gabrielle à la pâte à modeler. C’était sans doute la chose qu’il convoitait le plus, mais étant trop petit, il n’avait pas le droit de jouer avec. Il s’approcha lentement de Valentin, et tâta avec délicatesse la pâte, bouchée bée. Émerveillé, il oublia instantanément sa mère. Il ne se rendit même pas compte qu’elle l’avait embrassé et s’était sauvée dans la plus grande discrétion. Raphaël voulut prendre la pâte de la main de son père, mais celui-ci l’enleva hors de sa vue dès que Gabrielle était sortie de la chambre.
- Non Raphaël ! Navré de te faire des faux-espoirs, mais tu es trop petit ! expliqua Valentin, avec un sourire sadique.
- Uh ?
L’image de la pâte à modeler étant présente dans son esprit (incroyable, il avait pu la toucher !), Raphaël ne réalisa pas encore que sa mère était absente. Dès que les jumelles partirent regarder la télévision, il se demanda où elle pouvait bien être. Sans nouvelles de Gabrielle, il décida de partir à sa recherche.
- Maman ? appela-t-il en arrivant dans le salon.
Seules Céleste et Candice étaient affalées sur le canapé, devant un bon vieux Tex Avery.
- Maman ? demanda-t-il en se tournant vers la cuisine.
Son père préparait le repas de midi. Raphaël commença à paniquer. En sueur, il courut jusqu’à la salle de bain, mais elle était vide.
- Maman ?! brailla le petit garçon, entrant en vacarme dans la chambre de ses parents - toujours vide.
Il passa au scanner sa propre chambre, celle de ses sœurs, puis les toilettes. Enfin, il dut se rendre à l’horrible évidence. Sa mère était partie seule, loin de lui. Elle l’avait abandonné, lui, son fils unique tant adoré. Elle l’avait laissé entre les griffes d’un papa très méchant. Comment avait-elle pu lui faire ça, à lui ? Ses yeux se mirent à briller et, très vite, il pleura amèrement.
- Papounet, Raphaël, il pleure Maman ! voulurent prévenir les jumelles, qui n’entendaient plus la télévision tellement les pleurs de l’enfant étaient forts.
- Et bien, il n’a qu’à pleurer ! Quand il en aura marre, il s’arrêtera ! répondit Valentin, surpassé.
Bien entendu, entendre son fils pleurer autant lui brisait le cœur. Mais il fallait que Raphaël se rendît compte que verser des larmes ne ferait pas revenir sa mère, et qu’il était normal que celle-ci allât travailler. Le jeune homme se promit que lorsque son fils serait en âge de comprendre, il lui expliquerait que les absences de Gabrielle permettaient de payer ses couches Pampers.
Après vingt minutes de pleurs non-stop, Raphaël s’arrêta, conscient que sa mère ne l’entendait pas pleurer. Il s’assit donc devant la porte d’entrée, le visage levé vers la poignée, et attendit patiemment le retour de sa mère. Au bout d’un quart d’heure, il n’avait toujours pas bougé et Céleste, inquiète, décida de réagir.
- Papounet, Raphaël va attraper un…tocoli…euh…ticoli ? Comment on dit déjà, Candice ?
- Torcoli, répondit sa sœur jumelle, sûre d’elle.
- Papounet ! Raphaël va attraper un torcoli !
- Torticolis, rectifia Valentin en délaissant sa casserole. De toute façon, on passe à table. Allez vous asseoir, je vais chercher ce phénomène.
Il alla à la rencontre de Raphaël, toujours assis devant la porte.
- P’tit Bonhomme, ça ne sert à rien d’attendre Maman. Elle revient seulement ce soir, mais tu vas voir, ça va passer très vite. Et comme demain, elle ne travaille pas, tu pourras l’avoir rien pour toi tout seul, d’accord ?
Il hocha la tête, essayant de se persuader qu’elle reviendrait. Pour le réconforter, Valentin fit bouger ses mains tout en fredonnant une comptine niçoise que sa propre mère lui chantait quand il était petit.
Ai mangia des pebroum sens oli
Mettelei d'oli
Mettelei d'oli
Et de saou
Un grand sourire apparut sur le visage de Raphaël, qui se sentit un peu consolé.
- Maintenant, c’est l’heure de manger. Tu as faim ?
Le petit garçon tendit ses bras vers son père pour qu’il le porte. Son ventre criait famine, et même s’il avait du mal à se l’avouer, son estomac était toujours prioritaire par rapport à sa mère.
Après un délicieux repas, à savoir jambon/sardine et salade niçoise (jambon/purée pour Raphaël) qui s’était terminé par du fromage blanc, les jumelles et leur père s’offrirent du repos et du calme devant la télévision. Raphaël, lui, fut contraint d’aller faire une sieste. C’était d’ailleurs la raison de cette tranquillité.
- Papounet, c’est quoi ça ? grimaça Candice, devant une rediffusion.
- Les intestins.
- Bah…lâcha Céleste, écœurée.
Elles appuyèrent leurs visages sur le torse de leur père pour ne pas voir l’autopsie montrée à la télévision.
- C’est fini ? demandèrent les deux sœurs à l’unisson.
- Non. Ils sont en train de découper le cerveau.
- Beurk !
- J’ai lu dans le journal qu’il y a la fête foraine en ville. Ça vous dit qu’on aille y faire un tour ? proposa Valentin, pour changer de sujet.
La réponse ne tarda pas…
- Oh oui ! Oui ! Merci Papounet adoré !
Et celle de Raphaël non plus.
- Ah, je crois que le petit monstre pleure, commenta le jeune homme, en se levant pour aller dans la chambre de l’intéressé.
Il le trouva assis dans son lit à barreaux, qui le suppliait de ses yeux mouillés de le libérer de sa cage. Valentin était un excellent père : il changea la couche de Raphaël sans rechigner. Son regard s’arrêta un instant sur son ventre. Le petit garçon n’était pas obèse. Il avait seulement assez de graisses pour résister si ses parents venaient à l’abandonner un jour dans la nature. Toutefois, voyant son père s’attarder sur son ventre, il fronça les sourcils. Il n’acceptait aucune critique sur cette partie de son corps.
- Seigneur, ce ventre…soupira Valentin, exaspéré.
Raphaël voulut lui donner un coup de pied, mais son agile de père l’esquiva. Le jeune homme se souvint alors du dernier été qu’ils avaient passé en famille à Nice.
Thierry, le parrain de Raphaël, avait sauté de joie lorsqu’il avait appris que son filleul allait venir lui rendre une petite visite. Ce dernier l’avait toisé avec méfiance, se demandant qui pouvait être cet imbécile qui lui faisait « gouzi-gouzi » aux pieds. Le meilleur ami de Valentin s’était même vu offrir un joli cadeau : changer la couche de ce petit diablotin.
- Mazette, ça, c’est un ventre ! s’était-il exclamé, en découvrant cette partie de son filleul qu’il ne connaissait pas jusque là.
Vexé, Raphaël n’avait d’abord pas protesté (sa mère était dans les parages). Il était resté sagement allongé sur sa house à langer, attendant le plat glacé de sa vengeance…jusqu’à ce que son parrain fasse du tam-tam sur son ventre.
- Ouah, mais ça m’a l’air bien ferme ce petit jambon !
Tam-tam-tam-tam-tam-tam-tam-tam-tam-tam-tam-tam-tam-tam-tam…
Raphaël était choqué. Choqué et furieux. Ses yeux noirs lançaient des éclairs. Lorsque son parrain le prit dans ses bras, il le fixa durement, attendit que sa mère ait le dos tourné, puis…
Sbaf ! Sa petite main s’était abattue sur la joue de Thierry. Il avait mis dans cette gifle toute sa force et son énergie de bébé à ventre rond. Oui, il avait un ventre costaud, et oui, il assumait. Son parrain ne s’était jamais remis de cette raclée.
- Putain Val’ ! Ton fils m’a baffé ! Je te jure ! Il m’a collé une de ces raclées, j’te raconte pas !
Un instant, Valentin n’avait pas cru à cette histoire. Mais dès qu’il avait posé son regard sur les petits bras potelés de son fils, il s’était dit que, finalement, Raphaël pouvait en être capable. Depuis, même Gabrielle essayait de ne pas regarder trop longtemps le ventre de son fils.
La chaise haute de Raphaël n’était pas son seul trône. Il y avait aussi sa table à langer, les bras de son père et sa poussette. Il adorait particulièrement sa poussette. Elle avait un parasol bleu marine intégré, qui ne servait pas souvent. Heureusement, ce jour-là, il faisait grand soleil à Paris, et le parasol se rendit pour une fois utile. Son serviteur, Valentin, se chargeait de le pousser.
« Oh qu’il est beau ! »
« Oh qu’il est mignon ce bébé ! »
Raphaël aimait beaucoup lorsque les gens posaient leurs yeux sur lui. Mais à sa plus grande horreur, ses sœurs lui faisaient de la concurrence. Et ça, il appréciait beaucoup moins.
« Tu as vu ? Ce sont des jumelles ! Regarde comme elles se ressemblent ! On dirait deux gouttes d’eau ! »
« Oh qu’elles sont jolies ces petites ! »
Et à Valentin de sourire, fier. Il n’aimait pas vraiment la fête foraine, mais pour faire plaisir à ses enfants, et surtout à Raphaël, il était prêt à tout. Voilà donc qu’il poussait la poussette, avec ses deux filles de chaque côté, sous les regards discrets des gens. Puis, Raphaël sembla s’agiter, et son père s’arrêta, étonné.
- Quoi ? Qu’est-ce qu’il y a, bébé ?
Pour toute réponse, le petit garçon tendit le bras vers un stand.
- La pêche aux canards ?! s’étouffa Valentin, qui voyait où son fils voulait en venir.
Devant l’air suppliant de son rejeton, le jeune homme ne put que se plier à son désir. La pêche aux canards était le stand favori de Raphaël. Bien entendu, il était le meilleur à ce jeu. C’était sans compter son père et ses sœurs qui l’aidaient beaucoup.
- Tu vois, Raph’, tu dois attraper les canards avec la canne…pas avec les mains !
- Gah ! répondit le pêcheur en herbe, en plongeant les mains dans l’eau du petit bassin.
- J’abandonne.
Le forain avait le dos tourné, et les jumelles imitèrent leur petit frère pour l’aider à gagner un plus gros cadeau. Lorsque le temps de jeu cessa, le trois-quarts du bassin avait été vidé et s’était retrouvé dans la corbeille de Raphaël.
- Ouah…lâcha le forain, stupéfait. Jamais vu autant de canard pour un petit de cet âge ! Allez, gamin ! Choisis ton cadeau !
Raphaël observa attentivement l’étagère, et désigna du doigt un bocal en plastique, au plus grand désespoir de son père.
- Poisson rouge, décida-t-il.
- Malheur ! s’écria Valentin, terrifié. Il va nous ramener le poisson et toutes les conneries qui vont avec à la maison !
- Aïe… Pauvre Papounet…
Mais Raphaël semblait si heureux de rapporter un poisson rouge à la maison que le jeune homme n’osa pas briser la gaieté qu’il avait perdue après le départ de sa mère.
- Okay…va pour le poisson rouge. Vous vendez la bouffe qui va avec ?
- Non.
- Merde.
Le poisson rouge chargé dans la poussette, la petite famille avait continué sa promenade. Céleste avait désiré tenter sa chance à un stand où le hasard était le principal acteur. Dès que son père avait payé la partie, elle avait tiré sur l’une des nombreuses cordes qui étaient présentées, et un petit nounours était tombé. Contente de ce qu’elle avait gagné, ils étaient repartis jusqu’à ce que l’heure du goûter ait pointé son nez.
- Vous voulez manger un truc ? demanda Valentin.
- Oui ! répondirent joyeusement les trois enfants.
Ils s’arrêtèrent devant un marchand, dont la roulotte dégageait de très bonnes odeurs.
- Je veux une barbe à papa !
- Et moi, une pomme d’amour !
Raphaël pointa un pot de Nutella. Leur père soupira, exaspéré par les estomacs de sa progéniture.
- D’accord. Une barbe à papa, une pomme d’amour, une crêpe au Nutella, et une au sucre, s’il vous plait, récapitula-t-il à l’attention du marchand.
Évidemment, il savait que ses enfants ne mangeraient pas tout. Heureusement que lui avait un grand estomac. Ils s’assirent sur un petit banc. Candice s’emmêla dans sa barbe à papa, Céleste manqua de se casser une dent de lait, et Raphaël sembla tenir tête à sa crêpe au Nutella. Valentin eut tôt fait de finir sa propre crêpe afin d’aider ses enfants à sortir vivant de leur gourmandise. Il dévora la moitié de la barbe à papa de Candice, après l’avoir aidée à décoller ses cheveux de la friandise. Il croqua le caramel dur qui enrobait la pomme d’amour, pour éviter un passage certain de Céleste chez le dentiste. Le jeune homme avait complètement oublié Raphaël…jusqu’à ce qu’une voix familière le rappelle à l’ordre.
- Hey ! Papa Poule ! T’as vu la tête de ton fils ?!
Berthier, sa femme enceinte et leur fils se trouvaient à quelques mètres d’eux, tout sourire.
- Quoi, mon fils ?! grogna Valentin, vexé.
Il se tourna vers Raphaël, et laissa échapper un hurlement horrifié. Il n’y avait plus un seul endroit sur le visage du petit garçon qui n’était pas recouvert de Nutella. Il en avait même dans l’oreille !
- Oh, un Raphaël au Nutella ! commentèrent les jumelles, surprises.
- Petit porc, siffla Valentin, en ouvrant une boîte de lingettes pour bébé afin de débarbouiller son fils. Tu m’en feras voir vraiment de toutes les couleurs !
L’intéressé lécha le tour de sa bouche avec sa petite langue, ce qui laissa apparaître un rond blanc sur son visage marron. Il éclata de rire, et son père l’imita très vite. Une fois sa bouille de bébé nettoyée, Valentin se tourna vers son ami.
- Je te préviens Berthier, si tu laisses échapper à la Crim’ la rumeur comme quoi mon fils ne sait pas manger correctement, je te tue !
- Ça sera difficile de me retenir…
- Fais gaffe ! Je tiens à ce que lui et moi ayons une bonne réputation !
À ce moment-là, les jumelles firent un petit coucou de la main au fils de Berthier, qui quitta les jupes de sa mère pour aller leur faire un bisou à chacune.
- Surveille ton fils, Berthier ! Je le vois venir, là, avec ses p’tits bisous sur mes filles innocentes ! Mais je te préviens, avec moi, la drague à trois n’aura pas lieu !
Après avoir longuement discuté avec les Berthier et leur futur nouveau-né, les deux familles avaient décidé de continuer leur promenade ensemble. Candice avait convaincu son père de gagner pour elle un ourson original au jeu de la pince. Le fils de Corentin avait seulement réclamé un ballon en forme de dalmatien. Raphaël avait fait un tour de manège, et était monté dans un carrosse avec son père, tandis que les jumelles avaient préféré les licornes. Ce fut lorsque les deux familles décidèrent de repartir chacune de leur côté que Céleste et Candice poussèrent des exclamations devant un stand.
- Regarde, Papounet ! La peluche géante !
- Et alors ? demanda Valentin, flairant plusieurs sous-entendus.
- Maman, elle adore les tigres comme ça !
- C’est une panthère Candice.
- Ah ?
Le jeune homme observa attentivement la gigantesque panthère noire sur l’étalage et se mordit la lèvre inférieure. Il avait très envie de gagner cette peluche pour Gabrielle. Et coup de chance pour lui, il s’agissait d’un stand de tir, domaine où il excellait.
- Tu vas essayer ? demanda Berthier.
- Ouais. J’étais le meilleur de ma promo au tir. Je suis donc obligé de gagner cette panthère !
- Allez Papounet ! s’écrièrent les jumelles, formant ainsi son premier fan-club.
- Gah ! Gah ! encouragea Raphaël en tapant des mains.
Valentin paya sa partie et saisit la carabine que le forain lui avait tendue. Il la chargea avec des punaises, sous les regards admiratifs de ses enfants - et même celui de son fils.
- Je dois péter les ballons ? s’étonna-t-il devant la simplicité de la tâche.
- Oui.
- Ouah…un jeu d’enfant !
Il visa et trois secondes plus tard, tous les ballons dans la cage en carton avaient explosé.
- Et ben…Ça va, c’était facile, mentit le forain, impressionné. Vous faites quoi dans la vie ?
Il n’avait pas envie de lâcher aussi facilement sa jolie panthère.
- Flic.
- Ah…je comprends tout, fit-il, presque intimidé. Pour gagner la peluche, vous devez tirer sur les élastiques. Il faut que les trois se rompent.
C’était plus difficile, mais Valentin n’abandonna pas pour autant. Sa progéniture l’incitait à continuer.
- Allez Papounet !
- C’est toi le plus fort !
- Gah ! Gah !
- Attends Val’ ! interrompit Berthier, alors que le commissaire se concentrait pour viser. Tu ne vas pas y arriver !
- Pardon ?! répliqua ce dernier, vexé.
- Ce mec est en train de t’entuber ! chuchota le gardien de la paix. Les punaises vont rebondir sur les élastiques si elles sont du côté pointu.
Le flic prit la carabine des mains de Valentin et la déchargea. Il installa les punaises à l’envers et retendit le fusil à son ami.
- Alors que si elles sont du côté plat, il y a plus de chances pour qu’elles pètent les élastiques.
- Pas con, en effet. Je n’y avais pas pensé.
- Allez Papounet, allez Papounet, allez Papounet, allez Papounet ! chantonnèrent les jumelles en se trémoussant.
- Chut !
Elles se turent aussitôt, pendant que leur père visait avec précision sa cible. Raphaël retint son inspiration. Valentin tira enfin, et une première élastique éclata.
- Ouais ! Papounet ! Allez !
- Gah ! Gah !
- Pas si vite, il m’en reste encore deux à péter !
Le jeune homme renouvela l’opération, et une deuxième élastique céda.
- Papounet ! Encore une fois ! Allez ! T’es le meilleur !
- Gah ! Goh ! Youha ! Boah ! s’agita Raphaël.
- Allez Val’, un dernier ! encouragea Berthier, dont la femme et le fils souriaient gentiment.
Tous souhaitaient qu’il réussisse à faire un sans-faute. Seul le forain n’attendait qu’une chose : que le jeune homme rate son coup. Valentin visa une dernière fois, et la dernière élastique se rompit.
- Oh ! s’écria le forain, horrifié.
- Ah ! Papounet ! T’es le plus fort de tous les Papounets du monde entier !
Le plus surprenant resta la longue tirade de Raphaël.
- Gah ! Gah ! Bayoudah ! Boboya ! Babamoua ! Gouba ! Boah ! Moutouh !
- Oui, je sais, je sais, je suis le meilleur ! s’exclama fièrement Valentin. Bon, je peux la prendre cette panthère ?
Une fois de retour à la maison, Raphaël observa longtemps son poisson rouge.
- Comment tu vas l’appeler ce poisson rouge ? demanda Valentin, en s’accroupissant devant le bambin.
- Poisson Rouge, répondit le petit garçon après une profonde réflexion.
- Okay, d’accord… Et tu es d’accord pour aller faire un petit dodo si Poisson Rouge le fait aussi ?
- Nah.
- Et ben, tant pis ! Tu vas aller au lit quand même !
- Nah ! Nah !
Durant la sanglante bataille qui opposa Valentin à son fils sur le malentendu de « dodo du soir », Raphaël perdit une chaussette et son père retrouva le tympan de son oreille droite brisé. Le jeune homme avait remporté la victoire seulement lorsque ce petit garnement s’était retrouvé impuissant dans sa cage (mais cela n’avait pas été une mince affaire).
De leur côté, Céleste et Candice avaient déniché le programme du cinéma et trouvé un dessin-animé qui les intéressait beaucoup : une rediffusion de Cendrillon.
- Papounet ! Papounet ! Le meilleur Papounet du système solaire entière et de la galaxie ! Tu peux nous amener voir Cendrillon au cinéma, s’il te plait, Papounet-adoré-qui-est-le-plus-fort-de-tous-les-Papounets-du-Monde ?
- Allez d’abord vous laver, répondit seulement le Papounet en question, qui se voyait déjà souffrir le martyre en passant deux heures dans le noir à regarder Cendrillon.
Oui, Valentin était un excellent père. Pendant que les jumelles barbotaient dans le bain qu’il leur avait préparé avec amour, il avait cuisiné un délicieux souper. Il prenait très sérieusement son rôle du père au foyer qu’il n’était pas. Raphaël s’était réveillé peu avant qu’ils ne passent à table et avait apprécié son repas, ce qui était quelque chose d’encourageant pour son père. Enfin, le jeune homme avait pris son courage à deux mains et ses trois enfants sous les bras, et les avait amenés au cinéma pour voir Cendrillon. Il s’était ennuyé à mourir, alors que ses filles étaient avides devant le grand écran. Comme lui, son fils n’avait pas regardé le film. Il s’était seulement endormi sur les genoux de son père.
Le soir, Gabrielle fut bien étonnée, lors qu’elle revint chez elle. Elle, qui était si contente de finir plus tôt que prévu, retrouva l’appartement vide.
- Ça alors ! Où sont-ils encore passés ces quatre-là ?!
Elle avait trouvé quatre objets suspects jusque là non-répertoriés dans l’inventaire de la maison. Deux peluches dans la chambre des jumelles, un poisson rouge dans celle de Raphaël et une panthère géante dans la sienne.
Toujours aussi surprise, elle enfila une nuisette et se mit à l’aise sans pour autant ôter son regard de la panthère noire. Le reste de sa famille n’étant toujours pas revenu, elle partit se préparer un café dans la cuisine. À ce moment-là, les principaux intéressés firent leur apparition. Céleste et Candice étaient un peu endormies, mais pas assez pour ne pas sauter sur leur mère.
- Maman ! Papounet nous a amenés au cinéma, et à la fête foraine ! Et on a gagné des peluches, un poi…
- Oui, j’ai vu tout ça. Mais il est tard, et je ne veux pas que vous tardez à vous coucher.
- D’accord, maman. On va aller se mettre en pyjama, et on va au dodo, déclara Candice.
- Mais tu viens nous faire un bisou après ? demanda Céleste, inquiète.
- Promis.
Les jumelles, pressées de retrouver leurs draps chauds, se sauvèrent dans leur chambre.
- Et j’en connais un aussi qui va faire un gros dodo ! chuchota Valentin à sa femme.
Il portait un Raphaël qui dormait à poings fermés.
- Il a été sage ? s’informa la jeune femme.
- Oh oui ! Il a juste un peu pleuré ce matin, mais il a vraiment été adorable le reste de la journée.
Gabrielle caressa les cheveux blonds de son fils avec un sourire. Celui-ci ouvrit lentement ses petits yeux noirs et, avant de les refermer, murmura un seul mot coupé par un bâillement :
- Ma…man…
- Je sens que ma relation avec Raphaël s’améliore, expliqua Valentin à Gabrielle, dès qu’ils se couchèrent. Bon, ce n’est pas encore ça, mais on a fait beaucoup de choses ensemble aujourd’hui, tu vois. On a eu des petits moments de complicité que je n’avais jamais eus avant avec mon propre père. Et ça m’a fait un bien fou !
- Tu vois, je t’avais dit que ça viendrait avec l’âge ! Quand il sera ado, il ne parlera plus qu’à toi, et il me délaissera !
- Oh, tu n’exagères pas un peu là ?! Enfin, on verra bien… En attendant, si on reprenait ce à quoi les jumelles nous ont interrompus ce matin ?
Le lendemain matin, quand les enfants Levesque se réveillèrent, Valentin était parti travailler depuis bien longtemps. Gabrielle avait pris une journée de congé pour s’occuper de sa progéniture, et passer du temps avec elle.
Quelle fut sa surprise lorsque Raphaël se réveilla et se rendit compte que son père avait disparu ! Il avait pleuré amèrement et hurlé, horrifié :
- Paaapaaa !
Mais non ! Ils finissent quand même ensemble ! (d'ailleurs si ç'avait pas été le cas... hum tu sais que les lecteurs peuvent avoir des réactions violentes de temps à autre... mwehehe) Bon et donc, moi j'en ressors dégoulinante de bons sentiments. Mes pauvres collègues qui commençaient juste à se remettre de mon comportement suspect de tout à l'heure vont avoir droit à une autre couche. J'leur dirai de porter plainte contre l'habitante d'une théière, ils me passeront encore plus vite la camisole comme ça.
Et ce petit Raphaël. Un vrai petit monstre. Fautes les matter ces bestioles-là ! Non mais XD En voila encore un qui ne pourra pas se passer de sa mère. Mais là encore, on finit sur une note positive (oui, je me dis que finalement les happy end, c'est pas si mal que ça ^^) avec le garnement qui commence à s'attacher à son père. Et là, j'ai envie de sauter sur le gars qui est en train de distribuer le courrier. Faut pas que je cède, faut pas que je cède, faut pas que je cède... Fiuu il est parti, je vais plutôt aller traumatiser mes collègues donc...
Qu'est-ce que je disais ? Oooh mais je viens de réaliser un truc terrible... J'ai fini le 36. J'ai fini... Et je verrai plus ni Gabrielle ni Valentin... Et une petite suite avec de méchants terroristes qui menacent de déménager la fefelle pour la mettre sur l'Arc de Triomphe, hein ? Ca serait une occasion de remettre notre couple ensemble sur une affaire ? Non ? Et un enlèvement de la pyramide du Louvre par des Extra-terrestres venus étudier le mode de reproduction des grenouilles ? Toujours pas ?
*regard larmoyant*
Mwooo et j'ai fini... C'était vraiment un très (très très très) grand plaisir de découvrir ta plume. Je sens que d'ici peu je vais revenir vers tes textes, d'autant plus que j'ai vu que c'est pas ce qui manque. Donc voila. Merci à toi pour ce chouette moment de lecture !!! Merci !!!
Boah, Raphaël, il a un air comme ça, un air un peu à la Valentin, mais il est doux comme un agneau, oh que oui ! ^^
Et sinon, écoute... *tend un énième paquet de mouchoirs* Je sais bien qu'il y a plein de mini-suites possibles au 36... Tant du côté de la Crim' que de la Protection des Mineurs où bosse Val'. Des idées sont bien marrantes... la Tour Eiffel sur l'Arc de Triomphe ! XD XD XD Non, mais je crois que le mieux pour moi et le 36, c'est d'en rester là. :) Puis ils ne sont totalement pas partis puisque ce seront eux qui donneront le fin mot de l'atelier polar de Xay. ^^
Merci surtout à moi Sej, tu as été une lectrice formidable (et pas difficile xD), et tu m'as beaucoup gâtée. À ta guise de revenir autant que tu le souhaites. ^^ Y'aura toujours une assiette de cookies dans le coin pour toi. ;)
Gros gros gros bisous, et encore merci ! T_T
Bon, à part ma vie, qu'est-ce que je peux dire ? Que j'ai adoré ? Et si on commençait par là ? ^^ Ca se lit tout seul et on se laisse rapidement entraîné, moi je dois bien avouer que je ne me suis pas ennuyée une seule seconde, à part peut-être quand je voyais le nombre de pages défilé, annonçant la fin tant redoutée, 'Fin quand même, 495 pages sous Oppen office, c'est une longueur raisonnable, mais il n'aurait pas fallu que ça soit plus court, sinon Fla-Fla pas contente ^^ <br />
Pour l'histoire en elle-même, elle est "simple"(dans le sens pas de grand méchant qui veut dominer le monde ou de groupuscule anarchiste, d'extra-terrestre ou autre quoi ^^) mais comme je l'ai déjà dis, on ne s'ennuie pas ^^ Tiens au fait, pour le coup des marches à monter au quai des orfèvres, c'est véridique ou c'est un nombre comme ça ? Parce que moi, rien qu'à les imaginer les escaliers, ça me décourageait pour Gab xD En plus en talons aiguilles, elle est folle ou quoi ?! Et vi, Fla-Fla ne met jamais de talons aiguille et Fla-Fla n'imagine pas qu'on puisse grimper plus de deux marches avec des talons. <br />
Sinon, on passe tout de suite à Valentin hein ^^ (D'ailleurs, j'ai connu un Valntin, mais à part les cheveux blonds, il n'avait aucune ressemblance avec celui de ton histoire, encore heureux pour Gab d'ailleurs xD) Dis moi, c'est pas un peu le garçon idéal ? 'Fin en tout cas, vu comment il se comporte avec Gab ? Un truc qui m'a fait sourire un bon moment, c'est que ça soit lui qui veuille un bébé et pas Gab, moi, généralement, les couples que je connaît ou quand on m'a raconté, c'est plutôt le contraire ^^' Et pis comment il s'acharne limite à être gentil avec elle XD Ca tient de l'héroïsme, non ? Un autre truc qui m'a fait rire, c'est ton dernier extra quand il est avec Raphaël, là aussi il s'acharne ^^ 'Fin il a quand même eu du mal à penser que peut-être, il fallait demander Gab en mariage avant de faire le bébé, heureusement que Berthier était là sur ce coup ^^ (Aussi pour les punaises de la fête foraine d'ailleurs, moi je me serais laissé avoir ^^' Expérience personnelle pour ça ? ^^)<br />
Ho, un truc qui n'a rien à voir mais qu'il faut que je dise, mais qu'est-ce que vous avez avec les Colin ? D'abord Aaricia et maintenant toi TT.TT (quoique normalement l'ordre, c'est l'inverse mais bon, chipotons pas hen ^^). En plus, j'ai un petit cousin qui s'appelle Antoine Colin (sauf qu'il ne doit plus être si petit que ça) et il est super gentil adorable et tout et tout, pas un violeur et tueur en série TT.TT Mon ptit toitoine, elle est méchante la Cloclo, elle veut salir ton nom TT.TT <br />
Hum hum... Revenons à quelque chose de plus sérieux, ça va être dur, je sais. J'ai beaucoup aimé la deuxième scène de demande au mariage, avec tout le monde qui court après Gab, je l'imaginais déjà courant à travers tout Paris avec le troupeau derrière elle xD T'aurais pas dû laisser Val la rattraper là, ça aurait été drôle de voir jusqu'à où elle pouvait aller, suivit par tous les flics xD Il y a plusieurs scènes comme ça qui m'ont fait rire mais je ne m'en souviens pas assez pour te les énumérer, je crois que j'ai trop lu et trop rapidement en trop peu de temps pour vraiment faire en commentaire qui parlerait de tout, désolée ^^' C'est ça quand ça me plaît trop (Vi vi, j'ose essayer de rejeter la faute sur toi, aucune honte et fière de le faire ^^). <br />
Ba sinon pas grand chose à dire, j'ai beaucoup aimé cette romance parce qu'on voit comment ils se tournent avant, après comment tout évolue et même jusqu'au mariage et après les enfants (et le divorce, bouh ! J'ai j'ai vu le titre je priais limite pour que ça soit d'un autre couple dont tu parles. Ca ne va pas de faire des frayeurs pareil ? Et le pire, c'est que je suis sûre que tu n'as même pas l'ombre d'un remord. <br />
'Fin voilà, j'ai fait à peu près le tour de ce dont à quoi j'ai pensé, 'Fin, il se peut que d'ici à ce que je retrouve internet, je rajoute des trucs ^^ Pluchouille ! ^^<br />
Edit : He ba nan, finalement, je rajoute rien, mon frère à tout réparer trop vite xDReponse de l'auteur: Bon. Bon. Je me lance. xD
Commençons par le début : MERCI FLAMMENKUCHE (j'ai définitivement adopté ce surnom vachement original (c'est Diabo qui l'a trouvé, c'est bien ça ?)) pour ta looooongue reviews (ah si seulement je pouvais en faire des comme ça...). Heeey ! Comment veux-tu occuper tes vacances si tu lis tout d'un coup ? Ce sera plus drôle après ! xD Enfin, je suis quand même touchée, je te le cache pas. ^^ N'empêche, 495 pages...O_O Okay, j'avais pas pensé "autant"... XD (ton imprimante a-t-elle survécu ? xD).
Bref, passons à l'histoire...je te jure, Flammenkuche, sur Jazz (ma peluche), sur mon neveu, que j'ai pas menti sur les escaliers du quai des orfèvres. Il y'a VRAIMENT 148 marches à grimper pour arriver à la Crim (c'est bien 148 que j'avais écrit, hein ? xD). C'est une courageuse Gabrielle, elle n'a pas peur pour ses petons (ils en ont vu d'autres, tu parles xD). D'un point de vue perso, je trouve que Val peut être idéal au niveau du physique (vi, c'est un homme à fantasme quand même xD) mais au niveau du caractère...faut le supporter quoi (je sais pas si je pourrais...).Mais bon, en dépit de ses airs de macho, c'est un mec bien (et y'en a pas beaucoup en ce bas monde xD).
Ouais, alors, si tu vas à la fête forraine cet été, attention ! Pour péter les ballons, punaises côté pointe, et pour péter les élastique, punaises côté plat ! xD J'ai pas testé moi-même, mais une amie s'était faite arnarquer, et c'est qu'après que mon père lui avait donné l'astuce (ça se trouve ça marche pas XD, mais bon, je pense qu'il y'a plus de probabilité de réussir avec les punaises côté pointe (sinon, ça rebondit)). Mais bon, l'élastique, c'est fin en général, et pour viser c'est pas top. Voilà, c'était l'Astuce Clo du jour. xD
Ouais, ben, pour Antoine Colin, je suis DESOLEE pour ton petit cousin (désolée Antoine Colin, puisses-tu ne pas suivre les traces de mon Antoine Colin) mais les noms c'est vachement dur à trouver. Celui-là m'est passé par la tête, et tant pis, j'allais pas me casser la tête plus longtemps pour un personnage tertiaire. XD
Tu veux que je te dise ? Si Gabrielle avait couru jusqu'à Dijon (théoriquement impossible, mais bon, ses petons en ont vu d'autres hein, comme je disais plus haut), tu as raison, la Crim' l'aurait suivie. Une pour tous, et tous pour une ! XD (Nan mais t'imagines le 36 passer le péage de l'autoroute toi ? XD XD XD MDR).
T_T Mais t'as pas le droit de m'empêcher d'être sadique, déjà que je le suis pas souvent hein ! (C'est vrai, je me suis très assagie depuis le temps ! xD Contrairement à toi xD). Et non, pour ce qui est du divorce, non, je n'ai pas de regrets. Pourquoi en aurais-je ? xD *sort*
Bref, me voilà enfin arrivée au bout de cette reviews. XD Encore merci de m'avoir lue et commentée. Je te fais de gros poutouuuuuchka ! Mouwaaaks !
^^ Ah c'était super bien. :O Encore une seconde et j'étranglais cette p****** de mes propres mains, grumpf.
Reponse de l'auteur: Merci ma Sunny d'amour ! J'suis très très contente que ça t'ait plu (je l'adore aussi cet extra, franchement) xD
Je te fais de gros bisous bisous bisous pour la dernière fois sur cette fic ! Mouaks !