Chapitre 18

Le fantôme de l’Opéra eut plus de réflexes que le jeune homme et se servit de son lasso pour faire tomber l’assaillant le plus proche. De nouveau coup de feu retentir dans la grande salle. L’inspecteur Toussain se servait de son arme avec précision, car plusieurs corps avaient rejoint l’autre. Le détective se dit qu’il était aussi temps de faire usage du pistolet qu’on lui avait confié. Il tira sur un individu qui se précipitait vers lui et le manqua. Le gredin saisit Thomas à la gorge, le fit tomber, et tenta de l’étrangler. Ce dernier tira une seconde fois, sans le rater cette fois-ci. Il faut dire qu’à cette distance, le canon pointé sur le ventre de l’homme, il était dur de le louper. Alors qu’il tentait de se dégager du corps qui reposait sur lui, un bruit de billes qui roulent se fit entendre. Des dizaines de petits globes s’éparpillèrent partout dans la grande cavité.

— Érik ! Belphégor !

Avec tous les échos du vacarme qui régnaient, il n’était pas sûr qu’il l’ait entendu.

Il prit une grande inspiration alors que le gaz soporifique commençait à se répandre. Le chahut se calma au fur et à mesure que les hommes tombaient endormis. Thomas poussa le corps et sortit un mouchoir de sa poche afin de le plaquer sur le visage, ne pouvant retenir son souffle plus longtemps. Érik était encore debout, la cape plaquée contre son visage. Il observait les alentours à la recherche d’éventuels humains encore vaillant. Mais plus personne ne bougeait. L’inspecteur Toussain était également évanoui au sol.

— Érik, il faut les ligoter, désamorcer la bombe et remonter rapidement à la surface ! L’homme au béret n’est pas là ! Belphégor, montre-toi !

Sans se faire plus prier, le fantôme fit son apparition, toujours comme s’il lévitait au-dessus du sol. Thomas le remercia pour son intervention. 

— Remontez à la surface, je m’occupe de ceux là, déclara-t-il fermement.

Dans l’urgence de la situation, Érik et le détective ne trouvèrent rien à y redire. Le fantôme de l’Opéra donna plusieurs morceaux de corde à son compère du Louvre afin de pouvoir immobiliser les bandits. Puis ils filèrent à toute vitesse.

Courir pendant un petit laps de temps était une chose, courir sur une longue distance pour arriver près de la place des Invalides, se révéla un exercice très difficile pour Thomas. Son cœur battait tellement fort qu’il croyait qu’il allait sortir de sa poitrine. Ses poumons le brulaient. D’énormes gouttes de sueur perlaient sur son front. À plusieurs reprises, Érik le saisit par la main pour le forcer à avancer. Beaucoup de monde regardait cet étrange duo, ce qui mettait le fantôme d’autant plus en colère.  

La foule de badauds se rendait sur la place des Invalides qui était déjà noire de monde. Quelques policiers en uniformes patrouillaient, mais rien ne laissait penser qu’il y avait un dispositif important de sécurité.  

— C’est vraiment des branquignols ! Il faut faire quoi pour qu’ils se remuent l’arrière-train ? Pesta Thomas

— Faire tomber un lustre sur la foule, souffla le fantôme.

Le jeune détective le regarda avec une expression d’horreur.

— Il faut toujours des drames pour que les autorités se mobilisent. Sans ça, ce ne sont que de banals incidents.

Il n’avait pas tort, mais l’heure n’était pas à la parlote. Il fallait trouver le commissaire au plus vite, car l’inauguration n’allait pas tarder à commencer. Il n’y avait aucune trace des brigades du Tigre.

La foule agglomérée donnait toutes les peines du monde à progresser. Au bout d’un moment, impossible d’avancer plus près de la tribune qui allait servir au président de l’exposition pour faire son allocution. Les officiels commençaient déjà à s’y installer. Thomas distingua le commissaire au coin de la scène, scrutant la foule d’un air ennuyé. Il essaya de l’appeler et de lui faire signe, mais c’était comme si une herbe bougeait dans une botte de foin…

Sans crier garde, Érik saisit le jeune garçon et le porta sur ses épaules en lui ordonnant de tirer des coups de feu. Ça disperserait la foule et attirerait forcément l’attention. Les réactions ne se firent pas attendre. Dès que les premières détonations retentirent, des hurlements leur succédèrent et un mouvement de foule s’initia. Le fantôme remit le jeune homme au sol et le poussa vers l’avant pour qu’il gagne la tribune. Se frayer un chemin contre le flot du courant ne fut pas simple, mais il réussit à rejoindre le commissaire qui supervisait la mise à l’abri des officiels.

— Arrêtez-le ! hurla-t-il lorsque le détective arriva dans son champ de vision.

— Quoi ? Mais vous êtes malade ?

— Ha oui ? Et tirer sur la foule, c’est être quoi à votre avis ? grogna-t-il pendant que deux hommes se saisissaient de Thomas.

— Mais il faut évacuer ! Il y a une bombe sous la place et envoyer des renforts à l’inspecteur Toussain !

— Pfff, on va envoyer quelqu’un voir ce qu’il se passe en bas, et refouiller les Invalides.

Pendant que le détective était toujours immobilisé par les agents, il scrutait la zone à la recherche de quelconque indice. Et aussi d’Érik qui avait disparut.

La place s’était considérablement éclaircie et les policiers tenaient la population éloignée.

C’est alors qu’il le vit. L’homme au béret était là, au milieu des invités, vêtu de façon très élégante, il semblait suivre un autre homme qui de toute évidence était quelqu’un de haut placé.

— C’est lui ! hurla Thomas en le fixant du regard. Il est mêlé à l’affaire !

Il dégagea un de ses bras et le pointa du doigt. Le commissaire le suivit du regard et fit signe à un de ses hommes d’aller se renseigner.

Voyant un policier se diriger vers lui, l’homme au béret s’enfuit en se jetant sous l’estrade. Le jeune détective voulut le poursuivre, mais une main le saisit, le tira en arrière et le recouvra de sa cape. À peine cela fait, une violente explosion retentit pulvérisant la scène. Sous le choc, Thomas, blotti dans les bras d’Érik, fut projeté en arrière.

Le jeune homme dû s’évanouir un moment, car il rouvrit les yeux plusieurs instants après la déflagration. Il était toujours contre le fantôme de l’Opéra qui semblait lui aussi inconscient.

— Érik ? Érik ?! 

Il avait envie de pleurer, il retenait un sanglot dans sa voix. Le fantôme ne lui répondit pas, mais il le serra fort contre lui pour le rassurer. Il finit par le repousser doucement pour qu’ils se relèvent. C’est seulement à ce moment que le jeune homme entendit les cris d’horreurs de la foule. Il se dégagea de sous la cape et vit le chaos qui régnait, comme à l’Opéra il y a plusieurs semaines. Comme si la première explosion avait été une répétition. L’estrade était en miette fumante. Des corps déchiquetés et en sang jonchaient le sol à proximité de là où elle se trouvait une poignée de seconde plus tôt. Les policiers qui cerclaient la tribune avaient été les premières victimes. Le commissaire se relevait péniblement, repoussant mécaniquement un bras arraché qui trainait sur son épaule. Il regarda autour de lui l’air hagard. Les premières sirènes se firent entendre parmi le vacarme des cris. Les hommes du service de sécurité qui entouraient la place essayaient de canaliser la foule et d’accéder à la zone afin d’aider les survivants.

Thomas regardait la scène, complètement pantois. Il se retourna pour trouver du réconfort auprès d’Érik, mais ce dernier avait disparu. Aucune trace de lui aux alentours. Au loin, l’inspecteur Toussain courait dans sa direction suivie de plusieurs hommes.

— Que s’est-il passé ? demanda-t-il lorsqu’il fut à la hauteur du jeune détective.

— L’homme au béret… sous l’estrade… explosion, balbutia ce dernier.

— Vous êtes en état de choc. Venez, ne restez pas là.

Toussain emmena Thomas vers un policier et lui ordonna de le conduire à un point médicalisé. Après que le médecin l’ai examiné superficiellement, le détective décida de rentrer chez lui. Il n’était plus d’aucune utilité ici de toute façon. Il avait lamentablement échoué pour éviter le drame.

Tout en regagnant son bureau en trainant des pieds, Thomas ressassait les derniers événements pour savoir ce qui avait cloché dans son entreprise. Il avait pourtant des pistes, des preuves, il avait informé les autorités… Ils ne l’avaient pas cru. Sa déception était immense.

Monter les escaliers vers son bureau se releva un vrai supplice. Alors qu’il approchait de la porte, celle-ci s’ouvrit brusquement et il la mangea en pleine face. Sous le choc, il tomba à la renverse et dégringola dans les escaliers. 

— Thomassine ! hurla son père en se jetant derrière elle pour la rattraper.

Complètement engourdie après sa chute, il fallut quelques instants à la jeune femme pour se relever et regagner sa chambre avec l’aide de son père. Ce dernier assit sa fille sur le lit avant de lui servir un verre d’eau.

— Que s’est-il passé ?

Encore tremblante, elle commença à raconter à son père les derniers événements de façon inconstante et lacunaire.

Elle lui fit part de ses interrogations et de sa déception face à ce qui venait de se passer. Elle n’était pas sûre de vouloir continuer.

— Donc tu veux arrêter parce que tu as subi un échec ma puce ? 

Elle hocha la tête en répondant qu’elle ne savait pas trop. Mais tous ces morts… Avait-elle les épaules pour de telles responsabilités ? 

— Écoute, Thomassine, tu te souviens quand tu as appris à faire du vélo avec ton frère ?

Elle hocha de nouveau la tête. Comment oublier les innombrables gamelles et bobos.

— Combien de fois as-tu échoué avant de réussir à pédaler correctement, et à prendre les virages ?

— Papa, personne n’est mort parce que je tombais de vélo !

— Non, mais tu as recommencée, encore, et encore ! Ta mère était horrifiée de l’état de tes genoux à la fin de la journée. Et combien penses-tu qu’il y aurait eu de morts, si comme tu le dis, le sol sous la place des Invalides s’était effondré ?

Elle ne répondit pas.

— Tu as fait ce que tu as pu. N’oublie pas que c’est ta première enquête ! Tu n’as pas commencé par le plus simple !

— Oui, mais j’avais les informations papa ! On aurait pu les arrêter ! Mais ce crétin de commissaire n’a rien fait !

— Tu auras toujours des gens qui ne t’écouteront pas. Surtout s’ils sont, ou se considèrent, supérieurs à toi. Les gens de pouvoir sont toujours méprisants envers les « sous-fifres » qui se montrent compétents, ou contre ceux qui sont différents. Tu auras toujours à te battre pour montrer ce que tu vaux ! D’autant plus que tu ne fais pas partie de leur monde. Mais ne renonce pas ma fille ! Tu as très bien fait, et seule en plus !

— Ou pas… grommela-t-elle dans sa barbe.

Elle n’était pas convaincue par le beau discours de son père. Elle avait l’impression d’être une élève en train de se faire remotiver par son professeur.

— Tu as eu de l’aide ?

— Oui… un peu… par l’inspecteur Toussain, des brigades du Tigre…

— Et tu ronchonnes ? Un inspecteur des brigades ! Rien que ça…

- Ouais enfin… Il est noir et je pense que ses collègues essaient aussi de l’évincer.

— Haaaaa, on en revient à ce que je te disais ma chérie. Quand tu es différent dans ce monde, c’est plus dur. La discrimination de sa couleur date depuis très longtemps et a, hélas, de beaux jours devant elle… Il faudra qu’on remercie ce monsieur.

Elle hausse les épaules.

— Bon, je crois qu’il est temps de rentrer.

Elle acquiesça. Lucien quitta le petit appartement pour lui laisser le temps et l’intimité dont elle avait besoin. D’un geste lent, elle retira sa perruque et laissa tomber sa longue chevelure brune sur ses épaules. Elle s’observa dans la glace. Ses traits étaient tirés, ses joues rougies et son regard triste. La présence de sa moustache blonde lui donnait un air étrange, très androgyne. Elle pensait qu’en devenant Thomas, elle serait plus crédible. Finalement, ce n’était pas si simple. Ce n’est pas le sexe, qui lui bouchait toutes les portes, mais la fausse infériorité induite par celui-ci.

— Tu n’as pas à t’en vouloir, lui dit une voix.

Elle se retourna et aperçu Érik derrière le paravent. Elle arracha sa moustache avant de prendre la parole.

— Vous êtes es là depuis longtemps ?

— Peut-être.

Elle fit une moue devant cette réponse laconique. Il semblait être un expert pour répondre à moitié.

— Tu devrais retourner voir cet inspecteur Toussain, reprit-il.

— Pourquoi ? S’étonna-t-elle. L’enquête est finie Érik.

— Allons Thomas. Elle ne fait que commencer. Ces gens étaient très organisés, et suffisamment soutenus pour se trouver sur l’estrade. Il ne s’agit pas d’un petit groupe d’illuminés, mais à une entreprise construite, financée et bien organisée.

— Vous pensez que d’autres événements vont se produire ?

— Ils vont se faire discrets, le temps de se remettre sur pied. Mais je suis persuadé que nous n’en avons n’en a pas fini avec eux.

— Nous ? Vous  restez avec moi ? Vous ne retournez pas sous l’Opéra ?

Il y avait une pointe d’excitation dans sa voix et un sourire se dessina sur son visage.

— Je ne vais pas t’aider dans tes petites enquêtes pour remplir ton temps libre, mais quand tu auras besoin de moi, je serai là.

— Merci Érik.

Et comme à son habitude, il disparut dans un mouvement de cape.

Elle se regarda encore un moment dans la glace et se sourit.

FIN

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Miss Harmonie
Posté le 24/01/2021
Voilà, j'ai fini la lecture.

Je vous invite à aller voir sur mon blog mon article sur votre histoire.
Partagé le si cela vous plaît, commentez si vous le souhaitez.
SalynaCushing-P
Posté le 24/01/2021
Bon, je vais aller voir cela ;) En tout cas vu à la vitesse où ça a été lu, j'espère que ça t'as plu !
Miss Harmonie
Posté le 24/01/2021
Bien sur que ça m'a plus.

C'était une bonne lecture.
Zig
Posté le 19/08/2020
Et voilà donc la fin !

Je pense que je ne vais pas répéter tout ce que j'ai déjà dit. Le travail a des défauts de structure à retravailler : les personnages ne sont pas assez présentés, leurs liens pas assez travaillés, et certains apparaissent comme un cheveu sur la soupe avant de disparaître. L'intrigue de l'enquête va aussi très vite et on ne comprend pas tout. L'antagoniste principal est trop flou, et gagnerait à être plus caractérisé. Enfin, attention : des notions telles que "personnes de couleur", "discrimination", etc. sont des concepts très modernes qui n'existent pas du tout à l'époque... la conscience de la différence est encore loin d'avoir vu le jour, et on en est encore à exposer des personnes différentes dans des cages, pour faire des zoos humains lors de l'Exposition Universelle... (ou des Freaks show).

Mes conseils : Développent la description de tes lieux ! Tu as de superbes endroits de Paris alors prends des photos, et prends le temps de nous les donner à voir.

Pose toute ta trame actuelle sur papier et vois comment tu pourrais l'augmenter, et la ralentir. Tout va très, très vite.

Rédiges des fiches personnages pour mieux les cerner, mieux donner à voir les caractéristiques physiques et morales.

N'hésites pas à créer des chapitres qui te permettront d'accompagner lea lecteurice, de lui faire comprendre ce qui se passe et les liens entre chacun.

Enfin : prends ton temps. Tu as un bel univers, très fort en imaginaire, avec des personnages intéressants et une intrigue qui a du potentiel. On sent aussi des thèmes qui te tiennent vraiment à cœur et qui transparaissent, mais que tu dois compléxifier et replacer dans l'époque que tu as choisis.

Je pense que tu dois te documenter davantage, aller lire des articles, voir des reportages, éventuellement même écrire à des spécialistes ou assister à des colloques... c'est toujours le soucis avec les romans qui prennent place dans un temps historique ancien (même s'il est volontairement fantasmé et un peu surnaturel) : il faut éviter les anachronismes et c'est dur ! (exemple : à voir pour le vélo... je ne suis pas sûre que ce soit encore très démocratisé, surtout pour les femmes).

En bref : BON COURAGE pour ton travail de correction et de réécriture. C'est un beau projet alors poursuis-le ! Et bonne chance !
SalynaCushing-P
Posté le 19/08/2020
Merci pour tout tes commentaires tout au long de ce récit. Il me "travaille" depuis un moment, je vais prendre le temps de bien le retravailler (ou du moins essayer). Surtout que spoiler (ou pas) : j'ai déjà commencé à écrire une suite ;)
En fait je prévois quelques chose en 5 tomes (donc aussi la raison pour laquelle je vais pas "finir" totalement ce premier volume, car je veux homogénéiser le tout) ;) Voila voila !
En tout cas merci beaucoup, Je n'imaginais pas qu'il y ai du potentiel dans ce texte.
En tout cas j'espère que tu as passé un bon moment malgré tous les défauts qui le parcours.
Zig
Posté le 19/08/2020
Evidemment que j'ai passé un bon moment, sinon je n'aurais pas pris le temps de lire et commenter ♥

Bonne continuation pour le tome 2 **
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