Chapitre 18: Le passé de Medgardt: Rose du Plaisir

Le printemps cueillit Medgardt le nez en l’air.
Plus confiante en lui dans sa mission de Conversion Extatique, Mélisse le sollicitait de plus en plus pour faire briller la Lumière, juste entre deux prières. En plus des livraisons du Rallumeur de Lumières, il avait ainsi eu la mission de convaincre plus profondément quelques habitués dans leur foi. Pas à pas, il avait étendu son charme dans leur cœur aux prises avec les Ténèbres qui ne croyait plus en rien, sans toutefois pouvoir pleinement en profiter : il fallait aller parfois vite.

Ça avait commencé dans la fin de l’hiver, lorsque le soleil avait enfin osé vivre de façon moins chétive. Le bruit des gens, serpentant comme un vent fleuri dans la Voie Royale, avait commencé à se faufiler au ras du sol entre les jambes et faire flamboyer leurs appétits.

 

 

Il ne s’agissait plus d’un plaisir à l’occasion dans une rue sombre ou d’une fornication tapageuse s'échappant d'une fenêtre. Non, on sentait le bruit de la vie, tissé dans l'extase, constant entre deux éclats. Toute personne pressentait, encore plus Medgardt, qui l'avait un jour entendu. Grimpant sur la façade, il lui avait effleuré les joues. Depuis les petites lucarnes du Sanatorium, avait percé le premier butinement d'une ruche qui ne saurait se faire refréner. Dès lors, il ne l’avait plus quitté, le faisant certains jours de foultitude de Conversions. Cette perception grisante le chatouillait.


Les coins et des pourtours de certains Pratiquants lui étaient devenus aussi familiers que son corps dans le plus simple appareil. Le dehors était devenu quelque peu moins assoupli ces derniers temps, les emmanchures du plaisir plus raides. Ces Conversions, hâtives qu’elles étaient pour certaines, lui permettaient cependant de toucher du bout du doigt les maux de la population qu’il n’avait encore pu qu’effleurer dans le jour plein et lumineux, le dehors bruissait un peu moins de vie. Par la Croix de Saint Endreiz et de Déesse Ogra, il était de sa mission qu'il ne s'abaisse pas autant.

 

La Conversion qu’il préférait en dehors du Rallumeur était celle qu’il faisait chez Madame Rose. Il n’aurait su dire si elle s’appelait vraiment Rose car c'était un surnom de gens du Haut-Monde. Néanmoins, ceux du Bas-Monde l'appelaient ainsi en signe de respect. Son sourire goulu avait des airs vibrants d'excitation, cela faciliterait la Conversion et c'était très bien.


À chaque fois, elle le faisait patienter dans un hall gigantesque, près de sa Pièce, Rose du Plaisir, l’œil perdu dans un océan rose : les parois, les guéridons, les bergères et les canapés roses, le grand escalier rose. Tout ici l'était, jusqu’à la nuisette en soie très évasé de décolleté de l'opulente Rose.
Après quelques minutes de gémissements sourds et ininterrompus dans la Pièce à côté, elle en sortait et comme salutation, elle lui donnait une pastille à la rose d’une boîte au couvercle de fer blanc. Puis, elle s'éloignait et revenait les mains chargées d'objets divers ainsi que d'un coffret de petits gâteaux briochés aussi moelleux que sa poitrine. Il refusait toujours, par politesse et par une grand implication dans sa mission, et l'instant d'après, convaincu par le charme généreux, il changeait d'avis. Alors il acceptait, bredouillant toujours un remerciement, la bouche pleine de brioche et de gros grains de sucre. Rose se dirigeait donc vers sa Pièce et, une fois dans l'Embrasure, tombait les apparences, l'invitant à y entrer. Il déglutissait et s'érigeait alors vers elle.


Elle le fit asseoir sur un sofa tantrique fuchsia, laissant un goût de rose sur ses lèvres et, une fois au dessus de lui, y replongea avec délice. Ce jour-là, en revenant de chez Madame Rose, l’excitation faisait néanmoins bruisser la rue plus fort que d’ordinaire.

 

 

Le temps d'un moment minuscule, personne ne bougea, les lèvres dans une même étreinte. Puis, ils se regardèrent. Deux minutes plus tard à peine, ils étaient l'un dessus l'autre, sans vraiment être entré dans l''intimité pour l'instant. Medgardt se trémoussa quelque peu sur le sofa et elle comprit qu'il voulait s'approcher de ses deux lourdes poires juteuses. Il les tint vite dans ses mains épaisses et s'en occupa longuement. Léchant tout le sucre qui perlait. Titillant parfois les deux pralines roses avec application. En se penchant de nouveau, elle mordit délicatement l'oreille Medgardt manqua d’avaler tout rond ses reliquats briochées. Elle lui susurra un soupir l'air de dire :


— Prépare-toi, je vais m'occuper de ton Rossignol Chantant, mon Medgardt !

Son Rossignol fut pris à pleines mains et rougeoya de plus belle. Cette nouvelle produisit un courant électrique, parcourant son entrejambe, entre deux tintements de plaisir.
Son Rossignol Chantant vibrait de plus en plus au vue du travail d'experte que faisait la Maîtresse de Maison. Elle s'abandonna pour un temps à celui-ci pour lui déposer des baisers tout autour tel un vol de papillons, lui titillant en alternance sa peau leste qu'il avait à cet endroit. Le Rossignol ne s’appelait plus vraiment le Rossignol à présent. Il était frétillant dans son envergure et pas vraiment tiré à l'extrême par la tension. Il tiendrait. Tout le reste était encore à faire.


Que l’on soit riche ou pauvre ou entre les deux, le plaisir était le même et chacun pouvait un jour avoir du plaisir dans le Rossignol. Se tenant bien, ils se mirent dans un position inversée l'un de l'autre, sur le sofa tantrique et, tête-bêche, il se tint en effet à explorer le secret du Monde. Cherchant de la nouveauté, elle l'avait mené dans ses Terres Basses où il s'appliqua sur ses cuisses puis sur le Bouton de Rose. Tel un bourdon butinant tout le miellat. Il lisait de plus en plus profondément sur la surface de ce Désir, derrière l'érection, ne se fiant pas à ces apparences.
Nul ne se risquait dans les régions qu'il eut à explorer. Cependant, ce fut de l'extase pure.

 

Medgardt demeura un moment dans cette voie, subitement emplie de chaleur engourdie, devenue le point du Monde. Ses rumeurs léchouillantes s’ éteignirent toutes d'un coup. Avec un goût de Rose sur la langue, sa crinière crépue retenue et sa tête relevée par une main féminine. Madame Rose se remit dans la même position que lui. Sa lourdeur faisait vibrer son ventre. La femme pulpeuse mit la main sur son Rossignol, posant son œil coquin dans son regard masculin. L'entrée fut plus rapide que les autres et son excitation contrôlée fut accueillie d'un gémissement de plaisir. Plus grande était l'extase, ils se tenaient, d’une chaleur à l’autre, entre deux univers.


Il rentra de nouveau dans le tendre magasin de douceurs en traînant, le visage pincé de désir. Ce fut une chevauchée fantastique pendant un moment d'éternité.
Elle se retira sur le seuil et replongea abruptement. Ce fut une véritable explosion de sens. Son Rossignol Turgescent avait été rapidement englouti par la nuit. Au dehors, il y avait plein de printemps et, tout allait dans le sens de la Vie, il était en harmonie avec elle. Medgardt eut à peine l’écho de cette pensée et elle se fit éjectée par une autre, accrochée à son entrejambe. Près d'une demi-heure plus tard, elle s'extirpa un instant, cela lui avait provoqué une vague charnelle. Quelques secondes d'infini plus tard, il ne faisait presque plus qu'un, les deux centres à l'unisson à l’abri de l'Extérieur, dans un point précis. Debout, ils étaient abandonnés tout au fond de cet ailleurs.


Après cette longueur extatique, Medgardt hésita un moment. Elle lui semblait plus rêveuse, attendant quelque chose d'autre. Pourtant, pleinement dans ce moment. Vu qu'elle commençait à jouir. Le reste, ce vide d'attente, ne lui parvenait pas précisément pour savoir ce que c'était. Cela conférait assurément à cet éclat dans ce regard une aura d’importance.
Sa curiosité fut comblée par derrière. Il se pencha vers elle pour lui donner un baiser, le Rossignol toujours entrant et ressortant. En tâchant d'être le plus efficace possible, il entendit une porte couiner et le bruit d'eau qu'il avait entendu un minute avant s'arrêter. Alors, il vit quelqu'un arrivait.
Derrière lui, un homme, à la peau brune, entre clair et obscur, s'avançait. Medgardt n'aperçut que le profil. De taille et de stature hautes par rapport à lui, il ne se distinguait que sa nudité, à la chevelure noire mordorée et satinée. Il s’immisça d’un coup juste derrière lui et, peu surpris, l'accueillit avec bonheur. Encore plus que lui, sa voix était plus rauque que la tonnerre.


— Ça te va ? Pas trop choqué ? Tu m'y dis si j'y vais trop fort.


L'homme, hors de vue, il sentit quand même son sourire sur sa nuque.


— Je crains que ce ne soit pas assez pour l'instant.
— Madame Rose, c'est vrai que c'est un gros pervers, celui-là.
— Je m'étais douté de ce penchant-là. Me voilà rassuré de ce plaisir. Voici mon Obligé, Suarez.


Les gémissements s'intensifièrent de toute part et les secousses aussi.


— Ravi, Suarez. Que c'est gentil ! Vraiment, vous m'avez préparé une surprise ? gémit-il.
— Absolument.Chacun son tour. Tu m'as donné beaucoup de plaisir. À toi d'en éprouver.


Le trio débuta un parcours des plus vivifiants, s'imbriquant au rythme de leurs respirations. La poitrine généreuse tressauta au rythme de leur amour. Elle insuffla de l'énergie.


— Ah ouais ! Allez-y , mon brave. Fouettez le cocher, il n'en a pas peur.
— Et c’est bien naturel. Je vais t'en donner pour ton compte, mon salaud.


Un coup de hanches infime poussa Medgardt à se demander s’il s’agissait là d’une constatation ou d’une insulte. En tout cas, elles étaient toutes les deux exactes.
Ce ne serait trop mérité que de le signifier. À estimer que la graine se faisait féconder et que la vie jaillissait d'une semence fraîche milles fois par seconde. En un exemple, c'était un doux euphémisme. Que tout homme ou toute femme souhaitait s’affranchir les barrières de la convention. Tel un poids trop lourd à porter. Ce n'était pas de l’égoïsme. Si les raisons multiples restaient vacantes, tout concernait la vie et justifiait la manipulation pas trop délicate parfois.
Medgardt se tendit, bouche ouverte comme pour aspirer l'odeur du Désir. L’homme demeura un moment concentré sur sa tâche puis lâcha enfin d’un ton étouffé et fléchi :


— Voulez-vous bien de vous retirer , Maîtresse Rose ? Que je puisse un peu plus m'amuser.
— L'accès est trop infime pour mon petit toutou ? Medgardt, vous saurez vous y prendre ?
— Il s’agit ici de vous, Madame Rose, et d’une histoire du Haut-Monde. Il ne nous appartient pas d'en juger la teneur mais je m'y tiendrais à tendre mon cul bien comme il faut.

 

Madame Rose se retira de notre partie et s'assit au loin, sur une bergère blanche, damassé de roses. Je m'allongeais sur le sofa, de dos. Suarez grogna d’une façon cavalière puis consentit à introduire son Rossignol dans mon Palais des Douceurs. Il débuta nonchalamment.


— J’ose espérer que tu vas tenir le coup.
— Cette condition est plutôt incluse pour votre part. Tenez bon la barre ! Hissez Haut ! Sombrero.

 


C’est à cet instant précis que Suarez décida de pilonner le fondement de Medgardt, la gueule béante. Parvenu à toucher un point sensible, au fond, Medgardt gémit. Le vrai spectacle commençait.
Le spectacle commença à être vite trépidant.


Alerté par ce gémissement extatique, l'homme à la peau cuivrée en profita pour continuer son travail de sapeur-pompier, n'éteignant pas le feu mais le stimulant. Le regard de Medgardt s’agrandit de contentement sans qu'il puisse seulement avoir le temps de fermer la bouche. L'étincelle que Suarez y vit naître alors, le fit sourire de toutes ces dents. Il empoigna sa monture de plus belle, achevant d’emporter dans la douceur de cet après-midi ensoleillé. En l’espace de quelques secondes minuscules, le Monde était absent, comme livide.


— Aaaah !


Suarez s’était approché pour lui titiller les tétons, et Medgardt en conçut une forme de gratitude étrange, qu’il ne comprit pas. Appuyée par la réaction excitée de Madame Rose qui les regardait en se paluchant, sa mémoire se fit sinueuse, entre ses brioches aux gros grains de sucre et les praline rosées. Il eut la sensation, pour la première fois, que son orgasme avait un prix, un prix faramineux.
Il ne trouva tout à coup rien à y redire et attendit par les grands yeux clairs, d'un vert jungle de Suarez. Ceux-ci s’étaient tant assombris de plaisir. Sa voix rauque se fit encore plus basse.


— Le veux-tu ? Encore ?
— Oui…


Medgardt ne se souvenait pas depuis quand il était là, en plein délice, au bord du précipice. Il tint son Rossignol comme pour le faire reluire, le presser pour faire sortir tout son jus. Suarez lui donna tout ce qu'il put et la dernière décharge tonitruante de ses hanches le sublima. Seul l’écho de la voix lointaine de Madame Rose, noyé dans le bruit de sa respiration au paroxysme, lui parvenait.


— Je crois qu'il va jouir. Préparons-nous aussi, mon Suarez.


Ce dernier ne protesta pas, presque au bord de l'implosion. Il s’exécuta en se retirant, et commença à reluire son Rossignol lui aussi, paraissant afficher en retour un air étonnamment satisfait.
Le trio infernale se trémoussa chacun de leur côté. L’homme accéléra jusqu'à un point de non-retour et se recula juste à peine. Les points importants comme la poitrine de Madame Rose, câlinée par elle-même, tressauta. Il entendit un râle collectif et libérateur. Enfin, une dernière chose : le silence.


— Oh, quel gros queuteur ! J’ignorais ce petit gars pouvait tenir autant la charge ?
— Et je dirais même un queuteur de Lumière. Leur réputation n'est plus à faire.
— Et est-ce que t'es comblé, petit gars ? Tu en as eu pour ton compte ?


Un bourdonnement emplit ses oreilles et lui libéra un petit quelque chose. Ce petit quelque chose était le bien-être. Il s'étendit, de son cœur à son corps et inversement. Medgardt attendit que son émotion se stabilise. Sa voix, pleinement excitée, ne parvint pas à les tromper.


— C'était pas mal ! Félicitations, Suarez !!

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