Charlotte put pavoiser : je passai la totalité de « L’Antre de la folie » à somnoler, la libido comblée. Ayant déjà vu le film, j’eus du mal à me laisser captiver et sombrai très vite. Je me réveillai définitivement vers 2h30 du matin, le générique de fin ayant j’imagine alerté une veille dans mon esprit. La lumière se ralluma et Charlotte enchaîna comme si de rien n’était.
-Il était super bien, celui-là.
-Ouais c’est vrai, répondis-je en m’étirant.
-Il fout encore plus les jetons que le premier.
Effectivement, ce troisième opus décrivait la descente aux enfers d’un enquêteur parti à la recherche d’un auteur de livres d’horreur à succès, qui se rend compte que l’univers a priori fictif de l’écrivain en question est en fait bien réel, et en devient peu à peu prisonnier. Éric avait mieux résisté que moi, et suivi le déroulement de l’intrigue. Une fois le générique de fin terminé, le type de l’amicale proposa une pause de trois quarts d’heure. Certains étudiants hagards quittèrent l’amphi pour ne plus y revenir. Il n’était finalement pas si facile de tenir jusqu’au petit-déjeuner. Nous sortîmes tous les trois quelques instants de l’Institut afin de permettre au froid de cette nuit de début mars de nous revigorer. La température devait être négative car du givre s’était formé. Éric me prit à l’écart et m’avoua qu’il ne tiendrait pas jusqu’au matin. Je savais qu’il devait se rendre dans sa famille pour midi, et je compris parfaitement qu’il avait besoin de dormir un minimum.
-En tout cas ta sœur est vraiment très chouette, je suis ravi d’avoir fait sa connaissance.
-Tant mieux, ça me fait plaisir.
-On se revoit quand ?
-Je suis avec elle demain et dimanche, y compris le soir puisqu’on prend le train ensemble pour aller dîner chez nos parents. Je suis en vacances pour la semaine donc à toi de voir.
-Je crains que mes parents à moi ne fassent le forcing pour que je reste chez eux pour les vacances, mais je vais trancher la poire en deux, je vais sûrement rester quelques jours et rentrer en milieu de semaine, peut-être mercredi. Je t’appelle dès que c’est un peu plus clair, et après on se prévoira des trucs.
-J’adore les trucs.
-Moi aussi.
Il m’embrassa, et nos haleines envoyèrent des halos de vapeur autour de nous. Quand il fut parti, ma sœurette se dirigea vers moi et m’attrapa les mains, qui commençaient à geler.
-Tu vas pleurer ?
-De joie.
-Nan sérieux…
-Sérieusement ! Pourquoi veux-tu que je pleure ?
-Parce que t’es en train de pleurer, là.
Je pris Charlotte dans mes bras et la serrai. Nous avions raison toutes les deux. Quelques larmes s’étaient subitement mises à couler, menaçant de se transformer en stalactites sur mes joues. Mais ce n’était pas des larmes de tristesse. Ma vie avait pris un tournant inattendu depuis trois semaines. Je me demandai dans quelle mesure ma décision de me lancer dans les massages érotiques en était la vraie cause. Après tout, même ma rencontre avec le merveilleux jeune homme qui m’avait avoué cette nuit-même qu’il m’aimait, avait été provoquée par mon errance nocturne dans un bar du centre-ville un soir de cafard causé par mes tous premiers massages en compagnie de Mélanie. Cette question commençait à être source d’une certaine angoisse, pour le moment ténue. La place prise par les massages, la façon dont Lola colorait la personnalité de Léa, plus affirmée et féminine, me renvoyait à des interrogations simples. Qui étais-je vraiment ? Laquelle des deux ? Lola n’était-elle qu’un prétexte pour me permettre d’évoluer vers une femme plus naturelle et spontanée ? Mais dans ce cas pourquoi fallait-il que cette évolution, si bénéfique soit-elle, se fasse via une telle activité érotique ? Et si Léa devenait dépendante de Lola, avatar indispensable à son épanouissement ? Au moment où Éric s’était éloigné, j’avais eu une soudaine bouffée de stress qui n’était pas étrangère à ma coulée de Rimmel, sans que je ne pusse l’expliquer en ces termes à Charlotte.
-C’est rien, je me rends juste compte, maintenant que je suis heureuse, à quel point je ne l’étais plus ces derniers mois.
-Je suis contente pour toi, il est super Éric.
-Je sais.
-Tu vas me morver sur les cheveux ?
-Oui, tu vas ressembler au blob, mais en vert kaki.
-Trop dégueu !
Charlotte se défit de mon câlin. Quand on est ado, sœur ou pas sœur, les débordements d’affection, point trop n’en faut.
Téméraires et surtout ravies d’écrire ensemble quelques futurs souvenirs communs, nous rejoignîmes le théâtre des horreurs pour assister toutes les deux au film le plus insoutenable qu’il m’ait été donné de voir.
« Martyrs » était sorti trois ans et demi auparavant sans que l’amatrice de cinéma que je suis pourtant ne m’en fusse aperçue sur le moment. Je me pris donc en pleine gueule son effroyable violence qui, bien au-delà de quelques scènes objectivement répugnantes, imprimait une terreur absolue dans ce qu’elle témoignait de la nature humaine. L’histoire est très simple et se résume à ces deux questions : sur quoi la douleur physique peut-elle déboucher ? Peut-elle se muer en un phénomène quasiment mystique quand tous les seuils humainement supportables ont été dépassés ? Pour tenter d’y répondre, le film mettait en scène une jeune fille séquestrée puis « martyrisée » lors de séances de torture. Charlotte fut tout aussi choquée que moi et à de nombreux moments je la vis regarder ailleurs. Je fus franchement soulagée que le film se termine, quelques minutes après 5h du matin. Autant les autres projections nous avaient laissé des impressions bon-enfant, autant l’ambiguïté du discours et une certaine complaisance dans la mise en scène de l’abyssale douleur infligée au personnage principal nous laissèrent toutes les deux nettement plus mal à l’aise. Cela étant, ce n’était que du cinéma, et nous avions réussi à tenir jusqu’au bout de ce film, mais surtout de la nuit entière !
Sous les applaudissements du petit tiers de l’assistance initiale qui était encore présent, plusieurs membres de l’amicale entrèrent par l’estrade avec des thermos de café, des plateaux remplis de viennoiseries et des brocs de jus d’orange. Charlotte, dont le métabolisme adolescent tournait à plein régime, se rua au bas de l’amphithéâtre pour attraper l’équivalent de quinze rations quotidiennes de beurre et de sucre. J’avais eu dix-sept ans cinq ans avant elle, et savais très bien qu’elle pouvait presque tout se permettre. Mais je n’avais plus dix-sept ans et il valait mieux que je ne suive pas mon affamée petite sœur sur ce terrain-là. Nous nous installâmes à la chair du professeur, changeant subitement de point de vue. Tout en faisant durer un croissant au beurre entrecoupé de gorgées de café et de jus d’orange, je regardai en riant Charlotte engloutir deux croissants, un petit pain au chocolat, un escargot au raisin et une lunette au flan. Je n’étais pas la seule à m’amuser de la situation. Le président de l’amicale des étudiants vint entamer la conversation.
-Ça lui donne faim, les atrocités, à la demoiselle ?
Je répondis pour elle.
-Excès d’Orangina. Trop de sucre, pas assez de matière grasse, faut compenser.
-Moque-toi, bredouilla Charlotte, envoyant dans les airs quasiment une viennoiserie entière sous forme de miettes.
Le président était un étudiant en première année de doctorat. Nous nous connaissions un peu. Quand on est dans sa quatrième année au même endroit, on finit par connaître tout le monde un peu. En particulier ceux qui sont dans leur sixième. Il avait deux ans de plus que moi et, visiblement porté sur les jeunettes, avait tenté sa chance plusieurs fois au cours des années précédentes, sans succès.
-Vous vous ressemblez ! C’est ta sœur ?
-Hélas.
S’adressant à Charlotte :
-T’es étudiante aussi ? Depuis cette année ?
-Chuis en terminale, crachouilla-t-elle.
-Mais tu sais que t’as pas le droit d’être là, alors ?
-Ça m’arrange, tiens, intervins-je. Fous-la en taule.
-Comme t’es méchante avec moi, me lança Charlotte sans chercher une seule seconde à paraître crédible.
Le président tenta de roucouler, en version lourdingue.
-Elle est aussi jolie que tu l’étais en arrivant en fac.
Charlotte cumule deux qualités qui m’ont toujours paru merveilleusement complémentaires. Elle est intelligente et perspicace, et elle possède un incroyable franc-parler. A elles-deux, ces facultés peuvent s’avérer divertissantes, à condition d’en être la spectatrice, et non la cible.
-T’as essayé de pécho ma sœur ?
Le président, quelque peu étonné, prit un air cérémonieux.
-Tu sais, on peut trouver une fille jolie sans avoir envie de la « pécho », comme tu dis.
Charlotte se tourna vers moi, des miettes feuilletées au coin de la bouche.
-Il a essayé de te pécho, le philosophe, là ?
-Oui, répondis-je en essuyant du pouce les miettes sur l’adorable frimousse de ma cadette en colère. Elle se retourna vers le grand garçon qui venait de la prendre de haut.
-T’as réussi ?
-Euh…
Elle pivota à nouveau vers moi.
-Il t’a pécho ?
-Non.
-Bah voilà, maintenant que t’as l’air bien con, tu peux me servir un café ?
Il lui remplit son gobelet et Charlotte oublia instantanément son existence. Cette fille est un bonheur absolu. Qu’elle soit ma sœur n’en est que plus jouissif.
Gavée comme une oie, Charlotte trimballa son foie gras avec peine jusqu’à mon studio. Quand nous en franchîmes la porte, mon réveil envoya de ses cristaux rouges l’explication de notre épuisement : il était 6h10 du matin. Charlotte combla jusqu’à mon lit les derniers mètres dont elle était capable et se vautra dessus, sur le ventre. Je me débrouillai pour lui enlever au moins ses boots et son jean, et la laissai en chemise et en culotte, la recouvrant de mes draps et de ma couette. Je me déshabillai hâtivement, enfilai un pyjama, et la rejoignit, m’endormant quasiment instantanément.
Il était midi quand cette furie me réveilla en me criant, sans que ce fût le moins du monde de l’humour, qu’elle avait faim.
Pendant que Charlotte me vidait mon ballon d’eau chaude sous la douche, je réchauffai rapidement les restes du gratin de poulet de la veille, et préparai une vinaigrette pour accompagner la volaille d’une salade verte.
-On fait les boutiques ? me demanda-t-elle.
-Si tu veux, oui.
-Et ce soir ?
-Ce soir je voulais t’emmener au resto. Si t’as encore faim.
-Cool. On se fait belles, et tout ?
-Tu vas y arriver ?
-Trop méchante.
-Ils nous attendent à quelle heure, les parents, demain ?
-Fin d’après-midi.
-C’est bien ça laisse du temps.
Une fois douchée à mon tour, je restai dans la salle de bain pour me maquiller pendant que Charlotte s’habillait devant la glace de mon armoire. Elle me rejoignit pour se brosser les dents, alors que j’étais en sous-vêtements.
-Hé mais t’as un piercing !!!!
-Ah oui tiens, j’avais pas pensé à te le dire.
-Excellent ! Tu sais que les parents croient que ça t’a définitivement passé !
-Je le croyais aussi.
-Tu l’as fait récemment ? C’est un truc provisoire ça, non ?
-Dix jours.
-Tu as déjà acheté le définitif ?
-Non je dois porter ça jusqu’à mon anniversaire, environ, alors j’en profiterai pour me le faire offrir à ce moment-là. Tu aimes ?
-Méga, extra, super sexy !
J’enfilai un jean noir assez large, toujours attentive à la cicatrisation de mon piercing, et mon gros pull rouge si confortable. Je remis mes bottines grises. Dans la continuité de mes angoisses de la veille, j’eus l’impression d’illustrer une chanson de Jeanne Mas, mais qu’importe. Charlotte remit son jean et un autre chemisier, à pois, celui-ci. Davantage cintré que celui à rayures, il mettait ses formes en valeur.
-T’es passée au bonnet C ou j’ai besoin de lunettes ?
-Oui. Si tu veux je te raconte quel effet ça fait.
-La même chose que pour moi, mais sans push-up, espèce de garce.
Nous sortîmes à la rencontre de la foule et des collections de printemps qui avaient envahi toutes les enseignes de vêtements.
Charlotte et moi vécûmes une journée insouciante, passant de boutique en boutique, faisant une pause pour se payer un smoothie, puis un tour chez un disquaire bien connu des agitateurs pour écouter quelques nouveautés. Entre deux rayonnages d’une enseigne de vêtements espagnole, Charlotte m’interrogea.
-Dis… tu crois que ça m’irait bien un truc comme ça ?
Elle avait tiré un cache-cœur satiné bordeaux d’une interminable rangée de petits hauts de toutes les couleurs.
-Maintenant que tu m’as mis un bonnet dans la vue, si à toi ça ne va pas, franchement je ne vois pas à qui…
-Non mais je veux dire, c’est un style quoi.
Je la regardai en souriant.
-Ça ne fait plus tellement lycéenne, c’est ça ?
-Voilà.
-En même temps dans quatre mois tu n’es plus lycéenne.
-Aussi.
-Ni vierge.
-Arrête !!
-Avec un truc pareil, Loïck va grimper aux rideaux. C’est un peu le but, non ?
-Ben disons, je suis pas trop habituée aux décolletés, mais les rares fois que j’ai essayé, il était content...
-C’est étonnant, ironisai-je.
-Tu crois que j’essaye ?
-T’as intérêt !
Charlotte passa le vêtement qu’elle rentra dans son jean. Il lui allait à merveille. La fillette à l’appareil dentaire qui élevait les chauves-souris dans l’annexe de la maison me sembla ne plus exister que dans ma nostalgie. J’avais l’impression de revenir six ans en arrière quand j’avais moi-même vécu cet éveil à la féminité, aux premiers émois avec les garçons, à la découverte de l’incroyable pouvoir de séduction d’un corps de femme qui s’imposait à moi et qu’il fallait à la fois que j’assume, que j’apprivoise, que j’accepte… Être sœur aînée me permettait de vivre ces périodes aussi enthousiasmantes que déstabilisantes une deuxième fois.
Le cache-cœur soutenait ses deux seins tout en glissant un coquin triangle de peau très bas, attirant l’œil sur les renflements sensuels du décolleté. Elle était gênée, ça se voyait.
-Assume, tiens-toi droite.
-Qu’est-ce que t’en penses ?
-Parfait.
-Sérieux ?
-Sérieux. Il te met en valeur, sans trop en faire. Très féminin, très sexy. Le jean, ça casse un peu le côté sulfureux, c’est pas mal. Il te faudrait des escarpins, ça va bien avec les jeans, ce serait glamour sans aucune vulgarité.
-Ouais mais c’était pas pour acheter, c’était juste pour essayer. Histoire de voir ce qui me va.
Charlotte retourna dans la cabine et en resortit, le cache-cœur à la main. Je l’attrapai avant qu’elle ne le remette sur son cintre dans le rayonnage, et me dirigeai vers les caisses en jetant un coup d’œil au prix : un peu moins de cinquante euros. Adjugé !
-Hé tu fais quoi, là ?
-A ton avis ?
-Non mais j’essayais juste.
-Oui et moi j’achète juste.
-Tu déconnes.
-Tu ne te plaisais pas ?
-Euh…
-Arrête ta fausse modestie.
-Bah oui, mais ça me change quoi.
-Et ?
-Oui, il me plait beaucoup.
-Bah voilà. C’est tout.
Une fois ressorties, je ne la lâchai pas davantage.
-Tu veux essayer des chaussures ?
-Mais je sais pas trop marcher avec des talons.
-Oui, et à une époque tu ne savais pas marcher du tout.
-T’as vraiment réponse à tout.
-Oui.
-Bon bah entrons là, on va voir.
Dix minutes plus tard nous ressortions avec une jolie paire d’escarpins très modernes, gris à reflets, pointus, pas démesurés, le talon fin étant d’environ sept ou huit centimètres, avec une jolie boucle dorée au niveau du coup de pied.
Charlotte me fit un énorme smack sonore sur la joue.
-Par contre, je ne peux pas mettre tout ça si je ne vais pas au bout avec Loïck. Ce serait cruel.
-Mais non, il sera aux anges, au contraire. Ça lui fera plein de nouvelles images pour attendre sa victoire en coupe du monde quand il sera tout seul à l’entrainement.
-Euh, c’était une métaphore ?
Une fois rentrées je laissai Charlotte un moment et allai chez Mélanie. Elle était là et s’apprêtait à sortir.
-Amine ?
-Euh non Vincent.
-Ça a l’air d’aller, toi…
-Je suis venue toquer tout à l’heure mais t’étais pas là.
-Je suis avec Charlotte on faisait les boutiques.
-J’ai eu une super journée hier à l’institut. Notamment Axel, un de mes habitués que j’aime beaucoup, qui est venu. Il veut un quatre mains d’une heure. On remet ça ?
-En espérant que ça marchera mieux qu’avec Diego.
-Il ne peut que vendredi à 18 heures. Comme tu es en vacances je me suis dit qu’exceptionnellement ça pourrait coller. J’ai dit oui mais en précisant bien que c’était à confirmer.
-Oui j’espère juste que je ne serai pas avec Éric, mais sinon je le verrai pour 20 heures si on sort vendredi soir, ça laisse le temps. C’est bon confirme-lui que c’est ok.
-Super. Au fait c’est pas lundi que tu fais des cochonneries avec une femme ?
-Tu connais la réponse à ta question, non ?
-Oui mais ça m’amusait de te le rappeler.
-Je risque pas d’oublier… je me demande pourquoi j’ai cédé et dit oui.
-L’appât du gain. Méfie-toi, c’est justement au début, quand le fric rentre facilement, qu’on doit résister à l’envie d’en faire entrer encore plus encore plus vite. J’ai eu le même passage compliqué quand j’ai démarré, moi aussi. Faut pas que t’oublies que le but initial c’est juste de terminer tes études correctement sans avoir besoin de perdre des heures et des heures en petits boulots, et non de collectionner les paires de Louboutin.
-C’est bien que tu sois là pour me le rappeler, j’avoue que c’est grisant.
-N’empêche t’as intérêt à me raconter ton massage avec Agnès !
J’emmenai Charlotte au restaurant pour finir cette journée en beauté. Nous restâmes habillées telles que nous avions passé la journée, décontractées. Ça n’était pas la peine d’en rajouter, nous étions bien assez belles ainsi ! J’avais choisi un joli restaurant intimiste, qui servait une cuisine du marché inventive et prometteuse. A peine avions-nous posé nos fesses sur les sièges matelassés que l’on nous amena des amuse-bouche pour accompagner le cocktail de l’apéritif. Les mets s’enchainèrent à la perfection. Nous n’étions ni elle ni moi habituées à ce genre d’établissement gastronomique. Charlotte me suivit même sur le Condrieu qui accompagna le repas, renonçant à son litron quotidien d’Orangina. Nous parlâmes d’Éric, nous parlâmes de Loïck, nous parlâmes de nous, nous autorisant pour quelques heures au partage du plus élémentaire des nombrilismes. Tout était parfait.
L’addition aussi fut une nouveauté pour moi. Cent-quatre-vingt-dix euros pour un seul restaurant à deux, c’était une première dans ma vie ! Lola paya donc à Léa le droit de vivre sa soirée idéale avec sa sœur. Et malgré l’ensemble des dépenses du jour, son solde restait créditeur. Je n’en revenais pas de cette aisance apportée par seulement quelques séances de massages. Effectivement, j’avais besoin de Lola. Et effectivement il ne fallait pas que je m’habitue à ce train de vie qui n’était pas l’objectif des massages.
En rouge et noir, j’exilerai ma peur
J’irai plus haut que ces montagnes de douleur
En rouge et noir, j’afficherai mon cœur
En échange d’une trêve de douceur
En rouge et noir, mes luttes mes faiblesses
Je les connais, j’voudrais tellement qu’elles s’arrêtent
En rouge et noir, drapeau d’mes colères
Je réclame un peu de tendresse.