Ils quittèrent Tabarnak trois jours plus tard. Furie, elle, s’était éclipsée le lendemain de leur arrivée. Ça n’étonnait pas le Baroudeur. Elle était comme lui, avant. Insaisissable.
Couper par le désert permettait de raccourcir le trajet mais ne rendait pas le voyage facile. En cette période l’année, juste après les pluie diluviennes, le sable rouge se recouvrait d’une couche de mousse et d’herbe qui venaient brouter des dizaines de troupeaux venus de la plaine Teppiante. Le trafic était donc intense, d’autant que les loups rayés et d’autres prédateurs suivaient les déplacement de leurs proies. Même le Baroudeur n’arrivait pas à reconnaître le Fourvien dans cette étendue verte mouchetée d’animaux.
Alors qu’ils slalomaient entre les gazelles marbrées, Sora repéra une troupe de chasseurs amaklas, une tribu locale. Ces derniers fonçaient déjà sur eux pour les encercler. Ils étaient une bonne vingtaine.
-Que faites-vous ici ?! lança l’un d’eux, probablement le chef.
C’était un jeune guerrier dont la tête nattée était décorée de six plumes, trois de chaque côté. Il possédait une fossette nette qui coupait son menton bosselé en deux.
- On ne fait que passer, calmez-vous, répondit le Baroudeur d’un ton peu avenant.
Il était rarement allé dans cette tribu, ses membres étaient affreusement farouche, voire paranoïaques.
- Où allez-vous ?! aboya l’Amakla.
- À l’est, à Marova. Et baisse-le ton, un peu
Le guerrier fronça les sourcils, sans doute n’avait-il jamais entendu parlé la capitale du Marêt.
- Ne le titille pas trop, supplia Kotla à voix basse.
- On va vous escorter à la frontière, décida le guerrier.
Le Baroudeur leva les yeux au ciel.
- Comme vous voulez, mais je vous préviens je vais pas faire le tour de votre territoire, je traverse.
- C’est hors de question !
- Je vous demande pas votre avis.
- Barou…
Les Amaklas tendaient leurs armes et bandaient leurs arcs. Le Baroudeur allait sortit son pistol quand Kotla se plaça entre eux, les mains levées en signe d’apaisement.
- Nous ne vous voulons pas de mal, à vous comme à votre terre et toute votre tribu. Nous ne sommes pas ici pour voler, nous souhaitons simplement traverser. S’il vous plaît, laissez-nous passer, évitons une confrontation d’où nous sortirions tous perdants.
Au-delà de ses paroles mièvres, la voix de Kotla avait changé. Elle était douce, caressante, et pourtant puissante. Son ami sentit toute agressivité le quitter. C’était la première fois que le Pokla utilisait son pouvoir sur lui. Sans compter que sa prononciation du dialecte amakla, différent des dialectes pokla ou kapla, était tout simplement parfaite, supérieure de loin à celle Baroudeur - sans parler de sa grammaire. Était-ce encore un des pouvoirs conférés par Makou ?
Les Amaklas haussèrent des sourcils sceptiques mais baissèrent leurs armes.
- Nous ne pouvons pas vous laisser vous balader sur notre territoire en tout impunité. Vous allez nous suivre jusqu’à notre camp. Nous vous accompagnerons ensuite jusqu’aux marais.
- Ah ça non alors ! râla le Baroudeur. On a pas de temps à perdre nous !
Les regards en face de lui se durcirent. Kotla l’attrapa par l’oreille.
- Arrête de jouer aux cons, j’essaie de nous sauver la vie. Alors tais-toi pour une fois.
Il relâcha son ami abasourdi par ce ton inhabituel et offrit un grand sourire aux Amaklas.
- Avec plaisir.
***
Le camp des Amaklas se trouvaient à deux jours de chevauchée de là, dans la partie rocheuse du désert. Ici, le sol peinait à se recouvrir de végétation tant les reliefs étaient accidentés. Le trio fut mené dans un canyon au parois rougeâtres. C’était ici que nichaient les grands gyrons à collerette, mais ce n’était pas ça que le Baroudeur guettait en hauteur. Il cherchait une échappatoire au cas où les Amaklas reviendraient sur leur décision. Il ne vit aucun passage dans la muraille rocheuse, seulement des guerriers qui les épiaient avec curiosité. Sans doute se croyaient-ils discrets.
Le canyon déboucha sur un cirque ocre semé de tentes. Les mammifères manquaient pour les réaliser, aussi la plupart étaient-elles faites d’assemblage d’écailles de différentes animaux. Cela donnait un campement bariolé et nauséabond, pas vraiment le genre d’endroit où le Baroudeur voulait rester. Mais c’était la première fois qu’il était accueilli par une tribu du désert, et la curiosité l’emporta sur sa détermination à bouder. Il sortit son carnet et commença à griffonner furieusement dedans avant même d’avoir posé pied à terre.
- Furka, qu’est-ce que tu nous ramène donc ?
Le meneur de la patrouille descendit de selle et s’inclina bas devant le Pâ de la tribu.
- Un groupe de voyageur - hétéroclites comme vous pouvez le constater - demande à traverser notre territoire. J’ai pensé que l’on devrait les surveiller jusqu’à la frontière.
Le Pâ leva la tête vers les visiteurs. Haut comme un enfant, sa stature étrange ne laissait pas de doute quand à son nanisme. Pourtant, les Appâs avaient pour habitude de tuer les enfants difformes ou de les restreindre au bas de l’échelle sociale. En voir un à un poste si prestigieux tenait du miracle. Le Baroudeur nota quelques mots à ce sujet dans son carnet.
- Vous n’avez rien à faire sur notre territoire, fit le petit vieillard. En ce moment nous sommes particulièrement occupés par la saison verte, nous n’allons pas perdre notre temps à vous servir de guide.
- Mais on a pas besoin de vous, assura le Baroudeur. Laissez-nous tranquilles on se débrouille.
- Nous ne pouvons pas vous laisser vagabonder sur nos terres non plus ! s’exclama le Pâ.
- Bien sûr, nous comprenons, dit Kotla en écrasant le pied du Baroudeur. Nous souhaitons simplement passer, nous ne voulons pas vous déranger. Nous souhaitons avant tout trouver un compromis juste.
Celui qu’il venait de blesser retint un grognement de douleur et lui jeta un regard assassin. Il comprit néanmoins le message et décida de laisser faire le diplomate. Il se plaça aux côté de Sora qui observait la scène en retrait.
- Mmmmh, réfléchit le Pâ. Vous ne paraissez pas agressifs. Nous vous escorterons jusqu’à la frontière, mais il va falloir payer ce service.
- Que souhaitez-vous en échange ?
- Mmmmh… je vois que vous êtes équipés d’armes à feu. Nous les voulons.
- Quoi ? s’exclama le Baroudeur. Mais c’est hors de question !
Toutes les têtes se tournèrent vivement vers lui.
- Barou, fais un effort !
- On en a besoin d’abord !
- Tu veux nous faire tuer ?!
- Justement non ! Tu feras moins le malin face aux titanoboas sans arme !
- Tu vas les énerver !
- Rien à battre !
Le Baroudeur réalisa qu’il était en train de hurler face à toute une tribu. Il dut faire un effort colossal pour refermer la bouche. Kotla lui lança un regard irrité.
- Se… serait-il possible que vous preniez autre chose ? demanda-t-il au Pâ.
- Vous vous permettez d’être difficile.
- C’est que… mon compagnon n’a pas tort, nous en avons besoin de la suite de notre voyage…
- Alors vous n’avez pas le choix. Vous bosserez pour nous.
Le Baroudeur faillir bondir de nouveau. Au lieu de ça il se mordit la lèvre et assassina le sol du regard.
- Combien de temps ?
- Deux semaines.
- Deux sem…
Kotla le foudroya de ses prunelles noisette. Sa remarques s’étrangla dans sa gorge.
- Que devons-nous faire ?
- Tout ce qu’on vous demande.
- Nous avons certaines limites, vous savez…
- Ce sera principalement des tâches ménagères. Furka vous supervisera puisque c’est lui qui a eu l’idée de vous ramener.
- Quoi ?
L’intéressé de décomposa. Il parut se retenir de protester et hocha la tête.
- C’est entendu, alors, lança joyeusement Kotla.
Le Baroudeur sentit une vagues de jurons lui brûler les lèvres. Près de lui, Sora poussa un long soupir de soulagement. Il lui jeta un œil en coin. Il n’avait pas remarqué qu’elle état si anxieuse. Elle avisa son regard et lui fit un timide sourire. Cela eut le don de le calmer. Il était sur les nerfs, ces derniers temps, et il mettait ses compagnons en danger. Il devait arrêter de se laisser aller à des réactions aussi puériles. Un gros travail à faire, en somme.
Il soupira lui-aussi.
Que c’était fatigant de ce préoccuper des autres.
***
- Quelle plaie, mais quelle plaie ! râla le Baroudeur.
Sora lui jeta un regard en coin, tentant de contenir son agacement.
Voilà six jours qu’ils servaient d’esclaves aux Amaklas, c’était leur première tâche hors du camp. Ainsi, le Baroudeur pouvait laisser libre cours à sa mauvaise humeur.
Il fixait le nid de grand gyron, une main en visière pour se protéger du soleil qui se faufilait dans le canyon.
- Comment on va atteindre ce foutu perchoir ?! Ils veulent qu’on se brise les os ?!
- Je suppose qu’il faut un peu d’adresse, fit Sora qui devait regretter de s’être portée volontaire pour l’accompagner seule dans cette mission.
- C’est beaucoup trop haut ! continua-t-il.
En vérité, cette tâche n’était pas si difficile. Mais cela lui faisait le plus grand bien de râler. Tout en lâchant une bornée fort inventive de jurons, il s’approcha de la paroi rocheuse.
- Je fais quoi, moi ? s’enquit Sora.
- Rien. Je me débrouille.
Elle fit la moue, elle aussi se montrait plus expressive en dehors du camp. Il ignora ses protestations silencieuses et commença à grimper. La falaise offrait peu de prise, et avec l’humidité de la saison des pluies, était glissante par endroit. L’ascension était plus dangereuse que ce qu’il avait pensé. Il arriva au nid de gyrons après une demi-heure d’efforts, son humeur ne s’était pas vraiment arrangé.
Il jeta un œil au ciel. Pas de potentiel parent furieux, très bien. En revanche, face à lui, trois pairs d’yeux jaunes le dévisageait en silence. Les aiglons étaient en train de faire leur mue, ils étaient hirsutes. Le Baroudeur attrapa le plus gros - la femelle - et entama la descente. Mais l’oiselle ne se montra pas coopérative et se débattit vivement en tentant de le pincer - ce qu’elle parvint à faire à plusieurs reprise. Il serra les dents et sa prise autour du cou de la sauvageonne, ce qui eut au moins l’effet d’arrêter ses cris perçants. Mais c’était trop tard. Il se trouvait encore à quelques mètres du sol quand une grande ombre l’engloutit.
Il eut à peine le temps de rentrer la tête dans les épaules qu’un sifflement perçant percuta ses oreilles, alors que des serres puissantes se frayaient un chemin au travers ses vêtements. Il serra sa prise contre lui et tenta d’accélérer sa descente. Mais le rapace s’acharnait, il risquait de lui déchirer la peau, ou pire, de le faire s’écraser en contrebas. Dans la pagaille de plumes et de cris, il perçut à peine le hurlement féroce de Sora.
Soudain, la pression sur ses épaules se fit plus hésitante. L’ombre disparut en quelques instants. Il se hâta de revenir sur le plancher des aurochs et jeta un regard surpris à Sora qui brandissait une grande branche de bois flottant. Ses tresses étaient hérissées autour de son crâne et son regard furieux. Le grand gyron finit par abandonner et rejoignit son nid d’où il leur lança un regard meurtrier.
- M… merci, bégaya le Baroudeur.
La jeune femme lui offrit un sourire fier.
- De rien.
Elle ouvrit le sac de cuir et le lui tendit pour qu’il glisse leur proie dedans.
- Je peux faire le prochain ? s’enquit-elle.
Quelques minutes plus tôt, il aurait répondu négativement. Mais il décida de la laisser prendre son envol.
- D’accord. Mais fais gaffe, quand même.
- Compte sur moi !
Son enthousiasme parvint à lui arracher un sourire.
***
Le Pâ examinait leurs trois prises d’un air satisfait.
- Elles sont vigoureuses et revanchardes, c’est parfait. Elles feront d’excellentes chasseresses.
Il confia les petites gyrones aux fauconniers qui les accueillirent avec de grands sourires.
- J’irai quérir mon élève, Otâ, pour guérir vos égratignures, annonça le petit Pâ. En attendant, allez vous restaurer !
Sora et le Baroudeur échangèrent un regard ravi. Ils allèrent s’installer au coin d’un feu où cuisaient des brochettes de lézards. Cette viande était dure à mastiquer, mais pas mauvaise.
- Tu as vu ? souffla Sora.
- Quoi ?
- Les femmes de cette tribu… elles occupent des places importantes et prennent part aux chasses.
Les yeux de la jeune fille brillaient d’admiration. Le Baroudeur se contenta de hausser les épaules.
- Je suppose qu’ils n’ont pas le luxe de faire la fine bouche concernant leurs chasseurs.
- Sans doute…
Elle se perdit dans les flammes, mâchonnant sa patte de lézard d’un air inspiré.
- C’est vous les blessés ? lança une voix éraillée.
- Ouep. Attaque de grand gyron, maugréa le Baroudeur.
- Je suis Otâ, je vais vous appliquer des cataplasmes.
Une femme d’une trentaine d’année apparut dans son champ vision. Ses cheveux étaient un fouillis de mèches brunâtres, son corps était sec mais musculeux et son visage anguleux révélait le contour d’un nez biscornu. Elle était remarquablement peu habillée, même pour une femme du désert, une simple bande de cuir cachait son sexe. Un sein pendait vaillamment dans l’air de la nuit, couvert de peintures craquelées, tandis que l’autre était décoré de perles qui le cachaient partiellement. Cette vision donna chaud au Baroudeur.
- Fais-moi voir ça.
Sans un mot, il retira sa veste et sa chemise pour dévoiler les « égratignures » que lui avait laissé le parent furieux - en réalité de belles balafres, même s’il avait connu pire. Lorsque les mains noueuses de l’apprentie du Pâ se posèrent sur sa peau, il sentit un frisson le parcourir.
Le désir. Cela faisait si longtemps qu’il ne l’avait pas ressenti.
Aussitôt la pensée de Chiara s’imposa dans son esprit. C’était comme s’il avait commencé à l’oublier.
Cette remarque intérieure lui fit refouler la chaleur caressante qui montait en lui. Otâ, massa son dos de ses mains expertes, il se laissait simplement aller à une langueur innocente. Puis elle passa à ses bras qui avaient subi l’assaut des becs des oisillons enlevés. Ainsi, il se retrouva de nouveau face à ce corps qui embrasait le sien. Il ne put cacher son regard à la guérisseuse. Un sourire carnassier se dessina sur les lèvres rêches de cette dernière.
- Bien, à toi petite.
Sora tendit docilement ses mains égratignées. Le Baroudeur voulut s’absorber dans la danse des flammes, mais ses iris revinrent sans cesse admirer les gestes précis et harmonieux d’Otâ.
- Voilà, j’ai fini, lança-t-elle.
Elle se leva d’un mouvement étrange, faisant tressauter son sein visible. Le téton était brun et dur. Il appelait aux baisers les plus voraces.
- Je resterai cette nuit dans la tente du Pâ si vous avez besoin de moi.
Elle appuya sa remarque d’une œillade en direction du Baroudeur avant de s’éloigner d’une démarche assurée.
Les deux blessés de guerre continuèrent leur repas en silence. Sora semblait se douter de quelque chose, mais elle ne fit aucune remarque. Lorsqu’ils eurent fini, elle annonça qu’elle allait se coucher. Il hocha vaguement la tête, les yeux accrochés aux flammes.
- Je vais rester encore un peu ici, marmonna-t-il.
Le feu mourait doucement quand il se leva d’un mouvement raide. Il marcha à grands pas jusqu’à la tente du chef des Amaklas. Il souleva la toile qui en barrait l’entrée pour dévoiler un sourire garnie d’une rangée incertaine de dents.
- C’est pas trop tôt, commenta Otâ.
Un ronflement retentit dans la pénombre.
- Pas ici, ajouta-t-elle. Viens, je t’emmène dans un beau coin.
Cette phrase rappela cruellement au Baroudeur son amante disparue. Il faillit triompher de l’appel impérieux de son corps. Il faillit. Il suivit Otâ hors du camp jusqu’à une falaise rendue argentée par la lune rayonnante. Sa guide se glissa dans une anfractuosité sombre dans laquelle elle disparut. Intrigué, il lui emboîta le pas. Il déboucha sur une grotte percée au plafond. Un rond de firmament éclairait de vieilles stalactites abandonnées par les eaux. Otâ était nonchalamment allongée sur un promontoire.
- Grouille-toi, souffla-t-elle d’une voix rauque.
Saisi par la beauté des lieux, il n’obéit pas tout de suite. Mais son désir puissant vint secouer son corps. Otâ l’attrapa quand il parvint à sa hauteur. Elle plaqua sa bouche contre la sienne en un baiser brûlant. Il se laissa entraîner par la fougue de sa partenaire. Il redécouvrait ce feu frissonnant, ce plaisir de la chair qu’il avait délaissé pendant une éternité. La jouissance s’empara de tous sens. L’espace d’un instant, il s’oublia.
Otâ se sépara de lui, elle roula sur le sol avec un soupir de contentement. Il était essoufflé. Leurs sueurs réunies formait une flaque sous leurs corps échaudés. La jeune femme essuya une goutte de liquide blanc au coin de ses lèvres d’un air gourmand.
- Parfait… murmura-t-elle avant de s’endormir.
Le Baroudeur, malgré la fatigue qui engourdissait ses membres, ne s’assoupit pas. Il fixait les étoiles. Il avait la désagréable impression qu’il avait trahi Chiara.
Otâ gigotait beaucoup dans son sommeil. Après quelques minutes de gesticulation, elle se colla contre lui et entama un ronflement tonitruant. Cela le maintint éveillé pendant quelques heures. Ça et la pensée de la guerrière de ses songes. Il n’arrivait pas à se laisser aller au sommeil. Et si elle venait lui reprocher son comportement en rêve ?
- T’as une femme ? résonna soudain une voix désagréable.
Il se tourna vers Otâ qui le considérait d’un air dubitatif.
- Non…
- Pourtant t’as l’air du mec qui a trompé sa femme. Et qui s’en veut. Il parait que chez vous, les gens ne peuvent pas coucher avec plusieurs personne.
- Je… j’avais… mais elle morte.
- Ah. Désolée.
Otâ se redressa, ses prunelles brunes étaient inquisitrices.
- Et c’est à cause d’elle que tu tires cette tronche ?
- … Oui.
- Faut pas.
Il fronça les sourcils.
- Tu vas pas te contraindre à l’abstinence pour un cadavre.
- Que…
- Si elle t’aimait, elle voudrait que tu sois heureux. Même après sa mort. C’est stupide de penser le contraire.
Il ravala sa réplique cinglante, préférant méditer les paroles de sa compagne.
Peut-être, oui. Elle avait peut-être raison. Sûrement, même.
Entre-temps, Otâ recommença à ronfler.
Il leva un regard piqué de larmes vers le ciel piqué d’étoiles.
- Mais je sens que je n’aimerais plus jamais autant que je t’ai aimé… souffla-t-il.