Chapitre 19 : Souvenirs aigre-doux.
Tobias eut un sourire compatissant devant la mine qu’affichait Thibault depuis maintenant de longues secondes.
— Je sais que pour le moment, tu es toujours persuadé que Diane incarne le mal absolu. Ils ont tué. C’est parfois allé beaucoup plus loin qu’ils ne l’avaient prévu, à l’instar de l’attentat de l’usine au Sixième…
— Les parents de Féline et Félicie sont morts ce jour-là ! Et le cousin de Théo ! le coupa alors Thibault, revenant brutalement à lui. Tu le savais, ça, Tobias ?!
Tobias ne répondit pas tout de suite. Il semblait peiné.
— Quand je suis arrivé ici, finit-il par dire, j’ai été enfermé, comme toi. Des inconnus venaient me parler, à tour de rôle, pour m’expliquer comment les choses fonctionnaient. Puis on m’a laissé sortir, à condition que je sois accompagné. Et c’est là que j’ai vu ce qui était positif, dans leur mouvement. Tu l’ignores mais ils ont permis à des milliers de personnes de trouver refuge auprès d’eux, au sein des trois derniers étages. Des condamnés qui s’apprêtaient à se faire emmener en esclavage, des gens malades, incapables de se soigner. Tu sais, ils sont le cauchemar des brigades esclavagistes. J’ai rencontré des rescapés, des familles entières. Ce sont eux qui m’ont raconté leur histoire, et je reconnais que j’ai été touché par…
— Comment font-ils ? interrogea Thibault. Pour intervenir dans ces moments-là ?
— Ils ont du monde à tous les étages, et même quelques esclavagistes de leur côté. Enfin des infiltrés, ce qui leur permet d’avoir accès au code source des colliers et à en débarrasser les esclaves.
Thibault se souvint brièvement de monsieur Esteban et de monsieur Lespar. Il songea sombrement que ceux-là n’étaient sans aucun doute pas des infiltrés. Il soupira et reprit :
— Ils ont du monde à tous les étages ? Au Deuxième, par exemple ?
— Quelques-uns, oui. Je ne peux pas te donner l’identité de ceux qui sont en place, mais par exemple, le secrétaire d’Aswell, Thomas Ulti, qui a péri lui aussi dans l’incendie du Troisième, était membre de Diane.
Thibault sentit une nouvelle fois sa mâchoire lui tomber.
— Qui d’autre ? demanda-t-il avidement. C’est à cause d’eux que Diane a réussi à atteindre les étages supérieurs ?
Tobias eut un sourire indulgent.
— Je ne te donnerai pas de noms, Thibault. Mais ces gens-là, ceux qui travaillent dans les étages supérieurs, ils essayent plutôt de faire bouger les choses de l’intérieur. Ce sont souvent des modérés, qui ont contacté Diane parce qu’ils avaient le sentiment que les choses n’allaient pas. Ils sont généralement contre les attentats, et aident plutôt à exfiltrer des personnes en condition précaire.
Thibault secoua la tête. Il lui semblait à présent que chaque habitant de Délos était un suspect potentiel. Trouver ceux qui collaboraient avec l’ennemi n’allait pas être chose aisée. Mais avec un peu de chance, il arriverait peut-être, avec le temps, à faire parler Tobias. Il allait reprendre la parole, mais son ancien mentor fut plus rapide :
— Pour le moment, notre chef ne te fait pas confiance. Quand ce sera le cas, il te permettra à toi aussi de sortir de ta chambre, et tu pourras alors voir les choses de tes propres yeux. Tu dois faire preuve de bonne volonté pour ça…
— Faire preuve de bonne volonté ? Comment je peux faire ça, Tobias ?
— Ta sœur viendra sûrement te voir bientôt. Évite de la traiter comme si elle était folle, ce sera un bon début.
— Je n’ai pas…
Thibault avait rougi. Alors Lison avait relaté son entretien avec lui à Tobias ? Il ne put s’empêcher de se sentir légèrement trahi.
— Je dois te laisser, Thibault. J’ai du travail…
Il voulut protester, mais déjà, Tobias se levait.
— Je ne veux pas qu’il t’arrive des bricoles, alors s’il te plaît, ne fais pas de caprice. C’est mal vu, ici.
Une ombre passa sur le visage de Thibault. Il ne répondit pas, mais hocha la tête, et Tobias vint poser la main sur son épaule et la serra doucement.
— Je reviendrai, d’accord ?
De nouveau, il acquiesça. Puis Tobias tourna les talons, le laissant seul avec ses pensées.
***
— THIBAULT !
Il tourna la tête vers maman, surpris, juste à temps pour la sentir déchirer son bras et l’envoyer voler contre le mur. Il massa sa tête qui avait cognée, alors que maman sortait le bébé silencieux de la baignoire. Ses bras dégoulinaient d’eau savonneuse.
— Qu’est-ce que tu as fait ? Par le ciel, mais qu’est-ce que tu as fait !?
Elle criait et Thibault eut peur. Il ne comprenait pas pourquoi. Quand maman était enceinte, papa lui avait dit que Zoë pouvait respirer dans son ventre. Et comme Thibault n’avait pas bien compris comment c’était possible, papa lui avait dit que sa petite sœur était dans un bain, et qu’elle respirait comme un poisson. Il avait toujours trouvé ça curieux, alors quand maman l’avait laissé seule avec Zoë ce matin-là, il s’était empressé de vérifier si c’était vrai.
Apparemment non. Maman était très en colère.
Il commençait à pleurer, alors qu’elle avait posé la pitoyable petite chose sur la table à langer. Elle avait tapoté sur son petit corps, et au bout de quelques secondes, Zoë s’était remise à hurler. Puis maman avait appelé Donovan. Elle lui avait ordonné de surveiller Zoë, puis elle s’était tournée vers Thibault. Il l’avait vue lever la main haut dans le ciel, sans comprendre, puis de nouveau, il avait volé. Ça faisait mal. Mais maman n’avait pas arrêté. Elle criait, elle pleurait, et elle faisait mal à Thibault. Puis papa était arrivé, et il avait plaqué maman contre le mur, et lui avait fait mal à son tour. Donovan avait alors tendu la main à Thibault qui s’était relevé pour courir dans les bras de son grand frère, tremblant. Maman n’avait jamais fait mal à Thibault avant ça. Il ne comprenait pas pourquoi elle était si fâchée.
Papa aussi avait l’air en colère, encore plus que maman. Il n’avait jamais fait mal à maman, avant ce jour-là. C’était effrayant. Thibault avait préféré fermer les yeux et se cacher contre Donovan plutôt que de voir ça.
***
Thibault se réveilla en sursaut. Il tremblait. Une sueur glaciale parcourait tout son corps. Il tendit la main à tâtons et parvint à atteindre le verre d’eau posé à côté du lit, malgré l’obscurité. Il prit une gorgée entre deux inspirations saccadées.
Il se souvenait.
Son corps était parcouru de tressautements nerveux.
Il avait vraiment failli noyer Zoë. Mais c’était… involontaire. Son père lui avait raconté cette histoire et… il n’avait jamais voulu…
Le choc de se rappeler et la sensation si réelle de son rêve lui tournaient la tête.
Il ne parvint pas à retrouver le sommeil. Il aurait voulu pouvoir se justifier. Pour la première fois depuis qu’il était arrivé, il attendait avec impatience que Zoë le retrouve. Il fallait qu’il lui dise la vérité. Il n’avait pas voulu la tuer cette fois-là. Il s’agissait d’un accident dramatique et malencontreux.
Il lui semblait que des jours avaient passé quand enfin, la porte s’ouvrit sur sa petite sœur. Elle actionna la lumière et parut surprise de le trouver debout à côté du lit.
— Thibault ? Tout va bien ?
— Zoë…
Il avait la gorge serrée. Était-ce ce stupide malentendu qui avait tout déclenché ? Sa cadette parut inquiète. Elle s’approcha de lui et lui tendit son plateau repas, qu’il se hâta de déposer sur le lit avant de lui faire de nouveau face.
— Je n’ai pas essayé de te noyer, lui lança-t-il de but en blanc.
Elle ouvrit de grands yeux.
— Euh… Si tu le dis.
— C’était papa…
— C’est papa qui a essayé de me noyer ?
— Non ! C’était moi mais, c’était à cause de quelque chose que papa m’avait dit…
Zoë le regarda, l’air interdit.
— Papa m’avait dit, quand maman était enceinte de toi, que tu pouvais respirer sous l’eau… Je… Tu dois penser que je suis complètement fou.
Elle le dévisagea quelques secondes, et au bout du compte, eut un sourire.
— C’est vrai ?
— Je te le jure. Je crois que j’ai voulu vérifier si c’était vrai…
Elle détourna les yeux, mais elle continuait de sourire.
— Mange, lui lança-t-elle en s’asseyant sur le lit. Je suis ravie de savoir que tu ne m’as pas toujours haïe, alors.
— C’était un accident, insista-t-il en se laissant tomber à côté d’elle.
Elle sembla étonnée d’une telle proximité et Thibault lui-même fut stupéfait en réalisant son geste. Il baissa les yeux, timide.
— Thibault… Ça t’a fait du bien de voir Tobias ? Tu penses un peu moins qu’on est tous fous ?
Il grimaça.
— Tu veux bien aller voir Margot ?
Il plongea alors son regard dans celui de sa petite sœur. Pour la première fois, il remarqua qu’elle ressemblait un peu à Margot. Sa seconde sœur avait les cheveux un peu plus foncés, et plus épais, mais les mêmes yeux clairs. Il fut surpris de se souvenir de tous ces détails. Lentement, il hocha la tête.
— Vraiment ? C’est merveilleux ! Elle sera tellement contente… Je vais le lui dire tout de suite ! Mange, je reviens !
Elle bondit sur ses pieds et courut vers la porte, la laissant entrouverte derrière elle. Thibault regarda tristement la chaîne qui le retenait. Puis il porta le regard sur son plateau et se sentit étrangement soulagé. Il lui semblait que Zoë avait cru son histoire. Il n’aurait pas imaginé qu’elle puisse lui faire confiance si facilement. Un curieux sentiment s’empara de lui alors qu’il saisissait ses couverts.
Il avait presque terminé son petit-déjeuner quand elle revint, accompagnée de deux hommes bâtis comme des guerriers. Ils étaient armés. Thibault déglutit difficilement.
— Debout, ordonna l’un d’eux. Tends les bras.
Il avait une paire de menotte à la main. Zoë sembla un peu mal à l’aise quand il la regarda, mais il se résigna et tendit les bras devant lui, laissant l’homme refermer l’acier sur ses poignets. Il se pencha ensuite à sa cheville pour déverrouiller le bout de ferraille qui l’encerclait, et le saisit par l’épaule, lui enjoignant d’avancer.
Le cœur de Thibault se mit à battre un peu plus vite. S’il avait répondu à son instinct primaire, il aurait pris ses jambes à son cou. Il ne le fit pas. Ils l’auraient évidemment bien vite rattrapé, et au fond, il avait envie de revoir Margot.
Il se laissa guider dans des couloirs aux murs bétonnés, gris et glaciaux. Ils lui donnaient le sentiment de marcher vers la mort. La balade funeste se termina pourtant vite… Les hommes s’arrêtèrent devant une porte, et Zoë se faufila la première par son embrasure.
Il régnait une étrange atmosphère ici. Thibault inspira et fut surpris. Il devait y avoir un purificateur d’air dans cette pièce, car il respirait beaucoup plus facilement. Il le chercha du regard, et rapidement, le trouva, juste sous le plafond. Au coin à droite de l’objet, la mention de la marque « Rodweil-Clairciel » lui tira un sourire désabusé. Un vestige de son ancien monde.
— Elle est là. Approche.
La voix de Zoë ramena Thibault sur terre. Il baissa les yeux et ressentit un choc auquel il ne s’était aucunement préparé. Il eut un mouvement de recul, stoppé par le corps imposant d’un de ses geôliers.
— Thibault…
Tous les poils de son corps se hérissèrent, des chevilles à ses cheveux. Malgré la faiblesse de la voix, il avait reconnu le timbre si particulier de sa sœur malgré tout. Margot était pourtant déjà morte. Ou plutôt, aucune vie ne se dégageait d’elle. Ses cheveux étaient partis. Ses sourcils aussi. Son visage était si maigre… Son cou, et les clavicules nues qui dépassaient du drap la recouvrant étaient décharnés. Elle sortit une main de la couverture et la leva faiblement vers lui. Il chercha ses yeux. Enfoncés dans leur orbite, injectés de sang. Ses lèvres sèches. Rien ne ressemblait plus à Margot. Sauf sa voix.
— Thibault… répéta-t-elle, plus fort.
Aussitôt, une quinte de toux la prit, et Thibault ressentit comme une décharge. Il fit un pas en avant, saisissant la main tendue entre les siennes. Il sentit les os. Une peau blanchâtre et tirée par les os. Une main squelettique.
— Je suis là, Margot. C’est moi.
— Thibault… Je suis désolée. Je suis désolée…
Des larmes roulaient sur ses joues creuses. Thibault se pencha vers elle et lui déposa un baiser sur le front.
— Je vais bien Margot. Tout va bien. Tout va bien.
— Tu m’as tellement manqué…
Les larmes ne tarissaient pas. Il essaya de se concentrer sur ses yeux.
— Tu m’as manqué aussi. Je suis là maintenant.
— Je suis désolée…
— Tu n’as rien fait de mal. Ne t’inquiète pas. Ça va.
Un semblant de sourire déforma le visage de Margot. Une goutte s’écrasa sur ses lèvres craquelées. Une larme de Thibault.
Il ne savait pas pourquoi il lui disait ça. Que tout allait bien. Qu’elle n’avait rien fait de mal. Mais il ne parvenait pas à être en colère. Pas quand le temps était compté de manière si évidente.
— Hé, Margot, tu te souviens quand on était petits ? Quand tu me laissais mes bonbons préférés, même quand c’était ceux que tu avais eu pour ton anniversaire ?
Sa voix tremblait sous le coup de l’émotion, mais une étincelle anima le regard de sa petite sœur.
— Ceux qui piquaient… Tu les adorais…
— Je les adore toujours. Je pense toujours à toi quand j’en mange et…
Il aurait voulu parler davantage, mais un sanglot étrangla sa voix. C’était vrai. À chaque fois qu’il en avait mangé, au Sommet, le visage de Margot s’était toujours imposé à lui. Il y avait un lien indéfectible entre les bonbons et sa seconde sœur.
— Ne pleure pas…
Elle tendit son autre main et caressa la joue de Thibault, qui se laissa toucher sans broncher. Il y avait eu des bons moments. C’était indéniable. C’était cruel, qu’ils aient été séparés au moment de leur vie où ils s’étaient le moins bien entendus.
— Je ne pleure pas, assura-t-il en souriant à travers ses larmes.
— Ce que tu es devenu beau garçon, souffla-t-elle alors.
Il eut un petit rire, et pressa doucement sa main.
— J’ai quelque chose pour toi…
Elle se dégagea et tendit le bras vers sa table de chevet. Il y reposait une photo d’elle et Thibault, quand ils avaient respectivement quatre et six ans. Thibault l’attrapa délicatement. Il avait un tel sourire sur ce cliché, tenant fièrement la main de sa petite sœur…
— C’est une chouette photo, lui dit-il, la voix nouée par l’émotion.
— Je trouve aussi… Tu étais trop mignon.
Un nouveau rire.
— Tu n’étais pas trop vilaine non plus.
— Je suis désolée, Thibault… Ils ne t’ont pas fait de mal, dis ?
— Non, assura immédiatement Thibault. Ils me donnaient des bonbons, de quoi veux-tu que je me plaigne ?
Margot eut un rire qui l’étouffa un peu, et Thibault redevint grave.
— Je ne t’en veux pas, Margot. Je ne suis pas fâché, je te le promets. Je n’ai pas été malheureux. J’ai fait partie des plus chanceux, tu sais ?
Elle ferma les yeux un instant, l’air soulagé. Il lui souriait quand elle les rouvrit.
— Merci… J’avais vraiment peur de ne pas pouvoir te revoir…
— Mais ils vont te soigner, n’est-ce pas ?
Il jeta un regard furtif vers Zoë, qui affichait une expression pitoyable devant la scène se jouant devant elle. Elle baissa les yeux.
— Ça va, Thibault. Je voulais seulement te revoir…
Il recentra son attention sur elle, mesurant son rythme cardiaque qui s’était emballé.
— Je reste aussi longtemps que tu le voudras, assura-t-il, la voix parcourue d’un nouveau tremblement.
***
Deux heures. C’était le peu qui était resté à Margot avant que le dernier sommeil ne l’emporte. Elle tenait encore la main de son frère quand c’était arrivé, et Thibault n’avait pas voulu la lâcher avant que Zoë, en larmes, ne l’écarte doucement de leur sœur.
Il était retourné dans sa cellule comme un fantôme. Il ne ressentait plus aucune colère envers Margot, mais une infinie tristesse le rongeait. Il aurait voulu parler davantage. Lui rappeler chacun des bons moments. La fois où il avait tapé le garçon qui avait tiré ses couettes dans la cour de récréation. Toutes les fois où il avait fait ses devoirs à sa place à l’insu de leurs parents, parce qu’elle ne comprenait rien en mathématiques. Les fois où il l’avait laissée dormir dans son lit parce qu’elle avait peur de l’orage. Toutes ces fois où il l’avait sincèrement aimée, et où il avait été un bon grand frère. Autant de souvenirs qu’il avait cru enfouis à tout jamais.
C’était fini. Il avait laissé passer sa chance. Il ne lui restait que la photo, que Zoë avait bien voulu lui laisser garder. Avant qu’elle ne quitte la chambre, il lui avait demandé de laisser la lumière allumée. Il voulait pouvoir la regarder plus, cette photo. Et se souvenir de tout ce qu’il avait ressenti ce jour-là, quand il avait fièrement accompagné Margot à son premier jour d’école.
Il se laissa sombrer dans un demi-sommeil, presque comateux. Il songeait avec amertume que s’il n’avait pas été enlevé par Lison, il n’aurait jamais pu dire adieu à sa sœur. Il se sentait presque redevable pour ça, mais…
À présent cependant… Pourquoi rester ? Thibault ne partageait pas ce genre de bons souvenirs avec Zoë. Lison était devenue une étrangère. Donovan n'était même pas venu le voir. Tobias s’était laissé embarquer dans cette milice sans vergogne. Il voulait revoir Solène. Il avait besoin de Gabriel.
Gabi aurait aimé Margot. Ils étaient du même âge, tous les deux. Ils se seraient bien entendus, certainement.
***
La porte grinça.
— Thibault ?
Zoë. Il resta prostré dans le lit. Il avait toujours la photo à la main.
Elle fit quelques pas et vint s’assoir à côté de lui, et il leva les yeux vers elle. Elle avait dû verser beaucoup de larmes, elle aussi, depuis qu’il l’avait vue pour la dernière fois. Quand était-ce ? La veille ? Quelques heures auparavant ?
— Lison veut bien que tu viennes à l’incinération… Est-ce que… ?
— Oui, répondit-il faiblement.
Il avait fait table rase, en ce qui concernait Margot. Il irait lui présenter les ultimes respects. Zoë posa une main sur la sienne.
— Merci d’être allé la voir. Elle n’avait pas ri depuis des mois. Elle est partie heureuse, au moins.
— J’aurais dû y aller plus tôt…
C’était ainsi. Il ne pouvait que le regretter. Zoë pressa doucement sa main.
— Je crois qu’elle tenait pour te revoir. C’était la seule chose pour laquelle elle résistait encore. Elle voulait absolument te revoir.
Les larmes jaillirent sans prévenir et Thibault cacha son visage dans ses mains. Zoë passa alors un bras autour de lui. C’était étrange. Mais pas si révoltant. Pour cette fois, il décida de la laisser faire.
De nouveau, les gardes étaient venus lui passer les menottes, mais Thibault n’en avait que faire. C’était irritant, bien sûr. Que croyaient-ils ? Qu’il allait créer un scandale aux funérailles de sa propre sœur ? Il longea les couloirs sans prêter la moindre attention à ce qui l’entourait.
Zoë marchait à côté de lui. Il ne pouvait nier qu’il y avait quelque chose de rassurant à sa présence. Elle voulait rester avec lui. Était-ce parce qu’il avait accepté d’aller voir Margot ? Ou simplement parce qu’elle l’avait cru, quand il avait dit qu’il n’avait jamais voulu la noyer ?
— On est arrivés, chuchota-t-elle alors qu’ils atteignaient une porte.
Thibault avait gardé la photo de sa sœur et lui dans sa main. Il y jeta un coup d’œil. C’était surréaliste. Son pouls s’emballa un peu alors qu’il franchissait la porte derrière Zoë.
Très chouette d'explorer la scène de la noyade. Elle est bien hardcore et violente mais je m'attendais à quelque chose de plus sombre. Que Thibault l'ait fait par jalousie, ou du moins ait voulu faire du mal (même sans vouloir tuer). Alors, je ne sais pas si c'était forcément un meilleur choix parce que ça aurait demandé d'être justifié et donc davantage développé, tout en rendant Thib détestable pour certains lecteurs. Cette version là me convient aussi.
La mort de Margot est très réussie. Magnifique scène, où Thibault ne peut plus être en colère dans un moment aussi dramatique. Ca fait plaisir qu'il ait pu revoir sa soeur avant ses derniers moments. Ca le fait plonger dans la confusion. Même s'il pense croire encore dur comme fer que Diane sont des illuminés, tu montres déjà les premiers indices du doute. Même s'il revient du côté du Sommet, il ne sera plus le même. De manière très froide, c'est aussi intelligent de tuer Margot vu le nombre de personnages à développer à ce stade de l'histoire.
Bon, sinon Zoë continue à gagner sa place dans mon coeur. Elle a clairement le potentiel pour prendre des places dans le classement de mes chouchous xD
Mes remarques :
"Qui d’autre ? demanda-t-il avidement." ahah il perd pas de temps le Thib^^
"Thibault secoua la tête. Il lui semblait à présent que chaque habitant de Délos était un suspect potentiel. Trouver ceux qui collaboraient avec l’ennemi n’allait pas être chose aisée." le décalage entre les paroles de Tobias et la réflexion de Thibault est géniale mais un peu triste
"ne fais pas de caprice." -> caprices ?
"Margot était pourtant déjà morte" semblait plutôt qu'était ?
"— Ce que tu es devenu beau garçon, souffla-t-elle alors." couper garçon ? je trouve ça encore plus fort le simple mot beau
"Gabi aurait aimé Margot. Ils étaient du même âge, tous les deux. Ils se seraient bien entendus, certainement." je pense qu'il y a moyen d'améliorer cette chute déjà jolie : En commençant par l'idée qu'ils ont le même âge pour terminer par Gabi aurait aimé Margot ? Je trouve que c'est le plus beau passage donc ce serait chouette de terminer avec
Je continue ! (aie aie, je sais pas comment je vais décrocher ce soir^^)
Sur la mort de Margot "Thibault ne peut plus être en colère dans un moment aussi dramatique" -> un autre des moments de Thibault que j'aime. Il ne s'est jamais souvenu des bons moments avant de revoir Margot et de réaliser qu'il aurait pu ne jamais le faire. Là, il est le lui "gentil" qu'il peut aussi être capable d'être (si il veut, hein).
De manière très froide, je suis d'accord avec toi. Ça m'a fait un pincement au cœur, mais oui, j'ai beaucoup de personnages, et on en retrouve beaucoup d'un coup en plus...
Ahahah ! L'explication de la noyade. Il était déjà sacrément couillon à cet âge.
Et bah moi non plus, je n'étais pas prêt pour l'émotion des retrouvailles avec Margot :o J'en suis tout retourné. En revanche, le revirement « Mais d’un autre côté, maintenant que c’était chose faite, il n’y avait aucune raison de rester » est trop rapide. Après la puissance de la scène dramatique, il faut laisser du temps au temps. Le lendemain matin, il peut s'être forgé cette opinion, mais là, dans la douleur du deuil, m'est avis qu'il devrait sombrer dans la douleur, pas avoir déjà rebondi. Et ça laissera le temps au lecteur de se remettre de sa gorge nouée comme de ses larmes.
Mouais, c'est pas évident avec la suite, de retoucher cette conviction. Peut-être qu'on peut juste attendre que l'inhumation soit passée ?
Eh bien ! Encore un beau chapitre, décidément !
Diverses choses :
Ce sont eux qui m’ont raconté leurs histoires -> leur histoire, si c'est celle qui a lié chacun au mouvement ; au pluriel, ça voudrait dire qu'ils ont plusieurs choses à raconter chacun, ça perd en puissance dramatique
aide plutôt à exfiltrer -> aident
et l’envoyait voler -> envoyer (rattaché à « juste à temps pour »)
Il avait vraiment failli noyer Zoë. Mais c’était… -> techniquement, tous les « c'était » de la suite devraient être « ç'avait été », mais comme c'est lourd, soit laisser comme ça (la plupart des gens ne le remarqueront pas) soit faire sauter le troisième « c'était ». À noter que tu en as un autre deux paragraphes après.
Mais la balade funeste -> il y a un peu trop de phrases qui commencent par « mais » dans ce passage. Peut-être juste le supprimer, ou placer un « se termina pourtant » ?
Il irait lui payer les ultimes respects. -> C'est un calque de l'anglais. On dira plutôt « présenter ses respects » ou « rendre (un ultime) hommage », voire « honorer sa mémoire »
Le subconscient de Thibault marche mieux que son conscient héhé
Les retrouvailles avec Margot... L'un des chapitres qui a été difficile à écrire (ça fait toujours mal de tuer un personnage... même secondaire, c'est dur pour moi) et c'était aussi le moment de donner une dimension inhabituelle à Thibault, de fendre sa carapace.
Je sais que la phrase que tu soulignes est dure. Elle m'a fait tiquer à certains moments de relecture, je l'ai tournée de plusieurs façons dans ma tête, et je la changerai peut-être, mais pas dans son essence. Je trouve qu'elle reflète parfaitement l'état d'esprit de Thibault à ce moment-là. Il souffre réellement de la perte de Margot, plus qu'il ne l'aurait voulu, il ne parvient plus à lui en vouloir, alors qu'il l'aurait voulu... Je considère qu'il est un peu dans le déni du côté définitif de la chose et qu'il rejette la volonté initiale de ne pas pardonner sur le reste de sa fratrie. Je sais que les mots sont bruts et le font presque paraître insensible, alors que pour moi ça traduit plutôt une volonté de ne pas ressentir la souffrance. Je vais peut-être supprimer le "mais d'un autre côté" qui fait un peu "bon, allez tant pis", ça adouciera sûrement.
Je l'épingle dans un coin de ma tête ! Mais j'y reviendrai, c'est sûr.
Merci aussi pour toutes tes notes sur la forme ! Je commence beaucoup de phrases par "mais". On me l'a déjà fait remarquer. MAIS je ne peux pas m'en empêcher. Merciii!
Bon pour le coup je n'ai pas grand chose à dire sur ce chapitre mis à part qu'il est très bien écrit et qu'il se lit tout seul. ;)
Plus sérieusement j'ai beaucoup aimé certains passages comme les retrouvailles entre Margot et Thibault, tu décris très bien la scène, j'y étais et je ressentais parfaitement la douleur du grand frère.
Le souvenir de Thibault quand il met Zoé dans la baignoire est particulièrement fort et glaçant. La aussi, les émotions sont bien présentes et ca fonctionne bien.
Tes derniers chapitres sont un peu plus calmes mais comme on en apprends plus sur ton univers et sur la famille Junon ca reste très agréable à lire. =)
Petite parenthèse : J'ai pas mal réfléchi à ton dernier chapitre (le 18) ou tu racontes via Tobias l'histoire de Délos. Il fait une révélation et explique à Thibault qu'en fait les anciens pays on créer eux même la vague de pollution meurtrière mais que les gouvernement ont menti et ne l'ont pas dit à la population. Tu dis aussi que la création de Délos date à peu prés de 125 ans. Une idée me taraude l'esprit. 125 ans ca doit faire 4 ou 5 générations ou quelque chose comme ca, je ne peux m'empêcher de penser que les gens qui sont entrés à Délos à sa création étaient au courant de la vérité et qu'ils auraient forcément du la transmettre aux générations futurs. Ducoup je me demande comment cela se fait que la population de Délos soit dans l'ignorance par rapport à ca ?
Je ne sais pas si j'ai été très claire et si tu comprends ou je veux en venir. Si je me suis mal exprimé n'hésites pas à me le dire j'essaierais de reformuler. =)
En tout cas félicitations pour ce chapitre que j'ai beaucoup aimé, il me tarde d'assister au face à face avec Donovan qui je suis sur risque d'être déchirant !
Bonne soirée et à très vite !
Concernant ce chapitre : oui c'est un peu plus calme, il me fallait un temps pour réintroduire vraiment les personnages qui avaient un peu disparu des radars x) Alors rassure-toi, c'est seulement quelques chapitres. Le prochain va couvrir les retrouvailles avec Donovan (comme annoncé à la fin de celui-ci) puis dans celui d'après on va arriver sur le sujet de la seconde partie.
Concernant le chapitre précédent : je crois que tu as relevé un problème qui n'est pas celui que tu penses haha.
Les explications de Tobias étaient un peu compactes et j'ai mis full informations. Je l'ai retravaillé plusieurs fois, j'ai coupé des pans entiers pour réduire le débit... Mais ça reste beaucoup d'informations pour un seul chapitre.
Alors en attendant que je le reprenne une nouvelle fois : la création de Délos ne date pas d'il y a 125 ans, mais de 250 ans. C'est la réintroducton de l'esclavage qui date d'il y a 125 ans.
Aussi, je ne dis pas que les gouvernements de l'époque ont menti, mais plutôt qu'ils n'ont pas cherché à résoudre le problème du bon côté. Au lieu de stopper la pollution sur terre, ils ont cherché à coloniser d'autres planètes. Ils ont donc encore plus développé la technologie (on appelle ça combattre le mal par le mal je crois xD).
Quant à cacher l'histoire aux habitants de Délos, en fait il n'y a pas une vraie "ignorance" de ce qu'il s'est passé 250 ans auparavant. C'est plutôt que le fondateur n'a pas souhaité emporter avec lui de documents datant de "l'ancien monde". De même il a interdit la technologie pour la technologie. Il a tourné l'intérêt du peuple vers l'avenir, vers la survie de l'espèce humaine plutôt que vers le passé. Ce n'est pas qu'il n'y a pas d'historien, mais plutôt qu'ils sont concentrés à écrire l'histoire actuelle du pays. L'idée du fondateur était de repartir de zéro, Délos était une utopie. C'est d'ailleurs pour ça que les membres de Diane, et de Thémis avant eux, qui ont cherché à faire tomber le gouvernement dès qu'il a délaissé une partie de la population peuvent se permettre de faire le parallèle avec l'ancien temps. Ils se sont en effet transmis l'histoire.
Ça m'amène au choix de Thibault comme personnage principal : pour moi il représente la population "moyenne" de Délos. C'est à dire qu'il s'intéresse à son petit monde et ne cherche pas à en savoir plus. Les gens qui vivent là-bas (appelons-les les délosiens) ne s'intéressent pas au passé, surtout dans des zones géographiques qui leur sont floues.
Par exemple, je connais mal l'histoire de l'Ouzbékistan il y a 250 ans, et je ne vis pas en fonction de ce qu'il s'y est passé, même si je ne doute pas que ça soit passionnant. Bien sûr des personnes "qui réfléchissent" telles que Tobias ou Gabi existent, et font des parallèles avec le passé, mais ils ne sont pas légion.
Voilà j'espère que mon idée est un peu plus claire ^^ J'essayerai d'améliorer mon chapitre 18 ! Après tout il est là pour faire comprendre les fondations de la cité, et c'est dommage si c'est trop flou. Merci de ton retour ^^