Chapitre 2

Par MLdlG

Une fenêtre s'ouvre sur l'écran de quelqu'un.

 : Salut.

 : Hé ! ho ! Qui es-tu ? Que fais-tu là ?

 : Je pense savoir qui tu es.

 :...

Moi pas. Que fais-tu sur mon écran ?

 : J'explore un peu.

Je badine.

Je cherche un Samouraï

 : Un Samouraï ? Pour quoi faire ?

 : Un Samouraï chasseur de rêve ou... de Termites...

 : Je peux pas t'aider. Passe ton chemin.

STP.

C'est demandé gentiment. Sinon, je serai obligé d'employer la manière forte.

 : Peut-on se rencontrer ? STP ?

 : Non.

 : Je vois. Bon, sache que le temps de notre discussion, j'ai eu le temps d'amasser assez de données pour te retrou.......

une erreur inconnue s'est produite

Un bip d'alerte prévient de l'arrivée d'un nouveau message.

De: "Kiyokohana"

À: "Akihide"

Envoyé : Mardi 6 Mars 2018 11:23:47

Objet : Rencontre

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Notre discussion ayant malencontreusement été interrompue, je me permets d'insister et de solliciter une rencontre.

Je propose, puisque d'après ton routeur caché par ton VPN, nous sommes voisins, que nous nous retrouvions au parc Eybasarayama devant le temple Jisenji. Demain soir, après la tombée de la nuit. Il pleut demain, j'y serai avec un parapluie jaune.

PS : en pièce jointe, une capture écran d'une partie des données « empruntées »...

Kohana regagna son logement le coeur léger. Son chantage n'était pas très légal, ni éthique, mais elle n'en avait cure. Elle ne gardait en tête que sa mission, celle pour laquelle elle avait été élue, celle pour laquelle elle se levait chaque matin et acceptait la peine et la douleur qui l'accompagnaient.

Elle ne put fermer l'oeil du reste de la nuit. Sans relâche, son imagination lui fournissait une matière qu'elle traitait aussitôt. Lorsque les lueurs matinales apparurent et que les battements d'ailes fatigués arrivèrent, elle se laissa bercer par les petits coups de papier de ses filles. Le constat d'une hécatombe magistrale lui serra les entrailles.

— Le Samouraï Automate est parti. Plus tôt que d'habitude, réussit-elle à entendre. Nous n'avons pas pu faire face.

Cette journée-là, Kohanna nourrit sa force dans le désespoir des pertes de la nuit. Elle ne doutait presque plus d'avoir trouvé le bon interlocuteur. Seule sa présence ce soir resterait un mystère jusqu'au bout.

La bruine tombait en continu. Munie de son parapluie jaune, Kohana se dirigea d'un pied ferme vers son rendez-vous. Elle ne pouvait pas nier l'angoisse qui tentait tant bien que mal d'augmenter son rythme cardiaque. Elle s'efforça au calme intérieur en se récitant une comptine que sa grand-mère lui fredonnait petite : Sakura sakura, yayoi no sorawa, mi-watasu kagiri, kasumi ka kumo ka, nioi zo izuru, izaya izaya, mini yukan1.

Dans le parc désert, elle s'assit sur le banc en face du temple. La comptine tournant en boucle dans sa tête, elle occupa le temps avec du papier pour faire ses petites grues.

Cinq papillonnaient déjà sous le grand parapluie quand elle fut interpellée.

— Kiyokohana ?

— Oui. Kohana tout court. Je n'étais pas encore sûre que tu viendrais.

— J'ai hésité. Longtemps. Je n'aime pas être menacé, mais je suis curieux d'entendre ce que tu as à me dire. Je n'aimerais pas perdre ce que tu m'as pris. Comment m'as-tu trouvé ?

Sur ces paroles il s'assit à côté d'elle. Les petites grues se rapprochèrent de l'inconnu pour l'observer. Aucune émotion ne transparaissait de son visage ovale, encadré par des cheveux noirs et mi-longs. Si ses joues étaient imberbes, une moustache ombrageait le dessus de sa bouche. Ses yeux, ténébreux, s'attardèrent un instant sur les origamis volants, avant de regarder sa voisine.

— Sache que je n'ai pas regardé ces données, dit Kohana les yeux rivés vers l'horizon. Je les conserve juste dans un endroit sûr. Je garderai le mystère sur le comment. Je m'intéresse plutôt au pourquoi.

— Alors pourquoi ? Et que sont ces choses ? L'interrogea-t-il en tendant la main vers une petite grue. Celle-ci, peureuse, se réfugia promptement auprès de sa mère.

— Ces choses, comme tu dis, ce sont mes filles. Mon ''armée''. Ensemble, nous chassons chaque nuit, nous traquons les Termites-mangeurs-de-rêve. Mais je m'affaiblis de jour en jour. J'ai besoin d'un allié. Quelqu'un qui m'épaulerait pour vaincre les Termites.Tu sembles pas mal te débrouiller, d'après elles.

— Tu te trompes. Je... Je ne suis pas ton homme.

— Mais nous ne pouvons pas laisser les cauchemars envahir les rêves ! Pense à tous ces enfants qui subissent chaque nuit la tyrannie des Termites ! Comme je te l'ai déjà dit, je n'en ai plus pour très longtemps... Si tu m'aides, je pourrai peut-être réaliser mon Voeux. J'en suis si proche !

— Tu ne me connais pas. Je ne peux que refuser. C'est impossible pour moi.

Une déception intense se traduisit en larmes dans les yeux de Kohana. Les petites grues dont l'affolement se répercutait dans le battement frénétique de leurs ailes suivirent leur mère qui se leva sans un mot, sans un regard en arrière.

Elle regagna son appartement, seule et désespérée. Toute la nuit, elle plia ses papiers. Ses sanglots intarissables humidifiaient les sillons. Ses mains devenues tant rigides pouvaient à peine bouger lorsque l'aube apparut. Le bruissement familier des ailes fut la dernière chose qu'elle entendit. Le venin des Termites s'infiltra pour chaque unité manquante. Elle ne résista pas. Pas cette fois. La puissance du poison et l'importance de sa tristesse la firent trépasser. Elle s'abandonna dans les bras de la mort.

*

Eita referma son journal, songeur. L'article qu'il venait de lire l'avait interpellé. Une jeune femme avait été retrouvée morte dans son studio. Plusieurs jours s'étaient passés avant que la police ne force l'entrée. C'était la voisine et propriétaire qui avait appelé les secours, le loyer, d'habitude payé régulièrement, faisait défaut. Lorsque les forces de l'ordre étaient arrivées sur place, le corps et l'ensemble de la pièce étaient couverts de petites grues.

Écartant ces drôles de pensées, il se connecta à son ordinateur.

Identifiant :

akihide

Mot de passe :

••••••••••••

 

Ah ! Ça y est ! Son compte venait d'être crédité. Il sourit intérieurement : les gens étaient prêts à tout pour faire du mal. Son petit trafic de virus lui donnait de quoi vivre bien, sans trop de peine. Juste une petite chasse aux cauchemars qu'il programmait ensuite consciencieusement.

1Fleurs de cerisiers, fleurs de cerisiers, traversant le ciel du printemps, aussi loin que vous pouvez voir, est-ce du brouillard, ou des nuages ? Parfum dans l'air,viens maintenant, allons, allons, voyons, enfin!

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Slyth
Posté le 09/02/2019
Coucou
Je suis contente de pouvoir découvrir un de tes textes ! =)
Je ne sais pas si tu connais le film d'animation Kubo et l'armure magique, mais l'idée des origamis animés m'y a aussitôt renvoyée. Je trouve que c'est un film magnifique !
Je n'ai donc pas eu de soucis à retrouver le thème du merveilleux que tu évoques. Pour le côté scientifique, je dirais qu'il est moins évident. J'ai lu ta réponse au commentaire de Fannie où tu parles de l'aspect mathématique de l'art de l'origami et j'avoue que c'est quelque chose que, personnellement, j'ignorais. Du coup, c'est peut-être dommage que ce ne soit pas mentionné dans ton récit ? Quant à l'aspect informatique, j'avoue que le terme "scientifique" n'est pas forcément le premier qui me vient à l'esprit lorsque j'y songe. Mais je comprends l'association.
C'est sans doute dû à mon côté naïf et fleur bleue, mais j'ai toujours l'espoir qu'une histoire puisse bien se terminer. En plus, la légende des mille grues venait renforcer cette espérance. Mais hélas, la fin est beaucoup plus amère (ce n'est pas un reproche hein ? juste mon ressenti à chaud après la lecture) et c'est un peu difficile d'imaginer que les choses pourront s'améliorer un jour.
Merci pour ce beau et poétique moment de lecture ! ^^
MLdlG
Posté le 09/02/2019
Salut Slyth !
Et merci d'être venue jusqu'ici ! :)
Oui, j'ai vu ce film, j'avais été le voir au ciné et j'avais bien aimé. C'est vrai qu'il avait un côté très poétique et je suis touchée que cela t'y ait fait pensé. Peut-être que mon influence vient de là ? je n'y avait pas pensé mais maitenant, j'ai grave envie de le revoir :)
Je crois que j'ai bien fait de ne pas participer à cet AAT parce que je pense que c'est un hors sujet :) C'est vrai que c'est un peu tiré par les cheveux. En tout cas, je n'abandonne pas l'idée du thème que je trouve inspirtant.
Et pourtant, je suis fleur bleue moi aussi ! Je dirais pour ma ''défence'' que la fin est apparu d'elle-même et même si elle est amère, je n'avais rien d'autre qui se dessinait. Dans ma tête l'histoire ne pouvait que se terminer ainsi.
En tout cas ce texte est en friche depuis longtemps et j'aimerai un jour lui faire un petit lifting =)
Merci pour tes retours et d'avoir pris le temps de lire !
Fannie
Posté le 03/07/2018
À mon avis, la deuxième partie est moins agréable à lire. Dans les échanges de messages, il y a des passages à la ligne qui sont surprenants, voire déroutants. Il me semble que tu pourrais alléger ces échanges à l’ordinateur. On dirait que les deux personnages communiquent d’abord par messagerie instantanée et ensuite par courriel. Mais est-ce vraiment nécessaire d’indiquer les adresses, un nom de fichier impossible avec un choix de commandes, des mentions telles que « Identifiant », etc. ? Je trouve que ça manque de fluidité. Si c’est ce passage qui est censé illustrer l’aspect scientifique, je ne suis pas convaincue. À part la capacité à faire irruption sur l’écran de quelqu’un, l’usage de l’ordinateur n’a rien de particulier dans cette nouvelle. (En fait, je m’interroge autant que je t’interroge.)
La fin est bien triste, mais ce n’est pas vraiment une surprise puisqu’on savait que Kohana dépérissait.<br /> Quant à Akihide, il semble chasser les fameux termites pour compenser le mal qu’il fait avec son petit trafic, mais refuser d’aider Kohana dans sa grande cause pour préserver cette activité a quelque chose de mesquin.
Coquilles et remarques :
Je cherche un Samouraï [samouraï]
Pourquoi faire ? [Pour quoi (en deux mots)]
Un Samouraï chasseur de rêve [samouraï / de rêves]
Suite à notre discussion malencontreusement interrompue, je me permets d'insister et de souhaiter une rencontre. [L’expression « Suite à » me semble maladroite. Je propose quelque chose comme « Comme suite à » ou « Pour reprendre notre discussion » / je propose « solliciter une rencontre »]
Cette nouvelle, bien que dans une manifestation tragique à l'instant présent, se révéla être une force pour mener la journée à son terme [la formulation « bien que dans une manifestation tragique à l’instant présent » me laisse dubitative… Ce n’est pas très clair.]
La bruine tombait en continue [en continu]
Elle s'efforça au clame intérieur [calme]
Je n'aimerai pas perdre ce que tu m'as pris [Je n’aimerais ; c’est le conditionnel présent]
Aucune émotion ne transparaissait de son visage oval [ovale]
s'attardèrent un instant sur les origamis volant [volants]
Sache que je n'ai pas regardé ces données, dit Kohana les yeux fixa l'horizon [fixant, peut-être ?]
nous traquons les Termites-mangeuses-de-rêve [mangeurs]
J'ai besoin d'un allier [allié]
je pourrai peut-être réaliser mon Voeux [mon vœu]
les forces de l'ordre étaient arrivés [arrivées]
P.sdfootnote { margin-left: 0.5cm; text-indent: -0.5cm; margin-bottom: 0cm; font-size: 10pt; }P { margin-bottom: 0.21cm; }A.sdfootnoteanc { font-size: 57%; } [Encore un bug de mise en page, j’imagine...]
MLdlG
Posté le 03/07/2018
Re Fannie,
je te cite : "Quant à Akihide, il semble chasser les fameux termites pour compenser le mal qu’il fait avec son petit trafic, mais refuser d’aider Kohana dans sa grande cause pour préserver cette activité a quelque chose de mesquin." -> oui, complètement ;) Il a été difficile pour moi de trouver une fin, mais celle-ci s'est imposée d'elle même alors j'ai dirigé mon texte en ce sens.
Merci pour ces retours sincères, je me note pour la lourdeur des parties liées à la communication par ordinateur. C'est vrai que c'était une façon d'inclure des "originalités visuelles" pour immerger le lecteur (et tu as bien compris messagerie instantanée et mèl), si la magie ne prend pas, elles ne servent effectivement pas à grand chose et alourdissent. :)
Un grand merci (pardon, je me répète, mais cela m'a fait très plaisir que tu aies pris du temps sur cette nouvelle :) ) et à très vite.
Je vais au plus rapide corriger toutes ses monstruosités orthographiques et au plus loin reprendre l'histoire !
MLdlG
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