Chapitre 2

Colin :

La route pour aller au chalet est agréable. Au volant de ma voiture, les fenêtres ouvertes, les cheveux au vent, la musique à fond. La nature reprend vite ses droits sur la ville, et je profite du paysage, oubliant momentanément le fardeau que représentent ces vacances. Sous le soleil éclatant, les arbres s’étendent à perte de vue, et leur odeur me détend. L’atmosphère est apaisante et agréable.

En arrivant, un sourire se dessine sur mes lèvres. Le chalet n’a pas changé, toujours perché sur les hauteurs d’une colline bordée d’arbres. Le chant des oiseaux m’accueille tandis que j’ouvre les fenêtres pour chasser l’air confiné. C’est notre maison familiale, un lieu qui nous réunit et nous transporte dans un autre monde. Ce chalet est comme une pause dans notre vie pour nous retrouver, même son extérieur nous incite à l’aventure et à l’évasion. Et même si ces vacances ne sont pas celles que j’avais imaginées, je suis content d’être ici.

En ouvrant la porte du chalet, l’odeur familière du bois vieilli et du pin m’accueille. Les meubles sont disposés comme toujours, un mélange d’ancien et de neuf, chaque pièce racontant une histoire familiale. Des photos jaunies ornent les murs, témoins silencieux des étés passés. Je me sens chez moi, et pour un instant, j’oublie pourquoi je suis ici.

Une heure après mon arrivée, la voiture de ma tante arrive enfin. Étendu sur le perron, je profite du soleil. Je descends les marches pour l’accueillir, pensant qu’elle serait avec Marc, son mari, mais à la place, je vois une inconnue sur le siège passager. Elle semble perdue et mal à l’aise d’être ici. Qui est-elle ? Ma tante sort de la voiture et me serre dans ses bras, tandis que la fille reste à l’intérieur, nous observant.

« Comment va mon petit artiste ? » me salue ma tante en m’ébouriffant les cheveux. J’essaie de m’éloigner de ses mains dans un rire complice.

« Je vais bien, même si je suis puni.

— La prochaine fois, sois plus rusé. Mais je vais t’avouer un petit secret : ta mère a trouvé ça très drôle.

— Je le savais ! »

Nous rions de concert quand je vois l’inconnue sortir de la voiture en observant les alentours.

« Qui est-ce ? » lancé-je à ma tante.

« Ta jolie surprise des vacances. C’est Aerin, une de mes patientes préférées. Elle va passer les vacances avec toi. » Elle se rapproche de moi pour chuchoter. Il y a dans sa voix une affection rare pour une de ses patientes.

« Avec nous, tu veux dire. » lui dis-je, mais je remarque qu’elle évite mon regard.

« Tatie. » Elle se tourne, je pose devant elle. « Tatie. » Elle se retourne. « Tatie… »

Je me pince le nez en comprenant son plan.

« Je ne vais pas passer deux semaines avec une inconnue !

— Ce n’est pas vraiment une inconnue, je la connais et j’ai besoin de toi. Je ne savais pas vers qui me tourner. »

Qui est cette fille ? Pourquoi semble-t-elle si perdue ? Et pourquoi ma tante l’a-t-elle amenée ici ? Je me sens soudain pris dans quelque chose de bien plus compliqué que je ne l’avais imaginé. Sa voix trahit sa lassitude. Je prends un moment pour observer la nouvelle arrivante.

Elle semble vouloir disparaître. Malgré la chaleur, elle est emmitouflée dans des manches longues et un pantalon. Adossée à la voiture, un bras replié sur l’autre, son doigt tapote un rythme invisible. Elle regarde le chemin de terre. Son regard croise le mien, elle est surprise avant de reprendre son visage fuyant. Elle est… Je ne trouve pas les mots pour décrire ce que je ressens. J’accepte sans réfléchir un instant de plus, et Lily m’explique son plan.

 

Aerin :

Dans la voiture, mon front est pressé contre la vitre, mes yeux fixant le défilement des paysages. Ma jambe tremble d’un tic nerveux, trahissant mon agitation intérieure. Lily m’a demandé si ça me dérangeait de partir en vacances avec elle et, encore une fois, j’ai menti. Je n’ai pas posé de questions, j’ai juste suivi le mouvement. Depuis, la musique est la seule à briser le silence dans la voiture.

Après quelques heures, la voiture tourne sur un sentier de terre battue dissimulé parmi les grands arbres. L’angoisse monte en moi, lente mais inexorable. Finalement, un chalet magnifique se révèle. Lily se gare, et mon regard se fixe sur la silhouette allongée sur le perron. Il se lève quand Lily sort de la voiture et ils se prennent dans les bras. Mon cœur s’emballe à l’idée de devoir me présenter. La beauté des autres a toujours amplifié mes insécurités, et la sienne ne fait pas exception. Chaque interaction est un défi, chaque mot un obstacle. La voiture éteinte, la chaleur s’insinue dans l’habitacle. Je sors pour profiter de l’air.

Je m’adosse à la voiture et regarde les alentours. De temps à autre, mon regard se porte sur le garçon, dont le charisme naturel accentue son aura séduisante. Je me sens submergée par la nervosité. Mon doigt tapote un rythme invisible, refusant de se calmer. Alors que je détourne les yeux, cherchant une échappatoire dans le paysage, nos regards se croisent par accident. Surprise, je romps le contact rapidement. La peur de paraître impolie, voire étrange, m’envahit.

Lily revient vers moi, tandis que le garçon reste à distance.

« Je dois t’avouer quelque chose… Tu ne passeras pas les vacances avec moi. » Un frisson de panique me parcourt, et Lily me prend les mains.

« Tu vas les passer avec mon neveu Colin. Je sais que rencontrer quelqu’un de nouveau n’est pas facile pour toi, mais Colin… il est bienveillant. Je crois qu’il pourrait t’aider. » M’aider ? Comment un inconnu pourrait-il m’aider alors que je n’arrive même pas à être honnête avec elle ? Je baisse les yeux, gardant mes réflexions pour moi.

J’ai essayé d’être honnête avec d’autres avant, mais chaque fois, cela m’a laissée plus seule encore. Dès que j’essaye de m’exprimer, je n’arrive pas à choisir les bons mots et je finis par être incomprise. Si Lily ne m’a pas comprise, qui le pourra ? Pourquoi Colin serait-il différent ? Pourquoi maintenant ?

Lily prend une grande respiration avant de me regarder dans les yeux, essayant de me rassurer.

« Aerin, je sais que ça fait des mois que tu me mens. » Je retire mes mains brusquement. Comment…

« Et j’ai percé à jour tes intentions pour la fin de ces vacances. C’est la raison pour laquelle j’ai arrangé tout ceci en urgence. Faire semblant que tout va bien pour nous rassurer ne t’aide en rien. Je vois que ta situation s’aggrave, et cela me terrifie. J’espère qu’en passant du temps avec mon neveu, tu pourras enfin être honnête avec quelqu’un et trouver ta voie vers la guérison.

— Pourquoi avec lui, ça serait différent ? » Ma voix s’étrangle dans ma gorge.

« Parce que tu ne lui dois rien. Tu ne le connais pas, pourquoi son opinion serait-elle importante ? Colin est spécial, il a ce truc qui pourrait t’aider. C’est un pas vers ta quête personnelle. Nous croyons tous en toi, ta famille et moi. Nous avons pensé que c’était la meilleure approche avant d’envisager…

— De toute façon, je n’ai plus le choix. Mais… et si je retombe dans mes travers ?

— Ne t’inquiète pas, il ne te laissera pas faire. » Elle me sourit en me faisant un clin d’œil.

J’essaie de retenir mes larmes, je n’ai pas réussi à leur cacher mes intentions. Je les inquiète, je ne suis qu’un poids pour eux. Pourquoi ne suis-je pas normale ? Colin s’avance vers nous, son regard s’attardant sur moi, une étincelle de curiosité dans les yeux. Il tend sa main, et je la saisis avec hésitation.

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RedFeather
Posté le 05/09/2024
Ouf, je suis rassuré'e de voir que les parents d'Aerin sont au courant que Lily ne sera pas au chalet à les surveiller. Ca me semblait très moyen de la part d'un adulte responsable. (Oui je tiens aux adultes responsables^^)

J'espère que Lily ne sera pas trop loin, et joignable en cas d'urgence. Après tout, si je ne me trompe pas, iels sont mineur'es ?

Colin est tout gentil, assez solaire comme adolescent. Je pense que je vais bien l'aimer !

J'ai quelques intuitions concernant Aerin, mais avec mes propres biais cognitifs je préfère attendre un peu avant de les partager ! Elle est si fragile... et si consciente de sa fragilité. En un sens je comprends Lily. Si elle ne parvient à rien en tirer depuis plusieurs mois, c'est qu'il faut changer de méthode. Et, oui, sortir du cadre de la thérapie.

J'aime ton style fluide, aisé à lire, qui attire directement dans l'histoire. J'espère que bientôt, je pourrai lire la suite !
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