Le lendemain matin, les artistes se réunirent dans les loges, pour un rituel important : l’essayage des costumes. Pendant que Lily distribuait les tenues et les aidait à se vêtir, Oliver passait de l’un à l’autre, répondant aux questions et procédant aux ajustements.
Au milieu de ce joyeux vacarme, la jeune alfrée se sentait à sa place. Sa fonction était essentielle pour elle. Lily tenait à épauler les interprètes dans toutes les étapes de leur art : de la chorégraphie, à l’habillage, au maquillage, en passant par les répétitions, les vagues à l’âme et le trac.
Elle jeta un coup d’œil à Oliver, perdu parmi les frères et sœurs Valentia. Les gnomes s’extasiaient sur leurs nouveaux costumes, qui avaient la particularité étrange d’être réversibles. Concentré, le jeune homme tirait un pan d’étoffe, boutonnait une veste et vérifiait l’ourlet d’un pantalon.
Elle fut attirée par le tissu sur son visage, qui lui fit penser à sa réaction, lorsqu’ils avaient évoqué son pays natal, la veille. Elle aurait aimé qu’il partage avec elle ces mauvais souvenirs qu’il gardait cachés derrière le foulard.
Ses réflexions furent interrompues par une robe grenat agitée devant ses yeux. Derrière le vêtement, Soréa, déjà habillée de sa tenue chamarrée – qui lui allait à ravir – la fixait avec un grand sourire. Lily sursauta et la gratifia d’une grimace.
— Toi aussi, tu dois essayer ton costume de scène, lança l’alfrée.
Lily faillit refuser, avec un argument tout prêt : elle devait d’abord s’occuper d’eux. Mais, le tissu brillant attirait obstinément son regard. Elle agrippa le cintre et se glissa derrière le paravent.
Elle l’enfila, s’observant dans la psyché. Elle ne pouvait s’empêcher d’admirer la splendide robe rouge sombre, à dos nu. Oliver y avait capturé des étoiles. L’étoffe, légère et douce, s’adaptait parfaitement à sa morphologie et la laissait libre de ses mouvements. Le souvenir du moment où son ami avait pris ses mensurations revint à son esprit : ses gestes mesurés, timides même, étaient attendrissants.
Elle s’imagina un instant en train de danser sur scène dans cette tenue. Elle se laissa aller quelques secondes puis repoussa l’image avec force, se concentrant sur le présent. Elle agrippa le gilet assorti et rejoignit Soréa.
— Tu es magnifique, souffla l’alfrée.
Lily se laissa envahir par l’enthousiasme communicatif de son amie : elle fit un tour complet sur elle-même, appréciant la sensation du tissu s’envolant et effleurant sa peau.
Puis elle lui tendit le veston.
— Aide-moi, veux-tu ?
Soréa acquiesça. Lily se retourna et décala sa tresse sur son épaule. En silence, l’alfrée drapa la veste et l’aida à enfiler les manches. Lily sentit ses mains hésitantes déplacer les minuscules ailes déformées pour les faire passer dans les ouvertures qu’Oliver avait ménagées dans le dos. Elle ajusta et boutonna le gilet de velours, de la même couleur que la robe, avec des poignets noirs.
Elle fit demi-tour, attrapa le chapeau qui accompagnait son costume et rejoignit le centre des loges. Tous les yeux convergèrent vers elle. Avec un grand sourire, elle coiffa le haut-de-forme noir, orné de fleurs rouges, dans un geste théâtral. Des applaudissements retentirent.
Ruok se planta devant elle et fit une parodie de révérence.
— Princesse !
Lily éclata d’un rire joyeux. Elle croisa le regard d’Oliver, qui la fixait avec une telle intensité qu’elle frissonna. Lorsqu’il la rejoignit, il avait repris son expression professionnelle. Il tourna autour d’elle, tira un peu sur sa veste, épousseta les épaules, effleura les coutures autour de ses ailes, ajustant les frêles élytres avec délicatesse, et examina le drapé de la robe.
— Peut-être que je peux encore améliorer ça, commenta-t-il pour lui-même.
Elle lui agrippa le bras, interrompant son mouvement. Il croisa son regard et elle lut un trouble sur son visage.
— Elle est parfaite, affirma-t-elle.
Oliver la contemplait avec une expression rêveuse.
— Tu seras magnifique, ce soir, répondit-il.
Le cœur de Lily s’emballa.
On change de point de vue. Nous voilà dans la tête de Lily. C'est sympa, frais et léger de suivre des artistes sur le point de se produire. Nous sommes rarement dans les loges (à moins d'appartenir à ce monde-là, ce qui n'est pas mon cas) alors je trouve ça agréable.
Là aussi, un personne avec des espoirs, des rêves et des ailes atrophiées... ce qui ne l'empêche apparemment pas de danser :)