TRISTAN
L’ambiance dans le hall de l’hôtel de police est électrique, ça circule dans tous les sens et le téléphone n’arrête pas de sonner à l’accueil. Je me tourne vers Camille, qui semble aussi intriguée que moi.
— On a dû rater quelque chose, commenté-je.
Je me dirige vers les ascenseurs, quand l’un des plantons de service, combiné collé à l’oreille, nous fait signe.
— Ils viennent d’arriver commandant Leroy, je vous les envoie tout de suite.
Il raccroche.
— Ah vous voilà enfin !
— Doucement le petit nouveau, sinon vous ne ferez pas de vieux os ici, répliqué-je.
— Désolé, mais c’est votre patron, il n’arrête pas d’appeler pour savoir si je vous ai vus.
— Commençons par souffler un peu, on n’est pas aux pièces non plus !
Le planton grimace puis ajoute :
— À votre place, je n’attendrai pas, le procureur est dans son bureau.
Camille, surprise, se tourne vers moi.
— Déjà ?
— On a dû tomber sur du lourd.
— La victime ?
— Tu vois une autre raison ?
Elle semble sans voix, les sourcils froncés, elle me regarde droit dans les yeux. Je l’observe quelques instants, pensant qu’elle va dire quelque chose, mais rien ne vient. Elle a l’air furieuse, je n’y comprends rien, qu’est ce que j’ai bien pu dire pour la mettre dans cet état. Comme elle ne demeure muette, je pénètre dans l’ascenseur.
— Oui, j’en vois une, annonce-t-elle enfin, la notoriété de la brillante inspectrice qui a fait les premières constatations !
— J’ai bien cru que tu allais me tomber dessus, bien joué ! Alors, la star de la Crim, tu restes plantée là, où tu montes avec moi ?
Elle finit par rentrer et se colle au fond de la cabine.
— Tu as raison, cela ne peut-être que ça, approuvé-je en riant. Mais si le proc est déjà ici, c’est le signe que l’affaire est sensible, et ça c’est pas forcément une bonne nouvelle.
Arrivé au deuxième étage, je me dirige vers le bureau du commandant. J’entrebâille discrètement la porte légèrement entrouverte. Assis face à Leroy, un homme nous tourne le dos. Je le reconnais sans mal, c’est bien d’Alexandre Tardieu, procureur de la République ; le planton n’a pas menti, il y a du beau monde par ici.
— Vous attendez quoi, entrez Coupa, aboie Leroy.
Le temps n’est pas au beau fixe, pas le moment de sortir mes conneries habituelles, cela risque de ne pas passer. Je rentre, suivi de Camille, qui referme la porte derrière elle. À la vue de ma coéquipière, le visage de Leroy s’adoucit un peu. Le commandant fait signe de nous approcher.
— Maintenant que tout le monde est là, nous pouvons commencer. Prenez place, ordonne-t-il, désignant les deux chaises libres à côté de celle de Tardieu. Monsieur le procureur, je vous laisse la parole.
Tardieu qui s’était levé pour nous accueillir, se rassoit, puis tourne son siège autant pour nous faire face que pour se soustraire des rayons du soleil qui l’aveuglent. À cette heure-ci, il donne plein pot dans le bureau, éblouissant tout individu se trouvant face au commandant. Je comprends mieux pourquoi ce dernier insiste pour recevoir plutôt le matin les personnes qu’il veut éviter. Le procureur prend la parole. Sa voix devient grave, posée, mais le ton reste ferme et autoritaire.
— Le légiste vient de me confirmer l’identité de la victime: il s’agit bien de Garance de Montfort.
Ce nom me dit quelque chose, mais sans plus. Camille me jette un coup d’œil puis intervient.
— Qu’est-ce que cela change ?
— Tout, lieutenant, absolument tout. Connaissez-vous les de Montfort ?
— Non, désolée, je ne suis pas originaire d’ici.
— La famille de Montfort fait partie de la bourgeoisie influente de la région. Il va sans dire que leur notoriété mettra une pression non négligeable sur l’enquête. Pour l’instant, aucune information concernant la victime n’a été divulguée, et, pour autant, des journalistes rôdent déjà autour du poste de police. Je ne comprends pas comment ils font pour savoir, mais à chaque fois c’est pareil. C’est à se demander si tout le monde applique son devoir de réserve ici.
— Je vous interdis d’insinuer une telle chose, monsieur le procureur, mes hommes sont irréprochables de ce côté, objecte Leroy.
— Je n’en doute pas, Victor, mais admettez que c’est troublant non ? De toute façon, ce n’est pas le moment de s’occuper de ça, mais il sera nécessaire d’en reparler à un moment donné. Je dois organiser une conférence de presse assez rapidement pour annoncer l’ouverture de l’enquête préliminaire, mais avant, nous devons prévenir la famille.
Il se tourne vers nous.
— C’est à vous de jouer. Bien entendu, je compte sur votre délicatesse, capitaine…
— Vous pouvez, affirmé-je, avec un très léger ton ironique qui ne lui échappe pas.
Je crois qu’il a compris, que sa remarque concernant l’intégrité des flics qui bossent ici a été de trop. Son visage reprend son masque habituel de procureur, imperméable à tout ce qui se passe autour de lui et focalisé sur la procédure qu’il vient de lancer. Il griffonne quelques mots sur un papier qu’il me tend.
— Voici l’adresse des parents. À votre retour, vous appellerez le légiste pour savoir quand il prévoit d’autopsier la jeune fille.
— Vous pouvez disposer, conclut Leroy.
Camille et moi quittons le bureau du commandant. Peut-être qu’avec un peu de chance ils nommeront quelqu’un d’autre pour mener l’enquête. Je déteste ce type d’affaire dite sensible, dans laquelle il faut sans cesse prendre des gants, sous prétexte de ménager les susceptibilités des uns et des autres, sans parler des politiciens qui s’en mêlent. Je regarde Camille se diriger vers les escaliers, et à sa façon de marcher, de courir plutôt, j’ai la nette impression qu’elle est ravie et qu’elle espère le contraire.
J'ai lu la suite afin de ne pas prendre de retard. On avance progressivement et on rencontre le procureur effectivement qui à partir de cette enquête préliminaire va rédiger le réquisitoire introductif pour demander la poursuite.
Encore une fois, je trouve les personnages un peu trop caricaturaux. La réplique de Tristant est un peu agressive face à sa collègue, "Ma remarque n’avait rien d’offensant, alors tu te calmes." peut être adoucir avec un "tu devrais te calmer". Les milieux qui exposent à la violence ne rendent pas forcément les gens agressifs, où tout du moins si c'est le cas de Tristan ce serait un mauvais professionnel. Par contre, l'humour est souvent employé de façon défensive dans une tentative de dédramatiser les situations et parfois les termes employés peuvent faire violence aux personnes extérieures, en miroir de la violence à laquelle est confrontée les professionnels.
J'ai aimé ce petit détail du commandant qui accueil plutôt le matin pour écourter les rendez-vous ennuyeux à cause du soleil éblouissant et donc malaisant. Très fun!
Par contre, je doute que le proc et lui se tutoies et s'appellent par leur prénom. Il peut y avoir une forme de familiarité malgré le vous. Le tutoiement prend plutôt place entre les magistrats eux-même parce qu'ils travaillent ensemble comme des collègues, ce qui n'est pas tout à fait pareil avec la police je croie. Le procureur paraît relativement hautain voir méprisant envers Camille alors que dans la réalité il est fort probable qu'il prenne davantage une posture infantilisante me semble-t-il. Ce sont des professionnels comme les autres et comme tous certaines personnes peuvent être prétentieuses, détestables bien entendu mais c'est peut-être dommage de calquer ce personnage selon les représentations populaires? Par contre, ses doutes sur le droit de réserve de certains agents est effectivement plausible. Les informations fuitent souvent de l'intérieur dans certains milieux et j'imagine que ce doit être le cas de l'administration judiciaire mais peut être que je me trompe ;)
La lecture est fluide et agréable, peut être qu'on aurait pu en apprendre davantage sur les ressentits de Tristan, est-ce de la lassitude face à ce genre d'affaire où un écho à quelque chose de plus personnel et de plus difficile? Sa soeur par exemple... Bon après tu ne veux sans doute pas trop en dire pour ne pas divulgâcher.
à très bientôt.
De ce que je comprend, on commence d'abord par les fiches personnages (pas seulement les protagonistes principaux) pour faire leur back ground, développer leur personnalité, leur façon d'interagir..etc de cette façon, on peut toujours se rattacher à ce portrait pour voir s'il ne s'en éloigne pas trop. Après, j'ai l'impression qu'on écrit le même roman plusieurs fois de toute façon au-delà des relectures et commentaires afin de développer l'intrigue ou les descriptions ou les relations, ou les interactions... bref ça prend un temps fou quand on est pas un professionnel de l'écriture. Pour ce qu'il s'agit du côté caricatural des personnages, je te rassure c'est aussi mon cas. J'ai cette image de la première écriture comme brut avec les traits forcés et ensuite l'idée n'est pas forcément de couper mais de polir, d'arrondir les angles comme une esquisse qui devient un dessin avec des ombrages, des détails qui rendent le résultat riche et profond... En tout cas, c'est l'image que je me donne. Pour l'humour, c'est sans doute une question de goût. Personnellement j'aime bien quand il est justement dosé. Il permet d'alléger l'histoire notamment entre des moments lourds. Cela permet psychiquement de prendre de la distance et les professionnels l'utilisent beaucoup je trouve dans les milieux difficiles. Mais, il est vrai qu'en mettre constamment ou si l'humour est maladroit peut donner un côté ridicule ou décalé. J'imagine que certains préfèrent quand il n'y a pas d'humour. Cela fait un moment que je ne lis plus de policier ou thriller et de mémoire, ce n'était effectivement pas des romans très drôles. C'est donc à toi de voir. Le sarcasme justement dosé peut aussi être sympa.
Je ne suis pas une experte sur le sujet et peut être d'autres sauront mieux t'orienter mais si mes commentaires t'ont aidé j'en suis ravie. C'est ce que j'aime sur ce site, la possibilité de s'enrichir les uns et les autres pour continuer à polir notre écriture!
Au plaisir.