Notre père ! Ohlala… Aussitôt, je me passe une patte derrière l’oreille pour essayer de faire une bonne première impression. A voir leurs têtes, mes frère et sœur sont aussi paniqués que moi…
Oreille de Galet arrive à notre hauteur. Enfin, littéralement à notre hauteur, il se penche pour pouvoir nous parler…
« Bienvenue, mes petits, nous annonce-t-il avec une étincelle chaleureuse dans les yeux. Et bienvenue au Clan de la Lune. »
Petit Jonc remue les moustaches, incapable de répondre, tandis que je l’observe en silence, figée sur place. Seule Petite Brise trouve assez de courage pour lui demander d’une voix tremblante :
« Tu es un guerrier ?
-Oui, répond-il, amusé. Mais vous aussi, vous serez un jour de valeureux guerriers dont le Clan pourra être fier.
Petit Jonc cligne des yeux, encore un peu hésitant.
« Et… tu vas nous apprendre à chasser, comme les autres guerriers ? » demande-t-il enfin, la voix à peine audible.
Oreille de Galet incline la tête avec un sourire.
« Bien sûr. Tout ce qu’un guerrier doit savoir, je vous le montrerai, étape par étape. Mais pour l’instant, il faut d’abord apprendre à connaître votre Clan et à rester prudents. »
Je hoche la tête, attentive. J’ai tellement hâte de commencer mon apprentissage !
« Que diriez-vous de faire la visite du camp ? propose-t-il avec un sourire.
-Oh oui ! » Petite Brise est déjà en train de sauter de joie.
D’un regard, Oreille de Galet assure à Plume de Guenièvre qu’il fera attention.
Pendant que celle-ci retourne à la pouponnière, notre père commence déjà à avancer vers une tanière à notre gauche. De celle-ci émanent plusieurs fragrances de plantes très odorantes. Quand nous arrivons devant elle, je fronce le nez. Le mélange de toutes ces odeurs est à la fois âpre et aigre ! Je me demande comment fait celui qui vit ici pour supporter ça…
Justement, un mâle brun tacheté sort de la tanière. Il porte dans sa gueule un paquet de feuilles, qu’il pose dès qu’il nous voit.
« Eh bien, Oreille de Galet, on fait visiter le camp à ses chatons ? demande-t-il les yeux brillants.
-Oui, répond celui-ci les yeux brillants. Mes petits, je vous présente Plume de Velours, notre guérisseur.
-Et aussi le frère de votre père, c’est-à-dire votre oncle ! Enchaîne Plume de Velours avec un ton mi-amusé, mi sérieux.
Alors, qu’avons là ? dit-il malicieusement en se penchant vers nous.
Je reconnais Petite Brise, Petit Jonc… Et Petit Violette. »
Quand il prononça mon nom, j’entrevis une lueur mystérieuse au fond de ses yeux. Mais elle disparut si vite que je fus convaincue de l’avoir imaginée.
Oreille de Galet miaule d’un air malicieux : « En effet, tu as raison ! Bon, c’est leur première sortie dans le camp, je ne pense pas qu’il soit très sage de les faire entrer dans ta tanière pour visiter ! Tellement de possibilités de bêtises sont possibles quand on est chaton, n’est-ce pas ? »
Plume de Velours hoche la tête. Visiblement, les deux frères ont des souvenirs de leur jeunesse…
« -Tu te souviens quand on avait mis des chardons dans le nid de Nuage de Ciel ? Il avait bien failli nous arracher la fourrure…
-Et quand on est partis du camp en douce avec Petit Merle ? A l’époque, on était tellement complices ! Ah, et quand… »
Il ne me faut pas beaucoup de temps pour comprendre que je n’écoute plus leur discussion. Un simple coup d’œil à Petite Brise et Petit Jonc me confirme qu’ils n’écoutent plus non plus : Petite Brise observe la clairière, sa queue battant l’air avec excitation, tandis que Petit Jonc a le regard perdu dans l’antre du guérisseur.
« Hé, je leur murmure, on va visiter le camp ? » Petit Jonc semble hésitant, mais en voyant l’air enthousiasmé de Petite Brise, il se décide à venir avec nous.
Nous contournons donc discrètement Oreille de Galet et Plume de Velours, pour ensuite marcher vers le fond du camp. Mais avant d’atteindre la grande paroi de pierre qui se trouve derrière le talus, nous apercevons un tunnel de ronces qui porte l’odeur d’une multitude de chats.
« Ça doit être l’entrée du camp ! » réalise Petit Jonc.
Intriguée, je m’avance pour flairer les odeurs au sol.
Soudain, une cavalcade se fait entendre. Je tourne la tête dans tous les sens pour essayer d’en identifier l’origine mais je ne trouve pas.
Petit Brise hoquette : « Petite Lavande, attention ! »
Elle n’a pas le temps d’en dire plus qu’une masse me percute de plein fouet. Autour de moi, tout devient noir.
