Chapitre 2 : "Ah les étranges animaux à conduire que des comédiens !"

Notes de l’auteur : Helloooo !
Tout d'abord, merci pour vos gentilles petites reviews (bisous bisous). Je poste le second chapitre, qui fait plus office de transition qu'autre chose. Vous verrez qu'il est pas vraiment terrible, mais c'est un peu le quotidien de mes persos.
Voilà. Une dernière chose. Je tiens à m'excuser auprès des cracks en maths, Einstein, polytechniciens et amoureux de l'arithmétique. Je ne suis une nullité en maths, aussi je suis navrée si Xavier donne une réponse terriblement fausse à la question fondamentale : quelle est la référentielle de sin x si x est égal à 6 ?
Par contre, si vous avez la réponse, je serais contente de l'apprendre ! ^^
Bonne lecture !
Edit : j'ai corrigé cette horrible erreur de calcul, et j'ai édité la réponse de Xavier, qui est maintenant la bonne (et aussi corrigé la question d'Aline qui va avec ;)).

Chapitre Deux : « Ah ! Les étranges animaux à conduire que des comédiens ! » (Molière)

 

- Ah ! s’étrangla Xavier, à genoux sur la scène. Au voleur ! Au voleur ! À l'assassin ! Au meurtrier ! Justice, juste Ciel ! Je suis perdu, je suis assassiné, on m’a coupé la gorge, on m’a dérobé mon argent !

 

Il en pleurerait presque ; il se roulait même par terre. C’était une démonstration impressionnante. Ludivine n’en revenait pas et comprit aussitôt pourquoi il était désigné comme le meilleur élève de l’école.

 

- Hélas ! Mon pauvre argent, mon pauvre argent, mon cher ami ! On m’a privé de toi ; et puisque tu m’es enlevé, j’ai perdu mon support, ma consolation, ma joie ; tout est fini pour moi, et je n’ai plus que faire au monde : sans toi, il m’est impossible de vivre. C’en est fait, je n'en puis plus ; je me meurs, je suis mort, je suis enterré. N’y a-t-il personne qui veuille me ressusciter, en me rendant mon cher argent, ou en m’apprenant qui l’a pris ?

 

Xavier était ridicule et il le savait. Enfoncés confortablement dans les sièges du théâtre, ses camarades pleuraient de rire. Pourtant, il était parfait dans le rôle de l’Avare, et Benjamin en était très satisfait. Le comédien se releva et fixa son public, vexé.

 

- Eh ! De quoi est-ce qu’on parle là ? De celui qui m’a dérobé ? Quel bruit fait-on là-haut ? Est-ce mon voleur qui y est ? De grâce, si l’on sait des nouvelles de mon voleur, je supplie que l’on m’en dise. N’est-il point caché là parmi vous ? Ils me regardent tous, et se mettent à rire. Vous verrez qu’ils ont part sans doute au vol que l’on m’a fait. Allons vite, des commissaires, des archers, des prévôts, des juges, des gênes, des potences et des bourreaux ! Je veux faire pendre tout le monde ; et si je ne retrouve mon argent, je me pendrai moi-même après !

 

Il fit mine de sortir d’un pas déterminé, puis revint vers son public. La scène avait duré cinq minutes, mais il transpirait comme un sportif de haut niveau après une dure épreuve.

 

- Alors ? demanda-t-il à son prof, essoufflé.

- Rien à dire.

 

 « Rien à dire » signifiait que c’était parfait. Benjamin ne cédait pas aussi facilement les compliments. Mais lorsque cela arrivait, cas extrêmement rare, cela valait tous les trophées du monde.

 

- Ludivine, tu veux bien nous jouer quelque chose ? demanda l’enseignant en se tournant vers elle.

- Euh… balbutia la petite blonde, virant rouge pivoine. J’ai rien en tête et…

- Pas grave. Improvise.

 

 

 

 

- Hey Xavier ! Xavier !

- Oh oh, Xavier !

 

C’était l’heure de la pause, et les comédiens sortaient du théâtre, l’estomac gargouillant d’impatience à l’idée de se rassasier. Pierrick et Aline avaient beau essayer d’attirer l’attention de leur ami, celui-ci était toujours sur un nuage.

 

- Xavier ! Redescends sur Terre !

- Hey, Xavier ! s’exclama la jeune femme en lui agrippant le bras, peux-tu me donner les solutions de l’équation différentielle sinus x prime égale à moins cosinus x ?

 

Le comédien sembla retomber sur terre pour réfléchir deux secondes. Il voulut répondre, mais Aline avait déjà plaqué sa main contre sa bouche.

 

- Je ne veux pas savoir, Xav’ ! C’était juste pour te faire reprendre contact avec la réalité !

- Fonctions de la forme fonction de x égales à C multiplié par exponentielle de moins x sur tangente x ! brama-t-il d’une traite, en broyant la paume de se meilleure amie.

- Et l’improvisation de Ludivine alors ? interrompit Pierrick, certain de son effet.

 

Car c’était, évidemment, la raison de l’état rêveur de Xavier. Celui-ci oublia instantanément ses calculs d’arithmétique, et se tourna vers son camarade.

 

- Elle est faite pour moi.

- Comme tu y vas ! pouffa Aline.

- Je te jure. Elle est géniale, elle est merveilleuse, elle est Ludivienne, et… laissez tomber.

 

 

 

 

Non loin de là, un petit groupe de comédiens parlaient tranquillement entre eux, autour d’une canette de Coca.

 

- Franchement, commença Emma, cette fille, je ne la sens pas.

 

Mathilde, Claire et Grégoire l’observèrent, sans un mot. Ils ne savaient pas s’ils devaient l’approuver ou la contredire. Emma était en quelque sorte la reine de la Section A et il valait mieux ne pas la contrarier.

 

- Ouais, continua-t-elle, cette Lu… Lucie ou j’sais pas quoi, elle est trop bizarre… Je ne vois pas du tout ce que Xavier et le prof lui trouvent. C’est juste une gamine qui fait mumuse sur une scène ! Vous avez bien vu tout à l’heure son improvisation à deux balles ?! C’était ridicule !

 

Les autres hochèrent la tête, toujours silencieux, ne sachant que dire.

 

- Et vas-y que je fais mon bébé, et vas-y que je fais un grand sourire idiot au prof, et vas-y que je fais ma petite farouche devant Xavier, râla Emma, énervée par l’attitude de la nouvelle élève. Et puis d’abord, elle a quel âge cette gamine ? 14 ans ?

- 17, murmura une voix à son oreille.

 

Elle sursauta, surprise. Xavier se tenait derrière et il n’avait pas perdu une miette du monologue de la comédienne. Celle-ci reprit bien vite son assurance, malgré son teint pâle.

 

- Raison de plus pour la trouver louche ! Cette école n’est ouverte qu’aux élèves majeurs ! Elle a dû être pistonnée, voilà tout ! Pff… écœurant !

 

Emma releva le menton et osa faire face au comédien, qui la dévisageait de haut en bas.

 

- Tu me fais vraiment pitié… soupira-t-il en penchant légèrement la tête. Arrête de prendre ton cas pour une généralité, s’il te plaît. Ludivine — au fait, c’est son prénom— n’a pas été pistonnée. Toi, si.

- Pardon ?! Non mais t’as fumé ou quoi ?

- Mais voyons Emma, pas besoin d’avoir honte, ironisa le comédien. Tout le monde savait déjà que ton père a versé pas mal d’argent au directeur pour qu’il t’accepte en Section A ! Personne n’a jamais douté de ça en voyant tes désastreuses prestations sur scène ! T’étais quoi dans une vie antérieure ? Un menhir ?

 

Claire, Mathilde et Grégoire se retinrent de justesse de ne pas rire, afin de ne pas augmenter la fureur d’Emma. Xavier, par contre, affichait un sourire satisfait. Et comme il n’avait pas aimé qu’elle critiquât Ludivine, il décida d’enfoncer le couteau dans la plaie.

 

- Tu sais quelle est la différence entre elle et toi ? C’est le talent ! J’ignore si ses parents ont des sous ou pas, mais ça se voit qu’elle a bossé, elle, pour être si douée ! Toi, tu pourras toujours te jeter aux genoux de ton père pour lui demander de t’offrir du talent, tu te rendras bien vite compte que ça ne s’achète pas ! Il se gagne après de dures heures à suer sur une scène !

 

Enragée, Emma ne tenait plus en place, mais Xavier était bien décidé à l’achever. Absolument. Ce n’était même plus pour la défense de Ludivine. Il était très sensible aux problèmes d’argent, de talent, et de pistonnage.

 

- Et tu sais quoi ? Ludivine est merveilleuse ! Ludivine est…divine ! s’exclama-t-il, ensorcelé, en faisant de grands gestes avec les bras. Quand elle court sur la scène, on dirait qu’elle vole. Quand elle parle, on dirait qu’elle chante. Quand elle joue, elle est naturelle ! Le plaisir qu’elle a quand elle est sur une scène, elle sait le transmettre ! Ça se ressent, tu vois ! Elle a peut-être un semblant d’immaturité, mais je sens, je sais, je sais qu’elle est intelligente ! Et Molière n’était-il pas lui-même un grand gamin ?

- Exact, approuva Mathilde.

- Merci bien ! Mais cette fille, il faut la voir, il faut la comprendre, et si tu la regardes bien Emma, tu verras que c’est quelqu’un ! Elle est spéciale, elle dégage un truc que vous autres filles n’avez pas (même pas Aline) ! Et en plus, elle est super jolie ! Enfin, je dis ça surtout pour Grégoire. Pas vrai Greg, que cette créature est super jolie ?

- Euh… oui… bredouilla le jeune homme, gêné.

- Bien, je ne suis pas seul ! Bon, pas que je m’ennuie, mais je vais aller la voir, histoire de passer un peu de temps avec elle… et plus, si affinités, soupira le comédien en s’éloignant vers la porte.

 

Il allait sortir, mais se retourna au dernier moment pour narguer une dernière fois sa cible.

 

- Ah, et au fait, Emma. Tu me sembles un peu verte. Tu devrais aller dégueuler dans les toilettes, ça te ferait le plus grand bien !

 

 

 

 

Le plus surprenant pour Xavier, lorsqu’il pénétra dans le petit salon de la Section A, fut de retrouver Ludivine allongée sur le canapé, endormie. Il s’assit près d’elle et la contempla longtemps, avant de se demander comment elle avait pu s’assoupir aussi facilement. Peut-être qu’elle faisait semblant. Ou peut-être pas. Après tout, c’était une comédienne. Il se pencha vers elle pour écouter sa respiration et constata qu’effectivement, elle dormait.

 

- Hey Lulu ! appela-t-il en la secouant doucement.

 

Elle se réveilla avec difficulté, et il s’en voulut aussitôt de l’avoir interrompue dans son sommeil. Apparemment, ce n’était pas de la comédie. Ludivine le considéra gravement, avant de se jeter précipitamment dans ses bras.

 

Cet élan d’affection ne surprit pas Xavier. Voilà deux jours qu’ils partageaient les mêmes cours, et sa timidité disparaissait petit à petit. Aline et Pierrick lui avaient expliqué que les gestes d’affection étaient courants au sein de leur classe, car le groupe était assez soudé (si on oubliait l’aversion entre Xavier et Emma). La nouvelle élève prit donc l’habitude de recevoir des bises amicales sur la joue ou de se faire enlacer. Mieux que ça : elle avait trouvé en Xavier tant de tendresse qu’elle ne le quittait presque plus, et celui-ci ne s’en plaignait pas.

 

Ils restèrent collés l’un contre l’autre, jusqu’à ce que Benjamin fasse son apparition dans le petit salon.

 

- Hey les jeunes ! La pause est finie ! C’est l’heure de l’atelier découverte !

- C’est vrai ?! s’écria joyeusement Ludivine.

- Et c’est quoi que tu nous as préparé comme atelier ? s’informa Xavier.

- Escrime et doublage, au choix.

 

 

 

 

Seul Grégoire, parmi les garçons, avait choisi l’atelier doublage, ainsi que Mathilde, Claire, Emma et Aline. Les doubleurs se trouvaient dans une salle de projection, et les escrimeurs dans leur salle de répétition habituelle.

 

- Tu peux m’expliquer pourquoi Ludivine a choisi l’escrime ? demanda Simon à Pierrick.

- Aucune idée.

 

Ils s’étaient accordé une petite pause pour reprendre leur souffle. Mine de rien, l’escrime était un sport épuisant. Ludivine, elle, n’avait pas l’air d’être fatiguée.

 

- Attention, je suis Jack Sparrow ! hurla-t-elle à Xavier, avant de lui foncer droit dessus, le fleuret en avant.

 

Le professeur d’escrime, exaspéré par l’attitude de la jeune fille, ne savait plus quoi faire pour la calmer. Il avait vite lâché l’affaire : cette comédienne était intenable. Malgré cela, il observa Xavier parer le coup de façon agile. Il se débrouillait très bien, contrairement à Ludivine qui gesticulait dans tous les sens.

 

- Mais… ! brama-t-elle, exaspérée par Xavier qui l’avait attrapée fermement.

 

Dommage pour lui, car vu qu’elle ne savait pas se battre, elle utilisait son seul atout : gigoter. Elle remuait, elle remuait, elle remuait sans cesse, et il n’arrivait pas à la maintenir. Il desserra alors son étreinte, et elle arriva à s’échapper… pour revenir aussitôt à l’assaut.

 

- À l’attaque ! hurla la jeune fille, en sautant sur son camarade.

 

Elle enroula ses jambes autour de sa taille et ses bras autour de son cou. Désarçonné, Xavier lâcha son fleuret, et tomba lui-même à la renverse, accompagnant une Ludivine bien accrochée dans sa chute.

 

- Ce n’est plus de l’escrime là… souffla le jeune homme, alors qu’elle était assise bien droite sur lui.

- Non. Mais il faut juste que je t’achève.

 

Elle saisit un fleuret non loin d’elle et toucha plusieurs fois son camarade avec, pour lui faire comprendre qu’elle l’avait bien vaincu.

 

- J’ai gagné ! s’exclama-t-elle, triomphante, après avoir touché le comédien pour la dix-huitième fois.

 

 

 

 

Du côté de l’atelier doublage, Aline déprimait. Elle doublait la voix d’un crabe qui, lui aussi, était dépressif. Le film en noir et blanc était projeté sur un mur, et la jeune femme lisait son texte tout en parlant dans un microphone.

 

- Vous savez, nous sommes les crabes pas beaux, même pas bouffables, que les enfants s’amusent à attraper afin de leur arracher les pattes… les crabes qui puent, les crabes qui donnent des maladies… Bref, une espèce qui n’a jamais demandé à voir le jour.

 

Elle arrivait parfaitement à suivre le court métrage, mais elle avait l’impression de s’endormir. Le crabe semblait lui avoir refilé sa dépression nerveuse.

 

- Si la nature nous a permis de nous déplacer sur le côté, elle ne nous a, en revanche, pas accordé le droit de pouvoir tourner. Une tare génétique qui nous condamne à marcher toute notre vie suivant la même ligne droite.

 

Aline se maudit de ne pas avoir pris l’atelier escrime. À ce rythme-là, elle ferait vite une tentative de suicide.

 

- À mesure qu’il tournait, le crabe réfléchissait, et est devenu philosophe. Enfin, disons, un peu moins bête que les autres !

 

C’était son cinquième essai, et le film durait cinq minutes. Elle s’efforçait de bien faire pour ne plus avoir à recommencer. Elle ne survivrait pas à une sixième fois.

 

- Mais attendez de savoir ce qu’il m’est arrivé, bien des années plus tard, à la suite d’une catastrophe, comme vous seuls les humains savaient les faire. J’allais me faire aplatir par un ferry de 200 mètres de long qui recouvrait toute ma trajectoire. J’étais foutu.

 

Aline mordit sa lèvre inférieure. Elle dépérissait à petits feux dans cet atelier doublage. Il lui fallait du concret, pas d’un crabe dépressif en quête d’une voix.

 

- Et oui. J’avais tourné. Et compris du même coup que si on ne tournait pas, ce n’était pas à cause de notre carapace. C’était parce qu’on était trop con.

 

Une minute plus tard, la délivrance avait sonné. Et le professeur qui animait l’atelier parut très satisfait de son élève.

 

- Bravo Aline ! C’était génial !

- Ah ouais ? s’étonna-t-elle, sur le bord de l’évanouissement.

- Ouais ! Tu ferais une bonne actrice de doublage, tu sais !

- Putain, ne me parlez plus de doublage pendant deux ans d’accord ?!

 

 

 

 

À la fin du cours, un gros soupir de soulagement envahit les couloirs de l’école de théâtre. Les élèves étaient ravis de rentrer chez eux, Xavier et Aline les premiers. Le jeune homme était ravagé par la fatigue provoquée par les attaques incessantes de Ludivine, et sa meilleure amie se trouvait au bord d’une crise de nerfs.

 

- Mon petit crabe adoré… susurra le comédien, qui n’avait en revanche pas perdu son sens de l’humour.

- Argh ! Arrête Xavier !

- Mon petit Pachygrapsus Marmoratus en susucre ! continua Pierrick sur le même ton.

- Je vais les tuer ! Je vais les tuer ! rugit Aline, en poursuivant ses deux amis qui avaient pris la fuite.

 

Xavier eut tôt fait de se cacher derrière la jeune Ludivine, mais la cachette ne semblait franchement pas idéale du fait de son mètre cinquante-sept. Tant pis. Pour cette fois, la petite blonde servirait de bouclier.

 

- Je te préviens, Einstein, si tu ne t’excuses pas, je ne te ramène pas chez toi !

- Oh non, Aline ! Lulu m’a trop fracassé pour que je me sente d’attaque à prendre le métro. T’avais promis que tu me ramènerais en scooter !

- Je peux tout aussi bien changer d’avis.

- Bon, je suis désolé… mon p’tit Coraya d’amour.

 

Après une paire de claques plus ou moins méritée, les comédiens se séparèrent. Xavier réussit à convaincre Aline de le ramener chez lui en scooter, et Pierrick et Ludivine firent le chemin jusqu’au métro, bras dessus-dessous. Ils longèrent l’Opéra Garnier tout en se remémorant les moments forts de la journée.

 

- Tu l’as bien amoché, quand même, Xavier.

- Non… Même pas vrai !

- Arrête Lulu ! C’est tout juste s’il tenait sur ses pieds ! Lulu ? Tu as entendu ce que je viens de dire ?

 

Il la tira de ses pensées par une petite tape sur le crâne, qui arracha une grimace à la petite blonde.

 

- Hein ? Euh… oui, oui, bredouilla-t-elle, une fois les pieds sur terre.

- À quoi tu pensais encore ? gronda gentiment Pierrick.

- Mais… à rien ! s’exclama-t-elle, avant de reprendre après un silence gêné. En fait, je me demandais si Xavier et Aline…

- Si quoi ?

- S’ils étaient ensemble.

 

Le jeune homme éclata d’un rire franc. Il prit Ludivine par les épaules et la serra contre lui.

 

- Ah ma p’tite Lulu, t’es vraiment inimitable !

- Mais quoi ? Qu’est-ce que j’ai dit de drôle ?

- Rien ! C’est juste que… ! Pourquoi tu me demandes s’ils sont ensemble ? Xavier ne t’a pas dit que c’était sa meilleure amie ?

- Si, mais ils ont l’air tellement proches et…

- Et ils le sont vraiment.

- De quoi ? Ensemble ?

- Non. Proches.

- Ah.

 

Il vit la comédienne se mordre la lèvre inférieure, contrariée.

 

- Mais ils ne sortent pas ensemble, voulut rassurer Pierrick. Non, ça, ça s’est déjà fait, il y’a très longtemps, mais ça n’a pas abouti.

- Ah bon ?

- Ouais.

- Ah. Et est-ce que Xavier a une copine ?

- Seigneur, Ludivine ! C’est quoi toutes ces questions sur la vie privée de Xavier ? Tu veux sortir avec lui ou quoi ? s’exclama-t-il, en riant de plus belle. Je t’arrange le coup si tu veux !

 

Les joues de la jeune fille prirent une jolie teinte rosée, et pourtant, elle garda son assurance.

 

- Non, répondit-elle très sérieusement, si bien que son camarade en fut surpris.

- Non ?

 

Il était stupéfait par sa franchise. Toutefois, Pierrick se rappela que c’était une excellente comédienne. Lorsque l’on avait affaire à un de ces rares spécimens, on ne savait jamais quoi penser. Peut-être que Ludivine savait très bien cacher ses sentiments… ou peut-être pas.

 

- Tu comprends, expliqua-t-elle, j’ai peur qu’il ait une copine, et qu’elle soit plus ou moins jalouse du fait qu’on soit très proches lui et moi. Et j’ai peur que ça pose des problèmes.

- Ne te fais pas de soucis, Lulu. Xavier est un cœur à prendre. Et en ce qui te concerne, il te suffit juste de tendre la main…

 

 

 

 

Il se trouva que Ludivine, fort épuisée par ses prestations au cours d’escrime, se trompa de correspondance sans s’en apercevoir. Dans le métro qui la conduisait vers une mauvaise destination, elle s’endormit, ce qui était quand même surprenant lorsqu’on savait que le métro était l’un des lieux les plus bruyants de Paris. Assez bruyant en tout cas, pour qu’une personne normalement constituée ne s’endorme pas avec un accordéoniste à côté de lui.

 

Ludivine dormait donc, et très profondément. Et ni accordéoniste, ni babillages de jeunes filles, ni mots bruts d’adolescents, ni rien de tout ce qui était assourdissant dans un métro ne réveilla la petite blonde durant son voyage. À part le fonctionnaire de la RATP lui-même.

 

- Hey, jeune fille ! Réveillez-vous ! s’exclama le contrôleur en la secouant.

- Hummm ?

- Il vous faut descendre ! Vous êtes arrivée au terminus de la ligne !

 

Et sans plus attendre, il la fit sortir de la navette, alors qu’elle était à moitié ensuquée et n’avait toujours pas compris ce qui lui arrivait. Quand elle quitta la station de métro, elle réalisa qu’elle se trouvait dans un endroit inconnu. Elle vit des gratte-ciels tout autour d’elle, et une foule d’hommes et de femmes d’affaires. Terrifiée à l’idée d’être perdue hors de Paris, elle décida d’appeler Xavier pour lui demander de l’aide.

 

Ce dernier se baladait justement sur la butte Montmartre avec Aline. Il connaissait l’endroit comme sa poche, pour la bonne raison que c’était là qu’il habitait.

 

- On va au Sacré-Cœur ? proposa sa meilleure amie.

- Oh que non ! Si par malheur je pose un pied là-dedans, le prêtre ne va pas me lâcher et va me faire sa stupide leçon de morale ! Épargne-moi ça Aline ! La religion… pas mon truc !

 

La jeune femme s’assit donc sur les marches qui grimpaient la colline, et il l’imita, épuisé. Aline posa sa tête sur son épaule et ferma doucement les yeux. Elle aurait pu s’endormir si le portable de son meilleur ami n’avait pas sonné.

 

- Oui ? grogna-t-il en décrochant. Oh Lulu !

 

Sa fatigue et sa mauvaise humeur s’envolèrent aussitôt pour faire place à l’inquiétude. Ludivine pleurait.

 

- Mais qu’est-ce que tu as ?!

- J’sais pas… Je suis perdue ! J’sais pas où je suis ! brama-t-elle dans le combiné, en pleurs.

- Hein ?

 

Il écouta la jeune fille raconter son malheur, mais il ne comprit que peu de choses à cause de ses larmes. « Métro », « monsieur », « virer » et « Paris » furent les seuls mots que son cerveau mémorisa.

 

- Attends, attends, Lulu ! Arrête de pleurer ! Je récapitule. Tu ne sais pas où tu es ?

- Non… répondit-elle en reniflant.

- Mais tu es à Paris ?

- Non !

- Non ?!

- Y’a pas la Tour Eiffel ! C’est pas vraiment Paris là !

 

Xavier ferma les yeux et se massa lentement le front. Dans quoi Ludivine s’était-elle encore fourrée ?

 

- Qu’est-ce qu’il y a autour de toi ? Un monument ou quelque chose dans le genre pour que je puisse situer l’endroit où tu te trouves ? Ne me dis pas que t’es en banlieue, quelque part en Essonne ou ailleurs !

- Y a des gratte-ciels ! Comme à New York ! Tu crois que je suis à New York ?

- Des gratte-ciels ? T’es déjà allée à New York ?

- Non. Mais bon, c’est comme à la télé.

- Des gratte-ciels ? répéta Aline, étonnée.

 

La jeune femme se leva d’un bond et regarda autour d’elle. La butte Montmartre avait l’avantage d’être la plus haute colline de Paris, alors d’ici, des gratte-ciels devaient certainement se voir.

 

- Elle ne doit pas être bien loin ! remarqua-t-elle.

 

Et très vite, elle aperçut au loin des dizaines d’immeubles immenses qu’elle pointa du doigt. Elle eut une minute de compassion pour cette Ludivine d’un mètre cinquante-sept tournant en rond sans comprendre autour de la Tour Total, qui en faisait… 190. Car il n’y avait aucun que la petite blonde se trouvât à la Défense, le grand quartier des affaires.

 

- Bon Lulu, ne bouge pas, je viens te chercher. Je crois savoir où tu es ! dit ce dernier au téléphone. Dis-moi, il y a une arche près de toi ? Une grande arche blanche ?

- Euh…

 

À plusieurs kilomètres de là, Ludivine pivota sur elle-même, et vit effectivement l’arche en question.

 

- Oui, je la vois.

- Bon, tu m’attends là, et tu ne bouges pas. Je vais arriver, d’accord ?

- Oui… fit-elle en reniflant à nouveau.

 

Ainsi, la jeune fille attendit patiemment vingt minutes avant que Xavier pointe son nez à la Défense. Dès qu’elle le vit, elle fonça droit sur lui pour se blottir dans ses bras et pleurer de soulagement.

 

- Mais Lulu, comment tu t’es retrouvée dans le quartier des affaires ?

- Je ne sais pas, brama-t-elle, désespérée. Je me suis endormie, et le Monsieur m’a jetée du métro ! Il était très, très, très, très, méchant ! Et après, je savais plus comment revenir !

 

La vérité était que Ludivine connaissait uniquement le morceau de la ligne qui la ramenait habituellement chez elle. Le reste des souterrains parisiens représentait pour elle un labyrinthe dont on ne pouvait ressortir vivant. Et puis, elle n’était pas du genre à rester trois heures devant la carte des lignes de métro pour retrouver son chemin.

 

- Tu m’as sauvé la vie ! s’exclama-t-elle. J’ai cru que j’étais à New York !

 

Pour toute réponse, il éclata d’un grand rire franc. La naïveté de Ludivine lui fit envoler toute sa fatigue en seul coup de vent.

 

- Tu sais ma puce, Paris, c’est juste à côté.

- Ah ?

- Oui. Tu ne vois pas la Tour Eiffel là-bas ?

- Ah ?

 

Attendri par sa mine étonnée, il ébouriffa ses cheveux déjà en bataille et passa un bras de sa taille pour l’entraîner vers la station de métro.

 

- Allez viens, je te raccompagne chez toi. Tu habites où ?

- Euh… je ne sais pas.

- Tu ne sais pas ?! répéta Xavier, stupéfait.

- Non.

- Voyons, tu habites bien quelque part !

- Oui, mais je ne sais pas comment ça s’appelle. Je ne suis pas d’ici, tu sais bien.

- Bon, recommençons comme tout à l’heure. Décris-moi l’endroit.

 

 

 

 

Tous les matins, la première chose que voyait Ludivine en ouvrant ses volets était une immense tour noire. Juste en face d’elle. Au début, cela lui avait fait peur (quel choc, ce truc noir au réveil !), puis elle s’y était habituée. Bien évidemment, elle ne savait pas qu’il s’agissait de la Tour Montparnasse. Elle ne s’intéressait que très peu à Paris. La jeune fille avait eu du mal à décrire son quartier à Xavier, et lui avait seulement parlé d’une grande tour noire.

 

- Une grande tour noire ? s’était écrié le comédien. Mais enfin Ludivine, il y a des dizaines de grandes tours noires à Paris ! Tu ne peux pas être plus précise ?

- Euh… non.

 

Après plusieurs précisions difficiles à sortir, il avait compris qu’elle vivait à Montparnasse. Ils étaient tous les deux montés dans le métro et il lui avait expliqué en détail le chemin du retour. Une fois devant l’immeuble de la jeune fille, ils eurent du mal à se séparer.

 

- Bon… voilà. Tu es arrivée à bon port.

- Oui… répondit-elle seulement. Merci.

- De rien.

 

Ils étaient là, face à face, et évitaient de se regarder. Même s’ils étaient tous les deux fatigués, ils n’avaient pas envie de se quitter pour le week-end. Malheureusement, ils ne savaient plus quoi se dire et ils étaient, il fallait bien l’avouer, gênés de se retrouver seul à seul.

 

- Hum… tu devrais rentrer chez toi Xavier, tu as l’air fatigué.

- J’en ai peut-être l’air, mais je ne le suis peut-être pas, rétorqua le comédien.

- Oui, qui sait ? Avec toi, on ne sait jamais.

- Avec toi non plus.

 

Ludivine laissa échapper un petit rire, et le silence retomba juste après. Son camarade se balançait d’un pied à l’autre tout en réfléchissant à ce qu’il pouvait dire.

 

- Et toi…euh…tu habites où ? demanda alors timidement la jeune fille, pour relancer la conversation.

 

Xavier sembla sortir de sa torpeur et réagit aussitôt.

 

- Oh, nulle part !

- Nulle part ? C’est pas vrai ! Tu m’as dit tout à l’heure que c’était impossible.

- Lulu, que veux-tu que je te dise ? J’habite sous un toit, c’est l’essentiel.

- D’accord, mais où ?

- Dans un immeuble.

- Mais  ?

- Dans un quartier.

- Mais , enfin, Xavier ?!

- À Paris.

 

Elle grogna et donna une petite tape sur l’épaule du jeune homme. Lui sautilla sur place, en affichant un sourire qui était censé cacher une profonde mélancolie.

 

- T’es méchant !

- Mais non, Lulu ! À quoi ça peut bien t’avancer de savoir où je vis ?

- À rien, mais je veux juste savoir !

- Crois-moi, ce n’est vraiment pas important, d’accord ? fit-il doucement.

- Moui…

 

Le cœur n’y était pas. Il n’avait pas répondu à sa question pourtant innocente, et cela avait attisé la curiosité de Ludivine. Elle désirait encore plus savoir où il habitait. Mais pour l’heure, elle décida de ne pas insister. Elle se promit seulement de revenir à la charge plus tard.

 

- Allez, oublie ça ! s’exclama Xavier en lui donnant une accolade.

- Non.

 

Attendri par sa détermination (une autre des caractéristiques principales des comédiens), il sourit et déposa un baiser sur sa joue. Elle lui rendit son geste, et après s’être dit au revoir, ils se séparèrent… des regrets pleins le cœur.

 

 

 

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vefree
Posté le 05/07/2009
Et bien, c'est gentillounet, ce chapitre ! Certes, ça ne casse pas trois pattes à un canard, mais c'est très agréable à lire, la relation entre ces jeunes gens est fraîche et saine.
Ça détend. Voilà. Et c'est très bien comme ça.
La Ptite Clo
Posté le 05/07/2009
*_* Encore une fois merci Vefinette. =D (Par contre, c'est en pleine correction, alors pitié pour les fautes xD)
Bisous, bisous, bisous !
Cricri Administratrice
Posté le 01/07/2008
Coucou ma Ptite Clo ! J'avais l'esprit à la lecture, aujourd'hui, et ton histoire est la première que j'avais envie de reprendre ^^ Tu dis que ton deuxième chapitre n'est pas le meilleur, eh bien moi, je l'ai adoré ! On ne s'ennuie pas un seul instant. J'adore Xavier et Ludivine, ils sont adorables, tellement purs... oui, purs. Enfin, de ce que j'en sais pour le moment ^^ Ludivine a une sensibilité à fleur de peau, elle est tellement fragile, tellement vite paniquée, qu'on a envie de la prendre sous le bras et de lui dire "ça va, tout va bien..." Mais je n'en ferais rien, c'est le rôle de Xavier, ça :D Ah, je ne sais pas ce que tu leur destines mais je les verrai si bien ensemble tous les deux ! J'aime beaucoup Aline aussi et son caractère bien marqué. Par contre, Emma est vraiment la peste de service, j'ai adoré la façon dont Xavier l'a remise en boîte... dans une toute, toute petite boîte :P Je ne suis pas très citadine d'habitude et, honnêtement, une histoire qui se déroule à Paris, d'habitude ça ne m'inspire pas trop. Mais avec toi, j'aime beaucoup : je me reconnais un peu en Ludivine, perdue dans la jungle urbaine, vite terrorisée à l'idée d'être perdue. <br />
Bref, encore une fois, tu as une écriture très fraîche, très agréable, ça met de bonne humeur de te lire ^^Reponse de l'auteur: Coucou ma Cricracotte ! xD Merci pour ta reviews ; je suis bien contente que tu sois de nouveau passée par là et que ça t'ait plu.
Humpf...pur...bon, c'est parce que c'est les premiers chapitres tu vois. C'est comme quand on va à l'école ou à un nouveau emploi. On voit des gens qu'on va cotoyer, on sait rien d'eux, et il faut quand même beaucoup beaucoup beaucoup de temps pour les connaître. Et bien là c'est pareil, sauf qu'il n'y a pas seulement les défauts. Chacun a sa propre histoire, et son propre passé (bon, hormis les persos trèèèèès secondaires, où je vais pas détailler xD). Donc, tu en apprendras plus sur eux dans les prochains chapitres, et au final, tu devrais les connaître sur le bout des doigts...;)
Enfin, voili-voulou. Je prends habituellement Paris comme décor, parce que je trouve c'est une ville terriblement romantique (et historique aussi) malgré les trombes d'eau qui y tombent chaque jour (allez, peut-être pas chaque jour mais...6 fois par semaine en hiver, et 4 en été... xD). Et comme je n'écris que des romances...Paris est de rigueur. xD
Voilà. Biyou biyou ! ^^
Sunny
Posté le 15/02/2008
C'est vrai que ce n'est pas le meilleur chapitre de cette histoire, peut-être, mais moi je l'aime bien. xD J'adore ce passage de "L'Avare"...Reponse de l'auteur: Merci pour ta reviews ! Je suis contente que ça te plaise ! Hum l'Avare...inoubliable je crois ! ^^ Bisouuuuus !
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