Au point du jour, une ombre maligne aux longs cheveux noirs et à la silhouette féminine couru les couloirs. Sa cape reflétait à la lumière une couleur similaire aux violettes de la guérisseuse, celles qu’elle avait saisies dans ses fines mains avant une soirée insupportable. Mais le galbe féminin qui s’enfuyait n’était pas celui de Laya, il appartenait à la princesse, Victoria. Celle-ci s’efforçait de rester discrète, elle avait tant réfléchi ses mouvements afin qu’ils reflètent une tranquillité assagie, elle ne pardonnerait pas celui qui la retiendrait éventuellement prisonnière en cas de défaite.
Sa nuit avait été agitée, la courte heure de sommeil qu’elle avait retenue dans ses filets était trop fluette pour lui offrir un repos réparateur, elle s’était donc préparée à assumer une fatigue sur son chemin.
Ses sacs s’entrechoquaient sur ses omoplates, elle portait une longue robe d’un bleu profond et abyssal, tel que seul les krakens et créatures de l’ombre sont à même de reconnaître comme leur lieu de vie. Cette couleur était drapée d’une cape d’un violet aubergine qui descendait jusqu’à ses chevilles parées de plusieurs bijoux fins et dorés. Ses bras ainsi masqué de tout regards extérieurs lui semblaient à l’abri des dangers.
Elle rabattit d’un mouvement expert la capuche sur son visage, l’encagoulant d’une ombre salvatrice. Elle en fit de même avec son esprit, cloisonnant ses pensées à l’intérieur de son corps et se forçant à calmer son stress croissant. Une présence peu sûre d’elle et angoissée ne ferait qu’attiser l’attention des badauds alentours, ce qu’elle voulait à tout prix éviter. Une fois cette ombrelle invisible inclinée sur sa peau elle deviendrait quasi invisible pour tous. Elle s’en persuada, nécessitant un soutient et ne pouvant le trouver nulle part ailleurs qu’en elle.
A quelques mètres de là, dans une hutte bien connue à présent de la garde royale, s’activait une femme qui avait feint de se reposer toute la nuit durant. Celle que les soldats pensaient exténuée et lasse de reproches n’avait rien à faire de telles accusations dans l’instant immédiat, elle s’effaçait de cette maison, à chaque geste qu’elle commettait pour dessiner son départ c’était un grain de sable qui s’écoulait hors de cette prison. Elle se savait prise entre les barreaux doré du roi et de ce lutin.
Tourbillons écrasants de frustrations lui fondaient les lèvres, rencontrer ce lutin avait signé sa fin proche, elle n’était pas dupe au point d’ignorer que sa majesté ne lui laisserait pas la vie sauve pour un tel crime. Ce que la créature avait dérobé elle le sentait à présent, lui glaçant la gorge, était d’un pouvoir monstrueux. Elle représentait aux yeux des autres l’élément déclencheur d’une tragédie à venir. Elle asphyxiait rien que de penser à la menace qui la couvrait.
- Mademoiselle ?
L’injonction la fit sursauter, elle se préparait depuis le soir précédent à s’évanouir et refroidi son appréhension en soupirant. Elle s’approcha, tremblante, de la poignée, simulant un mal-être et une confusion dans ses yeux. Cette expression sembla satisfaire les deux hommes qui concertèrent avec elle de la suite des évènements.
- Accordez-moi le temps de me préparer. Supplia-t-elle d’un air perdu et affolé.
Son simulacre fonctionna et on lui assura une heure de répit, d’un ton faussement compatissant. Celui d’un être qui se croit l’espace d’un seconde le roi du monde car il vient de capturer un rat ou une souris et se réserve le droit de l’exécuter cruellement. Était-ce ainsi, la distinguait-ils telle une proie enfermée dans leur piège? Elle en avait tout l’impression et s’empressait de les conforter dans leur opinion. Elle gagnait du temps et d’autres avantages à se jouer de leur crédibilité.
- C’est partit. Lâcha-t-elle du bout des lèvres en refermant la porte derrière elle.
Elle s’avança à travers la pièce, déterminée, et attrapa ses sacs. Elle en jeta un en travers de son épaule et mis l’autre en bandoulière. Elle ajusta en hâte sa tenue, un sarouel vert et un haut confortable. Ses cheveux réunis en deux chignons lui laisseraient le champs libre dans ses mouvements. Elle laça ses chaussures, adaptées aux marches harassantes et aux longues journées de récoltes escarpées. Elle était fin prête, tout le nécessaire était ancré dans du tissu, attaché à son corps qui saurait se montrer solide et habile.
Elle scruta d’un œil alerte sa maisonnée, à la recherche d’un accessoire qui lui aurait échappé, mais ce fût vain car elle avait tout prévu en détail, pour peu que tout se passe comme prévu. Elle s’autorisa alors un moment de recueillement et de tendresse envers ce lieux et son âme, remerciant en son for intérieur sa mentor de l’avoir accueillie entre ces murs. Elle coula une larme, qu’elle laissa tracer son chemin sur sa joue, progressant vers son menton avant de sombrer dans le vide.
- Le moment est venu, discrétion, application et efficacité. Se murmura-t-elle, convaincue de sa décision. Ils pourront me chercher tant qu’ils voudront ils n’y parviendront pas, ils ne possèdent pas les connaissances nécessaires de la forêt. D’ici un peu plus d’une heure seulement ils se rendront compte de mon absence, c’est suffisant.
Ainsi apprêtée elle se glissa au fond de sa chaumière à la structure rendue brute par le temps, souleva une tapisserie bleu-vert pendue au mur de l’espace cuisine représentant une femme dominant la sylve ombragée et féerique d’un monde clair-obscur, et se faufila de l’autre côté, un tantinet inquiète. Le passage dissimulé de la manière la plus classique qui soit n’avait cependant jamais été découvert par quelqu’un d’autre que les générations de sorcières ayant vécues là, sa descendante perdrait donc l’avantage de ce secret s’il était découvert, mais peut importe, s’il avait été construit c’était bien pour permettre à l’une d’elle de s’évader au besoin.
Elle scruta les parois de terre, confiante en leurs années de résistance face à la pression de la surface. Elle progressa à l’aveugle de longues minutes avant d’émerger comme d’un rêve hors du tunnel, en repoussant de sa force une trappe mouillée et glissante.
« Où puis-je me trouver? dans une buanderie humide? une ancienne salle d’eau? à proximité d’un ruisseau? » La question demeura en suspens, comblant son trouble face au silence qui faisait pression autours d’elle.
La pièce où elle se situait n’avait rien à envier à la partie ensevelie par le silence du palais éclatant de blancheur. Toiles d’araignées étaient bien évidement de mise, aussitôt accompagnées d’insectes rutilants et de bruits étranges amplifiés par l’atmosphère lourde qui régnait en maître. Partir de là au plus vite fût la seule formule viable à dé-pétrifier ses jambes rendues soudainement aussi indifférentes à ses ordres que du marbre.
Elle s’extirpa de son léger malaise et avança à grandes enjambées, la sortie se présenta sous la forme d’une seconde trappe tout aussi réticente à ne pas s’effriter que la précédente. Elle pénétra ainsi dans un vaste espace à l’air sain meublé d’un style rustique, ce qui contrastait fortement avec les arcades scintillantes de clarté et les murs lisses et froids.
Sa main caressa instinctivement tout ce qui passa à sa portée : un chandelier imposant et doré, des armoiries indiscernables sous les couches ancestrales de poussière, un vieux tapis griffé et à moitié en miettes. Elle se décida à examiner l’architecture : les matériaux dont avaient usés les ouvriers étaient issus de techniques anciennes qui avaient été peaufinés depuis, pourtant le tout était impressionnant et aspirait au repos.
Avec une claque sur le front elle couru vers les raies de lumière, elle s’était faite distraire bien trop facilement à son goût. Elle escalada les marches très espacés quatre à quatre et jeta un œil à travers la vieille serrure rouillée qui ornait de manière atypique la porte avec tierce. En bois alliage métal, se fit-elle la réflexion, un art que maîtrisaient ses ancêtres et qu’ils avaient perpétué depuis.
La vision en forme de serrure qu’elle entrevit la rassura à moitié, le palais remuait tel une fourmilière, paré à recevoir proprement et convenablement le royaume qui aurait fait le voyage jusqu’ici dans l’unique but de se voir accorder la bénédiction de leur roi. Les têtes étaient découvertes de tout chapeau et parure, abandonnant le front à nu. Là il fallait y voir la superstition qu’ainsi l’âme était dévoilé de son éclat au roi et qu’on paraissait devant lui dans toute sa pureté.
Le palais déjà taillé d’un blanc nacré et éternel était aujourd’hui recouvert de gigantesques banderoles laiteuses à l’étoffe entremêlée par endroits de discrets fils dorés. Couleur de la réussite et du prestige le doré était convoité lors des fêtes et des évènements qui nécessitaient une mise en valeur de la puissance du royaume. Mais la couleur la plus royale, celle que seuls étaient autorisés à porter les membres d’un statut élevé tel que le sien était incontestablement le violet, il trônait roi de tout les autres coloris imaginables.
La prune, la royauté et la spiritualité, la symbiose parfaite pour leur gouvernement. Apercevoir n’importe quelle plante violette relevait d’un signe du destin que la chance tournerait, et si un végétal mauve persistait à s’implanter autours d’une habitation, l’heureuse famille se voyait aussitôt élevée au statut noble car on estimait se faire un devoir de la protéger. Pour tout les habitants du royaume cette couleur signifiait à la fois l’espoir d’une vie meilleure et la force des cieux, il en découlait naturellement un respect mêlé d’envie. Les messagers du roi n’arboraient eux-même que deux fines bandes violettes à leurs poignets, cela allait de soi depuis les nombreux accidents auxquels ils avaient dû faire face de part le passé.
Le peuple n’appréciait pas toujours les décisions prises et les malheureux messagers pâtissaient de cette effroi sous différentes formes de châtiments, la couleur royale leur offrait une protection et faisait connaître leur authenticité contre les badauds violents et ulcérés.
Elle ne s’attarda pas plus loin dans sa réflexion et attendit avec agacement le moment propice pour courir ventre à terre. Certes ces vêtements passaient inaperçus car ils n’aspiraient en rien à une couleur voyante ou choquante, cependant l’efficacité reposait sur une prise au sérieux de la situation et d’une rapidité précise.
Au premier instant propice à sa sortie elle écarta le battant avec précipitation et le referma lentement, sa course élancée fût doublée de l’adrénaline de sa fuite. Elle ne remarqua donc pas la silhouette orageuse et immobile qui se terrait là où elle se jeta en pensant être à l’abri des regards.
- Mais enfin ! Faites attention à ce que vous… S’insurgea un corps venimeux de représailles sous son poids. M’enfin… Ne serais-tu pas la jeune femme qui… Sous la pression du choc elle perdait ses mots.
La novice se redressa d’un coup, droite comme un I, bien que son genoux droit protesta.
- Hum… Va-t-en. Fut sa seule réponse.
- Pardon ?
La princesse était stupéfaite, non seulement elle l’avait écrasée mais elle lui ORDONNAIT de s’écarter. Elle reprit contenance en un rien de temps et se leva, appuyée sur son chargement.
- Que fais-tu ? L’interrogea son interlocutrice en remarquant les sacs que la fille du roi dissimulait à sa gauche.
- Es-tu en position de me poser ne serait-ce qu’une seule question lorsque que moi tout ce que je vois c’est une parfaite fugitive ? L’apostropha-t-elle.
L’apprentie tiqua :
- Tu ne t’en sors pas mieux que moi, regardes-toi.
En effet le bas de sa robe était couvert de terre et sa chevelure n’en menait pas plus large.
- TU m’es tombée dessus, TU t’expliques en première.
- Bon, pas la peine de s’énerver comme ça. Elle jeta un coup d’œil nerveux aux alentours, préoccupée qu’on puisse les surprendre dans une situation assez inédite.
Victoria sembla tout à coup réaliser ce détail et son regard s’assombrit.
- Je te propose de nous éloigner, ce n’est pas un lieu propice à la discussion. Décida-t-elle sans attendre l’assentiment de la seconde femme.
Elles se suivirent donc, empruntant des allées restreintes aux pavés fragiles et cassants.
- Ce château doit être un puits de lumière vu de loin, mais sur place c’est à se demander si au moins la moitié de l’édifice est entretenu. Constata la prétendante au trône.
- Je ne te le fais pas dire, la moitié est vide d’âme qui vive. C’est un labyrinthe de meubles recouverts de toiles blanches.
La première fît volte-face et l’examina, comme si un des propos énoncés lui rappelait soudain quelque investigation passée.
- Tu les as empruntés, ces couloirs ? Tu sais t’y repérer ?
- Hum… Je n’ai bien évidemment pas tout exploré, la plupart des portes grincent sous la rouille et s’abattent au sol lorsque je tente de les ouvrir mais il y en a un nombre incalculable qui tiennent debout. Sûrement celles sont les matériaux sont de qualité supérieures.
Elles reprirent silencieusement leur chemin, évitant avec soin tout grabuge plus ou moins lointain. Car malgré la distance et la méfiance penaude dont faisaient preuve les deux femmes l’une envers l’autre, elles étaient tombées naturellement d’accord sur le fait de se tenir à distance des foules du mieux possible. Elle firent donc une halte à l’orée du bois à distance raisonnable de toute maisonnette blanche et reculèrent à l’ombre d’une arche abîmée par le temps capricieux des hauteurs.
- Bon… à moi de me prononcer. Consentit nerveusement Laya. Je suis innocente, et je pars retrouver ma mentor qui coure selon toute probabilité un danger.
Elle s’était montrée honnête pour en finir au plus vite, le temps lui manquait. Son interlocutrice la détailla d’un air insondable et prit la parole après un long silence.
- Quel type de danger coure ta mentor ?
La sorcière recula d’un pas, méfiante et grimaçante.
- Dis-moi, sinon je ne pourrai pas croire en ta parole, et je doute que ton but soit de me mettre à dos.
La remarque fît mouche et lui attira un léger grognement.
- Bien, mais j’aurais le droit à quelques questions aussi, que ce soit égal.
- C’est d’accord.
Elles soutinrent chacune le regard de l’autre avant que l’apprentie ne prenne la parole avec une gravité mesurée.
- J’ai eu une vision, ma première, mais les visions sont d’une fiabilité déconcertante et celle-ci l’est donc au même titre que celles qui suivront. Elle scruta la jeune femme à la recherche d’un sarcasme dissimulé mais cette dernière l’écoutait attentivement, analysant ses propos. Te décrire une vision est bien trop complexe, je n’étais moi-même pas préparée à cela, c’est un enchaînement de couleurs, d’odeurs et de silhouettes qui se confondent rapidement. Mais si j’ai bien retenu un moment dans tout ce bazar c’est lorsque ma mentor indique à bout de bras une direction, en contrebas de là où elle se tient, d’un air affolé.
- Tu te bases uniquement sur cet indice ?
- Oui, l’instinct d’une sorcière ne trompe pas, nous possédons un sixième sens. De plus, elle est quelqu’un de particulièrement calme. Elle ne perd pas son sang-froid aisément, ce qui ne l’empêche pas de faire la morale d’ailleurs, mais elle garde patiente et ne s’agite pas sans raison notable.
La princesse sembla considérer sérieusement l’affirmation puis l’interrogea.
- Et connais-tu la direction qu’elle a prise ? Ou la destination qu’elle compte atteindre ? N’as-tu aucun moyen de la contacter ?
- Non. Soupira-t-elle, elle-même ennuyée de cet aveu. En me cédant sa place elle a coupé tout les ponts avec moi, m’astreignant simplement à remplir mon devoir de guérisseuse royale et de passer le flambeau à mon tour au moment venu. Je ne suis pas censée chercher à savoir où elle se dirige ni la retrouver plus tard. Autant dire que la chercher dans le royaume revient à tenter de coincer une aiguille perdue dans une botte de foin.
Son interlocutrice se laissa choir au sol, enserrant ses jambes des pans de sa cape. Ses mèches se glissèrent spontanément le long de son dos, dévoilant à la lumière fort matinale et un rien lunaire un faciès songeur.
- Que penses-tu qu’elle puisse courir comme danger ? Qui aurait intérêt à l’avoir à sa merci ?
Nouveau soupir.
- Je n’en sais rien… De tout mon apprentissage elle ne m’a rien confié sur un chantage quelconque ou un différent qu’elle aurait pu avoir avec un patient. Confessa-t-elle après un silence, surplombant de sa taille l’autre femme assise à ses pieds.
- Ton enquête part du bon pieds dis-moi. Elle l’observa d’un air contrit, je suis désolée si je remue le couteau dans la plaie mais possèdes-tu ne serait-ce qu’un embryon d’information à même de t’aider ?
Elle y avait longuement pensé, ranimant en mémoire les conversations digne d’être passées au peigne fin, à la recherche du plus petit résidu d’indice négligé de sa part.
- Ou bien elle cherchera à atteindre un lieux mystique tel qu’un paradis pour les sorcières, guérisseuses et enchanteresses qui m’est inconnu et auquel elle n’a accès que de par sa vision. Ou bien…
- Ou bien ? La stimula la femme aux longs cheveux noirs corbeaux, attentive.
Elle prit une large inspiration et laissa divaguer son regard sur la forêt avoisinante. Puisant dans ce paysage familier et endormi la réponse à sa question.
- Elle peut tout aussi bien avoir prit la voie qui lui plaît le plus. Celle qu’elle a rêvé d’emprunter dans sa jeunesse mais à laquelle elle a renoncé en devenant guérisseuse. Ces choix de vies sont les siens mais elle a autrefois sacrifié un idylle.
L’autre se redressa, requinquée, et la pressa d’aboutir à voix haute à une conclusion.
- Le seul endroit digne d’intérêt pour elle, et qui n’est pas ici se trouve loin, c’est…
Elle secoua tout à coup énergiquement sa chevelure, avant de prendre conscience que celle-ci revêtait l’apparence de deux chignons. Elle vira soudainement à une réaction proche de l’hystérie.
- Je me suis égarée bien loin de mes préoccupations tu ne trouves pas ? Je t’en ai assez dit je pense… Dire que je m’apprêtais à te révéler un coup de poker !
Victoria était perplexe, la tête penchée de côté elle laissa un temps s’écouler, indulgente. La novice pleura des larmes amères et frustrées, s’acharna dans un cri qu’elle étouffa aussitôt entre les plis de ses vêtements et se replia en fin de compte sur elle-même. Elle prit le temps de recouvrir ses esprits et de recouvrer une respiration stable pendant que l’autre stagnait à ses côtés, parfaitement calme et impavide.
- Pardon. S’excusa maladroitement Laya. Il fallait que ça sorte, je ne suis pas aussi rassurée ou confiante que j’en ai l’air tu sais. Je ne me suis jamais éloignée d’elle, ou du moins je savais qu’en rentrant elle serait toujours là. Un air attendrit vrilla sur son visage. Mais là il s’agit d’autre chose, elle a pratiquement disparue et je parle à une parfaite inconnue.
Elle suspendit sa phrase, se retenant explicitement de rajouter quelques mots.
- Pas si inconnue que ça… Se prononça enfin la spectatrice de cette perte de contrôle. Tu sais qui je suis et moi, je te connais vaguement comme la guérisseuse royale. Et celle qui est accusée de vol accessoirement.
Un rire traversa la concernée.
- C’est précisément la raison pour laquelle je ne veux pas te dire où je vais. Laisses-moi partir et tu ne me verras plus, c’est aussi simple que cela.
Voyant que cela ne suffirait pas à persuader la princesse elle ajouta :
- Je me doute que tu suspectes quelque chose de ton côté, mais tu ne me dis rien pour autant. Et avant que tu réfutes la question réfléchis bien, penses-tu vraiment que je sois la voleuse ?
La sollicitée fronça les sourcils à la provocation et renchérit :
- Je ne fonde pas mes opinion sur une balance instable, si tu dis vrai alors je peux éventuellement repeser les poids. Mais je t’accordes un point, ce procès était étrange et différent des autres. Tu veux ma transparence alors bien, mon père ainsi que la cours qui assistait au débat hier soir n’étaient pas dans un état habituel mais vaporeux.
- Vaporeux…
L’expression employée la titillait, elle faisait surgir des hypothèses nouvelles.
- Oui, vaporeux. Venant de mon père et des conseillers cela pouvait provenir de l’importance de l’objet évaporé, ce qui a pu les plonger en état de choc provisoire. Mais n’étant pas les seuls dans cette béatitude je considère la possibilité qu’un élément supplémentaire soit à prendre en compte.
- Tu parles comme si c’était ton métier, mais ce n’est pas le cas. Oh, et prends-le comme un compliment avant de prendre cet air stoïque.
Cette dernière remarque arracha une stupéfaction fugace chez la concernée, Laya choisit ne pas relever et enchaîna.
- Serait-il possible, selon toi, qu’un voile ait pu commettre ce résultat. Un voile magique aux répercussions… somnifères. Pas assez pour les endormir mais assez pour les plonger dans une réflexion comateuse semblable à l’euphorie. Taillé selon un processus plus léger les personnages touchées seraient en mesure de conserver une apparence normale mais à l’intérieur elles seraient nerveuses et otages d’une peur irrationnelle. Depuis que tu as évoqué le mot vaporeux je songe à cette idée et je commence à penser que c’est ce qui s’est déroulé, tu ne crois pas ?
Cela se voyait que la fille du roi était secouée par cette suggestion, mais elle déclara pourtant d’une voix posée.
- Cette théorie se rapproche en effet beaucoup de ce que j’ai observé. Ce sont tes connaissances magiques qui t’ont permis d’imaginer cette supposition ?
- Entre autres. J’ai entendu les gardes parler d’un brouillard sombre qui s’élevait au-dessus de chez-moi lorsqu’ils se sont approchés. Le même que j’ai vu se répandre en dehors de la besace de la créature. Te souviens-tu de toute mon explication au sujet de ma rencontre avec ce lutin ? Il n’est resté que quelques minutes mais cela peut être suffisant à réactiver l’objet s’il était endormi. En-dehors de sa prison ensorcelée il s’est déclenché et a libéré un flux de magie noire qui a épousé la pièce avant de se coller au toit et d’embraser l’air alentours. C’est ce qu’a pu décrire la garde royale sans savoir de quoi il s’agissait. Le problème ne réside pas seulement dans cet unique brume mais dans l’objet. S’il est capable de souffler de la magie noire en autant de quantité quelques minutes après son réveil, qu’en sera-t-il après plusieurs heures, plusieurs jours ? Et encore il n’était certainement pas activé à proprement parler, s’il tombe entre des mains expérimentés le risque est grand.
Sa tirade achevée elle se sentit vidée des menaces qui l’étouffaient. Malheureusement la conversation n’était pas terminée et il lui faudrait encore en découdre pour parvenir à gagner sa liberté.
- Si je comprends bien, cette brume aurait flottée jusqu’au château et aurait affecté toutes les personnes présentes.
La sorcière acquiesça de la tête.
- Le brouillard a pu être attiré par la chaleur humaine réunie dans la grande salle ou bien a voulu me suivre.
La femme aux cheveux noirs se contenta de lui lancer un regard embarrassé.
- Les ténèbres te suivent-ils encore ? Formula-t-elle à voix haute.
- Non, pas de doute à avoir là-dessus. La nuit a dû largement suffire à décanter la pièce des résidus de magie noire. Je n’ai pas été exposée trop longuement et en trop grande quantité, le brouillard s’est certainement évanoui.
Cette déduction allégea considérablement l’atmosphère devenue lourde et épaisse. Un apaisement de courte durée se profila sur leurs corps tendus et et inquiets. Cela leur profita assez pour qu’elles retrouvent un semblant de sourire aux lèvres.
- Voilà, reprit posément la novice, je t’ai expliqué pourquoi je tiens à m’enfuir au plus vite de ce palais. Et toi ? comptes-tu m’avouer la raison de tes bagages ?
Le regard qu’elle obtint en retour lui parut plus lasse qu’autre chose, un brin farouche peut-être ? ...
- En toute franchise, je quitte le palais. Comme toi. Mais pour d’autres raisons.
Son interlocutrice accusa l’information, tout en déglutissant.
- Et pourquoi alors. Y a-t-il quelque chose que tu redoutes ici? S’enquit-elle sans gêne.
L’autre la fixa puis lui révéla d’une voix blanche :
- Je crains mon avenir s’il n’a d’autre forme que ce lieu. En restant ici, et en obéissant au souhait de mon père et de toutes les autres personnes de ma connaissance, je m’enferme dans cette bulle détestable. Je refuse de devenir reine, je ne connais pas mon royaume tel que je le devrai. Il aurait été nécessaire pour moi de l’avoir sillonné de fond en comble, de tenir des contacts un peu partout, d’être allée au devant des informateurs et d’avoir fait mes preuves. Mais qu’en est-il réellement? Tu veux que je te dise ? La sorcière conserva un silence surprenant et immobile, ce qui fit soupirer la femme. Je déteste l’idée de revêtir le titre de reine, une vie à commander pour un peuple dont je n’ai aucune relation concrète m’est insupportable. Il y a bien d’autres gens à même de remplir ce rôle. Je veux explorer ce monde et le découvrir sans m’y sentir obligée. Je veux… être libre. Dans un sens large, libre de mes choix.
Un sourire mutin transperça les lèvres de l’apprentie. Elle reluqua des pieds à la tête la princesse silencieuse et lui lança le plus naturellement du monde dans un élan d’inspiration :
- Par où comptes-tu t’enfuir ?
L’interpellée releva vivement sa tête jusqu’à présent levée vers le ciel à sa hauteur et renchérit :
- A ton avis, la route assaillie de fidèles ou la forêt épaisse et inhabitée? Lui jeta-t-elle d’un ton négligent et agacé.
L’autre leva un sourcil rusé et rit, ce qui déplut franchement à la fille du roi qui l’interpella vivement.
- Pourquoi ris-tu, ai-je l’air si pitoyable que ça ?
- Ce n’est pas ça, tu n’as juste pas… vraiment l’expérience ni l’habitude de te fondre dans le décors.
- Ce n’est pas nécessaire, je me débrouillerai très bien.
Cela fit redoubler l’éclat de rire de la novice qui retrouva malgré elle bientôt un calme modèle et apaisant.
- Laisse-moi te contredire, débuta-t-elle amusée, premièrement : tu es la fille du roi, te fondre dans la masse du peuple et des courtisans ne te sied pas, on t’inculque depuis ton enfance à faire preuve d’un certain charisme et à progresser de manière à attiser regards et respect. Empêche-moi de poursuivre si je me trompe surtout, n’hésite pas. La seconde femme ne pipa mot. Deuxièmement : tu as vécu toute ta vie dans un confort rare et unique, entourée et protégée. Ton quotidien, des repas à ta chambre en passant par les habits et la médecine à portée de main. Tout, absolument tout ce à quoi tu avais droit était le produit d’une richesse et d’un aisance élitiste. T’es-tu préparée à ce changement radical ?
- Bien évidemment que j’y ai pensé ! Que crois-tu. S’insurgea-t-elle.
- Pourtant tu subiras ce fossé. Il te suffira de franchir les portes du palais pour ressentir un vide, un espace creux qui t’enjoindras à faire volte-face aussi vite que tu t’étais détournée de ce lieu. Au fur et à mesure des jours tu devras résister à la sensation que tu as oublié quelque chose ici, sans savoir de quoi il s’agit, mais cela te provoqueras tellement de soupçons que tu seras perdue. Enfin, ce n’est qu’en allant au-delà de ces doutes que tu seras affranchie. Cela nécessitera des efforts terribles, car le bien et le mal, la raison et les sentiments, tout ne formera qu’une boule compacte au creux de ta gorge et de ton ventre. Seule, c’est inévitable et perturbant. Mais tu persisteras à vouloir persévérer, tu t’agripperas péniblement à ton objectif et malgré les maladresses dont ton corps fera preuve, les doses d’adrénaline, l’abattement, tu devras ta survie mentale à ton esprit. Mieux vaut être préparée, avoir enduré des épreuves en plus infimes quantités pour tenir bon face à cette dose brutale. Te sens-tu prête à affronter tout cela ?
- Et toi ?
L’ultimatum était radical. Aucune des deux ne cillait, déterminées à aller au-devant de tout retors décidés à surgir.
- Je connais la forêt, je l’apprivoise depuis mon enfance. C’est le chemin que j’ai décidé d’emprunter. Répliqua-t-elle en guise de réponse.
- Quel est le dernier point que tu souhaitais évoquer ? Rappela soudainement la fille du roi.
- Un détail fort utile pour toi à connaître. Je suis d’ailleurs étonnée que tu n’en ai pas pris conscience.
La remarque fit froncer les sourcils de la concernée tandis que l’apprentie s’approchait d’elle par de courtes enjambées. En quelques secondes elle l’avait rejointe et la dévisagea d’un air tranquille et confiant. Elle se pencha finalement en silence vers son dos, approcha ses mains des épaules drapées de tissus et suspendit son geste un instant, après avoir levé des yeux scrutateurs vers les pupilles de la femme immobile et inquisitrice.
D’un geste précis elle tira d’un coup sec sur la cape et la jeta violemment en arrière. La touchée cria de surprise et la repoussa aussi sèchement. Son regard était froid et haineux tandis qu’elle tâtonnait ses bras et son dos, sa mâchoire ne tremblait pas mais elle était furieuse et son corps élancé et rapide le fit comprendre en se redressant d’un air prestigieux. D’un bond elle se retint de s’élancer sur la femme, privilégiant pour l’instant les explications verbales.
- Mais qu’est-ce que tu avais en tête pour m’arracher ma cape !
L’interpelée ne cilla pas et lui rétorqua sur un ton tout autant venimeux :
- Ne me remercie pas surtout ! Je rêve, tu n’as toujours pas compris ?
- Si tu t’expliquais au lieu de tourner autours du pot ce serait peut-être plus éloquent !
- Ta cape est mauve ! Elle est plus violette que je ne suis beige de peau ! Comment voulais-tu passer inaperçue en te promenant vêtue de violet ? Il n’aurait pas fallut plus de quelques secondes pour que la foule de fidèles qui converge vers le château en ce moment ne te remarque et s’en prenne à toi pour te l’arracher. Tu te serais faite attraper en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire, et adieu la fuite. Et quand bien même tu n’aurais pas été aperçue avant la forêt, au moindre village, au moindre habitant c’est des rumeurs et des légendes que tu aurais fait naître sur ton chemin. Combien de temps avant que ton père ne se lance sur ces pistes créées par ta négligence ?
Elle avait ostensiblement pris de court la seconde jeune femme qui, pour la première fois, eu un regard humilié bientôt remplacé par de la contrariété.
- Je…
- Ne t’embête pas à chercher quoi me dire. Cesse de me regarder avec reproche et laisse-moi partir, cela suffira.
Mais elle fut interrompue à son tour par l’approche de cris fuyants et nombreux. Elles exhaussèrent un relevé de tête de concert, épiant la provenance des exclamations avec une préoccupation lisible sur leur visage dénués de la moindre humeur joyeuse.
- Tu crois que ce sont les fidèles… ? Formulant à voix haute la question que toute deux se posaient, la novice s’assombrit.
- Si c’est le cas alors j’ignore ce qu’il se passe. Les gardes sont censés contenir tout débordement et une effusion crue comme celle que l’on entend en ce moment, elle frissonna, n’ont pas lieu d’être. Qui a pu semer une telle pagaille sans arriver à la contrôler ! Les incapables ! S’écria-t-elle au bout du compte.
Cependant la sorcière ne prit pas le temps de se soucier de ce genre de détail, l’esprit amplement préoccupé par un autre but autrement urgent elle rassembla ses affaires en hâte et se prépara à décamper.
- C’est le moment ou jamais de partir avant d’être repéré. S’ils lancent des patrouilles pour récupérer tout les villageois je suis fichue. Elle passa une main sur son sac à dos pour en contrôler le maintien et glissa son bras droit sur sa besace de récolte suspendue en bandoulière.
Son interlocutrice refusa d’être en reste, elle jeta ses sacs sur son épaule et son dos, roula sa cape et la rangea dans un des grands compartiments.
- Je m’occuperai de la dissimuler quelque part après m’être mise à l’abri. Précisa-t-elle. De plus je pourrai en arracher un bout pour le vendre en cas de besoin.
L’autre haussa un sourcil quelque peu inquiet.
- On pourrait remonter ta piste si on apprenait que des marchands possèdent une étoffe violette à vendre. Déclara-t-elle.
- Je ne m’en servirai qu’en cas d’extrême urgence. Assura la princesse, sûre d’elle.
- Part ici ! Entendirent-elles des voix se rapprocher.
- Vite ! Exhorta la fille du roi en s’élançant d’un bond en direction de la limite du palais.
Elles coururent à toutes jambes à travers les maisonnées bien trop blanches et réfléchissantes à la lumière matinale. Leur ombre qui se faisait plus noire à mesure que le soleil se levait les coursait inextricablement, provoquant chez les deux jeunes femmes un sentiment de poursuite désagréable.
Elles ne s’arrêtèrent qu’en de rares instants, collées entre deux murs froids et griffus, pressant leur corps échauffés et alertes contre la pierre crème, priant silencieusement de n’être aperçues. Leurs chargements leurs arrachaient la peau des épaules et fatiguaient leur course élancée et précipité, mais ne les stoppaient pas pour autant. Leurs esprits jeunes et énergique leurs offraient la possibilité de s’aventurer dans des terres qui leurs étaient lointaines sans regrets.
La cloche retentit dans la vallée, les prenant de court. Le bruit était amplifié par leur proximité avec le clocher qui surplombait une des nombreuses tours à pic de la forteresse de nacre. Comme à un signal, elles s’élancèrent, le bruit de leur échappée recouverte par le retentissement métallique.
- Court jusqu’à la maison grise, la plus sombre. Cache-toi derrière !
La réceptrice de ces paroles prononcées d’une traite fût l’héritière, elle les accepta d’un hochement de tête entendu, ce qui la surpris elle-même. Mais il fallait avouer que son alliée provisoire avait une connaissance des lieux fort utile qu’elle ne devait à aucun moment sous-estimer ni réfuter, ç’aurait été contre-productif. Sa réflexion de nature logique se concentra avec une attention démesurée sur le chemin qu’elle empruntait.
Le gravier foulé des années durant par les serviteurs du palais, la garde et les habitants communs à cette vie royale qu’elle avait connus, croisés, côtoyés. Elle ne s’était pourtant jamais aventurée sur les allées qui formaient leur quotidien, n’avait jamais imaginé fouler leurs boulevards, frôler de ses bras mince la surface rêche des habitations et s’abriter à l’ombre de leurs foyers. Et la voilà, courant à toutes jambes en longeant ses murs qui ne lui étaient pas familiers alors même qu’ils faisaient la beauté du lieu.
Enfin, elle aperçue en un éclair furtif, entre deux maisons écartées d’une court interstice, une forme plus sombre que les autres. Elle freina brusquement et s’élança puissamment dans cet espace étroit et visiblement rarement emprunté car abîmé et ouvert à une végétation envahissante et ruisselante de rosée. Elle se colla entre les murs, se défit de son chargement et le tira à sa suite, retenant sa respiration dans l’espoir que son ventre fût ainsi plus mince. Un regard coulé en arrière lui apprit la position de la guérisseuse, elle avait emprunté un autre chemin, la laissant libre de se dépêtrer seule.
Elle progressa avec prudence, s’avisant de la moindre présence. Lorsqu’elle émergea de sa cachette, elle se glissa silencieusement à l’abri du clair-obscur offert par une toiture en piteux état, rendue humide par les orages et grise par la même occasion. Ce constat la déconcerta quelques peu, pourquoi cette maison en particulier était-elle laissée-pour-compte ? A ce moment-ci sa coéquipière apparue et d’un doigt, l’astreignit au silence. Dissimulée derrière un entassement de matière propres à la construction qu’elle n’aurait su nommer, la novice stagnait dans une ambiance étrangement excentrique comme le décrypta avec peine la princesse, elle-même peu paisible à cet instant.
Elles se trouvaient toutes proches de la limite entre le pseudo-village et la forêt, pour des raisons de sécurité et de protection les maisons avaient été construites à une certaine distance des arbres, dévoilant une zone non-couverte de plusieurs mètres. L’idée étant de se protéger à la fois des chutes d’arbres et des animaux représentant un danger, plusieurs mètres à découvert suffisant selon eux à les repérer.
Elles furetèrent ainsi quelques minutes, alertes, mais bientôt un chant résolu troubla leur concentration. Elle s’agitèrent furtivement, dodelinant de la tête des deux côtés, cherchant avec impatiente la provenance de cette complainte unanime. Elles furent donc rassurées en prenant conscience de l’identité des chanteurs, qui se trouvaient être les pèlerins. La messe commémorative, ainsi que leur mémoire se le rappela soudainement, était la préface de l’accueil, un instant de recueillement solidaire avant ce que l’on pouvait nommer les festivités.
- On y va maintenant. Lança avec emphase la princesse pour qui le temps passé à attendre de partir était une torture.
La seconde femme acquiesça, plus que soulagée de fuir ce lieu qui lui semblait à présent insupportable.
Leur course fût précipitée, elles coururent à toutes jambes en direction des bois et ne soufflèrent qu’une fois la limite forestière franchie, pour aussitôt reprendre une cadence accélérée dans leur sprint.
L’apprentie guérisseuse donnait la voie, courant de toutes ses forces sans chercher à économiser son énergie. Elle traça en suivant ses repères tel que le grand arbre de la forêt qui dominait plus haut, et opta instinctivement pour le chemin qui menait aux tréfonds de la multitude d’arbres, elle voulait fuir le galbe du palais et se dissimuler parmi la végétation amicale, s’évanouir là où nul Homme ne résidait.