Chapitre 2 : Le nouveau collège

Chapitre 2

Le nouveau collège

 

Coulomb-en-Valois, douze ans plus tard.

 

L’endroit était humide et frais. Il y faisait sombre et Hava n’y distinguait presque rien. Pourtant, elle ressentait qu’elle connaissait les lieux. Elle y était déjà venue régulièrement au cours de ses rêves. Les fois précédentes, elle avait patienté sans bouger, car l’obscurité qui l’entourait la terrorisait. 

Cette fois, une lumière attira son attention. Elle lui indiquait une direction à suivre. Elle s’avança prudemment, d’un pas mal assuré. Le sol était mou et humide, comme de la terre. Elle tendait les bras devant elle pour ne pas se cogner. Ses mains caressèrent des parois de roches froides et humides. Plus elle s’approchait et plus elle remarquait qu’elle distinguait la lumière au travers d’une ouverture étroite. 

Hava se mit de profil pour emprunter le passage et elle déboucha dans un couloir étriqué formé de roches de granite. Elle continua à avancer prudemment pendant quelques mètres. 

Le conduit s’élargit progressivement jusqu’à se transformer en une petite salle simplement éclairée par la lumière chancelante de chandelles. 

Soudain, elle mit la main sur la bouche pour retenir un cri. Elle n’était pas seule : un homme était devant elle. Il était de dos, assis en tailleur. Hava enleva sa main et elle avança doucement, en respirant le plus calmement possible. Elle se retrouva devant lui. Il avait les yeux fermés et il était en position de méditation. Il fredonnait des psaumes inarticulés. Hava s’approcha et lui toucha doucement l’épaule.

 

— Vous allez bien, monsieur ?

 

L’homme garda les yeux fermés. Elle s’agenouilla à ses côtés. Elle avança la main doucement, hésitante. Alors que ses doigts n’étaient plus qu’à quelques centimètres de son visage, il ouvrit les yeux. Hava s’immobilisa dans cette position inconfortable. Son cœur battait à tout rompre. 

L’homme tourna la tête vers elle doucement. Il planta ses yeux dans ceux d’Hava et il la regarda d’un regard si intense qu’elle en eut un frisson. Ils se fixèrent ainsi quelques secondes quand enfin l’homme ouvrit la bouche. Il prononça une parole qu’elle ne comprit pas : 

 

« Cām̐ḍai[1] ».

            

Hava ouvrit les yeux. Elle tourna la tête vers son réveil… Elle aurait pu dormir encore quelques minutes. Elle souffla très fort et éteignit son réveil avant qu’il ne sonne. Elle se leva de mauvaise humeur. Elle aurait bien eu besoin de ces quelques minutes de sommeil en plus, surtout aujourd’hui.

Hava avait bien grandi depuis son arrivée en France. Elle avait abandonné depuis quelques mois son éternelle casquette. Elle laissait désormais ses cheveux pousser. Ils lui arrivaient au bas du dos. Maintenant, on se moquait plus souvent de sa collection de serre-tête rigolos. Sur celui qu’elle mettrait aujourd’hui, un ours courait derrière un chasseur. C’était son préféré. Elle avait décidé de le mettre, car c’était une journée particulière : la première dans son nouveau collège. 

La jeune adolescente savait depuis toujours qu’elle avait été adoptée douze ans plus tôt et elle était depuis le centre d’intérêt principal de ses parents. Elle avait apprécié leurs attentions quand elle était plus jeune, mais maintenant qu’elle avait grandi, cela devenait parfois pesant. Surtout qu’entre sa mère, professeur des écoles, et son père, prof de collège, les relations étaient… envahissantes. 

Rien que pour cela, elle se demandait si elle n’aurait pas dû essayer de se faire exclure avant. Depuis des années, des élèves se moquaient de ses origines (Bhoutan train), de son nom (Hava bien ?) ou encore de la couleur de ses cheveux. 

Les médecins n’avaient jamais compris pourquoi ils avaient cette teinte. Habituellement, on expliquait une dépigmentation chez quelqu’un d’aussi jeune soit à cause d’un vitiligo[2], qui dépigmentait quelques mèches de cheveux, soit pour un problème d’albinisme, où la peau et les cheveux étaient totalement décolorés, mais elle ne correspondait à aucun de ces cas. En effet, ses cheveux étaient complètement blancs depuis toujours, mais elle n’avait aucun problème de peau, pas même d’acné. La seule hypothèse qu’avaient les médecins était qu’elle souffrait du syndrome de Marie-Antoinette, une décoloration totale et brutale par suite d’un stress très profond. Elle avait eu beaucoup de mal à s’accepter quand elle était plus jeune, elle avait même demandé à ses parents de porter une perruque, mais sa mère avait toujours refusé. Elle lui avait expliqué qu’elle était née comme ça, et que c’était comme ça qu’elle était belle à ses yeux. Avec le temps, Hava avait fini par l’accepter, même si ça restait encore une raison pour les autres élèves de se moquer d’elle. 

La semaine précédente, Dylan lui avait coupé une mèche pendant la classe. Il l’avait ensuite regardée en la tenant et en lui expliquant que ça lui porterait peut-être bonheur. Hava avait vu rouge et lui avait sauté dessus. Dans la bagarre qui s’en était suivie, Dylan s’était coupé légèrement la main avec les ciseaux qu’il avait toujours en mains. Ses parents étaient venus s’en plaindre et ils avaient insisté pour expliquer que leur fils n’y était pour rien et que Hava était un danger public, que sa place était plutôt en foyer ou encore au Bhoutan, qu’elle n’aurait jamais dû quitter… Dylan étant blessé, il avait eu gain de cause. 

Malgré les contestations de son père, elle avait été renvoyée trois jours. Quand Hava avait appris la nouvelle, elle s’était enfermée dans sa chambre et n’en était pas ressortie pendant plusieurs heures. Ses parents n’avaient pas osé la déranger, même quand ils avaient entendu les cris étouffés. Célia avait préparé des crêpes, la seule chose qui calmait Hava en cas de crise. Quand elle était descendue, elle s’était assise en faisant claquer sa chaise et avait bloqué son regard dans celui de son père.

 

— Je veux changer d’école.

— Tu ne vas pas partir pour si peu ? s’étonna Albin qui regretta aussitôt d’avoir prononcé ces mots quand il vit la colère déformer le visage d’Hava.

— Si peu ? Si peu ? On me fait du mal et c’est moi la coupable ?

 

Finalement sans trop lutter, Albin et Célia avaient cédé. Aujourd’hui, Hava allait faire sa rentrée dans son nouveau collège. Cela représenterait finalement sa toute première journée de liberté parentale. Changer d’établissement en cours d’année avait beaucoup d’inconvénients : elle ne connaissait personne et le collège était beaucoup plus loin de chez elle. Elle allait partir plus tôt et rentrer plus tard… mais il y avait aussi des avantages : même si elle adorait ses parents, ils ne seraient enfin plus au courant de tout, tout le temps. 

 

Hava descendit de sa chambre en trombe, avala un bol de chocolat sans s’asseoir, embrassa sa mère qui venait d’essuyer une larme et elle sortit avant le lever du soleil. Son nouveau collège se trouvait à une vingtaine de kilomètres. Hava et ses parents habitaient dans un village de Seine-et-Marne qui, bien qu’à moins d’une heure de Paris, était très mal desservi. Hava s’installa dans le fond du bus, la capuche sur la tête avec comme seul désir de ne parler à personne. Elle s’endormit presque aussitôt assise. Elle sentit quelqu’un lui taper sur l’épaule. Elle releva la tête, curieuse de savoir qui voulait l’importuner. Il était hors de question de laisser sa place ou de commencer une discussion. Pourtant, celle qui l’avait dérangée ne lui était pas inconnue.

 

— Hé, mais ouais ! C’est bien toi, s’exclama Julie. Je t’ai reconnue à ton tatouage. Qu’est-ce que tu fous-là ? Tu n’es plus à Champi ?

— Hé non, j’ai été virée. Du coup, je vais à Lambour. C’est mon premier jour.

— C’est mon collège ! C’est trop cool ! On est réunies à nouveau, comme au bon vieux temps. 

— Oui, c’est génial ! Ça fait trop bizarre de te revoir. J’avais trop les nerfs quand j’ai su que tu ne serais pas avec moi à Champi. Il est comment alors ce collège ? 

— Moi j’adore. Les gens sont hyper sympas. Après, comme partout, on a aussi notre bande de relous, mais si tu les évites, ça passe. En particulier Marvin et ses potes, je te montrerai qui c’est.

 

La petite heure de trajet passa très vite et quand le bus s’arrêta, Hava se sentait ragaillardie et avait retrouvé du courage pour affronter ce nouveau lieu. Les deux amies sortirent du bus ensemble. Le collège n’était plus très loin quand Hava remarqua que Julie n’était pas la seule personne qu’elle connaissait.

 

— Tu n’as pas un truc à manger ? demanda-t-elle à son amie.

— J’ai un « Mars » pour le goûter. Ma mère m’en met toujours un, comme quand j’étais gamine. Tu le veux ?

— Oui, je le veux bien, mais ce n’est pas pour moi. J’en prendrai un au distributeur pour te le rendre.

— Non, ne t’inquiète pas pour ça. Tiens. C’est pour qui ?

— Le père Noël.

 

Julie pensa avoir mal entendu et elle se tourna vers Hava pour lui demander de répéter, mais celle-ci s’était éloignée en courant. Julie la suivit. Hava rentra dans le vieux lavoir du village. Il y avait un homme qui dormait à l’intérieur. Hava s’approcha de lui et le réveilla délicatement. L’homme était un sans-abri d’origine asiatique. Julie comprenait maintenant pourquoi Hava l’avait appelé Père-Noël avec sa longue barbe et ses longs cheveux blancs. Hava lui tendit la barre de Mars.

 

— Tenez monsieur. Ça va ? Je suis contente de vous revoir. Vous êtes là depuis longtemps ?

— Bonjour mademoiselle. Ça me fait plaisir de vous revoir. Je dors là depuis quelques jours. Je suis bien ici, j’ai même l’eau courante !

 

L’homme, en rigolant de sa blague, exposa une dentition incomplète. Il était difficile de lui donner un âge tant sa barbe et ses cheveux étaient longs. Hava le croisait régulièrement dans son village quand elle allait au collège et elle avait pris l’habitude de lui donner de la nourriture de la maison. 

 

— Je dois vous laisser, c’est ma première journée dans mon nouveau collège.

— Bon courage, et j’espère à bientôt. Ma porte te sera toujours ouverte, dit-il en souriant.

 

Les deux jeunes filles reprirent leur route. Devant l’établissement, Hava fut agréablement surprise. Celui qu’elle venait de quitter était ancien, plutôt vétuste. Ici, il paraissait très moderne, avec de grands espaces à l’extérieur pour pratiquer diverses activités sportives. Quand elle faisait le bilan, Hava pensait que ne plus être avec son père dans les parages, faire la route avec Julie et se retrouver dans un collège beaucoup plus attrayant que celui qu’elle venait de quitter avait ses avantages… Elle était plutôt chanceuse au terme de sa mésaventure. 

Malheureusement, tout ne pouvait pas être parfait, Hava allait bientôt s’en apercevoir. Quand elle voulut pénétrer dans la cour, un surveillant la stoppa. 

 

— Bonjour, je peux voir ton carnet ?

— Bonjour. Je n’en ai pas, je suis nouvelle.

— OK. Mets-toi là et reste à côté de moi. On va gérer ça quand les autres seront rentrés.

 

Hava dut patienter une dizaine de minutes, se faisant dévisager par tous les élèves qui passaient devant elle. Ils ne voyaient pas souvent une jeune fille d’origine asiatique aux cheveux blancs dans le coin. Quand enfin tous furent rentrés, et bien après que la sonnerie eut retenti, le surveillant sembla soudain se souvenir de sa présence à ses côtés.

 

— Au fait, je m’appelle Mickaël. Si tu as le moindre problème, je suis toujours dispo. Tu me trouveras la plupart du temps dans la salle des surveillants. C’est celle avec la porte rouge là-bas. Suis-moi, on va au secrétariat pour te faire un carnet et te donner ton emploi du temps.

 

Après un temps interminable pour enfin avoir tout ce dont elle avait besoin, Hava quitta le secrétariat. Elle fut sidérée par le décalage entre la modernité des lieux et l’archaïsme des personnes qui le gérait. Mickaël l’accompagna jusqu’à sa classe, fit les présentations et la laissa sous la responsabilité d’un professeur tout aussi expérimenté que les secrétaires. Le professeur lui sourit et lui expliqua :

 

— Je vous aurais bien proposé de choisir votre place, mais comme vous pouvez le constater, la salle est plutôt exiguë et vous n’avez pas l’embarras du choix. Allez donc vous asseoir à côté de Marvin, à la seule place disponible. Marvin, pourriez-vous enlever votre sac s’il vous plaît pour que…

 

Le professeur regarda sur la feuille que Mickaël venait de lui donner.

 

— Hava. C’est ça ? Je prononce bien ? 

— Oui monsieur. 

— Très bien, donc pour que Hava puisse s’asseoir à vos côtés.

 

Hava tourna la tête vers la salle et repéra facilement la seule place vide, aux côtés d’un garçon qui, l’air concentré sur quelque chose derrière la fenêtre, semblait ignorer complètement que l’on venait de s’adresser à lui. Elle aperçut Julie assise un peu plus loin et elle se sentit soulagée d’être dans sa classe. Pourtant, en croisant son regard, Hava eut l’impression que son amie s’inquiétait pour elle. Quand elle arriva à sa place, elle constata que la chaise était toujours occupée par un sac. Hava tendit le bras pour l’enlever.

 

— Si tu touches ce sac, je te tue, chuchota le garçon sans quitter la cour du regard.

— Enchantée, moi c’est Hava, lui répondit-elle en poussant violemment le sac au sol.

            

Dans sa chute, le sac ouvert répandit son contenu tout autour. Hava regretta aussitôt son geste. Son impulsivité lui avait déjà valu une expulsion de son ancien collège et elle craignait de battre un record avec ce geste malheureux. Heureusement, la réaction du professeur la surprit agréablement. 

 

— Marvin, merci de ne plus déranger la classe et de ramasser vos affaires rapidement. Quand vous l’aurez retrouvé dans ce monticule désordonné, pensez à m’apporter votre carnet de correspondance.

 

Hava jubilait intérieurement, même si elle avait compris, au regard de celui que le professeur avait appelé Marvin qu’elle venait de se faire un ennemi. Un de plus. Décidément, elle avait le chic pour attirer l’attention des gens antipathiques. Était-elle si différente des autres ? Son physique particulier faisait-il qu’il y avait forcément des personnes qui la détesteraient instantanément partout où elle irait ? En tous cas, elle fit tout ce qu’elle put, pendant le reste du cours, pour éviter tout contact tactile ou visuel avec son voisin récalcitrant. Quand vint enfin l’heure de la récréation, le professeur lui demanda de rester un peu. Quand tous les autres élèves furent sortis, il commença à lui parler calmement, mais d’un ton qui ne laissait pas d’équivoque sur ses intentions.

 

— Mademoiselle, nous aurons l’occasion de faire connaissance au cours de cette année… 

 

Il laissa un petit silence s’installer, comme s’il cherchait ses mots, puis il reprit.

 

— Mais sachez que, même si je n’ai rien dit tout à l’heure, j’ai bien remarqué que le sac de monsieur Mouille ; Hava se retint de rire quand elle entendit son nom ; n’était pas tombé tout seul. Je n’apprécie pas les élèves qui cherchent les problèmes…

 

Hava ouvrit la bouche pour protester, mais le professeur continua sa phrase.

 

—… et sachez aussi que, la prochaine fois, je ne ferai pas semblant de ne pas voir que vous avez mis le sac au sol. 

— Mais monsieur, c’est lui…

— Je sais et c’est pour cette raison que je ne vous sanctionnerai pas cette fois-ci. Dites-vous que c’est votre cadeau de bienvenue. Sur ce, je vous laisse aller en récréation faire de nouvelles connaissances et je vous dis à vendredi.

— Je comprends, merci, monsieur. À vendredi.

 

Quand elle quitta la salle, Hava ne savait que penser. Ce professeur lui était-il sympathique ou non ? Il ne l’avait pas punie, mais il l’avait menacée. Perdue dans ses pensées, elle s’aperçut qu’elle était égarée. Elle était arrivée dans un couloir qu’elle n’avait pas encore visité. Il se finissait en cul-de-sac. Quand elle se retourna, elle s’aperçut qu’elle n’était pas seule. Marvin l’avait discrètement suivie. Il avait un sourire mauvais qui signifiait qu’il voulait profiter de la situation. Hava était piégée.

 

— Maintenant qu’on est tous les deux, on va voir si tu fais toujours ta belle. Tu vas comprendre que tu t’en es pris au mauvais gars…

— Je ne cherche pas les ennuis, fous-moi la paix.

 

Hava avançât en passant à bonne distance de lui et en baissant la tête pour ne pas croiser son regard. Elle ne courait pas, elle ne voulait pas lui montrer qu’elle avait peur, mais ses yeux étaient humidifiés par un mélange de peur et de colère. Elle était à son niveau, il n’avait pas bougé. Elle ne voulait pas avoir de problèmes, pas encore, pas si tôt, pas comme ça…

Elle le dépassa, et commença à souffler, mais soudain, elle sentit une main lui agripper le bras comme un étau et la ramener en arrière.

 

— Pas si vite. Si tu ne cherchais pas les ennuis, il ne fallait pas faire tomber mon sac.

— Il était sur ma chaise.

— Ce n’était pas ta chaise, c’était celle de mon sac. Ta place était par terre.

 

En disant ces mots, il lui fit un croche-pied qui la fit lourdement chuter. Elle se ressaisit rapidement et essaya de se relever, mais l’adolescent s’était assis sur elle.

 

— Tu vas vite apprendre à me connaître. Ici, je fais partie des personnes à ne pas emmerder. Tu n’aurais jamais dû t’amuser à ça avec moi. Je vais prendre un petit souvenir pour te rappeler de ne plus trop t’approcher de moi la prochaine fois.

 

Il arracha le serre-tête d’Hava violemment. Elle poussa un petit cri de douleur. Il se releva ensuite, tenant toujours Hava par le cou.

 

— Voilà ce qui arrive à ceux qui me cherchent. Tu es prévenue. Maintenant, viens ici…

 

Il la força à la suivre. Hava pleurait, mais elle n’arrivait pas à crier, à se défendre. Ce garçon lui faisait tellement peur qu’elle était tétanisée et se laissait faire, comme un robot. Il s’arrêta à côté d’une porte qu’il ouvrit. C’était un placard à balai. Il se saisit d’un balai et la força à rentrer et il referma la porte. Hava se retrouva dans le noir. De l’autre côté, Marvin avait bloqué la poignée avec le balai.

 

— Ça t’apprendra ! Peut-être que quelqu’un viendra te libérer bientôt. Si tu dis que c’est moi qui t’ai mise là, tu me le paieras très cher ! C’est compris ? À plus tard… 

 

Hava n’osait pas bouger. Elle ne distinguait qu’un trait de lumière dans le bas de la porte. Elle ferma les yeux et essaya de calmer sa respiration. Elle avait envie de se retrouver dans la pièce humide qu’elle visitait la nuit. Elle s’y rendait si souvent qu’elle s’y sentait à l’abri. Rapidement, elle entra dans le couloir de pierre. Elle avança vers la lumière et se retrouva dans la salle qu’elle connaissait. L’homme était là, mais cette fois-ci, il ne priait pas. Il était debout, et il la fixa quand elle arriva, comme s’il l’attendait. Il lui fit signe de s’approcher. Quand elle ne fut qu’à quelques centimètres de lui, il leva la main à la hauteur de sa bouche, paume vers le haut. Dedans, il y avait une poudre rouge. L’homme fixait toujours Hava dans les yeux, et sans prévenir, il lui envoya la poudre en soufflant. 

Hava se retrouva soudain au collège, mais elle n’était plus dans le placard. Elle était à l’entrée du couloir, et Marvin lui tournait le dos. Il parlait à une porte : celle du placard où elle était quelques secondes plus tôt.

Elle voulut se cacher, attendre qu’il s’en aille pour aller l’ouvrir. Elle recula, mais elle se cogna contre le mur, ce qui attira l’attention du garçon. Il la fixa, immobile, pendant quelques secondes et soudain, il partit en courant, terrifié. Désormais seule dans le couloir, Hava s’approcha de la porte et enleva le balai. Elle avait peur de ce qu’elle allait trouver à l’intérieur. Elle tira sur la poignée. Dans le placard, elle se vit, les yeux fermés. Elle ne comprenait pas ce qu’il se passait. Alors, la Hava du placard ouvrit les yeux, et Hava se retrouva à sa place. Elle avait devant elle le couloir… vide. Avait-elle rêvé ?

Son serre-tête traînait au sol. Elle le saisit et partit le plus vite possible vers la cour. Que devait-elle faire ? Aller voir le surveillant Mickaël pour se plaindre ? En chemin, elle repéra des toilettes et s’y précipita. Elle se passa de l’eau sur le visage et s’observa dans le miroir. Elle se recoiffa et respira doucement. Qu’allait-elle lui dire ? J’ai été enfermée dans un placard par Marvin, mais c’est moi qui me suis libérée en me dédoublant temporairement… On allait la prendre pour une folle. Elle-même n’était pas loin de le penser. 

Elle décida finalement de ne rien dire. Marvin l’avait sans doute libérée, il avait voulu lui faire peur. Elle avait dû rêver. Elle avait les yeux fermés. Oui, c’était ça. Maintenant que son cœur battait plus lentement, elle sortit dans la cour rejoindre son amie. Son sentiment de malaise n’avait pas disparu. Elle chercha Marvin pour ne plus être surprise. Quand elle le repéra enfin, à l’autre bout de la cour, il l’observait aussi, mais son regard avait changé : il avait l’air terrifié.

 

 

 

[1] Bientôt en népalais.

[2] Le Vitiligo se caractérise par des zones dépigmentées plus ou moins étendues.

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Herbe Rouge
Posté le 19/03/2021
J'aime beaucoup ! Je trouve ce chapitre très bien écrit et très fluide !
De plus, l'histoire est intrigante :)

Quelques détails (ne pas hésiter à me dire si ça dérange que je relève ce genre de petites coquilles) :
- Je n'ai pas compris tout de suite qu'elles étaient déjà sorties du car lorsqu'elle rencontre Père Noël.
- "d'origines asiatique" --> sans le "s" à origine, non ?
- Le professeur tutoie ses élèves dans le premier paragraphe ou il leur parle (au lieu de vouvoyer comme après).
- "Tu es prévenu" --> tu es prévenue ?
- "Il se saisit d’un balai puis la força à rentrer puis il referma la porte" --> répétition de "puis"
- "Elle ne distinguait qu’un trait de lumière dans le bas de la page" --> porte au lieu de page, non ?
- "Elle avait envie de se retrouver dans la pièce humide qu’elle visite la nuit" --> Visitait ?
- "Son serre-tête trainé au sol" --> trainait
touratiy
Posté le 20/03/2021
Je te remercie pour ton commentaire. Il ne me dérange absolument pas, au contraire, c'est exactement pour ça que je le partage avec vous. ça m'aide à l'améliorer
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