CHAPITRE 2: Le Père Noël

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     Lorsqu'Iris, frigorifiée mais miraculeusement en vie, s'éveilla le 23 décembre, le soleil commençait à peine à pointer le bout de son nez. Elle avait été réveillée par un son qui ne lui était pas inconnu ; des grelots. A l'affut du bruit qui s'approchait peu à peu de son refuge, elle aperçut son propriétaire. Semblable à un monstre de neige, c'était un grand homme à la carrure imposante, doté d'une interminable barbe blanche gelée dans laquelle Iris pouvait déceler depuis son perchoir le scintillement du soleil. Vêtu d'un long manteau en épaisse fourrure brune il portait sur sa tête un long bonnet vert sombre, orné de fourrure elle aussi brune autour du front et se terminant en une longue pointe tombante jusqu'en bas de son dos. Iris ne voyait pas son visage mais pouvait en déduire par son apparence et la couleur de sa barbe qu'il était très âgé. Sous chacun de ses lourds pas chantaient une multitude de grelots de différentes tailles et sonorités accrochés autour de ses hautes bottes de cuir ; créant alors une mélodie enchanteresse au fur et à mesure qu'il se déplaçait. Lorsqu'il s'arrêtait, laissant taire ses grelots, Iris pouvait entendre sa puissante respiration, semblable au grognement d'un ours. L'homme semblait chercher quelque chose ; ou quelqu'un. Lorsqu'un craquement se fit entendre, il se mit à le poursuivre. De nouveau, Iris pouvait entendre le rire de ses enfants se mêler au chant des grelots. Elle se décida à descendre de son arbre lorsque l'homme s'éloigna et le retrouva grâce aux immenses traces de bottes qu'il avait laissé sur son passage. 

     Cachée derrière un nouvel arbre, elle fut témoin d'une scène qui lui sembla révéler de l'absurdité. Ses enfants jouaient une partie de cache-cache avec le vieil inconnu. Iris sauta sans réfléchir au cou de ses enfants, dégainant le ridicule petit couteau de Luc qu'elle maintenant de ses deux mains tremblotantes pendant qu'elle demandait à l'homme de s'éloigner de ses enfants. Rosie rassura sa mère ; il était leur ami. L'homme les avait sauvés du froid. Iris ne voulait rien entendre et pointa à plusieurs reprises son petit couteau en direction de l'homme, l'interrogeant sur la disparition de son mari quand lorsqu'elle entailla une partie de la manche du mystérieux homme, Rosie, une nouvelle fois décidée à s'imposer du haut de ses six ans, se précipita jusqu'à l'inconnu avant de se réfugier derrière lui en maintenant la longue pointe de son bonnet. Iris tenta de récupérer sa fille mais l'imposant vieil homme l'arrêta. Il poussa violement Iris qui heurta sa tête contre l'arbre le plus proche et elle le vit emporter sous chacun de ses puissants bras ses deux enfants avant de perdre connaissance.

     La malheureuse s'éveilla au fond d'un trou terreux et gelé, accompagnée d'une vive douleur lui martelant le crâne. A peine un mètre au-dessus d'elle, la lumière traversant la grille qui recouvrait sa prison lui laissait croire que le jour s'était levé. Elle escalada difficilement les froides et glissantes parois des lieux jusqu'à atteindre la grille métallique qui la maintenait enfermée et parvint aisément à passer la tête entre les barreaux pour y découvrir un peu plus loin un vieux chalet orné de guirlandes lumineuses multicolores et accolée à une immense grange rouge et blanche. L'habitation semblait très ancienne, d'une autre époque, mais était incroyablement bien conservée. Après avoir de maintes fois tenté de trouver un moyen de sortir de ce trou, Iris appela au secours durant une bonne partie de la matinée jusqu'à se résigner au fait que, piégée dans cette incommensurable forêt, personne ne pouvait l'entendre puis se terra dans un des coins de sa cellule. Elle avait froid, était affamée, mais cela lui importait peu puisqu'elle ne pouvait cesser de penser à ses enfants et à cet étrange homme qui les lui avait enlevés après l'avoir blessée. Fatiguée et figée par le froid de la neige qui continuait de lentement tomber en fins flocons terminant leur chute sur le sol gelé, Iris s'endormit. 

     Aux alentours de midi, elle fut réveillée par du bruit venant de la surface. Elle se hissa à nouveau jusqu'à la grille et vit, après y avoir passé la tête, un énorme traîneau noir aux ornements doré arrêté devant la grange. Il était paré de six rennes terrifiants. Leur pelage était terne, presque filandreux lorsqu'il ne laissait pas apparaître la peau nue des cervidés mais ils ne semblaient pas pour autant souffrir de la faim. L'homme fit son apparition. Sorti de la grange, il se mit à détacher ses animaux du traineau un à un avant de les conduire à l'intérieur. Il s'adressa ensuite au traineau, comme s'il parlait à quelqu'un et reçu une réponse ; Rosie. Les enfants sortirent chacun leur tour du traineau mais alors qu'ils s'apprêtaient à pénétrer dans la grange ils entendirent l'appel au secours de leur mère et s'empressèrent de la rejoindre. 

     Iris les attrapa de mieux qu'elle le put, caressant leurs petits visages et les questionnant sur leur état. Tout semblait bien aller pour les deux enfants qui rentraient d'une balade en traineau aux côtés de l'homme. Iris les supplia de la libérer. 

-    Ne t'inquiète pas, le Père Noël prends soin de nous ! La rassura Rosie, il va s'occuper de nous jusqu'à ce que tu sois guérie !

     Iris contesta la réponse de sa fille et s'adressa à son fils, le suppliant de la libérer. Le petit garçon désemparé eut à peine le temps de lui répondre que l'homme les appela. Ils s'exécutèrent, l'une persuadée de ce qu'elle venait d'annoncer à sa mère et l'autre terrifié de ce qu'il pourrait arriver s'il n'obéissait pas à l'homme qu'ils appelaient « Père Noël ». 

     Iris pleura sur son sort jusqu'à la tombée de la nuit où elle commença à comprendre qu'elle devait rapidement trouver une solution pour sortir de son piège. 

     Au travers de la grille, alors qu'elle contemplait les guirlandes lumineuses du chalet en appelant de nouveau à l'aide, Zack vint la rejoindre discrètement. Il lui déposa une couverture et l'implora de se calmer. Elle devait cesser d'appeler à l'aide. Il serra ses petites mains chaudes entre celles glacées d'iris. 

-    Maman je t'en pries, tu dois te taire... Le Père Noël nous a interdit de revenir te voir et de te libérer. Il nous a promis qu'il te libérera quand tu seras guérie.

     Iris ne comprenait pas, elle n'était pas malade. Elle conjura son fils de l'écouter, elle n'était pas malade contrairement à l'homme qui devait l'être pour agir de la sorte. Il devait l'aider ou fuir au plus vite avec sa petite sœur pour chercher du secours s'ils craignaient tant d'être attrapés à la libérer. Zack se mit à pleurer ; assurant à sa mère qu'il était si terrifié de retourner au chalet qu'il ne savait quoi faire, avant d'être rejoint par l'homme. Le blanc personnage toujours vêtu de sa fourrure brune et de son bonnet vert, releva Zack et se mit à lui parler dans une langue qu'Iris ne parvenait pas à comprendre. Iris hurla à nouveau, demandant des comptes à l'homme qui la maintenait prisonnière elle et ses enfants. 

-    S'il te plait, je t'en supplie maman... marmonna Zack à sa mère en essuyant ses larmes, si je désobéis au Père Noël je serai mis sur la liste des méchants enfants qui finissent en pâté pour rennes et toi aussi ! 

     L'homme déposa un verre de lait chaud au petit garçon tremblotant qui le donna à sa mère avant de rejoindre sa sœur dans le chalet. Iris lança le verre de lait chaud au visage de son ravisseur qui, fou de rage, glissa son immense bras par les barreaux de la grille et la souleva de terre en l'empoignant par les cheveux. Lorsque ses pieds se décollèrent du sol et qu'elle se trouva hissée au travers de la grille, Iris fut presque étranglée. L'homme lui hurla à son tour des mots qu'elle ne comprenait toujours pas ; certainement lui ordonnait-il de se taire, avant de soudainement la relâcher et de quitter les lieux, la laissant seule dans la nuit noire sans autre moyen de passer la nuit au chaud qu'une vulgaire couverture dérobée par son fils. 

     Bien que désemparée face à la situation, Iris restait déterminée à sortir de ce cauchemar et à sauver ses enfants ; c'est probablement cette détermination sans faille qui la garda en vie jusqu'à l'après-midi du lendemain.

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