Chapitre 2 : L'inexorable punition

Notes de l’auteur : Des avis :)

L'homme, grand et imposant, resta silencieux dans l'ombre de la cabane, observant fixement la scène qui se déroulait devant lui. Son masque d’argent, sculpté avec une précision clinique, arborait une expression figée de douleur et de souffrance. Les larmes figées sur son visage d’apparence divine, mais macabre, semblaient se mélanger aux éclats de lumière tremblants de la chandelle qui vacillait dans l’obscurité. Le cuir de sa tenue, blanc comme la neige, était impeccablement maintenu par des pièces d’armure argentées qui reflétaient la faible lumière, tout comme son masque. Le contraste entre la pureté éclatante de son vêtement et la brutalité de l’environnement était saisissant. Son corps, parfaitement droit, portait l’élégance d’un homme dont l’autorité ne se mesurait pas en mots, mais en actes. Lorsqu’il se redressa lentement de son fauteuil, le silence s’épaissit autour de lui, presque palpable.

À l’extérieur, les échos des bruits sourds de la torture s’étaient éteints, mais une atmosphère de sang et de mort flottait encore, invisiblement, dans l’air. Le bourreau, un homme au physique massif, trapu, à la peau marbrée de cicatrices, sortit enfin de la cabane. Il n’y avait pas besoin de voir son visage dissimulé sous une cagoule de cuir : son allure, sa stature, et les traces indélébiles de son travail étaient suffisamment éloquents. Les mains couvertes de sang, les vêtements déchirés par la lutte, il semblait dénué de tout sentiment autre que celui de l’accomplissement d’un devoir. La lueur des flammes dansait sur lui comme sur un monstre.

Les corps des mercenaires, ou ce qu’il en restait, gisaient dans la lumière vacillante. Les visages déformés, marqués par la douleur extrême, étaient des masques de souffrance figée. Les yeux exorbités semblaient encore chercher un dernier secours, mais leurs pupilles étaient vides. Les dents, brisées par les coups ou arrachées dans la douleur, gisaient parmi les morceaux d'os éclatés, comme des témoins muets de l'agonie qu'ils avaient vécue. La peau, perforée, déchirée, semblait se tordre sous l'effet des tortures, comme si la chair elle-même hurlait sa douleur. Des morceaux de chair flottaient dans des flaques de sang coagulé, et les postures des corps, tordues dans des angles impossibles, donnaient l'impression que les mercenaires étaient condamnés à une douleur éternelle, figée dans une agonie morbide. Les bras avaient été brisés puis laissés dans des positions innaturelles, des jambes qui avaient l’air de s’être disloquées sous la pression de la violence. Une main tranchée reposait sur le sol, encore rouge du dernier supplice qu'elle avait subi.

Les soldats de l'Ire Immaculée, pourtant formés à la discipline et à la foi absolue, détournèrent les yeux un instant, un rictus de dégoût traversant leurs traits. Même les hommes masqués, porteurs de la volonté divine, semblaient déstabilisés par le carnage. Une main tremblante étreignait fermement le manche de leur épée, l’autre fermement posée sur leur masque comme pour empêcher la nausée de les submerger.

« Sale boucherie… », murmura l’un des soldats, sa voix déformée et étranglée par l’horreur. Le bruit du métal contre le sol, des bottes qui glissaient sur la boue, trahissait son malaise. Il avait vu la guerre, les horreurs de la bataille, mais cela… c’était autre chose.

Le chef, impassible, observa la scène d’un air distant, ses yeux froids derrière son masque. Un rictus figé, une expression pleine de calcul et de raison. Il se tourna lentement vers ses soldats, ses gestes précis et mesurés, comme une montre en parfait état de marche. Il leva la main pour faire signe à son bourreau, qui attendait, son regard intense, comme un chien fidèle attendant son ordre.

« Rassemblez ce qui reste de ces misérables. Brûlez le reste. L’ordre divin est passé par eux. Que leurs corps soient rendus à la terre comme le péché qu’ils sont. »

Les soldats s’exécutèrent dans un silence pesant. Leurs mains, pourtant pleines de dévouement à la cause, tremblaient légèrement tandis qu’ils soulevaient les morceaux de chair et d’os. Leurs visages, invisibles derrière les masques d’argent, trahissaient un malaise, mais ils obéissaient. Le feu, bientôt, engloutirait tout, tout effacerait dans une purificatrice conflagration. La lumière du feu dansa sur leurs visages masqués, créant des ombres qui semblaient presque humaines, mais déformées, comme si elles ne leur appartenaient plus.

Le chef observa silencieusement, son esprit ailleurs, profondément enraciné dans la logique divine qu’il suivait. « La punition divine, » murmura-t-il plus pour lui-même que pour ses soldats. « Elle doit passer par le sang et la souffrance. L'âme pécheresse doit expier, elle doit souffrir pour être purifiée. C’est ainsi que le monde sera purifié. »

Ses mots résonnaient comme une vérité absolue, une voix qui portait plus de poids que celle de n’importe quel roi, de n’importe quel dieu. Il leva la tête vers la brume qui enveloppait la cabane, sa voix se faisant plus forte, comme une déclaration.

« Le royaume est un endroit corrompu. Le roi Barius Ier, un pantin entre les mains des traîtres. Ceux qui règnent ici ne cherchent que le pouvoir. Leur soif insatiable, leur désir de domination. Il a besoin de l'Ire pour maintenir un semblant d’ordre dans ce chaos qui menace de tout engloutir. Mais cela ne dure qu’un temps. Le duc Eratis, sa rébellion est inévitable. »

Le chef s'arrêta un instant, son regard se perdant dans l’obscurité. Une pause lourde de sens.

« Il faut que l’Ire soit prête à tout. Nous devons être les bras longs de la justice divine, expier les péchés des hommes. Et le royaume verra sa fin, comme ces misérables. » Il tourna son regard glacial vers l’un des soldats qui avait légèrement blêmi sous le poids des mots. « Qu’ils soient un exemple. »

Une légère brise souffla à travers la forêt, faisant onduler les flammes du feu qui dévorait maintenant les restes des mercenaires. Une odeur âcre de chair brûlée se mêlait à celle de la terre humide. Le chef se leva alors, son masque brillant sous la lumière vacillante des flammes.

« Et pour cette dernière pécheresse, » dit-il en désignant la silhouette recroquevillée de Jana, « nous ne lui ferons pas mourir l’esprit aussi vite. Non, elle sera témoin. Elle verra ce qui arrive aux pécheurs. Elle sera la preuve que la justice divine frappe avec une main impitoyable. »

Les soldats murmurèrent, mais aucune protestation n’émergea. Ils se mirent en marche, laissant derrière eux la cabane qui se consumait dans une mer de flammes. Jana, encore vivante mais brisée au plus profond d’elle-même, resta seule, à l’extérieur, nue et tremblante sous le froid de la nuit. Elle n’avait plus de pensées, plus de larmes. Elle n'était plus qu’une ombre de ce qu’elle avait été.

L'otage, assis sur un tapis de feuilles mortes et humides, n'osait bouger. Son visage, marqué par la peur et la fatigue, était tordu par l'angoisse. Les traits pâles et les yeux cernés, il semblait un spectre parmi la boue et la dévastation. L’odeur de chair brûlée, de sang et de souffrance flottait dans l’air, rendant chaque respiration difficile. Pourtant, quelque chose d’étrange parvint à traverser cette puanteur nauséabonde : un parfum délicat, subtil, presque irréel, comme celui d’une rose, s’élevait autour du chef de l'Ire Immaculée.

Ce dernier s’approcha, ses pas légers sur le sol boueux, et s'arrêta devant l'otage. L'éclat de son armure et la blancheur de son habit, à la fois purs et glacés, formaient un contraste saisissant avec l’atmosphère macabre qui l’entourait. Le masque d’argent sur son visage, figé dans une expression de souffrance divine, semblait à la fois inhumain et imposant.

« Tu es libre, » dit-il d’une voix calme, mais glaciale, sans un regard pour les restes des mercenaires fumant dans la nuit. « Ton rôle ici est terminé. »

Il désigna le cheval prêt à l’écart, un animal robuste avec une sacoche contenant quelques provisions.

« Prends ce cheval. Pars vers l'est. Le premier village est à une journée de route. Mais ne cherche pas à comprendre notre cause, ni à nous suivre. Tu n’as pas ta place dans cette croisade. »

L’otage leva les yeux vers lui, et, malgré son souffle lourd et haletant, il ne trouva aucune parole. Le chef tourna lentement le dos, ses longs cheveux blonds flottant légèrement derrière lui dans la brise fraîche.

« Va, avant que la nuit ne t’engloutisse, » ajouta-t-il froidement, sans un geste vers Jana, laissée seule dans la lueur vacillante des flammes qui dévoraient les corps.

L’un des soldats, celui qui avait osé murmurer, s’approcha, mais resta silencieux, jetant un regard rapide vers la jeune femme. Une question semblait flotter dans l’air, mais elle resta sans réponse.

Le chef tourna son cheval et avança lentement, ses bottes martelant le sol boueux. La lueur du feu s’éteignait dans le lointain, engloutie par la forêt noire. Tout était devenu une marche vers l'inévitable. Vers la punition divine, vers la fin des pécheurs.

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