Je cligne des yeux plusieurs fois, tentant d’enlever l’espèce de buée qui se trouve devant mes yeux. Sauf qu’il n’y a rien. Mais pourquoi j’ai l’impression de voir un peu flou alors ? C’est quoi ce délire ?
Puis je remarque que je suis sur une table, en train de manger du jambon dans une assiette, directement avec ma bouche, sans utiliser mes mains.
— Martha ! Vilaine !
Oh purée ! J’évite de justesse la grande claque que cherche à m’asséner la voisine de tonton – que fait-elle ici ? Pourquoi est-elle super géante ? - et glisse sur le rebord de la table… avant de chuter lourdement, finissant par terre, les quatre pattes en l’air.
Pattes ?
— Et bien alors Hélios ? Je croyais que les chats retombaient toujours sur leurs pattes ?
— Pas s’ils tombent de trop bas, dans ce cas ils n’ont pas le temps de se retourner ! Attends voir… Aaah ! Je suis un chat !
Oh là là, oh là là ! Mon cœur bat tellement la chamade dans ma poitrine que j’ai l’impression qu’il va en sortir et se sauver à toutes jambes comme un crabe un peu bizarre.
Du coin de l’œil, j’aperçois les gros chaussons de la voisine s’avancer vers moi et je me mets à courir dans tous les sens, paniqué, cherchant un moyen de m'échapper de ce traquenard. Mais je ne réussis qu’à déraper sur le carrelage et m’étaler dans un coin du salon.
Comme une vieille serpillière.
Ouille.
— Mais tu arrêtes un peu de faire l’andouille ?
— Solène ?
Un instant. Il ne l’entendait pas vraiment… Il… Incroyable, il l’entendait, oui, mais dans sa tête ! Il pouvait communiquer par télépathie[1] avec Solène ! Waouh !
Mais où était-elle ?
— T’es où ?
Il attendit la réponse à sa question, en vain. Elle ne répondit pas pendant plusieurs secondes, puis lâcha :
— Ça a bien marché pour toi, au moins…
— Comment ça ? Qu’est-ce que tu veux dire ?
À nouveau, pas de réponse. Me redressant, je repère enfin la porte-fenêtre donnant sur le jardin. Soulagé, je m’avance prudemment vers elle, passant sous les meubles, gardant la voisine et ses grosses mains qui tentaient de m’attraper dans mon champ de vision.
Et au passage, je cherche bien entendu des yeux ma sœur, qui m’inquiète un peu à me répondre de façon aussi parcimonieuse[2]. Elle est plus bavarde que ça d’habitude.
Soudain, mes yeux croisent ceux d’une jolie petite souris. Une souris qui a l’air vraiment, mais vraiment… À croquer !
Sans réfléchir, je me mets à courir après l’animal, qui m’esquive de justesse avant de se précipiter dehors.
— Hélios ! Qu’est-ce que tu fais ? C’est moi ! Solène !
Solène ? Mais où est-elle enfin ?
Bon, tant pis pour Solène. J’ai plus important à faire pour l’instant. Me léchant les babines inconsciemment, je continue ma poursuite du petit mammifère.
*** Informations documentaires ***
Un chat voit légèrement plus flou qu’un être humain.
Par contre, il voit beaucoup mieux les mouvements, et il est nyctalope (= a besoin de moins de lumière que nous pour bien voir la nuit).
Comme le sait déjà Hélios, un chat a bien le réflexe de se retourner pour amortir sa chute sur ses pattes lorsqu’il tombe.
Mais s’il tombe de trop bas, il n’a parfois pas le temps de se retourner et peut se faire très mal.
Le cœur d’un chat bat plus vite que celui d’un être humain au repos. Et lorsqu’il est stressé, il s’accélère encore.
Comme pour nous en fait, car notre cœur bat plus vite également lorsque nous sommes surpris ou que nous venons de piquer un sprint.
À croquer : Cette expression, à l’origine, ne veut pas du tout dire que la personne est bonne à manger ! Non, cela signifie tout simplement que l’on a envie de la dessiner, de la « croquer » (terme pour dire « dessiner en quelques traits »).
[1] Télépathie = Communiquer avec quelqu’un juste en pensant, sans ouvrir la bouche.
[2] Parcimonieuse = Avare, qui donne en petites quantités. Ici, ça veut dire que d’habitude Solène répond et parle beaucoup plus !
ce qui m'a marqué sur ce chapitre c'est que on suit les émotion du héros et ce qu'il comprend. Ce chapitre était génial tout comme le précédant. Bravo continue comme ça.