Chapitre 2 Première Partie

Notes de l’auteur : Enfin !!!.... Le second chapitre. Âmes sensibles s'abstenir, il risque d'être aussi long que le premier.

Ils avaient galopé toute la nuit sans que la proie ne remarquât un seul instant la présence de son poursuivant. Mais Achéhis, elle, avait senti une présence derrière elle mais ne s’était pas retournée, trop inquiète de perdre sa seule piste. C’était donc trois chevaux noirs qui galopaient dans une plaine verte en direction de l’occident, dans la nuit pâlissante ; trois cavaliers silencieux qui, entraînés par une force mystérieuse, couraient vers leurs destins.

La course se poursuivit tout au long de la journée. Le lieutenant regardait droit devant lui, attentif aux moindres changements d’allure ou de direction de l’espion. Celui-ci d’ailleurs freina son allure à l’approche d’une longue montée rocailleuse, bordant une forêt sombre.  Achéhis n’avait peur de rien, mais cette forêt était crainte des Elfes, aussi jetait-elle des regards furtifs vers l’orée de ces grands bois. Les hommes l’avait nommée la Forêt des Chimpanzés, car un Peuple de Singes y habitait depuis toujours, quoiqu’aucun Elfe vivant ne se fut vanté d’avoir pu en rencontrer un : chacun restait sur son territoire, les Singes dans leur forêt, les Elfes à l’extérieur. On racontait beaucoup de légendes à leur sujet, et toutes s’accordaient pour dire que ce Peuple avait pour coutume de garder les crânes de leurs victimes, après les avoir tuées sans raison valable.

Achéhis dut s’arrêter net, car sa proie avait fait de même. Au loin, Dame Noylen les imita. L’épouse d’Arez ne savait pas si son amie l’avait remarquée, et elle craignait sa réaction ; après tout, ne mettait-elle pas sa vie en danger dans une mission qui ne la concernait pas ? Pourquoi poursuivre son amie à travers tout le pays quand elle aurait pu attendre son époux à la capitale, brodant une robe pour la reine ? Elle ne se lassait pas de son métier, là n’était pas la raison, mais le regard inquiet qu’Achéhis lançait vers l’est ces derniers temps ne lui avait pas échappé et Noylen avait alors considéré que son devoir était de suivre le lieutenant.

Il fallait bien avouer que maintenant elle n’en était plus aussi sûre car une petite voix martelait dans sa tête qu’elle ne lui serait d’aucune utilité, n’étant ni un soldat, ni même armée.

Noylen se rendit soudain compte que la course avait repris et lança son cheval dans la direction où elle pensait avoir vu partir Achéhis mais elle ne réussit pas à retrouver la silhouette de son amie car la route était bordée de grands rochers abrupts et leurs imposantes statures empêchaient l’Elfe de voir loin.  Un sentiment d’angoisse lui prit soudain la gorge et sa solitude lui pesa terriblement sur ses épaules.  La route était calme, on n’entendait pas même un passereau, seulement le sifflement indolent du vent, de temps à autre. Il murmurait à l’oreille de Noylen « Méfiance ! Méfiance ! » et celle ci avait du mal à garder son sang froid.

Terrorisée, elle se trouva une arme de fortune dans un bâton qui traînait au sol, et la serra dans ses mains devenues moites.

Au moment où elle s’apprêtait à monter sur son cheval, une ombre obscurcit soudain la route devant Noylen qui poussa un cri d’effroi. Devant elle se dressait une haute silhouette encapuchonnée de noir dont on ne pouvait apercevoir rien d’autre que l’éclat de son regard impassible. Dans sa main gantée de noir, elle portait une dague scintillante dont la lame devait être assez tranchante pour priver d’un seul coup la pauvre Elfe d’un membre. Tremblante, Noylen remonta promptement sur son cheval et fit demi tour. Elle entendit l’inconnu siffler, puis le martèlement des sabots de son destrier derrière elle. La couturière se mit à penser, trop tard hélas !, qu’il aurait mieux fallut faire face que fuir, car maintenant l’ennemi allait la rattraper et sans aucun doute, la faire passer de vie à trépas.

Au bout de quelques temps, Noylen ralentit pour voir si on la poursuivait encore. Mais à sa grande stupéfaction, elle ne vit plus personne. Son cheval s’arrêta.  Et c’est alors que l’ombre s’abattit sur elle et la fit chuter de cheval. Une autre ombre parut derrière et prit son cheval par la bride alors que la première ficelait la malheureuse prisonnière.Le cavalier noir tournait avec sa monture autour de la victime, rétrécissant petit à petit son cercle infernal tandis que l’autre faisait tournoyer sa dague tranchante au dessus de sa tête…

Noylen ferma les yeux, sûre désormais que c’était la fin…

- Pauvre Dame, vous ne tiendriez pas une seule seconde face à un ennemi… dit une voix familière.

Noylen ouvrit les yeux et que ne vit-elle pas ?

- Achéhis ?!

L’intéressée partit dans un grand éclat de rire, accompagnée par la seconde ombre. Découvrant son visage en rejetant sa capuche en arrière, Achéhis prit une voix sévère qui contrastait avec le fou rire qui restait dans ses grands yeux pétillants :

- Dame Noylen, le fait d’être l’épouse d’un stratège militaire ne vous permet pas de suivre un lieutenant dans une mission confiée par le Roi en personne. Votre imprudence aurait pu vous coûter la vie et faire échouer la mission.

- C’était donc toi ! Tu m’as fait une de ses peurs, mon amie…

- Cela t’apprendra à réfléchir avant de me suivre partout, répliqua Achéhis, le regard devenu soudain froid et sévère. Te rends-tu compte de ce que tu as fait ? Sais-tu ce que cela peut te coûter ? Si tu échappes à la prison, ce sera une amende considérable que tu devras payer…

- Pourquoi ?

- Pour entrave à la mission d’un lieutenant de la garde royale elfique ; mise en danger dudit lieutenant par sa présence et infiltration dans une mission confidentielle… Cela te suffit-il où faut-il que j’en rajoute ?

- Je te demande pardon, répliqua Noylen avec une triste moue qui fit sourire sa compagne.

Mais sa curiosité reprit le dessus et elle se tourna vers son second attaquant.

- Aurais-je l’honneur de savoir qui fut mon second ravisseur ?

L’interpelé se découvrit. Il devait avoir l’âge d’Arez, quoiqu’il fut plus svelte et vif que le stratège. Bien qu’il fut mince, on devinait aisément les muscles saillants sous la tunique délavée par l’éclat du soleil et de la lune. Visiblement d’excellente qualité, sa tunique était néanmoins déchirée par endroit, notamment au bras gauche où elle laissait voir une immense cicatrice qui parcourait le bras de l’Elfe. Son visage était franc, beau, halé par le soleil ; sa mâchoire carrée était entourée par une barbe de plusieurs jours et ses yeux noirs mélangeaient un grand sérieux avec une grande malice. Il avait les cheveux châtains, coupés courts, mal coiffés. Apparemment, cela devait faire plusieurs jours qu’il n’avait connu la douceur d’un lit. Il semblait fort amusé du petit tour joué à Dame Noylen, et un sourire moqueur ne quitta pas son visage alors qu’il s’inclinait devant elle.

 

- Votre époux, le Seigneur Arez, est un de mes grands amis, Madame et je suis ravi de faire votre connaissance, quoique j’aurai souhaité la faire en d’autres circonstances.

Il se tourna vers Achéhis.

- Vous ne m’aviez pas dit votre nom, Lieutenant, quoiqu’il fut aisément devinable. Ainsi, j’ai devant moi le meilleur soldat d’Olfondor. Je suis ravi de vous rencontrer car ainsi, je pourrai témoigner de l’humour de la légende la plus célèbre de l’armée. Votre tour joué à votre amie était des plus divertissants, mais il se fait tard, et je suggère que nous ne nous attardions pas ici. Malgré l’air paisible, il ne fait pas bon traîné dans ces endroits isolés.                                                                                                                                                             Achéhis remonta sur son cheval et fit signe à Noylen de venir avec eux, car désormais, aucun Elfe ne devait voyager seul, encore moins au soleil couchant. Elle distribua un morceau de pain à chacun, puis les trois compagnons se remirent en route vers l’ouest.

- Vous disiez, messire, être l’un des éclaireurs que le Roi envoya voici quelques mois ?

- Oui Madame, je le suis et vous l’ai prouvée tout à l’heure. Celui que vous poursuiviez se dirige vers la frontière où l’ennemi a un camp d’information. Nous les espionnons depuis longtemps, mes compagnons et moi, et nous y avons nos entrées privées. Mais vous arrivez dans un moment critique car trois de mes hommes ont disparu soudainement ce matin. Si vous voulez bien me suivre, je vous mènerais vers notre cache et vous présenterai aux deux Elfes qui nous y attendent.

- On nous a signalé que l’ennemi avait enlevé de jeunes Elfes à la frontière orientale, a-t-il fait de même ici ?

- Non, je ne le crois pas. En revanche, depuis quelques temps, beaucoup d’aigles noirs parcourent les cieux d’est en ouest et inversement, sans doute porteurs de terribles secrets…

Achéhis interrogeait l’éclaireur sans plus se soucier de Noylen qui en profitait pour essayer d’écouter attentivement les informations que s’échangeaient les deux soldats. Surtout, elle espérait que le lieu de repos fut proche car tout son corps était courbaturé, épuisé par une si longue chevauchée. Ses yeux devenaient lourds, et elle pressa ses deux compagnons. Compatissants, ils élevèrent l’allure et c’est au petit trop qu’ils arrivèrent en vue de la cachette. Un Elfe les accueillit.

- Qu’avez-vous donc ramassé au bord des routes, Seigneur ? Deux voyageurs égarés ?

- Voyageuses, corrigea l’éclaireur, découvrez vous, monsieur, devant Dame Noylen, épouse du stratège royal Arez et le Lieutenant Achéhis, de la garde royale elfique qui nos font l’honneur d’être des nôtres ce soir. Le lieutenant est en mission royale : il semble que nous manquions beaucoup au Roi car celui-ci a dépêché son meilleur soldat pour nous retrouver, ajouta-t-il, taquin.

- Monsieur, lui répondit Achéhis, il me semble juste que lorsque pendant des lunes vous ne recevez pas de nouvelles de vos éclaireurs d’envoyer quelqu’un les chercher. Enfin, sachez que ce n’était pas ma mission première. J’étais en route pour une mission diplomatique auprès du Roi des Hommes du pays de l’Est.

- Grâce soit rendu au ciel, Madame, que vous n’ayez point achevé cette première mission car vous y auriez risqué votre vie, lui annonça l’éclaireur. Le Roi des Hommes nous a trahi. Je l’ai entendu de sa propre bouche car je me suis d’abord rendu à l’est, en son palais où il m’accueillit froidement.

« Bonjour à vous, Roi des Hommes, mon Roi vous envoie ses amitiés, lui avais-je dit. Il n’avait d’abord rien répondu, puis avait déclaré sèchement :

- Je ne veux pas de l’amitié de ton Roi, l’Elfe, car perfide est sa langue et sournois ses conseils. Ah ! Je sais. Il est beau, votre discours sur la paix et les traditions, mais il ne convient pas aux hommes. Les temps ont changé et désormais le règne des Elfes va s’éteindre au profit des Hommes car mon Peuple a de l’ambition et en a assez de l’ ombre écrasante des Elfes qui plane sans cesse au dessus de nos toits, de nos lois, de notre trône. La gloire et le pouvoir sont des richesses qu’en réalité vous vouliez garder pour vous : n’êtes-vous pas les seuls êtres sur cette terre qui profitent d’une légende dorée, auréolée de gloire et de victoires éclatantes ? Votre discours dédaigneux du pouvoir et de la gloire n’était là, que pour nous embobiner, nous, pauvres hommes naïfs ! Béni sois-tu, toi qui nous ouvrit les yeux !! Va-t-en, l’Elfe, avant que je ne te fasse arrêter. Ta vue seule suffit à m’irriter. »

C’est ainsi que je découvris la trahison de ce Roi à qui le Seigneur Aramion avait offert son amitié et son assistance. Il y a juste un point qui est resté mystérieux.

- Quel est-il, demanda Achéhis ?

- Je n’ai pas vu le prince héritier alors qu’il est de tradition qu’il assiste à toutes les entrevues diplomatiques. Je l’ai rencontré maintes fois et ai découvert en lui de grandes qualités et surtout une grande fidélité aux Elfes. Espérons qu’il ne lui soit pas arrivé quelque chose de fâcheux.

 

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