Chapitre 2 : Rien de plus prévisible que les vivants

   Une fois arrivées sur place, j'eus à peine le temps de m'extasier sur la magnificence du palace des Draatinga, immense, somptueux, spacieux, luxueux — tout à l'image d'une grande et puissante famille de Specter —, puisque d'imposants gardes se précipitèrent autour du véhicule d'Ether, mais étrangement, tous étaient des hommes. Je me tournai vers elle.

        — Il n'y a que des hommes ? ai-je demandé en me tournant vers elle.

        Elle retira la clé du contact, et le moteur rugissant se tut immédiatement.

        — Oui, répondit-elle. Le big boss préfère les muscles saillants masculins pour assurer ses arrières.

        Les familles telles que les Draatinga avaient énormément d'employés, mais les missions aussi... personnelles n'étaient résérvées qu'aux gardes rapprochés. Si la garde était exclusivement masculine, quel poste pouvait bien occuper Ether pour que Heesadrul Draatinga lui accorde une confiance pareille ?

        — Et toi ? insistai-je.

        Son sourcil tressauta et elle se tourna vers moi en me regardant dans les yeux quelques instants comme si elle y cherchait quelque chose, elle dut le trouver puisqu'elle me répondit en souriant :

        — Je travaille à temps partiel. 

        Je baissai les yeux vers mes mains.

        — Les fins de mois doivent être dures, dis-je àvoix basse.

        — Pas tant que ça, répondit-elle en évitant mon regard. Cette voiture n'est pas si chère (elle se tourna vers moi en souriant) Mais dis-moi, tu es bien loquace, qu'est-ce qui t'arrive ?

        Je reportai mon regard sur la cour et sur les dizaines de gardes qui nous entouraient.

       — L'appréhension.

        — Tu appréhendes de rencontrer le chef ?

        J'hésitai avant de répondre mais finis par soupirer.

        — Je garde mes distances avec les grandes familles telles que les Draatinga. Après tout ce qu'ils ont— et continuent — de faire à Specter (je murmurai inconsciemment) Le quartier où j'ai vécu est l'un des plus touchés par ces abus de pouvoirs. Nous avons toujours été persécutés, il arrivait que certains sortent le matin travailler et qu'on apprenne dans la soirée qu'ils avaient été emprisonnés pour aucune raison. Vint ensuite ce qui est arrivé à Jane, et mon emprisonnement...

        — Tu as l'air de vraiment les détester, souffla-t-elle, le regard rivé sur la bâtisse.

        C'était le cas. Inutile d'être doué en histoire pour se rendre compte des atrocités qu'infligeaient les hautes familles aux basses classes. Évidemment, ils œuvraient pour le bien des individus susceptibles de faire briller la nation. Cela excluait les familles telles que la mienne.

         Les Draatinga ne siégeaient pas au conseil du Primedia, mais ils n'en restaient pas moins une des douze familles fondatrices de Specter. Ce statut était suffisant pour en faire des tyrans, cela coulait de source.

        Je ne répondis rien mais lâchai tout de même un rapide « Mmh ».

        Après plusieurs secondes de silence dans l'habitacle pendant lesquelles Ether semblait perdue dans ses pensées, celle-ci finit par se tourner vers moi, l'air de rien en me lançant avec un léger sourire, comme forcé :

        — Bon, assez bavardé, le but de ta venue doit t'intriguer, non ? Allons voir de quoi il s'agit.

        Nous nous extirpâmes alors de notre moyen de transport et nous dirigeâmes vers la bâtisse.

       Les jardins qui bordaient le palace étaient tout aussi fastueux, rien de surprenant cela dit. Cela était sans compter les uniformes du personnel, soignés et impeccables. Les quelques jardiniers et servants que je vis étaient tous vêtus du même accoutrement que les gardes, j'en déduisis donc que la dispense d'Ether devait être due au poste particulier qu'elle devait occuper.

        Du coin de l'œil, je la vis toujours aussi perdue dans ses pensées, comme si quelque chose la tracassait. Je me retins évidemment de lui poser la question, il était tout à fait compréhensible qu'elle ne veuille pas partager ses pensées avec quelqu'un qu'elle venait tout juste de rencontrer— dans des circonstances pareilles, qui plus est.

        Arrivées dans l'enceinte de la bâtisse, j'eus évidemment droit à de nombreux regards suspicieux, certains me regardaient même avec dégout. Rien de bien étonnant. Mon univers était bien loin du leur, féérique et argenté.

        — Attends-moi ici, je ne serai pas longue, me dit Ether en s'arrêtant devant une porte au premier étage. Je vais voir si le Maître est prêt. 

        Un des gardes, un peu plus âgé que les autres, grand et baraqué, qui nous avait suivi de près, intervint à ce moment-là.

        — Nul besoin, je vais m'en charger, si vous le souhaitez. 

        Ether lui sourit et secoua la tête.

        — C'est bon Steadfast, je m'en occupe. 

         Elle me regarda et hocha la tête avant de rentrer dans la pièce.

         Durant plusieurs secondes, je restai là, debout, dévisagée par toutes les personnes présentes avant que Steadfast ne leur intime de reprendre leur tâche. Nous restâmes donc seul à seul dans le grand hall, lui toujours positionné derrière moi. Je pouvais sentir son regard sur moi, mais n'en fus pas plus gênée que ça, il s'agissait de son travail après tout.

        Ether finit par ouvrir la porte et m'intima d'entrer. Steadfast resta évidemment devant la porte. La pièce, éclairée par d'immenses baies vitrées, était ornée de fresques magnifiques qui s'étendaient du sol au plafond, le blason de la famille était suspendu au mur auquel nous faisions face, en dessous duquel se tenait un bureau moderne équipé d'un ordinateur tout aussi récent —valant sûrement une fortune. Il y avait néanmoins quelques touches d'ancien çà et là : des sculptures sur des socles, des chandeliers, des bibliothèques. Au centre de la pièce, deux grands canapés blancs séparés par une table basse en verre se faisaient face. Et assis dessus, Heesadrul Draatinga.

        Heesadrul était un homme d'une quarantaine d'années aux cheveux bruns et eux yeux rusés, qui portait des colliers en or et des anneaux aux oreilles. Lorsque j'eus franchi la porte, ses yeux noisette se levèrent vers moi avec intérêt, et il déposa tout de suite son verre de vin sur la table.

        Il se leva en redressant son imposante carrure et s'approcha de moi d'une démarche dominante et prédatrice avant de me tendre sa main. Avec un sourire qui ne trahissait aucun manque de confiance, il me dit :

        — Vous devez être Jaïna, j'attendais votre venue avec impatience,. Je suis ravi que vous ayez répondu positivement à mon invitation (je tendis ma main et, contre toute attente, il me gratifia d'un baisemain. Mal à l'aise je me retirai de sa poigne. Il n'y réagit pas et cela ne sembla pas le perturber, sans doute que ce genre de geste était encore d'actualité chez les nobles. Mais en ce qui me concernait, les contacts physiques étaient quelque chose que je réservais uniquement aux membres de ma famille—les poignées de main, mises à part) J'ose espérer qu'Ether ait su vous être une agréable compagne de voyage.

        Tout en disant cela, il posa son regard sur elle, je la vis du coin de l'œil se tendre.

       — En effet, répondis-je.

        — Vous m'en voyez ravi (il désigna les canapés de la main) Installez-vous je vous prie, quel hôte serais-je si je laissais mon invitée dans une telle situation d'inconfort.

        Lorsque nous fûmes installés l'un en face de l'autre, il claqua des doigts et un homme déposa un plateau empli de friandises sur la table. Une femme se chargea de nous verser ce qui devait s'apparenter à du thé.

        — Servez-vous, me dit-il en prenant une gorgée. Cette infusion est la spécialité de la Maison Draatinga. J'espère qu'elle vous plaira.

        S'il y avait bien quelque chose que ma mère et ma profession m'avaient appris, c'était qu'il ne fallait jamais faire confiance à un plat appétant. Après tout, les risques d'empoisonnement étaient plus que probables. Même si je ne voyais pas pourquoi Heesadrul paierait trente millions de Kystas* pour me faire libérer de prison, m'inviter dans sa demeure et m'empoisonner, on n'était jamais trop prudents.

        Contre toute attente, Ether s'assit à côté de moi, servit une tasse d'infusion et prit, à la place, celle qui m'était destinée. Cherchait-elle à me montrer qu'il n'y avait pas de risque ? Je baissai les yeux vers celle-ci lorsque Heesadrul s'éclaircit la voix :

        — L'objet de votre venue doit vous troubler, j'imagine, glissa-t-il comme une coulée de miel.

        — En effet.

        Il ricana.

       — Vous êtes aussi peu loquace que les rumeurs le disent (il plia ses genoux). J'irai donc droit au but. En parlant de rumeurs, ce massacre que vous avez commis...

         Comme je ne répondais pas, il se pencha vers moi.

       — Que faisiez-vous encore sur les lieux, mmh ? Le légiste a déclaré que tous étaient morts au moins dix minutes avant l'arrivée des autorités. Que faisiez-vous encore au milieu de ces cadavres dix minutes après les avoir tués ?

        Je relevai les yeux vers lui et il esquissa un sourire.

        — Quelle erreur de débutant, surtout venant de vous (il posa son coude sur l'accoudoir et laissa reposer sa joue sur sa main) à moins que... ça n'ait pas été une erreur ?

         — Où voulez-vous en venir ?

        Mon ton cassant fit tressauter Ether qui fixa son regard sur Heesadrul. Lui, en revanche, semblait satisfait de ma réaction.

        — Je ne sais pas, répondit-il. Peut-être avez-vous souhaité vous faire arrêter ? (Il jaugea ma réaction puis hocha la tête) non, vous auriez bien trop à perdre. Alors... (il me traversa de son regard perçant) peut-être n'avez-vous pas pu vous en aller parce que... vous veniez d'arriver ?

        Un silence s'installa dans la salle et je vis du coin de l'oeil Ether diriger une main hésitante vers la mienne avant de la laisser tomber. Je pris la tasse dans mes mains et finis par prendre une gorgée du thé tiède.

        — Qu'est-ce que vous voulez ? lâchai-je après un moment.

        Il se massa le menton en faisant mine de réfléchir.

        — Eh bien, mettre nos biens en commun. Faire affaire. Former une alliance. Prenez le terme qui vous plait.

        — Contre qui ? 

        Heesadrul regarda Ether qui prit une profonde inspiration.

        — Le Primedia, dit-elle doucement.

        Le silence s'installa à nouveau dans la salle et je le rompis avec un :

        — Je refuse.

        Contre toute attente, le chef de la famille Draatinga éclata de rire et secoua son index.

        — Si directe, je m'attendais à cette réaction. Mais vous imaginez bien que j'ai assuré mes arrières ? ajouta-t-il avec un sourire.

        Ether se redressa immédiatement en se tournant vers moi.

        — Tu n'as pas envie de te venger ? De leur faire payer ce qu'ils t'ont fait ? (Comme je ne répondais pas, elle fit une pause, comme si elle cherchait ses mots) Ces mois passés en prison à payer pour quelque chose que tu n'as pas fait, ça ne te met pas en colère ?

        Je déposai la tasse de thé sur la table.

        — Non.

        Elle me regarda, incrédule.

        — Je ne suis pas responsable de ces meurtres, mais je ne suis pas innocente non plus (je regardai Heesadrul et poursuivis :) C'est pourquoi il m'est égal de retourner en détention. Mes crimes méritent une sanction, celle-ci me semble être la plus appropriée.

       Heesadrul ne se démonta pas mais j'étais convaincue qu'il avait reçu le message. Ether, elle, continuait de me regarder avec une étrange lueur dans les yeux. C'est à ce moment-là qu'il lâcha son détour :

        — Même si cela signifie laisser votre sœur à nouveau sans défense ? 

        Mon sang ne fit qu'un tour. Content de son effet, Heesadrul poursuivit :

        — Même si vous payez pour vos crimes passés, pourrez-vous pardonner à ceux qui l'ont tant fait souffrir ? (Il croisa les mains) Retourner en prison signifie laisser libre terrain à tous vos ennemis. Voulez-vous courir ce risque ?

        Aucun son ne sortit de ma bouche. En tant que tueuse à gage, l'identité des familles ainsi que l'adresse de résidence était strictement confidentielle. Pour dire vrai, l'identité du tueur l'était aussi. Avant de me faire arrêter, on ne me connaissait que sous un pseudonyme : Snow Slayer. Snow, en référence à la couleur de mes cheveux , je suppose. A part mon employeur, la seule chose connue de la population était mon sexe. Evidemment, le jour de mon arrestation, mon identité, origine et antécédents furent dévoilés. Mais en ce qui concernait ma famille, cela était différent. En tant que militants anti-Primédia, il coulait de source qu'ils œuvraient dans l'ombre, et qu'ils n'étaient donc sur aucun ficher— ce qui était d'ailleurs mon cas, auparavant. Ma mère venait me rendre visite sous un faux nom. Même les dirigeants d'Odium, pour qui je travaillais, n'en avaient pas connaissance.

        Alors tandis que Heesadrul me contemplait d'un air ravi, Ether semblait de plus en plus mal à l'aise.

        — Comment... (je fis une pause) Qu'est-ce que vous dites ?

        Comme si de rien n'était il me répondit :

        — Ne vous l'ai-je pas dit au début ? J'ai assuré mes arrières. Ou du moins (il regarda Ether et son expression fière s'accentua) ma fille a assuré mes arrières.

        Je tournai le visage vers elle et elle détourna le regard. Sa fille ? En y réfléchissant bien, c'était plutôt logique. Elle portait de magnifiques vêtements, roulait dans une belle voiture, elle travaillait à « temps partiel » pour son père, et il y avait aussi ce garde, Steadfast, qui nous avait suivies et avait proposé de l'aider. Était-ce son garde personnel ?

        Je fermai les yeux un instant et reportai mon regard sur Heesadrul.

        — Que voulez-vous dire ? ai-je sèchement demandé.

        — Eh bien, disons juste qu'elle... la surveille à votre place.

        Je me relevai d'un bond, en renversant la tasse posée sur la table de chevet. Immédiatement, les gardes postés aux coins de la pièce se rapprochèrent. Heesadrul leva la main et s'arrêtèrent.

        — Cette soi-disant lettre stipulant que je pouvais refuser était mensongère ? ai-je demandé en tentant de reprendre mon calme.

        — Bien sûr que non, répondit-il avec calme et sérénité. Il est de votre droit de refuser, je ne suis pas un tyran. Sinon, en quoi cela me rendrait-il différent du gouvernement que je hais tant ? (Il se releva à son tour et contourna la table pour me faire face, Ether inspira bruyamment) Et quel intérêt aurais-je à vous renvoyer derrière les barreaux ? (Il tendit la main vers mon visage) Une beauté aussi talentueuse que vous ne peut pas être enfermée.

        Évidemment. Je pouvais refuser sa proposition à condition de n'en avoir rien à faire qu'on s'en prenne à mes proches. Et Ether qui m'avait assuré qu'il ne s'agirait que d'une innocente discussion. Prise dans un guet-apens, comme attendu des nobles.

        Il arrêta sa main à quelques centimètres de mon visage et se pencha vers moi.

        — Juste deux personnes problématiques à faire taire, dit-il à voix basse. En quoi cela est-il différent du dernier meurtre que vous avez commis ?

        — Les conséquences, ai-je répondu de but en blanc.

        Il se redressa et désigna la pièce d'un geste des bras.

        — Je ne compte pas vous laisser tout faire par vous-même, bien entendu (il porta la main à son cœur) Si vous êtes capturée, les soupçons remonteront sans aucun doute vers moi. Vous imaginez bien que c'est la dernière chose que je veux.

        — Pourquoi est-ce que c'est à moi que vous demandez ça ?

        Il ricana.

        — Je suis un homme d'affaires, Madame Urywinn. Je me dois d'analyser chaque possibilité afin d'en tirer celle qui m'offre le plus de chances de réussite. Et dans ce cas, c'est vous.

        J'étais donc un statistique.

        Epuisée et en ayant assez entendu, je tournai les talons et me dirigeai vers la porte d'entrée.

         — Vous vous en allez avant d'entendre ma proposition ?

         Je continuai d'avancer lorsque je sentis quelqu'un me saisir le poignet.

        Je fis volteface et me retrouvai nez à nez avec Ether. Elle me regarda comme... je ne sais pas, comme quelqu'un qui n'avait pas comploté dans mon dos et espionné ma sœur.

        — En échange des fonds nécessaires aux soins de votre sœur, et à votre disculpation, la seule chose que vous ayez à faire est me rendre un petit service, poursuivit Heesadrul d'un ton léger. Mais ça ne devrait pas être compliqué pour vous, n'est-ce pas ?

         Je dirigeai mon regard vers lui.

        — Je ne veux pas vous presser. Prenez quelques jours pour y réfléchir, le temps de vous ressourcer et... d'y voir plus clair, conclut-il avec un sourire avant de tourner les talons et de se diriger vers l'immense baie vitrée. Puissiez-vous faire le bon choix. Notre collaboration nous serait bénéfique à tous les deux.

        Je me dégageai de la poigne d'Ether et ouvris la porte. Steadfast était, comme plus tôt, toujours seul posté devant la porte. Lorsque je sortis de la pièce, il me lança un regard suspicieux que je pris soin d'éviter avant de dévaler les escaliers et de quitter cet endroit le plus vite possible.

 

 

 

»»————- ★ ————-««

 

 

 

Après plusieurs minutes de marche sans but à ressasser ma précédente entrevue et à imaginer divers scénarios tout aussi improbables les uns que les autres, le grondement sourd du tonnerre se fit soudainement entendre, comme pour illustrer l'insolvabilité du dilemme auquel je faisais face. Il n'y avait actuellement pour moi pas de solution envisageable autre que de répondre positivement à la demande de Heesadrul. Mais ce n'était décemment pas à moi seule de faire ce choix. Il fallait que je rentre chez moi et que j'en discute avec les miens.

        Je levai les yeux vers le ciel et une goutte de pluie glissa sur ma joue. Excluant les transports en commun où j'aurais sûrement eu à faire face à d'autres réactions sanguines, je m'étais résignée à marcher jusqu'à Pumpkin Patch — après tout, trois ou quatre heures de marche ne pouvaient pas me faire de mal— mais un klaxon me fit tourner la tête et la SkyDrive 2.0 d'Ether me fit face.

        Roulant à ma hauteur, elle baissa la vitre et me regarda, hésitante.

        — Je peux te déposer, proposa-t-elle. Un orage se prépare, tu vas être prise dedans d'ici quelques minutes.

        Je ne répondis rien et espérai profondément que si je l'ignorais assez longtemps elle finirait par s'en aller.

        — Si quelqu'un te reconnaît tu risques d'avoir des ennuis, on te cherchera forcément des poux, insista-t-elle.

        J'inspirai avant de me tourner vers elle.

        — Ça ira, merci.

        — Mais je...

        — Je préfère marcher.

        Exaspérée, je pressai le pas et la voiture cessa de me suivre. Je retins un soupir de soulagement. Lorsque j'entendis le grincement du frein à main, j'eus à peine le temps de me retourner qu'Ether était déjà en face de moi.

        Elle me regarda. Encore. Comme si elle essayait de me faire comprendre quelque chose — ou de comprendre quelque chose. Ses réactions étaient tellement étranges que je commençais à me dire que je n'étais peut-être pas si complexe que ça. Je savais que je donnais du fil à retordre aux gens, et qu'il n'était pas facile de communiquer avec moi. Mais en cet instant précis, en voyant Ether, arrêtée devant moi à me regarder sans un mot, je me mis à penser que ce n'était peut-être pas un trait de personnalité si peu commun, finalement.

       Toujours aussi peu assurée elle se lança tout de même dans une autre tentative.

        — Ce n'est pas un ordre que j'ai reçu, dit-elle. Je veux juste te rendre service.

        Mon sourcil tressauta.

        « Me rendre service » ? S'attendait-elle réellement à ce que j'accepte ? Après ce que je venais d'apprendre ?

        — Non merci, répétai-je en soutenant son regard.  Je préfère marcher.

        Je me détournai d'elle en essayant de l'ignorer malgré tout mais elle reprit.

        — Je suis désolée de ne pas t'avoir tout dit, lança-t-elle derrière moi. Je...

        — Nul besoin de t'excuser, lui répondis-je. Si tu m'en avais parlé plus tôt, je ne t'aurais jamais suivie (je me tournai vers elle) maintenant, excuse-moi.

        Alors que je pensais la discussion close, elle me dit :

        — J'insiste pour te déposer parce que le Chef a peut-être déjà envoyé d'autres personnes faire surveiller ta sœur. Alors plus tôt on arrivera plus...

        Lorsqu’un bruit sourd parvint à mes oreilles je me rendis compte que j'avais fondu sur Ether et que nous nous étions écroulées au sol. Le bourdonnement dans mes oreilles et ma vue qui s'assombrissait me fit cligner plusieurs fois des yeux. Je m'apprêtais à la relâcher lorsque je réalisai que c'était en fait elle qui tenait mes poignets, à quelques centimètres d'elle.

        Elle me regarda, le moins surprise et effrayée du monde et je me redressai après qu'elle m'ait relâchée.

        — Je suis désolée, marmonnai-je mal à l'aise.

        — Ce n'est rien, répondit-elle après s'être époussetée en se redirigeant vers la voiture avant de s'arrêter. Tu viens ou pas ?

        Je m'étais jetée sur elle sans même m'en rendre compte et je ne savais même pas ce qui se serait passé si elle ne m'avait pas retenue. Mais elle voulait quand même me faire monter dans le même véhicule qu'elle ? Quel genre de personne tordue et inconsciente ferait ça ?

        — Pourquoi est-ce que tu me mets en garde ? demandai-je.

        — Va savoir, souffla-t-elle en ouvrant la portière.

        J'hésitai encore plusieurs secondes avant de me décider à la suivre. Après tout, si elle pouvait m'aider à rentrer rejoindre Jane plus tôt, autant en profiter.

        Lorsque j'attrapai la poignée de la porte, je me rendis compte que mes poignets me brûlaient à l'endroit où Ether m'avait empoignée. Je baissai les yeux et vis les marques rouges de chacun de ses doigts.

        En entrant dans le véhicule, son comportement avait drastiquement changé, elle démarra la voiture et roula sans un mot. Évidemment, à quoi est-ce que je m'attendais alors que je l'avais attaquée ?

        Même si c'était justifié. Je pense.

        Une fois arrivées au quartier de Pumpkin Patch Ether se gara dans une ruelle, sûrement pour ne pas exposer sa voiture de luxe aux yeux de tous.

        Je sortis de l'habitacle sans un mot, même si une voix dans ma tête hurlait que c'était extrêmement impoli. Mais elle m'interpella.

        — Tiens, j'ai récupéré ça.

        Elle tenait dans sa main un sac de sport noir. Interloquée, je le pris et cela émit des tintements métalliques. A ma grande surprise, je vis qu'il s'agissait de toutes les armes et matériaux qui m'avaient été retirés à mon incarcération.

        Je pris une grande inspiration.

        — Mer...

       Mais elle était déjà retournée à l'intérieur.

        Je pinçai les lèvres et finit par me détourner.

        Pour de bon.

        Elle ne me retint pas.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

※ Kystas : Monnaie de Specter. 1 Kystas équivaut à 0,006$.

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Rikiki
Posté le 11/12/2022
Heeeeelloooooooow !

I'm back haha !

J'ai particulièrement bien aimé ce chapitre. Je me doute que le plot de l'histoire s'installe et que cet Heesadrul (très original comme nom soit dit en passant) est le client dont tu parles dans ton synopsis.
Ensuite, Ether est donc une princesse en quelque sortes ? xD Je sens une vibe de "Dame Ether est trop bien pour une misèreuse telle que Jaïne". J'espère que le plot ira dans ce sens plus tard ! (j'aime le drama ouiouioui).
Par contre, quelque chose me gène dans la relation entre Ether et Heesadrul : Elle a l'air d'avoir peur de lui ? (ou pas ? c'est mon ressenti, haha).
Et pas très cool d'ajouter la soeur de Jaïna a l'équation. Comme si elle avait pas assez de problèmes...
La relationship Jaïna x Ether (Ethna ? Jether ? who is the top ??) qui débute sur de la violence conjugale, ça promet haha !
Plus sérieusement, j'aime bien le "from enemis to lovers" mood. Bien que je n'aie pas l'impression qu'Ether voie Jaïna comme tel mais bon !

Mon avis : J'aime bien ce chapitre ! J'ai hâte de voir la décision que prendra Jaïna, ou du moins comment elle la prendra, parce que je me doute qu'elle finira par accepter !

Je ne sais pas quand j'aurai le temps de lire le chapitre suivant mais je te dis à la prochaine !

Rikiki
SybelRFox
Posté le 09/04/2023
Hello Rikiki !
Contente que ce chapitre t'ait plu, j'y ai mis toute mon âme haha !
Tu lis dans mes pensées Madame ! Je n'y ai pas encore réfléchi à 200% mais j'ai bien envie d'installer un plot du genre.
Hum hum hum... Spoiiiilerrrs, c'est pas l'heure !
ALORS VRAIE QUESTION ! Je pense que ce sera plus du Jether (la sauvage refoulée lolol)
J'avoue que je suis pas fan du "From enemies to lovers" perso. Souvent j'en veux encore au douchebag du couple ! Mais là comme j'ai pas pour projet de rentre Ether détéstable, je pense que ça peut passer x)

Merci encore pour tes retours et prends ton temps ! Je suis toujours ravie de te lire :)

@+
Contesse
Posté le 16/08/2021
Coucou Sybel ! Ça faisait longtemps mais comme tu le vois je ne t'ai pas oubliée ;)

C'est un chapitre fort en révélation ! Déjà, Ether qui est la fille du big boss de Specter ! Puis ensuite, ce gars qui veut aller contre le gouvernement... Je me demande pourquoi ? Hâte d'en savoir plus !
Aussi, j'ai trouvé vraiment fascinant que Jaina s'en foute d'être incarcérée pour un crime qu'elle n'a pas commis, juste parce qu'elle en a commis d'autres ! Je trouve que son détachement et son absence de sens de la justice est très intriguant et la rend très forte ! Ça change beaucoup du cliché de la meuf qui se venge d'une injustice, bla bla bla... Je trouve ce choix très intéressant ;)

C'est sûr qu'elle va accepter la proposition ! Sinon, il n'y aurait pas d'histoire j'imagine ^^ Et puis, faut bien qu'elle revoit Ether pour se mettre en couple avec :P
Bref, toujours aussi curieuse de lire la suite !

Mes remarques et suggestions :

"— Et toi ? ai-je insisté." --> insistai-je* Ton récit est écrit au passé simple + ajouter un espace entre le tiret et le "Et" ;)
"— Les fins de mois doivent être dures, ai-je dit à voix basse." --> idem : dis-je*
"celle-ci finit se tourner vers moi, l'air de rien en me lançant avec un léger sourire, comme forcé :" --> finit par* se tourner vers moi
"Un des gardes, un peu plus âgé que les autres, grand et baraqué, qui nous avait suivi de prêt, " --> de près*
"se tenait un bureau moderne équipé d'un ordinateur tout aussi récent —valant sûrement une fortune—" --> il faut mettre un point à la place du dernier tiret, la phrase est terminée, et une autre débute après avec le "Il" :)
" Lorsque j'eus franchi la porte, ses yeux noisette se posèrent sur moi avec intérêt, et il déposa tout de suite son verre de vin sur la table." puis plus loin "Tout en disant cela, il posa son regard sur elle, je la vis du coin de l'œil se tendre." --> répétition du verbe "poser" ^^
" — En effet, ai-je répondu." --> idem : répondis-je* (passé simple)
"— Vous êtes aussi peu loquace que les rumeurs l'entendent (il plia ses genoux)" --> que les rumeurs le disent* plutôt non ? On entend les rumeurs, mais les rumeurs elles n'entendent pas x) + mettre un point quand tu fermes tes parenthèses, puisque tu commences de nouvelles phrases après (tu peux reprendre ça pour toutes les incises de dialogue que tu places entre parenthèses) ;)
"— Qu'est-ce que vous voulez ? ai-je lâché après un moment." --> idem : lâchai-je*
" — Comment... (je fis une pause) Qu'est-ce que vous dîtes ?" --> dites*, pas de circonflexe
"Comme si de rien n'était-il me répondit :"--> de rien n'était, il me répondit* pas de tiret ;)
"et il y avait aussi ce garde, Steadfast, qui nous avait suivi et avait proposé de l'aider." --> suivies* (pour Ether et Jaina)
"— Que voulez-vous dire ? ai-je sèchement demandé." --> idem : demandai-je*
"— En échange des fonds nécessaires au soin de votre sœur et de ta disculpation, la seule chose que vous ayez à faire c'est me rendre un petit service" --> je te conseille de mettre une virgule après "votre soeur", de cette manière on comprend que c'est en échange des fonds + de la disculpation ! Là on comprend que les fonds sont nécessaires au soin et à la disculpation, c'est bizarre ^^
+ votre* disculpation, et non pas "ta", il la vouvoie ;)
" Toujours aussi peu assurée elle se lança tout de même dans un autre tentative." --> une* autre tentative
"Le bourdonnement dans mes oreilles et ma vue qui s'assombrissait me fit cligner des yeux plusieurs fois des yeux." --> le premier "des yeux" est en trop, tu le réécris juste après ^^

Voilà, j'en ai fini ! Sorry pour le pavé ^^ J'espère que ça t'aidera !
A bientôt pour la suite ;)
SybelRFox
Posté le 18/09/2021
Coucou !
Merci pour ton commentaire et désolée pour la réponse tardive. J'ai bien pris en compte tes remarques et ai modifié le chapitre en conséquences. Que ferais-je sans toi ?
Haha tant mieux ! Parfois j'hésite à propos de la personnalité de Jaïna, j'aimerais surtout pas qu'elle perde en crédibilité juste parce que j'essaie de la rendre unique :P
Dans combien de temps Ether et elle vivront d'amour et d'eau fraîche ? Aurons-nous affaire à un triangle amoureux ? Justice sera-t-elle faite à Specter ? Huh-uh, taaaant de questions ! xD

Hâte de te revoir ! À la prochaine :P
A.W. Zephyrus
Posté le 06/05/2021
J'ai lu "gifla". Je dois absolument respirer et me despoiler si je veux que mon myocarde tienne le coup. 😭😭😭

Et aussi, je connais pas du tout la valeur de la monnaie, mais on dirait la même valeur que les yens.
SybelRFox
Posté le 13/05/2021
T’enflamme pas trop (pour le mooooment).

Yep, c’est à peu près ça.
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