Chapitre 20 : Ami.e.s

Pleine d'appréhension, Catherine appuya sur la sonnette de la porte d'entrée du manoir de Griselda. Après une heure de trajet, elle était enfin arrivée à destination. Elle frôla des doigts son nouveau collier de domestique, qui avait donc une fonctionnalité d'enregistrement.

La porte s'ouvrit sur une magnifique jeune femme aux longs cheveux d'argents, au beau visage pointu et au sourire chaleureux.

Catherine, mal à l'aise, bafouilla quelques mots :

– Bonjour, je… Je suis la domestique du duc…

– Oui, je sais. Je t'en prie, entre ! répondit la jeune femme. Je m'appelle Griselda, enchantée. Et toi, c'est Catherine, c'est ça ?

La jeune domestique hocha la tête et suivit Griselda à l'intérieur du manoir.

Clave, pensive, admirait le paysage qui s'étendait devant ses yeux. Elle se tenait sur la terrasse tout en haut du manoir, regardant le soleil se coucher. Elle avait passé toute la journée à s'entraîner avec Noah, mais elle ne s'améliorait pas et les entraînements l'épuisaient.

"Je suis la princesse de Sirine, se dit-elle intérieurement. Je suis l'héritière du trône."

Malgré le fait qu'elle ne cesse jamais de se répéter ces mots, elle ne parvenait pas à le réaliser vraiment. Même si elle le savait au fond d'elle-même, elle n'avait pas retrouvé ses souvenirs pour autant… La princesse Mystic lui semblait être une autre personne que Clave, la petite fille sans passé et terrifiée de l'avenir.

– Je t'ai enfin trouvée ! s'exclama une voix dans son dos.

La jeune fille se retourna et sourit à la vue de Noah.

Il vint s'accouder au rebord de la terrasse, à côté de son amie. Le vent se mit à souffler, comme pour l'accueillir, soulevant ses cheveux noirs et faisant rebondir le pendentif de Clave sur sa poitrine.

– Tu connais une certaine Catherine Blackseed ? questionna Noah.

– Cath ? s'écria Clave. Oui, c'est mon amie !

– Oh, tant mieux alors. Arthur l'a envoyée ici, ma tante va l'accueillir dans son manoir.

La princesse aux yeux bleus fronça les sourcils.

– Pourquoi fait-il ça ? murmura-t-elle. Il cache quelque chose, c'est sûr…

– Évidemment qu'il cache quelque chose ! s'exclama le jeune homme.

Clave sursauta, surprise par cet élan soudain de colère de la part de son ami, qui d'habitude restait calme en toutes circonstances.

– Désolé…, chuchota-t-il.

– Ne t'inquiète pas, je comprends ce que tu ressens vis-à-vis de ton père, le rassura la jeune fille.

Noah enfouit sa tête entre ses bras croisés et marmonna des paroles que Clave ne comprit pas.

– Tu sais…, avoua-t-elle, je n'ai pas envie de devenir reine de Sirine… Ça me fait peur… Pourtant, c'est mon devoir… C'est pour ça que la famille royale m'a endormie, il y a toutes ces années pour que je survive à la guerre et que je devienne reine de Sirine et pour que le trône ne tombe pas entre de mauvaises mains, mais… Je ne m'en sens pas capable, en vérité.

Noah resta silencieux un instant, puis posa doucement sa main sur celle de son amie.

– Personne ne t'oblige à rien, Clave. Si tu ne veux pas retrouver la Couronne et monter sur le trône, tu n'as pas à le faire. Tu n'as pas à te forcer.

– Mais… Et le duc Arthur ? S'il retrouve la Couronne…

– On l'empêchera de le faire d'un moyen ou d'un autre, affirma Noah.

Clave eut un sourire triste, mais elle était néanmoins soulagée.

– Merci, Noah.

Catherine arriva dans le salon principal du manoir de Griselda. Sur l'un des sièges, Clave l'attendait. La domestique posa sa petite valise sur le sol et s'approcha de son amie. Clave semblait avoir changé, et pourtant cela ne faisait pas si longtemps que cela que la blonde avait quitté le manoir du duc Arthur.

– Je suis contente de te revoir, murmura la jeune fille.

La rousse acquiesça. Elle ne savait pas quoi dire.

– Tu as l'air différente, hésita-t-elle.

– Oh… c'est normal… Il s'est passé beaucoup de choses depuis que je suis arrivée ici.

– Comme quoi ? demanda Catherine, curieuse.

– Comment dire… J'ai appris que j'étais la dernière héritière du trône de Sirine, la princesse Mystic…

– Quoi ? s'écria la domestique. Mais je pensais que l'histoire de Mystic n'était qu'une légende, qu'on raconte aux enfants le soir…

– Eh bien, il faut croire que non, s’amusa l'ancienne servante. Enfin, je n'ai pas retrouvé la mémoire pour autant… C'est trop long de tout t'expliquer, je vais plutôt te conduire à ta chambre !

Clave se leva avec un sourire ravi. Catherine était de nouveau avec elle, et cela la soulageait et la rendait heureuse. Elle savait qu’elle pouvait compter sur la domestique. Mais elle ne remarqua pas celle-ci qui, discrètement, appuyait trois fois sur son collier pour stopper l'enregistrement qu’elle avait lancé avant d’entrer dans la pièce. 

Son visage était imprégné d’une expression de culpabilité profonde, et la rousse se détestait de devoir faire cela.