Chapitre 20 : Décrépit

Par Camice

La porte de la vieille cabane grinça bruyamment lorsque Mike ouvrit la porte avec précaution. Il disparu à l’intérieur de la bâtisse en bois, une lampe de poche à la main, dont la lumière illuminait les fenêtres donnant sur l’extérieur.

– C’est vide. déclara l’ange en revenant leur ouvrir la porte. On peut s’y réfugier pour la nuit.

Les uns et les autres échangèrent des regards inquiets. Maï Rose pouvait voir dans leur regard qu’elles étaient toutes fatiguées, Liz effrayée et les seuls qui gardaient leur sang froid étaient les deux anges qui les avaient guidés jusqu’ici. De vrais anges gardiens.

L’une après l’autre, le reste du groupe s’engouffra à l’intérieur de la bâtisse. Aude en premier, suivit d’Ariane et Maï Rose, Liz et pour finir Eleo, qui referma la porte derrière. Chaque pas entraînait un couinement plaintif du plancher en bois pourrit, d’où elle pouvait presque voir grouiller cafards et autres insectes se délectant d’un bâtiment abandonné.

Des murs décrépis, dont le papier peint semblait s’effriter au moins contact, les meubles couverts de poussière qui s’était accumulée au cours des années, tant que même une dizaine de lavages ne sembleraient pas de trop pour les laver. Le sol était jonché de plantes, qui s’immisçaient parmi les planches en bois pour se frayer un chemin et se révéler au grand jour. Tant de l’herbe, que de petites fleurs jaunes familières, qui étaient décidément partout sur leur route.

– On va rester ici. continua Mike en leur éclairant le chemin. Le sol à l’air moins pourri de ce côté là, on pourra dormir dessus.

– Dormir ? On va dormir ici ? lâcha Liz d’une voix tremblante. 

– A moins que tu préfères dehors, mais c’est plus compliqué avec les loups.

Au même moment, un hurlement s’éleva de la forêt alentour, comme pour confirmer les dires de l’ange qui pouffa de rire.

– Je sais qu’il y a mieux, mais c’est un bon début, vous ne trouvez pas ?

La porte qui séparait la chambre indiquée par Mike de la partie principale était sortie de ses gongs et hors d’usage. Personne ne se risquerait à la porter, quand on voit la pourriture qui s’y était formée entre la mousse et les insectes. L’ange était le seul qui arrivait à plaisanter dans une situation pareille. Même Maï Rose sentait que la tension parmi eux ne faisait qu’augmenter et qu’elles ne pouvaient pas vraiment exiger de meilleures conditions au vu des circonstances. Mike voulait sûrement les rassurer avec un peu d’humour, mais ce n’était pas la bonne solution entre les nerfs branlants de Liz et le scepticisme d’Aude et Ariane qui se contentaient de suivre silencieusement. Elle devait trouver quelque chose à faire pour leur changer les idées :

– Que faisons-nous maintenant ?

– Posez vos affaires dans un coin, je vais faire un feu pour nous garder au chaud.

Mike n’eut même pas le temps de finir sa phrase, qu’il était repartis dehors. Il devait être en train de chercher du petit bois. Eleo, qui restait le plus calme et silencieux de chacun d’entre eux, balayait les petits débris du parquet. Tandis que les quatre filles restaient aussi silencieuses que le vent absent de la bâtisse malgré son état délabré. 

Liz fut la première à céder au silence, et elle commença, elle aussi, à dégager la pièce principale avec Eleo, avant de s’arrêter très rapidement et de s’asseoir contre un mur en boule. Les trois autres filles finirent par en faire de même, Maï Rose allant s’asseoir près de Liz, inquiète. La jeune collégienne avait une très mauvaise mine, et était si pâle qu’on pourrait la croire malade. Ses petits doigts tremblaient, serrés contre ses genoux.

– Tu veux en parler ? demanda tout bas Maï Rose.

La jeune fille secoua lentement la tête sans même la regarder, fermée à toute discussion. C’était frustrant de ne pas pouvoir l’aider, mais si Liz préférait être seule, elle ne pouvait pas la forcer à lui parler. Maï Rose se releva à nouveau pour s’éloigner et donner plus d’espace à la jeune fille, Ariane se retrouvant rapidement à côté d’elle. Mike revint au bout de quelques dizaines de minutes avec du bois et des pierres, et entreprit de former un petit cercle avec. Avec un peu d’espoir, il arriverait à faire un feu et à chasser le froid qui s’accrochait à leur peau et soufflait silencieusement sur leur nuque.

– Comment faites-vous rester aussi calme dans une situation comme celle-ci ? demanda simplement Liz qui grelottait de froid, sortant enfin de son silence avec une note de reproche dans sa voix.

– L’habitude, j’imagine. expliqua Mike en commençant à construire un petit feu au centre de la première pièce. On a vu pire en termes de combat. Là, on n’y a même pas participé.

– Et vous ne vous sentez pas coupable de ne pas les avoir aidés ?

Le regard de Liz était sombre, perçant de ses yeux violets les deux anges, Eleo ne semblait pas perturbé pour le moins du monde mais Mike grinça à la pique.

– On aurait voulu aider. Mais vous protéger était une priorité, on a fait notre choix.

– Mais qu’est ce qui vous dit qu’ils sont toujours vivants, les autres ?

– Je ne sais pas. Tu es bien bavarde comparée à nos rencontres précédentes.

– Il faut croire que me faire jeter d’une maison décrépie à une autre fait son effet. feula la jeune fille en prenant ses genoux dans ses bras.

– Ce n’était pas un reproche. soupira l’ange en finalisant son petit tas.

Il avait réussi à former un tas de branches sèches en cône avec de petites brindilles dissimulées ici et là, entourées de pierres grises plus ou moins grosses. Les gestes de Mike semblaient mécaniques, automatiques, comme s’il avait fait ce feu des centaines de fois les yeux fermés, puis il sortit un briquet et alluma le feu.

Maï Rose se sentit immédiatement mieux, les flammes dansaient devant ses yeux et des vagues de chaleur venaient lui lécher le visage et l’entourer d’un air réconfortant. Elle pensait que Liz allait reprendre la conversation et les reproches, mais elle n’en fit rien. Et une seule question taraudait son esprit.

– Pourquoi vous nous avez sauvées nous, plutôt qu’eux ? demanda Maï Rose, tout bas.

Un petit silence s’installa. Mike et Eleo s’échangèrent un regard peiné, se consultant sans mot sur ce qu’ils pourraient bien dire aux terriennes. 

– On vous l’a dit, sourit Mike en haussant les épaules. Vous étiez au bon endroit, au bon moment.

– Menteur... murmura Liz à côté d’elle.

– La vraie raison... renchérit la collégienne. Vous n’avez pas pu prendre tout ces risques juste pour... le hasard.

L’ange laissa échapper un petit rire.

– Qu’est ce que tu es perspicace, c’est vrai. Au point où on en est, c’est plus simple de dire la vérité.

Mike montra son frère d’un geste de la main, celui-ci prit une grande inspiration.

– Il y a trois ans, notre petite sœur à disparue dans une tempête de neige. Ils n’ont jamais retrouvé son corps. La raison pour laquelle nous sommes des voyageurs et que nous nous sommes retrouvés dans la Résistance, c’est dans l’espoir de la retrouver un jour.

Quoi ? manqua de s’exclamer Maï Rose, totalement prise par surprise. Mais... Disparaître dans une tempête de neige signifie forcément...

– Je sais que cette histoire ne fait pas beaucoup de sens pour vous... Mais dans notre pays, Chronos, retrouver les corps dans la neige, c’est le travail de tous les jours des veilleurs. Et ils n’ont jamais retrouvé le sien. Donc, avec Mike, on a réalisé qu’elle avait peut-être déclenché un pouvoir qui lui avait sauvé la vie, sans savoir lequel.

Chacune des filles semblait chercher un rapport entre cette histoire et leur sauvetage miracle, mais elles n’eurent pas à poser la question :

– Dans chaque monde, on dit qu’il existe une version alternative de nous même. Car chaque monde est une version alternative des autres. Et il se trouve que ma sœur te ressemble beaucoup, Ariane.

Tout le monde tourna son regard sur la jeune fille, qui semblait à court de mots.

– Vous nous avez sauvées... Parce que je ressemble à votre sœur disparue ?

– Pas seulement.... Tu as le même nom et le même âge. Je voulais la retrouver, mais en te voyant...

– On s’est dit qu’on ne pouvait pas laisser sa version alternative dans les mains de la dictature. compléta Mike tapotant le dos de son frère. Donc on vous a sorti de là.

Maï Rose risqua un regard vers Ariane, celle-ci avait ouvert ses grands yeux bleus, mais sans répondre pour autant. Personne d’autre n’osait parler durant ces révélations, Eleo continuant :

– Cela ne veut pas dire que l’on abandonne l’idée de retrouver notre sœur de notre monde. Mais que nous voulions rendre celle de l’autre monde à ses frères qui la cherchent.

Mais... Ariane n’a qu’un frère... s'inquiéta Maï Rose en glissant un regard à son amie qui semblait abasourdie et ne pas mentionner cette incohérence. Sans compter qu’elle le déteste...

– Donc... Vous faites tout ça pour... Une version alternative de votre sœur ? grinça Ariane, les dents serrées.

– On peut dire ça, oui.

Pourquoi s'énerve-t-elle ? On devrait être reconnaissant qu’elle ressemble tant à leur sœur.

– En tout cas, on vous remercie de nous aider. Mais... Pourquoi ne pas l’avoir dit dès le début ?

– Ce n’est jamais agréable de se retrouver confronter avec ce qu’aurait pu être ta vie dans un autre monde. 

– Donc nous sommes toutes la version alternative de quelqu’un d’ici ?

– Oui, mais encore une fois, ce ne serait pas une bonne idée de vous rencontrer.

– Dans le cas où elle est vivante. marmonna Ariane tout bas.

Maï Rose sentit son cœur s’arrêter et espérait silencieusement que personne n’avait entendu le commentaire de son amie. Ariane finit par se lever et s’éloigner du groupe dans un coin.

– Je vais essayer de dormir. 

– Sans manger ? s’inquit son amie sans la quitter des yeux.

– Manger quoi ? A moins que quelqu’un n’ait pris quelque chose du village, on n’a rien à manger.

– Elle n’a pas tord. constata Mike. On n’avait pas pris en compte le fait que la Résistance se fasse décimer au bout d’une semaine alors qu’elle a quoi, 30 ans d’existence ?

Ariane ne répondit pas et se contenta de se mettre dans une couverture, dos au mur, derrière le groupe. Mike brisa le silence, cherchant visiblement à changer de sujet.

– Donc, tu as un pouvoir Aude ?

La lycéenne jeta un regard accusateur au groupe de filles qui avait été témoin de son acte.

– On ne leur a rien dit ! grommela Liz en se recroquevillant quand leurs yeux se croisèrent.

– Elle a raison, je t’ai vue l’utiliser contre le golem du milicien.

Sans issue, la jeune fille soupira :

– J’ai cette magie de protection depuis... Quelques années maintenant... Mais ce n’est que la deuxième fois qu’elle se déclenche... J’avais fini par me convaincre que ce n’était qu’un rêve ; puis elle s’est manifestée à nouveau.

– Une terrienne d’un monde sans magie qui acquiert un pouvoir ! s’émerveilla Mike en tapotant des mains, content. C’est du jamais vu !

– Justement... Je pensais être folle et maintenant... Je ne sais pas quoi en penser. Est ce que c’est possible pour nous d’avoir des pouvoirs ?

– Comme tu en as un, il n’y a plus vraiment de doute. 

– Non. le coupa Eleo d’un ton sec. Ce n’est pas possible d’avoir des êtres magiques dans un monde sans magie.

Un silence pesant s’installa, l’ange décida de se clarifier :

– Vous venez d’un monde sans magie, donc il n’est pas possible que votre corps ait été construit avec de la magie. La seule explication qui justifierait ça, c’est que toi, ou bien tes parents, venez d’un autre monde.

Toute la couleur avait quitté le visage d’Aude et elle se mit à triturer ses mains nerveusement.

– Mes frères et sœurs n’ont jamais déclenché un événement comme celui-là. J’étais la seule. Mes parents... Pensaient vraiment venir d’ailleurs mais ce n’était qu’un délire...

– Tu en es sûre ? Tes parents auraient pu venir de notre monde et-

– Non. l’interrompit la Norvégienne en serrant les dents. Ce n’est pas possible. Ils ont eu des évaluations psychiatriques, ils sont juste déments.

– Mais si ce n’est pas eux, ça veut dire que tu viens d’un autre monde, tu sais si tu es l’enfant biologique de tes parents ?

Aude plissa les yeux sur l’ange et finit par lâcher : 

– Oui, on en a fini avec les questions intrusives ?

– Ça dépend si tu as d'autres choses d’intéressant à raconter. On a rien à manger, et je n’ai pas sommeil, si vous avez de bonnes histoires à raconter de votre monde, je suis preneur ! Eleo aussi j’en suis sûr !

Eleo se contenta d’hocher la tête en accord avec les mots de son frère. Maï Rose se sentait fatiguée, mais ne voulait pas interrompre l’occasion d’avoir des histoires à écouter sur les autres. Un peu comme ces nuits entre filles où toutes se racontaient leurs histoires d’amour, sauf que cette fois, il n’est pas question d’amour. Mais de se rappeler qu’un jour leur quotidien banal existait, et qu’il leur manquait.

– La Terre est très avancée technologiquement par rapport à vous ! On a des téléphones, des ordinateurs, alors que vous ne semblez pas avoir d'électricité.

– Ah ça, c’est juste la Résistance. Leur pays n’était pas très avancé non plus, c’est pour ça qu’ils ont été envahi si rapidement, mais dans le reste du monde, on a l’électricité et les technologies qui vont avec.

– Vous avez internet ?

– Qu’est ce que c’est ? demanda Mike, intrigué.

– C’est... Ah difficile à expliquer... Sur les postes vous pouvez accéder à tout et n’importe quoi dans le monde entier ?

Face à l’air peu convaincu de l’ange, Aude reprit la parole.

–  C’est l’ensemble de réseaux mondiaux interconnectés qui permet à des ordinateurs et à des serveurs de communiquer efficacement.

– Ah oui, c’est notre nexpace. C’est des réseaux continentaux qui diffusent les informations à tous. Mais pour être honnête, vos avancées technologiques ne m’intéressent pas vraiment, je pensais plus à des histoires sur vous, comment vous vous êtes rencontrées par exemple ?

Les trois jeunes filles restantes s’échangèrent des regards entendus.

– On ne se connaissait pas avant, juste Ariane et moi. On s’est rencontrées après son accident de voiture...

– De voiture ? Qu’est ce que c’est ?

Sans voix un instant, Maï Rose se demandait si c’était vraiment nécessaire de raconter quelque chose d’aussi privé alors qu’Ariane ne dormait sûrement pas encore et pourrait lui reprocher d’avoir partager ces informations par la suite.

– C’est un moyen de transport, plutôt individuel, qui emmène sur de grandes distances...

– Ce n’est pas encombrant d’avoir ce genre d’objet pour chaque personne ? Ah, mais, les téléporteurs n’existent pas chez vous, j’imagine.

– Non effectivement... 

– Alors vous vous êtes rencontré quand elle s’est blessée ?

Une image d’Ariane à l’hôpital, le visage renfermé avec une cicatrice impressionnante lui barrant le côté droit du crâne, du sourcil jusqu’à la nuque lui faisait froid dans le dos.

– Oui, j’étais aussi aux soins palliatifs pédiatriques et on a fait connaissance là bas.

– Tu étais aussi blessée ? demanda Aude avec une pointe de curiosité.

Maï Rose se rendit soudainement compte à quel point cette conversation n’aurait pas dû dépasser ses lèvres, maintenant elle ne pouvait plus vraiment faire marche arrière. Au moins, Ariane ne semblait pas vraiment réagir.

– Bête noyade dans la rivière du coin...

– Au moins, c’est dans la pire des situations que vous vous êtes rencontrées, ça ne pouvait aller que mieux à partir de ce moment-là, pas vrai ?

– C’est vrai, on ne s’est plus jamais lâchées depuis.

Elle ne pouvait s’empêcher de penser à ce rêve, le rêve qu’elles avaient fait cette nuit-là, le rêve qui avait scellé leur amitié. Si elles rêvaient l’une de l’autre sans jamais s’être rencontrées, ça voulait forcément dire quelque chose, pas vrai ?

– Et toi Liz ? demanda Maï Rose en tenant de retirer l’attention d’elle. Tu as des histoires de la Terre à raconter ?

– Je n’ai... Rien d’intéressant à vous dire... murmura la jeune fille brune tout bas. Mes parents s’engueulent tout le temps, mais ce n’est rien comparé à vos problèmes...

– Chaque problème est important. énonça Aude calmement. Et nous sommes tous dans une situation catastrophique quand on constate notre état actuel.

– Et puis il a bien dû se passer quelque chose, dans ton ancien collège ? demanda Maï Rose.

Liz se renfrogna sur elle-même et ses joues s’empourprèrent. La jeune fille frotta ses mains entre elles, nerveuse.

– J’ai... Été virée... Parce que j’ai dit que le directeur prenait des photos des filles à chaque fois qu’ils venaient nous parler.

– C’est vrai ? souffla Maï Rose avec horreur.

– Bien sûr que c’était vrai ! Mais personne ne voulait me croire, et la première personne à avoir été au courant c’était lui. Il s’est bien gardé de dire qu’il avait un portable spécialement pour prendre des photos de nous.

La jeune fille fixait le sol, ses genoux blottis contre elle et ses bras enlacés autour comme pour se réconforter de l’injustice.

– Je suis passée en conseil de discipline, on m’a viré. Mes parents étaient livides, ça n’a pas aidé leurs disputes, ni leurs relations. On était devenus la risée du village.

– C’est pour ça que tu as déménagé jusqu’ici...?

– Les collèges aux alentours n’avaient que des directeurs hommes qui ne voulaient pas prendre de risque, alors on est allé dans le village le plus proche avec une directrice.

Bouche bée, Maï Rose ne savait pas quoi dire face à l’injustice accablante que devait subir la jeune fille.

– Au moins, ici, je n’ai plus ce genre de problèmes. Personne n’attendra mon retour, c’est pour ça que c’était si facile pour moi... D’abandonner... Je ne veux pas rentrer chez moi...

– Que veux-tu faire, alors ?

La mine de Liz se renfrogna, et pendant un instant, elle cru que la jeune fille était trop vexée pour répondre.

– Je ne sais pas... Rester ici, c’est stupide. Je ne tiendrais pas deux jours seule.

– Tu pourrais repartir avec nous. proposa Mike avec un sourire.

– Vraiment ? 

Un petit sourire, sûrement le premier depuis un moment, sembla illuminer le visage de la jeune fille.

– Vraiment ! On t’embarque avec nous. On connaît un endroit qui accueille les réfugiés dimensionnels, ils pourront t’accueillir et t’habituer à ce monde pour que tu y vives !

Eleo se pencha du côté de son frère pour lui murmurer quelques mots à l’oreille. Maï Rose n’entendait pas, mais elle pouvait deviner que le deuxième ange n’avait pas l’air motivé avec ce plan.

– Merci ! s’exclama Liz. Je vous promets que je ferai de mon mieux !

Son bonheur rayonnait et Maï Rose n’en était que plus heureuse. Et rapidement, tous se mirent à parler de tout et de rien, Maï Rose mentionnant le brevet qui arrive, Aude parlant de son ungdomstrinn, l’équivalent de la seconde en France. Mike prit même le temps de leur expliquer qu’en fonction des pays, les systèmes éducatifs sont très différents, allant du entièrement pratique au entièrement théorique, avec des cours de magie et de maîtrise de soi. Rapidement, les uns et les autres finirent par montrer des signes de fatigue, et il fut convenu d’aller dormir. Tous se mirent en boule près du feu, Aude utilisant son manteau comme d’oreiller, et Eleo utilisant son sac. Mike était déjà sorti dehors pour repérer les alentours, les protégeant des dangers de la forêt sombre. Même Liz s’était allongée sur le bois grinçant de la cabane, mais un simple toucher du sol suffisait à dégoûter Maï Rose, la sensation froide et humide du bois décrépit contre sa peau lui donnait des hauts le cœur. Elle glissa un regard à Ariane, qui était derrière elle, contre un mur à l’opposé de la porte, blottie dans une couverture qu’elle avait enfoui dans son sac pour leur expédition. La jeune fille se rapprocha avec discrétion de son amie.

– Ariane, tu dors ? murmura-t-elle le plus bas possible.

– Non... répondit-elle simplement après quelques secondes de silence.

– Je peux dormir avec toi ?

 Sans ouvrir les yeux, Ariane tapota l’espace à ses côtés, Maï Rose s’y glissa, et son amie prit de sa couverture pour la déposer sur elle.

– Désolé... Je n’ai plus mon sac...

– Tu avais mis une couverture dans ton sac ?

– ... Non.

Ariane soupira, mais ne la chassa pas pour autant. Elle se sentait déjà mieux avec la couverture qui la recouvrait, et la présence de son amie qui la confortait.

– Tu penses qu’on pourra rentrer chez nous un jour ?

Ariane avait les yeux fermés et un air paisible sur le visage. Pendant un instant, elle cru que la collégienne s’était endormie tant elle était fatiguée, mais elle finit par répondre à voix basse.

– Je ne sais pas... Ça semble compliqué... Les gens qui nous ont aidés ne sont plus là et le château sait que nous sommes un danger pour eux.

– Donc on ne pourra pas rentrer... chez nous ? demanda Maï Rose avec la gorge serrée.

La vietnamienne sentait ses yeux piquer, les larmes lui montant, menaçant d’éclater à tout instant, pour interrompre le sommeil paisible des autres. Ariane ouvrit ses yeux bleus et répondit à sa meilleure amie sans la quitter du regard. 

– Ça ne te plaît pas ici ?

– Bien sûr que non ! C’est beau la magie mais- Je veux rentrer chez moi, je veux retrouver mes parents, mes amis, ma f-famille. Je veux être en sécurité ! Pas piégée par tout le monde autour de moi- Je ne veux pas avoir à me méfier de chaque personne que je rencontre...

De fines larmes mouillèrent ses joues, s’écoulant sans s’arrêter. Son cœur était tellement serré dans sa poitrine que respirer en devenait difficile. Maï Rose voulut continuer sa phrase mais seul un sanglot s’échappa de sa bouche, qu’elle se pressa de réprimer en pressant ses mains contre son visage mouillé. Elle luttait désespérément pour ne pas laisser le moindre son sortir, mais s’étouffait dans ses propres pleurs.

Puis, des bras vinrent entourer ses épaules et elle sentit la chaleur envelopper son corps.

– Tu peux pleurer... murmura Ariane en la serrant contre elle. Je ferais tout ce qu’il faut pour qu’on rentre chez nous, ensemble. Je te le promets.

Vous devez être connecté pour laisser un commentaire.
Vous lisez

Nous utilisons des cookies pour vous assurer la meilleure expérience possible sur Plume d'Argent.
En acceptant, vous autorisez les cookies sur votre appareil,
en accord avec les termes définis dans nos Conditions générales d'utilisation.