Retourner dans le quartier est fut un véritable calvaire pour Lyne. Ses blessures la tiraillaient à chacun de ses pas, les sons tintaient trop fort à ses oreilles, et, à cause de l’attaque, la moindre ruelle sombre ou n’importe quel passant au regard insistant lui donnait des sueurs froides. Jusque là, elle avait imaginé que leurs adversaires ne s’en prendraient pas à eux en plein jour. Maintenant, elle commençait à en douter. Hauteroche n’était pas Lonvois. Les gardes étaient moins présents, les criminels plus nombreux.
Dans un premier temps, elle se débrouilla pour se placer entre Soreth et tous ceux qui marchaient trop près de lui. Cependant, les coups d’œils intrigués que lui valaient ses louvoiements la poussèrent à seulement serrer son épée lorsque quelqu’un approchait. Cela attira moins l’attention, mais ne suffit pas à convaincre son équipier de la laisser faire son travail. Après qu’elle eut fait fuir un groupe d’enfants suspicieux en leur jetant un regard noir, il l’entraîna dans une rue crasseuse et planta ses prunelles dans les siennes.
Elle resta droite, prête à recevoir un long sermon sur la discrétion auquel elle répondrait que la protection du prince passait avant tout, mais fronça les sourcils lorsqu’il posa une main rassurante sur son épaule, et dut retenir un tremblement quand il lui expliqua que sombrer dans la paranoïa était l’un des plus grands dangers de leur métier. Un sourire compatissant sur les lèvres, il ajouta que son zèle amoindrissait sa vigilance et qu’elle allait devoir s’appuyer sur lui tant que l’excitation du combat ne serait pas retombée.
Brusquement consciente de son agitation, ses muscles étaient tendus et ses sens trop éveillés, Lyne hocha la tête et gratifia son ami d’une grimace ennuyée. Il avait raison. Il fallait qu’elle se reprenne. Hélas, ni sa bonne volonté ni le discours de Soreth n’apaisèrent entièrement ses angoisses. Et, même si elle cessa de menacer les habitants de Hauteroche, elle continua malgré elle à scruter minutieusement ruelles et passants.
Dès que les prétoriens eurent retrouvé leurs montures, Lyne insista pour qu’ils rejoignent l’ambassade et sa protection. Soreth ne fut pas de son avis, préférant rester à l’abri des écuries le temps de s’occuper de son épaule au bandage déjà imbibé de sang. Elle céda rapidement, trop épuisée pour lutter, et se laissa tomber dans un tas de foin moelleux tandis qu’il sortait son matériel de soin. Elle tenta d’y surveiller les alentours, mais ne trouva rien d’hostile dans les renâclements paisibles des chevaux, ou le bruit des badauds et des charrettes qui défilaient à l’extérieur. Peu à peu, sa vue se brouilla sous l’effet de la fatigue. Elle dodelina ensuite de la tête, et s’endormit finalement, bercée par l’odeur du fourrage sec et le rythme régulier de la ville.
Elle se réveilla une première fois pendant que son équipier terminait de suturer sa plaie, qui dégageait maintenant un parfum rassurant d’ail et de plantain. Trop léthargique pour bouger ou parler à cause du sang qu’elle avait perdu, elle referma ses paupières sans un mot et le laissa finir son travail.
Quelques minutes plus tard, elle les rouvrit en l’entendant ranger ses affaires. Elle se rendit alors compte que son crâne ne bourdonnait plus, que ses muscles lui obéissaient à nouveau, et que son épaule avait presque cessé de la faire souffrir. C’était agréable.
Alors qu’elle s’éveillait, Soreth vint s’asseoir à côté d’elle, une pomme rouge dans une main et une outre dans l’autre.
— Bon retour parmi nous.
Elle lui sourit gentiment, puis répondit la bouche encore pâteuse.
— Merci.
— Ce n’est rien. Il faut bien que je m’occupe de ma garde du corps. Elle n’arrête pas de se blesser et il paraît que je n’en aurai pas d’autres si elle casse.
Elle pouffa de bon cœur et attrapa l’eau qu’il lui tendait. Il avait bien fait de s’obstiner. Elle serait plus efficace maintenant. Après plusieurs années de responsabilité, c’était étrange d’avoir quelqu’un pour veiller sur elle. Étrange, mais pas désagréable. Surtout lorsque ce quelqu’un était Soreth. Elle le dévisagea du coin de l’œil tandis qu’il lui coupait un morceau de fruit et sentit ses lèvres se plisser. Elle était contente de faire équipe avec lui.
— Nous partirons dès que tu auras fini de manger, reprit le prétorien sans douter de ses pensées, nous devrions arriver dans le milieu de l’après-midi.
Lyne hocha la tête en mâchant. Même si ses inquiétudes s’étaient atténuées, rejoindre l’ambassade restait sa priorité. Il y aurait trop de politique et pas assez d’action là-bas, mais Soreth serait en sécurité. C’était le plus important.
Quand elle eut terminé sa pomme, son ami alla en partager le trognon entre leurs montures. Elle s’étira en le regardant faire, puis se dirigea à son tour vers Zmeï. Il la salua d’un coup de museau affectueux tandis qu’elle le détachait, et prêta une oreille intriguée à leurs aventures dans les silos. Ils quittèrent peu après les écuries tranquilles, rejoignant le tumulte de Hauteroche et les mystères qui s’y cachaient.
Située logiquement dans le quartier est, l’ambassade erellienne se trouvait à quelques pâtés de maisons du centre-ville, où vivaient les nantis de la cité. Plus les boutiques s’en rapprochaient, plus elles gagnaient en prestige et en valeur, si bien que dans la rue du consulat on ne vendait que les meilleures réalisations du royaume : fourrures et cuirs d’une qualité incomparable, sculptures de bois ou de pierre finement travaillées, et pièces d’argenterie réputées pour leurs vertus curatives.
L’ambassade elle-même était un hommage aux maîtres-artisans du pays. Elle s’étendait sur plus d’une centaine de mètres et, du haut de ses trois étages, s’élevait au-dessus des constructions avoisinantes. Sa façade était de marbre blanc, décorée par des rangées de fenêtres en arc et des colonnes ouvragées. Cela aurait pu paraître austère, mais des incrustations colorées étaient harmonieusement disséminées sur l'édifice, et quatre petites tours carrées brisaient la monotonie du corps principal pour lui offrir des terrasses à sa mesure. Plus ornementale que défensive, une haute grille cerclait aussi le bâtiment et son jardin, où reposaient une mare couverte de nénuphars, quelques buissons dégarnis par l’hiver, et des hellébores dont le violet contrastait avec le vert de l’herbe.
Trois soldats vêtus de tabards erelliens, deux probablement apparentés et un à la peau blanche, gardaient l’entrée principale, un magnifique portail en fer forgé. L’inquiétude de Lyne diminua aussitôt. Ils avaient enfin des renforts. Ceux-ci, plus habitués à la royauté que les troupes de Padisal, reconnurent le prince malgré son accoutrement. Ils le saluèrent respectueusement, non sans adresser des regards intrigués à sa protectrice, puis ouvrirent l’accès à la voie pavée qui rejoignait le grand hall de l’ambassade.
À une quinzaine de mètres de ce dernier, l’attention de Lyne fut happée par une sculpture de marbre à la gloire d’Erell. Revêtu d’un plastron et d’une longue cape noire à liseré argenté, le premier roi y était représenté dans une posture victorieuse, brandissant un glaive vers le ciel de sa main droite, et serrant la première constitution erellienne dans sa gauche. Quant à son regard grave, il fixait les visiteurs avec intensité, comme pour les avertir qu’il veillait encore sur les siens, ou les exhorter à accomplir autant que lui.
La prétorienne hocha silencieusement la tête. Elle ne se déroberait pas à son défi. Elle tourna ensuite les yeux vers son équipier, moins intéressé par la statue que par les tarins qui piaillaient dans les buissons alentour. Le nez, le menton, peut-être les sourcils. Il restait peu des traits du libérateur chez ses descendants. Hélas, cela n’empêchait pas les Erelliens de s'orgeuillir que son sang coule toujours dans leurs veines. Pour Lyne, c’était presque une trahison. L’héritage du roi était ses valeurs, pas son ascendance. Tant que ses dirigeants les respecteraient, elle n’aurait cure de leur généalogie.
Elle esquissa un sourire à cette pensée, le courage et le dévouement de Soreth auraient fait la fierté du libérateur, mais le perdit en se souvenant du prix de cette parenté et des cicatrices de son ami. Même si elle n’avait pas osé lui en reparler depuis la grange, elle savait à ses absences et ses migraines que sa mission continuait de le hanter. Toutefois, elle n’avait aucune idée de ce qu’elle pouvait faire pour l’aider.
Une fois la statue passée, les cavaliers s’arrêtèrent devant l’entrée principale du bâtiment. Deux domestiques les y saluèrent et, tandis que les prétoriens descendaient de leurs montures, les informèrent que les responsables ne tarderaient pas à arriver. Ils achetèrent ensuite la loyauté de leurs chevaux en leur promettant de l’avoine et du foin, et les entraînèrent tranquillement vers les écuries.
Dès qu’elle fut certaine que tout irait aussi bien pour Zmeï que pour la palefrenière qui s’en occupait, Lyne tourna le regard vers la porte du grand hall. Juste à temps pour voir apparaître l’ambassadeur Trisron, ainsi que les assistants et assistantes qui l’accompagnaient. Le diplomate en chef portait des vêtements pourpres et raffinés, proches de ceux que l’on trouvait à la cour erellienne, mais y avait ajouté une lourde cape bleue foncée, dont l’ouverture sur le côté s’inspirait des styles valéens. En plus de son costume élégant, il avait parfaitement rasé son visage, coiffé avec soin ses cheveux blonds, et adroitement souligné la profondeur de ses yeux d’une touche de khôl.
Brusquement consciente de ne pas être à sa place devant autant de sophistication, Lyne recula derrière Soreth avec le vain espoir de cacher le sang et la poussière qui la maculaient. Cela fit sourire l’ambassadeur, loin d’être un débutant en matière d’intimidation.
De ce qu’elle en savait, il avait rejoint Hauteroche pour ses vingt ans, s’était hissé à son sommet en une quinzaine d’années, et la gérait depuis presque aussi longtemps. Soreth l’avait décrit comme un fin politicien qui n’aimait pas que l’on empiète sur son domaine. À en juger l’air hautain qu’il affichait, elle n’avait aucun mal à le croire.
Trisron s’arrêta à trois pas du prince et le salua d’une révérence parfaite, à l’instar de ses cinq assistants.
— Bienvenue dans notre ambassade, Votre Altesse. C’est pour nous un honneur et une joie de vous recevoir.
— Merci pour cet accueil, comte Lefram. C’est aussi un plaisir pour moi de revenir en ces lieux. Ma dernière visite fut bien trop courte.
Le diplomate opina, se releva gracieusement et, s’approchant de son interlocuteur, reprit la parole d’un ton presque inquisiteur.
— Bien que le prince Milford m’ait prévenu de votre venue, je crains qu’il n’ait oublié d’en préciser les raisons. Pourriez-vous y remédier ?
Soreth acquiesça sans s’offenser de cette critique à peine voilée et répondit en souriant.
— Au vu des difficultés de Hauteroche, ma mère a estimé que l’envoi d’un représentant de la famille royale serait un bon gage de solidarité. Il se trouve que j’étais le plus près.
— Je vois, commenta l’ambassadeur, dame Thescianne est toujours aussi sage. Toutefois, ajouta-t-il à voix basse, peut-être vous devriez vous laver et vous changer avant de vouloir représenter notre nation.
Des sourires discrets apparurent dans les rangs des diplomates. Lyne fronça les sourcils. Elle n’avait rien contre les plaisanteries sur la couronne, mais elle n’appréciait pas ce que le comte sous-entendait en se moquant de leurs habits. Surmontant sa gêne, elle repassa devant son équipier et planta ses yeux dans ceux de Trisron.
— Lorsqu’Erell prêta serment de défendre le peuple, il ne portait sur le dos qu’une grossière armure de cuir tachée de sang. Cela ne l’a pas empêché d’être le plus grand des rois. Pas plus que la poussière qu’il récolta en parcourant les routes, ou en se joignant aux siens pour bâtir Lonvois. À l’instar de son ancêtre, Son Altesse Soreth n’est en rien moins digne de représenter l’Erellie quand il est couvert de la terre de notre nation.
Un silence pesant s’installa dans la cour. Ceux qui avaient osé rire aux moqueries du diplomate contemplèrent subitement leurs pieds. Les regards des autres allèrent de la prétorienne énervée à l’ambassadeur impassible, en s’arrêtant sur le prince qui ne s’était pas départi de son sourire.
— Permettez-moi de vous présenter Lyne, intervint celui-ci après d’interminables secondes, ma protectrice et notre dernière recrue au sein de la garde royale.
Il y eut un nouveau blanc, puis Trisron salua la soldate d’une voix bien trop affable.
— Je suis enchanté de vous rencontrer, dame Lyne. J’ai entendu le plus grand bien de votre talent. Il ne fait aucun doute que Son Altesse sera en sécurité à vos côtés.
Il marqua une pause, les yeux brillants d’une malice à peine contenue, puis ajouta sans une trace de sarcasme.
— Vos parents doivent être honorés de cette promotion.
La guerrière serra les dents. Trisron avait bien fait ses devoirs. Malheureusement pour lui, ses rapports avaient oublié de mentionner le caractère de la prétorienne. La main de Lyne descendit lentement vers son épée, puis un rictus se dessina sur son visage lorsque la cour de Trisron recula d’un pas. Il lui avait fallu de nombreux duels pour apprendre aux imbéciles de l’académie militaire à se taire en sa présence. Si elle devait recommencer avec ceux de Hauteroche, elle préférait s'y mettre rapidement.
— J’espère que votre lame est aussi acérée que votre langue, monsieur le comte. Il serait regrettable que Son Altesse doive vous trouver un suppléant pour les semaines à venir.
Surpris par la riposte, l’ambassadeur se tourna vers le prince en arborant une expression choquée.
— Vous n’allez pas la lai…
— Vous êtes notre meilleure diplomate, le coupa Soreth d’un ton narquois, je suis sûr que vous saurez vous tirer de cette situation.
Les yeux de Trisron revinrent vers la garde royale, non sans s’attarder sur son épaule ensanglantée. Son rictus s’élargit. Les insultes ne marchaient que pour ceux qui voulaient jouer. Elle n’en faisait plus partie depuis longtemps. Perdant de sa superbe, le comte secoua la tête pour refuser son défi et s’excusa d’une voix mielleuse.
— Je suis désolé si mes propos vous ont offensés d’une quelconque manière. Je n’escomptais que noter l’ascension qui fut la vôtre et qui aura certainement ravi ceux qui vous ont vu grandir. Soyez sûr que je choisirai plus prudemment mes mots la prochaine fois.
Lyne acquiesça et retira la main de son épée. Si l’ambassadeur reconnaissait ses erreurs, il serait plus facile à éduquer que les autres.
— Je suppose que tout le monde peut se tromper un jour ou l’autre.
Les diplomates autour d’eux se détendirent, soulagés par la tournure des évènements, puis Soreth reprit nonchalamment la parole.
— Maintenant que vous avez fait connaissance, nous allons nous reposer une petite heure dans nos appartements. Nous nous retrouverons ensuite pour discuter de ce que nous pouvons faire pour Hauteroche.
— Très bien, Votre Altesse. Il me tarde de travailler avec vous.
Balayant ses subalternes du regard, le comte désigna une jeune femme aux cheveux bouclés d’un mouvement de tête.
— Selenia vous guidera à vos chambres. C’est l’une de nos meilleures représentantes. Elle vous résumera les changements politiques de la cité depuis votre dernière visite.
La diplomate avança de quelques pas et s’inclina à nouveau.
— N’hésitez pas à me poser toutes les questions que vous voudrez, Votre Altesse. Je m’efforcerais d’y répondre au mieux.
Lyne adressa un sourire à la fonctionnaire, plus polie que Trisron, et Soreth hocha la tête avec gratitude.
— Voilà qui est parfait. Merci beaucoup.
Il tourna ensuite le dos à ses interlocuteurs et se dirigea vers l’entrée du bâtiment.
— Allons-y ! Il me tarde de prendre un bain chaud.
Le hall de l’ambassade était plus petit que la salle du trône de Lonvois, mais n’avait rien à lui envier en prestance. De nombreux tableaux et plusieurs plantes grimpantes égayaient ses murs, son sol était couvert d’un dallage de marbre gris bleuté, et cinq gigantesques chandeliers en cristal pendaient à son plafond sculpté. Lyne n’avait jamais vu autant de démesure. Si le bâtiment avait été construit pour impressionner ses visiteurs, il s’en sortait bien. Un peu partout, des gens en livrée élégante passaient d’un couloir à l’autre pour se rendre dans les diverses parties de l’édifice, tandis que quatre soldats, un homme noir et trois femmes, gardaient l’endroit. Deux étaient postés devant la porte principale, deux autres au pied d’un grand escalier en marbre.
Le trio emprunta ce dernier, la guerrière restant en retrait maintenant que l’excitation de sa confrontation avec Trisron était retombée, et arriva dans un vaste corridor décoré par les portraits des anciens rois et reines erelliennes. Lyne esquissa un sourire fugace en les reconnaissant. C’était agréable, et plutôt rassurant, de constater qu’à des centaines de kilomètres de la capitale les Erelliens partageaient toujours la même histoire.
Les prétoriens et leur guide tournèrent sur la gauche, dans un couloir moins spacieux mais aussi luxueux, et Soreth interrogea la diplomate sur la situation politique du quartier nord. Brièvement intimidée par son interlocuteur, sans que son amie ne sache si s’était à cause de son statut ou de son charmant visage, Selenia retrouva rapidement son aisance et leur apprit que l’ancien conseiller du secteur nord avait perdu les élections au profit d’une jeune paysanne nommée Keyne. Appréciée par ses concitoyens pour son esprit affûté et sa bienveillance, elle subissait néanmoins de lourdes critiques depuis l’affaire des silos. Ses détracteurs accusaient son manque de poigne d’être responsable de la désertion des soldats. Ses partisans se demandaient s’il ne fallait pas quelqu’un de plus expérimenté qu’elle pour gérer la crise. Elle disposait heureusement encore de l’approbation du conseil, d’autant plus forte que personne n’avait eu le courage de se proposer à sa place. De son côté, le vieux capitaine du quartier nord, le héros de guerre Yllan Quarno, faisait de son mieux pour aider sa partenaire et garder le calme dans le secteur.
Alors que Selenia terminait son explication, le trio arriva devant la magnifique porte ouvragée de la chambre royale, sur laquelle était incrusté le kraken d’argent erellien. Lyne passa la première, fidèle à ses habitudes. Elle balaya du regard la pièce en quart de cercle, fouilla la penderie qui s’étendait sur la moitié intérieure du mur, et inspecta le dessous du lit à baldaquin dans lequel dormirait le prince. N’y trouvant aucune menace, il fallait dire que l’ambassade contenait de nombreux soldats, elle rejoignit Soreth qui discutait avec la diplomate sur le pas de la porte. Il lui adressa un sourire discret, remercia ses interlocutrices, et s’enferma dans sa chambre pour goûter au bain chaud qui l’y attendait.
Selenia en profita pour emmener la guerrière à l’alcôve qui lui était réservée, une dizaine de mètres plus loin.
— Voici la chambre qu’utilisent les gardes royaux en fonction, expliqua-t-elle avant d’ajouter d’une voix ennuyée, je ne sais pas si elle sera très confortable pour un long séjour. Elle est pratique pour sa proximité avec les appartements royaux, mais normalement ses occupants y restent peu de temps avant de se relayer.
Soulagée de retrouver un environnement familier, Lyne secoua la tête pour la rassurer.
— Ne vous en faites pas. Cela ne doit pas être bien pire qu’une caserne.
— Je vous le souhaite. Les domestiques ont dû vous préparer de quoi vous laver à l’intérieur. Je demanderai aussi à deux de nos soldats de surveiller le prince jusqu’à ce que vous soyez prête.
— Oh ! lâcha la prétorienne légèrement surprise. Merci. Je… je n’avais pas vraiment pensé à cette histoire de garde. Assurer seule la protection de Soreth m’a donné de mauvaises habitudes.
Selenia lui adressa un sourire encourageant.
— C’est normal, surtout si vous débutez dans un environnement inconnu. Je suis sûre que vous trouverez vite vos marques.
— Je l’espère. Pour l’instant, tout me semble à la fois étrangement familier et complètement différent.
— L’ambassade fait cet effet à beaucoup. En Erellie ce sont les actes de nos dirigeants qui importent. Céans, les apparences comptent tout autant. C’est déstabilisant au début, mais on s’y fait.
Arborant ensuite une grimace amusée, elle ajouta à mi-voix.
— Avec le temps, on risque même de finir par ressembler au comte. Heureusement qu’il y a des personnes comme vous pour nous rappeler nos priorités.
Lyne s’autorisa un sourire.
— Soyez sûr que c’est un rôle que je prends très à cœur.
La diplomate pouffa, puis la salua, elle avait beaucoup de travail, et disparu dans le couloir. Lyne la regarda partir, rassurée que tous les habitants de l’ambassade ne soient pas aussi désagréables que Trisron, puis, tout en espérant qu’elle arriverait à s’habituer à Hauteroche, poussa la porte de sa chambre d’une main fatiguée.
De taille modeste et sans fenêtres, l’alcôve des gardes royaux contenait une vieille armoire en chêne, un petit bureau vide, un râtelier pour l’équipement et un lit garni de plumes. Comme promis, un baquet rempli d’eau fumante trônait au milieu de la pièce, tandis que des vêtements propres, une cotte de mailles et un tabard erellien étaient posés à côté. Lyne s’en sentit immédiatement mieux et, après une pensée reconnaissante aux serviteurs des lieux, entra dans le bain avec délectation.
Je suis contente d'avoir "autant" à lire en fait, finalement, c'est plutôt sympa!
Je rebondis un peu sur la blessure, moi j'ai trouvé la "résistance" de Lyne plutôt bien équilibrée, même si je m'attendais à ce qu'elle dorme après la suture, et pas pendant.
J'aime tes descriptions du quartier et de l'ambassade. Par contre, c'est peut-être que je lis beaucoup d'histoires avec des trahisons, mais je suis pas sûre qu'ils se soient fait des amis avec l'ambassadeur et Sélénia haha !
Quelques remarques:
> "Après qu’elle ait fait fuir" > je suis nulle en cohérence des temps, mais pour moi il faudrait "après qu'elle eut fait fuir",
> "son ami alla en partager le trognon entre leurs montures" > ça sonne très moderne et "riche" de ne pas manger le trognon. Que Soreth file ses trognons aux chevaux ça ne m'étonne pas, mais si Lyne a grandi dans un contexte difficile, elle a pu prendre l'habitude de manger les trognons (je connais plein de gens qui mangent les trognons)
> "je ne sais pas s’il sera très confortable" > pour moi alcôve est féminin, du coup il y a plusieurs erreurs d'accord dans le paragraphe
> "Soyez sûr" > Lyne s'adresse à une femme, donc elle dira "soyez sûre" (bon ok, à l'oral ça ne change rien, mais c'est pour le principe ^^)
C'est vrai que c'est parfois frustrant de lire parties par parties alors qu'on dévorerait un roman beaucoup plus vite ^^
Je ne dirais rien sur les trahisons... rien de rien.
Cette histoire de trognon est intéressante, je connais quelques personnes qui le mange aussi je crois, mais je les considère comme des rustres :P Plus sérieusement, c'est peut-être une histoire d'argent oui (comme les oreilles de porc), après les erelliens mangent à leur faim normalement, donc... je ne sais pas. Je vais y réfléchir ^^
Je pensais alcôve masculin, c'est visiblement une erreur courante il va falloir que je corrige cela.
Tu as bien raison pour les dialogues, antidote est très mauvais pour cela et ma piètre orthographe n'aide pas.
Merci pour tous tes retours et au plaisir de lire les prochains !
J'ai à nouveau trouvé ce chapitre fort efficace et bien construit !
Je suis quand même à chaque fois surpris que Lyne résiste physiquement aussi bien alors qu'elle est blessée, ou alors je surestime trop ses blessures ! Je trouve très intéressant que Soreth doive l'encourager à se détendre ! Mais alors quelle tête de mule quand elle s'en prend à l'ambassadeur ! Ceci dit, c'est très gai de la voir remettre ainsi à sa place un intriguant !
Minuscule détail, il manque un mot dans le passage suivant : "Lyne recula derrière Soreth avec le vain espoir de cacher le sang et la poussière la maculaient"
A très bientôt pour la suite !
Merci pour ce commentaire.
C'est toujours un peu difficile d'estimer l'état de quelqu'un suite à une blessure, alors je ne suis pas complètement sûr de moi ^^' Ici, c'est "juste" une coupure de couteau sur une partie non vitale. Donc j'ai joué surtout sur l'adrénaline et la perte de sang. En comptant sur la pierre d'Eff et l'entrainement de Lyne, c'est difficile de correctement voir comment elle va réagir. Je vais essayer de rester vigilant sur les incohérences tout de même.
Encore merci et à très bientôt.