Chapitre 21 : Ceux à qui je dois de vivre (2/2)

Notes de l’auteur : évidemment, plus hâte de vous lire que jamais !!

Deux semaines plus tard

— Bonjour, Hildje. Vous pouvez vous installer sur le fauteuil, à côté de l’armoire.

— On peut pas le faire sur une chaise ?

— Vous allez rester une demi-heure, autant se mettre à l’aise.

— Ça peut pas être plus rapide ?

— Tout dépend ce que vous êtes prête à donner aujourd’hui.

— La vérité, c’est que j’ai pas très envie de vous parler, soufflai-je.

— C’est normal, nous n’avons pas encore appris à nous connaître. On ne vous a peut-être même pas dit mon nom. Je m’appelle Ylïs et j’exerce dans ce cabinet depuis trois ans. Je suis beaucoup d’adolescents mais aussi des jeunes adultes.

— C’est Julve qui a insisté pour que je vienne. Elle m’a dit que vous l’aviez beaucoup aidée.

— Mon métier est d’aider mes patients à utiliser leurs propres ressources. Julve n’en manquait pas.

— J’en ai pas autant qu’elle.

— On ne vous a peut-être jamais dit que vous en aviez. Mais parlez-moi un peu de vous.

— De moi ? Mais vous voulez que je dise quoi ?

— Vous pouvez me dire qui sont les gens qui comptent pour vous.

Après un nouveau haussement d’épaules, je cédai. Je parlais en désordre des personnes que j’aimais, qui avaient marqué ma vie. Par quelques questions habiles, Ylïs me poussa à parler de mon enfance au Château, de mauvais comme de bons souvenirs. Malgré ma réticence première, tous les chemins menaient à Hinnes et je commençais à parler de notre amitié en long et en large. Je ne parlai pas de sa mort et elle respecta que je le taise, même si, j’en étais sûre, elle l’avait déjà devinée. Après que j’aie raconté la semaine que j’avais passée chez lui à Dellval, elle m’annonça :

— Merci beaucoup de vos réponses, je vais vous laisser tranquille.

— C’est déjà fini ?

— Quarante minutes c’est bien pour une première fois.

Choquée de la vitesse à laquelle s’était écoulée la séance, je me levais du fauteuil en panique. À trop tarder, j’allais manquer le dernier train pour Velas. Je rejoignis Ylïs à son bureau, payai la consultation puis remis mon manteau. Alors que je me rhabillai, elle me demanda :

— Qu’en avez-vous pensé ?

— Vous arrivez trop tard. J’aurais dû vous rencontrer il y a bien longtemps. C’était la petite Hildje qui avait besoin de vous. Qui avait besoin d’être écoutée quand elle était en colère, d’être comprise par au moins un adulte.

— Vous savez, je pense que la petite Hildje est toujours là. Il est temps qu’elle puisse enfin s’exprimer.

Ylïs montra mon cœur du doigt et je baissai les yeux un peu stupidement, touchée par la justesse de sa remarque.

— Si vous êtes d’accord, ajouta-t-elle, on peut se retrouver dans un mois.

— Faut que j’y réfléchisse.

— Prenez le temps qu’il faudra. Si vous voulez poursuivre, appelez-moi pour choisir une date.

Ylïs se leva, m’ouvrit la porte. Je l’accompagnais, fit deux pas dans le couloir avant d’aussitôt me retourner :

— C’est bon. Je suis d’accord pour revenir. Mais je veux un rendez-vous d’une heure.

*

Un mois plus tard

Il n’avait fallu que deux rendez-vous pour que je lui raconte Emisal, que je lui parle de Liiva. Ylïs était demeurée de marbre alors que je décrivais notre amourette d’une voix nostalgique. En quelques questions, elle avait réussi à me faire pleurer. J’avais pourtant cru que le temps aurait joué son rôle, que ce passé ne m’atteindrait plus. Je m’étais trompée. En évoquant notre séparation, ma voix s’était hachée alors que je revivais l’éclatement de mon cœur. Je me souvins combien notre discussion m’avait fait mal. Je l’avais ressentie comme un rejet, un nouvel abandon, que son mot n’avait qu’en partie adouci.

— Tu voudrais la revoir ?

Quelques mois plus tôt, je n’aurais pas hésité. Je m’étais surprise à répondre :

— Non. C’est du passé. Elle a fait sa vie, moi la mienne.

— Tu as terminé le dessin d’oiseau qu’elle t’avait donné ?

J’avais secoué la tête, surprise qu’elle insiste sur ce détail, à mes yeux anecdotique.

— Ne penses-tu pas que cela serait une belle manière d’achever votre histoire commune ? Pour te permettre d’en écrire de nouvelles.

Et voilà que je tenais ce vieux dessin chiffonné entre les doigts, seulement deux jours après mon entretien avec Ylïs. J’avais dessiné les ailes du milan, qui remontaient jusqu’au bout du papier, assez larges pour voler jusqu’aux nuages. Mon trait n’était pas aussi précis que celui que Liiva mais je trouvais le résultat joli. Il symbolisait bien ce que cette rencontre avait signifié pour moi. Je marchais avec Julve sur le trottoir, ma main dans la sienne. Elle me conduisit jusqu’à l’appartement, situé dans une ruelle étroite et sale. Nous dûmes contourner de nombreuses poubelles avant d’arriver devant sa boîte aux lettres. Julve monta sur le perron, leva le bras vers la sonnette mais je l’interrompis :

— Non. Je veux seulement déposer le dessin.

— Comme tu veux.

J’ouvris la boîte et y glissai le papier, achevant une vieille promesse. J’acceptai que l’histoire avec ma première amoureuse était finie. Puis je me tournai vers Julve, resplendissante dans sa jupe bleu ciel. Ylïs avait raison : il était temps d’en écrire de nouvelles.  

*

Deux jours après notre excursion chez Liiva, Julve partit. J’eus beau insister, argumenter, elle demeura inflexible. Elle me révéla qu’elle allait retrouver sa sœur, qui l’avait appelée, six mois après leur séparation. Je sentis dans sa voix qu’y aller n’était pas une joie, une envie, mais une nécessité. Julve nous remercia longuement pour notre accueil, et nous organisâmes une fête avec des amis du village. Astrée lui dit qu’elle serait toujours la bienvenue en tant qu’invitée ou employée à la maison des fleurs. Givke lui offrit un bouquet de sa composition, Oracio un dessin. Elle pleura. Nous sortîmes à deux dans la forêt éclairée du jour mourant. Je lui avouai mes sentiments naissants, elle me prit dans ses bras. Le lendemain, elle n’était plus là.

Cette séparation créa un nouveau vide, creusa l’abîme qui avait percé mon cœur le jour de la mort d’Hinnes. Mon ami recommença à m’obséder. Le travail, les présences de Givke et Astrée ne suffisaient plus à m’apaiser. Seuls les moments passés avec Oracio me faisaient tout à fait oublier mon deuil. Consoler ses réveils angoissés en pleine nuit me faisait me sentir forte. Sa spontanéité, ses joies et ses nombreuses colères, ses bêtises et ses découvertes : avec lui, tout m’animait. La relation que je développais avec lui me fascinait. Je me surprenais à grimacer, mimer et jouer comme je ne l’avais jamais fait enfant. Tout valait son sourire.  

Astrée avait décidé de fermer la maison pour que nous partions en vacances avant l’été, la pleine saison. Je savais que son repos n’était pas sa principale préoccupation : elle voulait nous divertir, Oracio et moi. Permettre à l’enfant de voyager et découvrir, à moi de sortir de mes tristesses et ruminations quotidiennes. Nous étions partis à la mer.

Voilà que j’étais assise sur le sable, à l’ombre d’un parasol, en jupe courte et débardeur, devant celle qui m’inspirait tant de peur. Je frissonnais en voyant l’écume de ses vagues se jeter aux pieds de Givke et d’Oracio, qui couraient en sautant dans l’eau. J’avais l’impression que la mer pouvait me les arracher en un instant. Je n’arrivais pas à détourner les yeux de ce spectacle angoissant, seulement rassurée par la silhouette d’Astrée, qui me souriait.

En même temps, l’odeur de sel et de pins, l’air humide et la texture du sable sous mes jambes me rappelaient Emisal. Le paysage ensoleillé, le bruit des vagues, les éclats de rire, la chaleur du soleil sur ma peau nue me ramenaient à cet été magique. Les randonnées, les grands jeux, les discussions, les visites et les veillées me revenaient à l’esprit aussi clairement que si je les avais vécus la veille. Au cœur de cette illusion, j’imaginais Hinnes près de moi, silencieux, comme à son habitude. Un cri d’Oracio brisa le mirage :

— Tia, tu viens avec nous ?

De sa petite main potelée, il m’invitait à le rejoindre, à sauter dans les vagues avec lui. Mon cœur se serra d’angoisse à cette idée. Tout me poussait à refuser mais à Oracio, j’étais incapable de dire non. Je n’aurais qu’à marcher avec lui et m’arrêter au bord de l’eau. D’un pas timide, le cœur battant, je suivis ses petites traces dans le sable. Je levais les yeux pour ne pas voir où j’allais, vers les mouettes. Cependant, le fracas des vagues et les éclats d’écume m’empêchaient d’oublier ma destination. Je me sentais faible, les jambes flasques et les bras tremblants. Pourtant, je marchais toujours.

Chaque pas était lourd d’une appréhension que je n’aurais pu vaincre sans le rire d’Oracio. Ce rire si rare et si précieux. Ce rire qui disait quelque part que nous étions en train de réussir à rendre heureux cet enfant malgré ces traumatismes. Ce rire qui chantait la résilience, l’espoir et le courage. Il fut mon hymne alors que j’aurais voulu m’effondrer, comme je m’étais effondrée dans la neige. Mon esprit s’enflammait, terrifié par ce que je m’apprêtais à faire. Il avait perdu le contrôle de mon corps, qui se laissait entraîner dans une marche vers la mer, symbole de mort.

Soudain, mon pied rencontra de l’eau. Il y eut un léger clapotis, comme si j’avais marché dans une flaque. Oui, ça n’était que cela : une flaque. Pourtant, mon corps se raidit tout entier tandis que j’étais envahie d’images d’horreur : l’eau mêlée du sang des miens, massacrés sous les fusils, l’eau de la piscine d’Osivel. Mon pied fourmilla et je l’imaginais se dissoudre dans cette mer maudite comme dans de l’acide. Rien ne se passa. Au lieu de cela, Oracio revint sur ses pas pour me prendre la main, il leva ses petits yeux vers les miens, comme pour chercher en moi ce qui pouvait provoquer tant de peur et de détresse. L’instant d’après, une autre main saisit la mienne et Givke me demanda :

— Tu veux y aller ?

Mon visage trembla quelques secondes avant de dessiner un acquiescement. Avec elle, avec lui, c’était possible. Je levai le pied et le reposai plus loin, encore et encore. Je ne me focalisais que sur ces gestes simples, les présences de Givke et d’Oracio. Une vague un peu plus large que mes autres mouilla ma jupe, me rendant conscience. L’eau m’arrivait au genou, au nombril d’Oracio. Tout allait bien. D’autres souvenirs me saisirent soudain. La soirée où j’avais osé plonger dans une baignoire au Château, des mains douces qui m’entraînaient dans un bassin : celles de ma mère. C’était le premier souvenir qui me revenait d’elle. Il était si doux.

Je ne sentis plus que mes doigts entrelacés dans ceux de Givke, la chaleur de la paume de son fils, les caresses de l’eau. Je ne vis plus que les reflets brillants de la mer baignée de soleil. J’étais debout, j’étais forte.

Que c’était bon.

*

Une semaine plus tard

Je reposai le carnet d’Hinnes au coin de mon bureau en entendant frapper à la porte. Je séchai mes yeux humides avant de me lever. Découvrir Givke dans le couloir suffit à me rendre le sourire. J’entendis les babillements d’Oracio, sans doute occupé à jouer en bas avec Astrée. Nous partageâmes une courte étreinte puis je l’invitais à entrer. Elle s’assit à côté de moi, sur mon lit aux draps gris. Comme tous les soirs, Givke sortit son carnet et un crayon et dessina quelques lettres modèles que je devais reproduire. Un mois plus tôt, je leur avais demandé, à Astrée et elle, de m’apprendre à écrire.

À raison de deux ou trois séances par jour, j’étais parvenue à maîtriser la grande majorité de l’alphabet, à assembler les mots et construire mes premières phrases. Cet apprentissage fastidieux me permettait de rêver d’un jour produire des textes, d’imaginer raconter mon histoire. Je ressentais l’urgence de coucher sur le papier tous les souvenirs qui restaient dans ma tête. Pour ne jamais rien oublier.

Nous travaillâmes une dizaine de minutes, tout en assistant au rougeoiement du ciel du soir, qui peignait les murs de sa lumière écarlate. Puis Givke referma le carnet et me regarda droit dans les yeux. Je compris qu’elle devait me parler.

— Bravo, t’as beaucoup progressé. Il nous reste une semaine pour que tu arrives à écrire ces fichus accents !

— Quoi ?

— Je vais repartir à Tonval, reprendre des études.

— Et Oracio ?

— Je le prendrai avec moi. Je ne serai pas seule. L’année dernière, j’ai rencontré un garçon là-bas et on n’a pas arrêté de s’écrire. Je crois que c’est sérieux. On va prendre un appartement ensemble.

Celle que j’étais autrefois aurait plongé dans une colère noire en apprenant cette douloureuse nouvelle. Ce ne fut pas mon cas. Sans le réaliser pleinement, j’avais pressenti que Givke partirait, avec son fils. Malgré tout l’amour qu’elle nous portait, je savais qu’elle aspirait à autre chose qu’une vie à la maison des fleurs. Nos vacances à la mer avaient eu un parfum d’au revoir. Si Givke avait raté sa précédente année, c’était pour rester avec moi, je ne pouvais lui en vouloir. Je fus seulement curieuse de savoir ce qu’elle projetait, où elle habiterait, inquiète de son bonheur.

— Tu reprends les langues ?

— Non. J’ai demandé à changer de licence. C’est plus ça que je veux faire. Je vais étudier la psychologie, pour comprendre ce qui est au fond de moi, pour comprendre les autres. Au fond, je crois que c’est ça qui m’intéresse le plus.

Le visage d’Ylïs en tête, je répondis en souriant :

— C’est un super bon choix. Je suis sûr que ça te plaira.

— Hil’, je vais emménager dans deux semaines et je me disais que tu pouvais m’accompagner, pour passer quelques semaines avec nous à Tonval. J’ai plein de beaux endroits à te montrer.

— J’aurais adoré, vraiment. Je ne peux pas, j’ai déjà quelque chose de prévu cet été. Je viendrai à la rentrée.

Nous parlâmes longtemps après la tombée de la nuit de nos projets respectifs. Lorsque Givke se leva, malgré les six jours qui nous restaient, notre bonsoir avait déjà un goût amer d’au revoir.

*

Deux semaines plus tard

L’orage éclata dans la dernière heure de trajet, alors que nous traversions une vallée au milieu des forêts de pins. La pluie alla croissant jusqu’à devenir torrentielle et le ciel se couvrit de nuages noirs dont jaillirent plusieurs éclairs. Lorsque le bus s’arrêta à mon arrêt, je n’avais qu’une veste légère pour me protéger du déluge. Je fus trempée avec ma valise en moins de deux minutes. Par chance, Eemke arriva peu après, conduisant la petite automobile bleu pastel de Daanio. Celle avec laquelle il m’avait conduite à l’hôpital, trois ans plus tôt.

— Bonjour, Hildje. Monte vite !

Je chargeai ma valise dans le coffre et m’assit sur le siège passager.

— Désolée, je suis trempée.

— T’inquiète pas, vu la météo d’ici, tu seras sèche en quelques heures.

Eemke posa sa main dans mon cou et m’embrassa doucement le front. Je fermai les yeux en profitant de ce baiser qui m’avait tant manqué. Nous ne nous étions plus vues depuis le mariage, où le temps s’était trop vite échappé. Je lui rendis ce geste d’affection tandis qu’elle démarrait la voiture. Nous nous élançâmes sur les routes sinueuses qui conduisaient à la mer, où pullulaient déjà cyclistes et promeneurs.

— C’est bien que tu sois venue un peu avance, me dit Eemke. On a beaucoup de travail de préparation avant l’arrivée des premiers enfants.

— Ça me fait bizarre de me dire que je vais travailler avec toi.

— Moi aussi, rit-elle. Mais ça me rend surtout très heureuse. Je suis sûre que tu vas devenir une super animatrice. Tu vas voir, c’est un métier incroyable, même si on gagne pas grand-chose.

— J’aurais bien aimé qu’Hinnes vienne avec moi. Il aurait tellement aimé tout ça.

Eemke détourna un instant le regard de la route pour m’offrir un sourire mi-triste mi-réconfortant. Nous partageâmes un silence en forme d’hommage, tandis que les gouttes de pluie battaient sur la carrosserie. Nous pensions toutes deux à lui, et les souvenirs défilaient comme les conifères par les carreaux. Alors que paraissaient au loin les maisons blanches, Eemke brisa ce recueillement pour me dire :

— Daanio m’a dit que c’était toi qui l’avais encouragé à me parler. Sans toi, on se serait peut-être jamais retrouvés, tu sais. Merci pour ça.

— Je suis sûre que si. Vous êtes faits l’un pour l’autre.

— C’est gentil.

La voiture freina pour franchir le dernier croisement, grimpa la pente et longea les trois maisons avant de se garer avec les autres véhicules. Eemke me tendit un manteau à capuche et nous sortîmes en courant. Une roue de ma fragile valise se cassa sur le chemin de pierre et je dus la traîner en riant des moqueries de ma compagne. Heureusement, nous n’eûmes pas à aller loin. Ils nous attendaient sous le préau de la troisième maison, près de la piscine où j’avais vu Liiva pour la première fois.

Ce jour-là, ce fut Julve qui courut vers moi, me sauta dans les bras. Son contact me remplit le cœur d’allégresse. Elle m’avait terriblement manqué. Nous restâmes accrochées par les coudes, en nous regardant comme si nous nous découvrions pour la première fois. Avant de me lâcher, elle me chuchota à l’oreille.

— T’es belle.

— Toi aussi, répondis-je à voix haute.

Julve éclata d’un rire franc, de ce rire qui me plaisait tant. Elle m’accompagna jusqu’au préau et son toit d’ardoise. Bien sûr, je marchai vers celui qui, mieux que personne, incarnait ce que lieu signifiait de merveilleux. L’homme qui, en m’apprenant à dire pardon, avait transformé un début de cauchemar en rêve éveillé. Il souriait à pleine dents, le regard malicieux. Je me blottis dans ces bras comme s’il était mon père, et je crois qu’en fait, il l’était un peu. Ce fut à cette étreinte que je réalisais enfin la beauté de ce qui m’arrivait, les belles promesses de l’été. L’émotion me noua tant la gorge que je ne pus même pas articuler un bonjour. Je crois que Daanio le sentit. Il me caressa le cou et m’embrassa le front avant de m’accueillir de sa voix rassurante :

— Tu ne peux pas savoir à quel point j’ai attendu ce moment. Bienvenue à Emisal. Bienvenue chez toi.

*

Si vous saviez combien mon stylo tremble à l’heure d’écrire ces lignes. Je n’ai jamais été aussi proche de finir. J’aurais pourtant encore tant de choses à écrire, sur les malheurs et les joies qui ont traversé ma vie. Mais il n’y avait pas de meilleur endroit qu’Emisal pour terminer ce voyage. Voilà où devait s’achever mon histoire, du moins sa première partie.

Je voudrais offrir mes derniers mots à toi, qui m’a le premier donné envie d’écrire. Pour que je n’oublie jamais qui tu étais, combien je t’aimais. Hinnes. Je pense tous les jours à toi.

À toi, qui m’a appris à faire de l’encre des mots, de mes souvenirs cette histoire. Tu as été la bouée des pires moments de mon existence. Givke. Que serais-je sans toi dans ma vie ?  

À vous qui m’avez donné la force de ne jamais arrêter de remplir ces pages. Daanio. Eemke. Astrée. Julve. Liiva. Isaë. Oracio. Ylïs. Et tous les autres.

Merci à vous qui avez vu au-delà de l’enfant exécrable. Merci à vous qui m’avez tellement donné sans attendre en retour. Merci à vous qui m’avez aimée alors que je ne m’aimais pas moi-même. Merci à vous qui m’avez sauvée des affres de la colère. Merci à vous qui avez donné le sens dont ma vie a parfois tant manqué.

Vous avez fait de moi une femme qui tient debout. Vous m’avez montré que, dans tout ce malheur, je pouvais être une lumière qui brille. Vous m’avez transmis la volonté d’être à mon tour celle qui aide, celle qui relève, celle qui inspire. Pour vous, je n’aurais jamais assez de mercis.

Vous m’avez aidé à muer ma haine en paix et ma colère en amour.

Je vous dois de vivre.

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annececile
Posté le 03/06/2025
J'ai lu d'un trait les chapitres que je n'avais pas encore decouvert, et je vais etre directe : j'aime beaucoup.

Comme tu t'en souviens, j'avais un peu de mal au debut, toutes ces catastrophes qui accablaient la pauvre narratrice, je me suis accrochee parce que j'ai confiance en toi et comme j'ai bien fait !

J'admire la facon dont tu decris si bien les mouvements de foules, les monuments, les batailles (dans d'autres ecrits) et les mouvements d'emotions, grands bonheurs et desarrois soudains... Vraiment toute une palette de talents pour un seul ecrivain.

Et puis cette histoire a une VRAIE FIN ! Une conclusion qui a un sens profond. Apres avoir cherche son endroit a elle, la narratrice est finalement capable de montrer son hospitalite et son empathie, et d'offrir ce qui lui a tant manque.

Je me demandais si on en saurait plus sur l'ambiance un peu "mafia" qui apparait dans certains chapitres, les personnages brutaux et pathibulaires, pourquoi Astree a failli mourir sous leurs coups, et peut-etre la decouverte des origines de la narratrice? Tu as choisi de te concentrer sur le vecu de Hindje qui ne semble pas s'en concerner, et elle a sans doute raison... (si ce n'est qu'on se demande si ca ne va pas se presenter sur son chemin).
Les refuges pour les enfants semblent etre tout a la fois des lieux ou ils sont proteges et exploites, sexuellement notamment. Troublant...

En tout etat de cause, une tres belle histoire. Bravo!
Edouard PArle
Posté le 03/06/2025
Coucou Annececile !
Je suis trop content de lire ça ! Oui, quand tu commentais je voulais te dire de rester parce que la suite promettait bien plus de douceur et d'espoir mais je ne voulais pas non plus gâcher le plaisir de la découverte xD Au final, cette histoire est une de celles où j'ai écrit le plus de choses positives je pense, même si elle descend parfois très très bas.
Oui, une FIN ! C'est vrai que je n'en fais que rarement des si "fermées", des vrai fins qui concluent la majorité des enjeux soulevés. Trop content qu'elle t'ait plu !!
Oui, ce serait un aspect à développer / ou supprimer, en l'état c'est un peu sous-exploité. Je réfléchirai à cet aspect de l'histoire quand je reviendrai faire une réécriture.
En tous cas, je suis très content que tu aies apprécié. J'ai beaucoup aimé écrire cette histoire. Je me suis rarement autant attaché à un personnage principal d'ailleurs^^
A très vite !
annececile
Posté le 04/06/2025
Oui, tu tiens tes promesses (je mets a part les moments de frustration quand le rideau tombe au milieu de l'histoire, passons... ;-) A propos de personnage principal, j'ai admire l'aisance avec laquelle tu as imagine une narratrice - pas evident quand on est UN auteur, et aucune maladresse qui rappelle que celui qui tient la plume est un mec. Tres reussi.
Edouard PArle
Posté le 04/06/2025
xD
Top <3
LogistiX
Posté le 24/04/2025
Ouf. Si après toutes ces péripéties, tu avais mis une fin malheureuse, je crois que j'aurais été très triste ! ^_^

La fin est belle. Les personnages se retrouvent d'une façon somme toute naturelle. Tout paraît fluide. Il n'y a somme toute que Julve que je n'attendais pas dans l'équation.
Et peut-être que tu en dis trop, ou pas assez sur leur relation. Que la façon dont tu retranscris leurs retrouvailles et leurs confessions est un peu trop explicite : tu nous annonces en seulement quelques lignes que Julve préfère les femmes, et qu'elle réalise qu'Hildje aussi. On voit immédiatement où ça peut aller, mais ça fait un peu soudain.
Je pense que tu peux prendre le temps de construire cette relation, et de la laisser dans un peu plus d'incertitude sur la fin, pour laisser tes lecteurices s'imaginer la fin. La trame actuelle n'est pas choquante, juste un peu moins subtile que d'habitude, je trouve :)

Bravo d'être arrivé au bout. Je n'ai pas lu l'histoire d'Ewannaël, donc je ne peux pas (encore ?) comparer, mais tu as su me captiver avec un thème qui ne fait pas partie de mes habitudes. C'était un régal.

Merci pour le partage !
LX
Edouard PArle
Posté le 30/04/2025
Coucou Logistix !
Non, une telle histoire ne pouvait pas mal finir.
Trop bien si tout paraît naturel, j'ai essayé de boucler la majorité des arcs sans que ce soit forcé.
Je suis d'accord avec toi au sujet de la romance avec Julve. Avec du recul, j'ai eu du mal à faire un choix fort : montrer ou suggérer et du coup c'est un entre-deux pas très subtil. Je vais sans doute laisser plus d'incertitude et de non-dit en effet.
Merci à toi et bravo également pour avoir terminé ! Tes retours m'encouragent (= L'histoire d'Ewannaël est assez différente mais je te laisserais faire ta propre idée si tu décides de la lire.
A bientôt !!
Cléooo
Posté le 28/03/2025
Et re-coucou Edouard !

Il se passe beaucoup de choses dans ces deux derniers chapitres. Peut-être qu'il faudrait étendre certains éléments, par exemple la relation avec Julve qui se développe. Peut-être. Quoiqu'il en soit tu offres une très belle fin à ton histoire, et honnêtement, les mots de la fin sont tout particulièrement touchant, ça ramène au fait qu'Hildje raconte sa propre histoire.
Je trouve que ce passage beau notamment parce qu'il résume magnifiquement la morale de ton histoire. La difficulté de grandir, surtout dans les conditions de Hildje, et la force de certaines rencontres. Bien sûr que si Hildje n'avait jamais rencontré Hinnes, l'histoire aurait été sensiblement différente : il est son point d'ancrage. Bien sûr que si elle n'avait pas rencontré Givke, elle n'aurait peut-être jamais été elle-même au devant des autres. Bien sûr que sans l'influence de Daanio et Eemke, elle serait restait une petite fille en colère et avec une profonde méfiance des autres. Et je trouve ça beau qu'elle en soit consciente et qu'elle ait l'envie de continuer.

Bref, c'était vraiment une belle histoire. En confidence, je l'ai préférée à celle d'Ewannaël. Les deux ont leurs forces, mais je me suis sentie plus proches d'Hildje, je l'ai mieux comprise. Je ne pourrais pas expliquer pourquoi, mais cette histoire m'a beaucoup touchée.

Félicitations :)

Remarque globale sur la forme : j'ai noté beaucoup de "un mois plus tard" dans ces derniers chapitres ^^ Beaucoup !
- "Ce que j’en pense c’est que j’aurais dû vous rencontrer il y a bien longtemps." -> j'imagine que c'est très personnel, mais je me demande si après une unique rencontre chez le psy, on a le recul pour voir si ça nous a soulagé ou non. Aussi, l'instant de partage, pour le lecteur, est assez court, donc je ne sais pas si ça ne mériterait pas d'être un peu plus approfondi.
- "...ma voix s’était hachée alors que je revivais l’éclatement de mon cœur." -> j'aime beaucoup
- "j’ai rencontré un garçon là-bas" -> ce qui me fait penser. Tu avais modifié le passage, donc est-ce que les sentiments de Hildje pour Givke ont aussi disparu avec cette réécriture ?
- "elle sera sèche en quelques heures." -> elle ? Je ne suis pas sûre de quoi on parle. De Hildje ? xD
Edouard PArle
Posté le 30/03/2025
Hello Cleooo !
Très intéressant ce que tu relèves pour la relation avec Julve, en fait je me suis pas mal muselé parce que j'avais envie d'en écrire plus (et en vrai j'ai déjà écrit beaucoup plus que ce j'imaginais) mais je voulais à la fois laisser de la place à d'autres personnages importants et aussi en faire une promesse, une ouverture de fin de roman.
Trop bien si le dernier paragraphe fonctionne bien, je l'ai écrit il y a déjà quelques temps, avant d'écrire ce chapitre mais il a subi énormément de modifs. Chouette de lire tes ressentis (=
Moi aussi je l'ai préféré à celle d'Ewannaël. Je me demande si ce n'est pas même ma préférée tout court. Faudra voir avec un peu plus de recul. Oui, ces deux histoires avec des styles très différents, j'ai beaucoup plus développée la voix intérieur d'Hildje et surtout sa colère. Je trouve que c'est cette émotion qui donne du souffle au roman.
Merci infiniment ! Tous tes commentaires sous cette histoire m'ont aidé et encouragé ! C'est précieux d'avoir ces retours extérieurs quand on écrit ce genre de projets. Grand merci !
C'est vrai pour les 1 mois plus tard, j'en suis conscient, je l'ai fait un peu par facilité, faudra que je me repenche sur la chronologie plus tard, voir que j'invente un système temporel basé sur les saisons ou quelque chose comme ça.
Intéressant ta remarque sur le feedback d'Hildje à sa psy. Je voulais le faire sonner comme un reproche mais effectivement ça transmet pas cette idée, je vais modifier.
"Tu avais modifié le passage, donc est-ce que les sentiments de Hildje pour Givke ont aussi disparu avec cette réécriture ?" Globalement oui, même si à mes yeux, ça reste un peu en sous-texte, sans être jamais vraiment assumé. Il y aurait matière à des fan fiction xD
Merci de ce précieux retour !
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