La cérémonie étant terminée, tous les invités sortirent de la chapelle. De retour dans le grand jardin où les attendaient le banquet qui allait suivre, Amélia se tourna vers sa mère, pleine d’espoir. Chez les humains, il était coutume de jeter du riz aux mariés à leur sortie de l’église. Chez les sorcières, c’était des sorts et Amélia avait toujours rêvé de le faire au moins une fois.
Devant sa mine enthousiaste, Azura ne put refuser et fit signe à sa fille d’aller se placer avec les autres sorcières et sorciers. Amélia, un large sourire aux lèvres, alla se poster entre Anita et sa cousine Arya. Les mains tendues vers le ciel, chacun lança son sortilège alors que les mariés arrivaient. Pétales de roses, bulles de savon, étincelles et autres splendides enchantement s’entremêlèrent dans un maëlstrom coloré que le couple traversa en riant.
Une fois au dehors, tous les invités applaudirent de nouveau et, cette fois, Amélia se joignit à eux, bien trop heureuse d’avoir pu se servir de sa magie en public.
Pourtant, sa joie ne fut que de courte durée alors qu’un flot de jeunes filles célibataires se regroupèrent autour d’elle. Son sang se glaça en voyant Jane se retourner, son bouquet de lys dans les mains.
Le jeté de bouquet !
Amélia fit tout son possible pour s’extirper de cet engrenage. Sous aucun prétexte elle ne voulait se retrouver dans cette marée de jeunes filles hystériques. L’adolescente joua des coudes, bouscula certaines filles qui la repoussèrent en échange. Elle écrasa des orteils, se prit les pieds dans ses jupes, glissa sur des traînes. Et, alors qu’elle entrevoyait enfin la sortie de cet enfer, l’adolescente se retrouva poussée en arrière par sa mère, la faisant presque tomber sur les filles qui commençaient à se pousser de tout côté.
Amélia ne sut jamais à qui appartenaient les pieds qu’elle écrasait en essayant désespérément de se sortir de ce guêpier. Elle avait l’impression de se noyer dans un océan de jupe et de jupons. Elle étouffait, paniquait.
Puis la colère la submergea soudain. Elle en voulait à sa mère, elle en voulait à Mars, et elle en voulait à ce troupeau de dindes qui ne cessait de la bousculer, persuadées qu’elle cherchait à attraper ce maudit bouquet comme elles. Elle aurait voulu exploser, sentait son essence lui brûler la poitrine, envahir ses membres. Elle sentait déjà ses yeux luire d’or et fusilla sa mère du regard.
Azura pâlit alors qu’Amélia devait se battre contre la folle envie qui la submergeait de mettre le feu à la robe de soie de sa mère. Elle comprenait mieux, à présent, pourquoi Azura avait aussi vite accepté qu’elle participe au jeté de sorts. Quelle traîtresse ! Elle allait le lui faire payer… mais, dans l’immédiat, elle devait absolument sortir de là.
Le bouquet fut lancé.
Amélia le vit avec horreur voler dans sa direction. Sa colère s’évapora, son essence l’abandonna. Alors, en désespoir de cause, elle plongea, se cachant derrière les imposantes jupes de ses voisines. Et, par le plus grand des miracles – Aurora soit louée –, elle le vit passer au-dessus d’elle et s’éloigner.
Quelque part derrière elle, Amélia entendit des cris. Une jeune fille venait enfin d’attraper le bouquet. Elle soupira de soulagement et déjà l’attroupement de tulle et de dentelle se dispersait. Amélia en profita pour se redresser, époussetant sa robe comme si de rien n’était et s’éloigna, se dépêchant de rejoindre Azriel. Elle ignora le regard furibond que lui lança sa mère et l’aperçut à peine s’en aller retrouver les mariés sous la tente.
En chemin, Amélia ne put résister à la tentation de se retourner pour voir qui avait attrapé ce satané bouquet. Quelle ne fut pas sa surprise, alors, de découvrir son amie Faith, le bouquet en main. Elle voyait la vampiresse s’empourprer de plus en plus, essayant de se cacher derrière le bouquet de lys alors que tout le monde l’applaudissait. À cet instant, la sorcière était persuadée que son amie aurait tout donner pour se rendre invisible. Elle se détourna.
En rejoignant Azriel, l’embarras lui brûlait les yeux. Amélia était furieuse contre sa mère mais aussi contre elle-même. Elle aurait dû se douter qu’Azura se jetterait sur l’occasion, surtout avec ses allusions la veille.
Elle lissa ses jupes pour se donner contenance.
– Je ne veux rien entendre, grommela-t-elle les joues rosies.
– Je ne me permettrai pas, pouffa-t-il en réponse.
Elle lui tapa l’épaule en souriant et tout le monde se dirigea vers l’immense tente où se déroulerait la suite des festivités. Amélia aida Azriel à s’asseoir sur le fauteuil roulant qu’on lui apporta et le conduisit à une table un peu à l’écart. Aucun des deux héritiers n’avait envie de se mêler à la foule. À la place, ils contemplèrent alentour.
Les sœurs Klerona avaient vraiment fait un travail formidable. Des colonnes blanches décorées de lierre fleuri soutenait l’immense tente tandis que des tables joliment dressées entouraient une piste de danse spécialement installée pour l’occasion.
– Mère semble furieuse, lui fit remarquer Azriel en pointant du doigt une table de l’autre côté de la piste de danse.
Aussitôt la colère d’Amélia ressurgit.
– Qu’elle grogne si ça lui chante, bougonna-t-elle en fusillant sa mère du regard. Je jure de réduire en cendre sa précieuse garde-robe. Ou peut-être devrais-je faire à nouveau exploser son boudoir ?
Azriel rigola.
Puis l’orchestre se mit à jouer.
Tout était d’un ennui mortel. Qu’est-ce qu’Amélia avait hâte de rentrer… Il lui semblait avoir découvert un nouveau passage secret au troisième étage du manoir, elle voulait absolument l’essayer.
Un serveur passa près d’eux, Amélia en profita pour lui prendre deux verres d’un liquide coloré. Peu lui importait de savoir si c’était du jus de fruit ou de l’alcool magique, n’importe quoi ferait l’affaire pourvu que le temps passe plus vite. Elle en donna un à son frère.
Quand elle reposa les yeux sur le serveur, l’adolescente manqua s’étouffer avec sa boisson en découvrant Jagger. Les cheveux plaqués en arrière et élégamment habillé de son uniforme noir et blanc, elle ne l’avait pas reconnu.
– Si tu ne fais aucun commentaire, je n’en ferai pas non plus, chuchota-t-il. On se comprend ?
Une main devant la bouche, elle dut se mordre la joue pour ne pas éclater de rire. Il était ridicule avec son petit nœud papillon et son gilet aux boutons d’argent. On aurait dit un pingouin. Mais où avait-il bien pu cacher ses ailes ?
Elle hocha finalement la tête. Jagger lui sourit, puis disparut dans la foule d’invités. À côté d’elle, Azriel la regardait avec un sourire de chat.
– Tu ne me présente pas ?
– Ah… c’était Jagger.
– Il a de beaux yeux, fit-il remarquer en observant l’homme-fée travailler.
– Oui, c’est vrai, mais… Attend, quoi ?
– Tu ne m’avais pas dit qu’il était si beau garçon, poursuivit-t-il en braquant un regard pétillant sur elle.
– Azriel, mais qu’est-ce que tu racontes ? s’étrangla-t-elle à moitié.
Sa voix était montée d’une octave.
Azriel la fixa encore quelques secondes, les yeux plissés, avant d’exploser de rire. Amélia l’observa un moment, stupéfaite avant de froncer les sourcils. Elle lui asséna une tape derrière le crâne et gonfla les joues les bras croisés.
– Oh, allez Ami, je te taquine, c’est tout.
Pour toute réponse, elle lui tira la langue. Il continua de la charrier encore un peu quand les lumières baissèrent sous la tente. Tout le monde releva la tête pour découvrir les mariés se placer au centre de la piste de danse. Le silence plana un instant, puis l’orchestre se mit à jouer une valse et les jeunes époux commencèrent à tournoyer dans les bras l’un de l’autre. Une lumière les suivait dans l’obscurité ambiante, comme nombre d’autres sortilèges rendant la scène plus belle encore.
En les voyant, pourtant, Amélia et Azriel perdirent leur sourire. Un air maussade les assaillit.
– Comment peuvent-ils prétendre être heureux ?
– Parce qu’ils le sont, petite sœur, répondit sombrement Azriel en avalant une gorgée de sa boisson.
Il grimaça en regardant son verre. Peut-être était-ce vraiment de l’alcool en fin de compte.
Amélia les observa, essayant de décoder leurs expressions. Oui, ils semblaient vraiment heureux. Au comble du bonheur même. Alors pourquoi ne pouvait-elle voir là qu’un mariage d’intérêt ?
– Vraiment ? demanda-t-elle avec une moue dubitative.
– Amélia, soupira Azriel, Jane Vonner est une bourgeoise sans titre et Mars Monroe un comte ruiné par de mauvaises affaires. Ce mariage les arrange autant l’un que l’autre. Elle rêvait d’un titre : la voilà comtesse. Il avait besoin d’argent : il dispose à présent de toute sa fortune. Et puis, ajouta-t-il sombrement, ça fait des années qu’ils se tournent autour. Moi je ne suis pas étonné de les voir se marier. En fait, je pense même qu’il était grand temps.
– Je ne comprendrais jamais ce monde, souffla Amélia, lassée.
– Pourtant tu en fais partie. Tiens, dit son frère en pointant leur mère plus loin, combien tu paris que mère est déjà en train de te chercher un fiancé ?
– Elle peut toujours courir si elle espère me marier de force, grogna Amélia avec un regard mauvais en direction du groupe de noble au milieu duquel évoluait Azura. Jamais je n’épouserai un homme que je n’aime pas.
Il y eut un silence. Les mariés commençaient à ralentir, leur valse allait bientôt toucher à sa fin.
– Comme je t’envie petite sœur… finit par soupirer Azriel, le regard dans le lointain. Pour moi l’affaire est déjà pliée. Je ne survivrai jamais assez longtemps pour faire un bon mariage, même d’amour. Et de toute façon, quelle femme censée voudrait épouser un homme condamné comme moi ?
Amélia sentit son cœur se serrer. Elle se tourna vers son frère, les sourcils froncés.
– Ne dis pas ça Azriel.
– Tu es gentille Amélia, dit-il sans la regarder, mais tu sais comme moi que c’est la vérité. La dure et cruelle vérité.
– Mais, la Marque…
– La Marque n’est rien de plus qu’un retardateur, la coupa-t-il sèchement. C’est comme mettre un pansement sur une jambe de bois. Il ne fait que reporter à plus tard l’inévitable.
Son ton était dur, amer, et son regard… Amélia détestait le voir ainsi.
Quand il se tourna vers sa sœur, Azriel découvrit qu’elle avait les larmes aux yeux. Il soupira, affichant un air plus doux. Il tendit une main vers Amélia et lui caressa la joue. Ses doigts étaient si fins, si grêles… si froids. Il l’observait l’air ailleurs, la regardant sans vraiment la voir.
Devant eux les mariés cessèrent de valser et la lumière revint. Des applaudissements retentirent. Aucun d’eux ne bougea.
– Comme je t’envie petite sœur… répéta-t-il comme ailleurs. J’aurai aimé avoir plus de temps…
– Azriel…
– Ce n’est rien, la coupa-t-il en retirant sa main.
Il afficha un pâle sourire. Amélia sentit son cœur se briser.
– Excuse-moi, j’ai besoin d’être seul un moment.
Et il s’en alla, faisant rouler son fauteuil au milieu de la foule.
Amélia resta là, les bras ballant, incapable de le retenir, incapable de dire quoi que ce soit de plus. Une boule s’était formée dans sa gorge, ses yeux la brûlaient alors qu’elle luttait pour retenir ses larmes. Elle serra les lèvres, ravalant son chagrin, repoussant sa colère. Elle avait tellement envie de rentrer, d’arracher Azriel à ce maudit fauteuil roulant qu’il détestait, de le ramener à la maison. Elle voulait faire disparaître la mélancolie dans son regard, la pitié dans celui des gens qui le fixaient.
Cette journée était vraiment la pire. Elle voulait tellement rentrer…
À la place elle serra les poings, essuyant rageusement ses larmes.
– Belle réception, n’est-ce pas ? demanda une voix derrière elle.
Amélia sursauta et se retourna.
Aven Lerouge se tenait là, son regard noir et calculateur posé sur elle. En voyant son air joyeux, presque moqueur, la sorcière se rembrunit. Elle en avait presque oublié sa présence. Et, à cet instant, elle aurait vraiment préféré qu’il fasse comme s’il ne l’avait pas vu. Elle n’avait aucune envie de se battre avec lui, en particulier à cet instant.
– Il ne me semble pas que la présence d’un quelconque Lerouge était attendu, se contenta-t-elle de lancer avec amertume. À quelle pauvre âme avez-vous donc volé son invitation ?
– Vous me blessez, Mlle Moonfall, minauda-t-il, moi qui étais venu vous inviter à danser.
– Je suis lasse de ces petits jeux Aven, railla-t-elle avec mauvaise humeur, alors épargnez-nous les banalités d’usage et dites-moi plutôt ce qui vous amène.
Le sourire d’Aven n’en fut que plus grand.
– Je vois que vous allez droit au but, parfait.
Son regard se fit brusquement plus sombre et son sourire retomba. Amélia sentit un frisson la parcourir en découvrant l’expression du sorcier. Elle lui faisait penser à Fiona Lerouge. Cet air menaçant, presque hostile… sinistre. Et pour la première fois, la jeune fille prit conscience qu’Aven n’était pas qu’un simple sorcier arrogant qui l’énervait profondément. Il était le fils de son père, un sorcier de sang, un être manipulateur et dangereux. Le masque tombe enfin, songea-t-elle en son for intérieur. Mais était-ce vraiment une bonne chose ?
– Je vous propose une alliance, lâcha-t-il enfin.
Sa voix était si froide, si dure… Amélia le voyait jeter des coups d’œil alentour, comme s’il craignait qu’on puisse les espionner. Ce qui ne fit qu’amplifier l’inquiétude de la jeune fille.
– Non merci, répondit-elle un peu trop vite, vraiment peu désireuse de s’allier à un monstre pareil.
Elle se détournait déjà pour s’en aller quand la voix traînante d’Aven retentit de nouveau, venimeuse.
– En êtes-vous sûre ?
Amélia se retourna lentement, posant un regard prudent sur lui. Il affichait de nouveau ce sourire de chat qui lui hérissait le poil. Un sourire dangereux qui ne présageait rien de bon. Il lui semblait voir un serpent prêt à fondre sur sa proie, à refermer ses crochets sur elle. Il fit un pas en avant. Elle serra les dents.
– Les règles de votre famille ne vous empêchent-elles pas d’accéder au pouvoir ? poursuivit-il presque sereinement. Votre frère a beau être mourant, il reste l’héritier par droit d’aînesse. Ne désirez-vous pas prendre le pouvoir à vos parents pour aider les miséreux ?
Comme à chaque fois, ses propos visaient juste. Et Amélia détestait ça, être mise à nue comme ça par quelqu’un qui cachait si bien son jeu. Elle ignorait quel plan étrange se dessinait dans l’esprit tordu de ce garçon, mais elle refusait d’y jouer un rôle.
De son côté, Aven jubilait de la voir ainsi au pied du mur. Elle lui jeta un regard assassin, il savait qu’il avait piqué sa curiosité, qu’elle voudrait en savoir plus alors même que l’idée de s’allier à lui la rebutait au plus haut point.
D’un autre côté… il avait raison. Elle n’avait aucun pouvoir au sein de sa famille. Elle repensa aux regards qu’on lui jetait si souvent dans la rue. Les commentaires qu’elle entendait murmurer. Les mots de Mystia Aura à leur rencontre. La petite dernière de Roman. Pour Riverfield, elle n’était que ça.
Ce fut donc avec la plus grande amertume qu’Amélia finit par lâcher :
– Je vous écoute.
Ses dents étaient si serrées qu’elle les entendait grincer. Aven sourit.
– C’est simple : acceptez de m’épouser.
– Je vous demande pardon ? s’étrangla Amélia.
La stupéfaction se mêla au dégoût. Elle s’était attendue à tout sauf à cela ! L’épouser ? Et puis quoi encore ? Ça ne pouvait être qu’une mauvaise blague, encore une pique lancée pour la faire enrager. Il rêvait éveillé !
Pourtant, en le regardant de plus près, Amélia fut abasourdie de voir à quel point il semblait sérieux. Elle ne comprenait pas.
– Pour l’instant on ne vous voit que comme la fille chérie de Roman Moonfall, une enfant gâtée et espiègle qui passe son temps à jouer. Je lis d’ailleurs dans votre regard que vous avez déjà fait ce constat. En vous fiançant, expliqua-t-il le plus calmement du monde, vous prouverez à votre père et votre mère que vous êtes prête à vous investir dans votre rôle de future régente d’Osha. Qu’importe alors l’état de votre frère puisque le poids de votre héritage ne reposera plus sur lui.
– Je vous interdis… persiffla-t-elle en serrant les poings.
Mais il l’ignora et balaya sa remarque d’un geste de la main.
– Il me semble d’ailleurs que votre mère vous cherche déjà un prétendant. Acceptez et vous serez dispensée de toute cette mascarade de rencontres officielles et rendez-vous forcés. Vous ne serez même pas obligé de m’aimer.
– Cela tombe bien, je vous déteste.
– Et c’est réciproque, très chère.
Amélia réfléchit un instant. Il était vrai que cette alliance lui donnerait plus de liberté de mouvement, mais quelque chose dans cette histoire lui semblait affreusement louche. Son regard se fit plus suspicieux.
– Qui me dit que ce n’est pas encore un piège de votre famille pour évincer les Moonfall du pouvoir ?
– Personne, sourit Aven qui commençait déjà à s’éloigner. Mais réfléchissez-y. Ce tueur de fée sème la peur dans les rues depuis un moment déjà. Le petit peuple du Quartier des Fées bouillonne de rage devant l’indifférence des Premières familles. Il serait malheureux que Riverfield soit le théâtre qu’une guerre civile, n’est-ce pas ?
Ils se fixèrent en chien de faïence un moment, puis Aven s’inclina et tourna les talons, disparaissant dans la foule de convives qui se pressait autour des mariés pour les féliciter.
Amélia bouillonnait. Elle sentait son essence tourner furieusement dans sa poitrine, alimentée par la rage que lui inspirait sa discussion avec Aven. Ses mots résonnaient encore dans son esprit. Le pire, c’était qu’il avait raison, et ça la rendait plus folle de rage encore.
Amélia releva les yeux vers ses parents. Ils discutaient joyeusement avec les mariés, rigolaient, trinquaient. Ils lui semblaient alors tellement lointains, hors d’atteinte, comme si un univers entier les séparait. Puis son regard coula vers son frère.
Azriel souriait à Anita qui semblait lui raconter une blague en gesticulant sous les regards désapprobateurs d’aristocrates guindés. Il semblait aller mieux, bien que la jeune fille lût encore une profonde tristesse dans ses prunelles pâles.
Tout le monde semblait tellement bien s’amuser…
Amélia se sentit soudain oppressée. Sa respiration se fit laborieuse à mesure que sa vision se troublait. Elle se sentait mal, avait envie de fuir très loin. Si elle restait un instant de plus sous cette tente, elle craignait de s’évanouir. Elle avait besoin d’air, il fallait qu’elle s’en aille. Alors elle posa son verre sur une table à proximité – un peu trop fort sans doute car il se fendilla – et se détourna. Relevant ses jupes, elle s’enfonça dans les jardins.