Chapitre 22: À feu et à sang

Mathilde eu tout juste le temps de plaquer Rafael au sol et de l’aider à se réfugier sous le chariot. Camille était la elle aussi, son beau visage crispé par la peur. Mathilde attendit quelques instants et passa la tête au dehors pour voir si une autre salve arrivait. Quand elle fut certaine qu’aucune autre flèche ne viendrait, elle se précipita hors de sa cachette et grimpa sur le chariot à la hâte.

Le corps de Reuel était la, allongé sur le bois. Aucun projectiles ne l’avait touché et pourtant plusieurs traits étaient plantés dans le bois tout proche. Cela relevait du miracle !

- Ouf il n’a rien, souffla Mathilde en prenant sa main froide dans la sienne.

- On ne peut pas en dire autant pour tout le monde, commenta Rafael en se levant péniblement.

Son visage était d’une tristesse que Mathilde ne lui avait jamais vu. Elle suivit son regard et elle se rendit compte de l’ampleur des dégâts. Partout atour d’eux, se trouvaient des dizaines et des dizaines de personnes clouées au sols. Certains étaient encore vivants et hurlaient de douleur, une flèche planté dans la main ou dans la jambe. D’autres ne faisait plus un bruit et déversaient silencieusement leur sang sur le pavé, un trait fiché dans le crâne ou dans le cœur.

Le cœur de Mathilde se souleva. Ils ne pouvaient pas gagner, la force de frappe de l’armée de la reine était trop grande. Ils ne pouvaient pas lutter contre une telle puissance.

- C’était un avertissement, déclara Rafael d’un ton sans appelle. Si nous ne nous rendons pas. Ils recommenceront.

Le problème était que la population n’avait pas l’air de vouloir abandonner. Bien au contraire. La pluie de flèches avait renouveler les ardeurs de la foule et les habitants se ruaient sur les soldats avec la violence du désespoir. Mathilde observa les émeutiers avec incrédulité. Leur yeux étaient comme fous, comme si ils avaient perdu toute raison et que seul comptait l’envie de tuer. D’une certaine manière, les habitants pris de rage, rappelaient à Mathilde les bêtes noires.

Elle fut tiré de sa torpeur par Camille qui lui tira le bras.

- On vient d’avoir une idée, s’exclama-t-elle.

- Comment ça ? Demanda Mathilde en reportant son attention sur Rafael qui chancelant s’accrochait au chariot.

- Le temps presse, marmonna-t-il en respirant avec difficulté. Je ne vais pas pouvoir retenir la transformation éternellement. Il faut ouvrir les portes de la forteresse.

- C’est la que j’interviens, déclara Camille déterminée. Je connais un accès dérobée à la forteresse. La porte sera sûrement gardée, mais tout les gardes me connaissent, je pense pouvoir passer aisément.

- Que compte tu faire une fois dedans ? Questionna Mathilde qui ne comprenait pas en quoi cela pouvait aider.

- Je vais ouvrir les portes de l’intérieur.

Si les portes s’ouvraient, ils avaient peut être une chance. Les combats avaient redoublés d’intensité autour d’eux et malgré les lourdes pertes qu’essuyaient les rebelles, l’armée de la reine reculait et se retrouvaient lentement acculée devant les murs du château.

- Tu ne pourras pas faire ça toute seule, commenta Mathilde en la regardant dans les yeux. Je viens avec toi !

- Ils ne te laisseront pas entrer, répliqua Camille en secouant la tête. Ils ne te connaissent pas.

- Peut être mais tu n’auras qu’a leur dire que je suis ta nièce ou quelque chose du genre, déclara Mathilde sur d’elle. Ils ne pourront pas refuser une enfant.

Camille la dévisagea ne comprenant visiblement pas. Plutôt que de perdre plus de temps en explications, Mathilde prit son apparence de petite fille sous les yeux ébahis de Camille qui de surprise recula d’un pas.

- Mais que… Comment ? Balbutia Camille stupéfaite.

- C’est un peu long à expliquer, marmonna Rafael blanc comme un linge. Le temps presse partez vite toute les deux. Vous n’avez pas le droit d’échouer.

Mathilde posa un regard inquiet sur Rafael. Il était clairement au bout du rouleau. Il se tenait fermement au chariot, véritable île au milieu d’une mer de sang et de désolation. Les défenseurs de la reine reculait inexorablement vers la forteresse. Camille et Mathilde devaient agir au plus vite au risque de voir la foule coincée au bas des rempart, vulnérable à tout les piège et système de défense qu’ils abritaient.

Mathilde lança un dernier regard à Rafael qui hocha la tête et lui fit un singe du menton pour l’inciter à partir, puis elle suivit Camille qui déjà courait vers les ruelles bondées. Elles traversèrent la place en sens inverse en slalomant avec difficulté entre les habitants toujours plus nombreux qui venaient rejoindre les rangs des émeutiers. La ville entière était dehors, bien décidée à mettre la forteresse à feu et à sang.

- Pourquoi rebrousse-t-on chemin ? Haleta Mathilde sur les talons de Camille.

- L’entrée cachée se trouve dans une ruelle sur le côté de la place, répondit celle-ci en accélérant le pas.

Mathilde ne voyait pas bien comment cela était possible mais elle se concentra pour ne perdre Camille de vue dans cette marée humaine toujours plus grande. Elles mirent plusieurs minutes à rejoindre une ruelle sombre devant laquelle Camille s’arrêta. La ruelle était vide et cela contrastait avec la rue principale noire de mondes dans laquelle il régnait une vacarme assourdissant.

Camille continua dans la ruelle et s’arrêta devant une maison dont les volets de bois étaient fermés.

- Mais qu’est ce qu’on fait la ? Interrogea Mathilde agacée.

- Personne n’habite cette maison, expliqua Camille qui visiblement cherchait quelque chose dans les pans de sa robe. C’est une coquille vide seulement faite pour le passage secret.

Mathilde écarquilla les yeux, ne comprenant toujours pas mais quelques secondes plus tard, Camille sortit une grosse clef de fer avec laquelle elle s’empressa d’ouvrir la porte de la maison. Elles entrèrent dans un grand espace vide et obscur ou régnait une odeur de renfermé. Aucun meuble n’était visible et Mathilde suivit Camille à travers la pièce en posant ses mains contre les murs. Camille s’accroupit et envoya valser un tapis que Mathilde n’avait même pas remarqué. Puis elle souleva une trappe, dessinée dans le plancher. Une grande échelle de bois semblait descendre dans les entrailles de la terre et Camille commença la descente en lui faisant signe de la suivre.

Mathilde ne voyait rien et elle descendit lentement les barreaux en prenant bien garde de ne pas poser ses pieds sur les mains de Camille. Quand elle toucha enfin le sol, des torches se trouvaient sur les murs de pierre d’un long tunnel. Camille se saisit de l’une d’entre elles et avança d’un pas décidé.

- On est sous la place, déclara-t-elle au bout de quelques minutes. Encore un peu et on sera à la forteresse.

Mathilde accueillit la nouvelle avec appréhension. Elles seraient dans la forteresse et après ? Il allait falloir trouver un moyen d’ouvrir les portes, sinon les émeutiers resteraient bloqués sur les pavés sous un déluge de flèches et de pièges meurtriers. Elle pensa à Jean, Lucie et Roland qui se battaient en ce moment même, la quelque part au dessus de leur têtes. Étaient ils encore vivants ? Elle chassa cette idée de son esprit et espéra de tout son cœur qu’ils n’avaient rien, sa détermination redoubla. Elle n’avait pas le droit à l’erreur.

Après quelques minutes, elles arrivèrent devant un petit escalier qui menait à une porte de bois. Camille frappa quatre fois à la porte fit une pause puis recommença deux fois. La porte s’entrouvrit et Mathilde entendit une voix méfiante venant de derrière :

- Qui êtes vous ?

- C’est Camille !

- La bonniche de la reine ? Demanda la voix avec mépris.

- Oui, répondit simplement Camille sans faire attention à la remarque.

La porte s’ouvrit en grand et un homme de grande stature à l’air mauvais apparu. Il posa un regard arrogant sur Camille et la scruta pour vérifier que c’était bien elle. Après quelques secondes il lui fit signe de passer en maugréant dans sa barbe. Camille s’avança et Mathilde la suivit. L’homme fronça un sourcil et s’interposa immédiatement entre elles, arrêtant Mathilde d’une main ferme.

- C’est qui celle la ? Aboya l’homme en se tournant vers Camille.

- C’est ma petite cousine, expliqua Camille en repoussant l’étreinte de l’homme sur le bras de Mathilde. Ses parents sont morts aujourd’hui, elle n’a nulle part ou aller.

- Et qu’est ce que tu veux que çà me fasse  hein ? Braya l’homme au visage de Camille qui ne bougea pas d’un pouce.

- Je ne peux pas la laisser seule dans la rue, répliqua celle-ci en gardant son calme. Ce n’est qu’une enfant.

- Et alors tu crois vraiment que tu peux débarquer à la cour et ramener tout les chiens galeux que tu croises, beugla l’homme qui devenait de plus en plus menaçant. Pauvre idiote !

Mathilde vit clairement une lueur se reflétait dans les yeux de Camille. Elle pouvait lire la colère sur son visage fin. Elle fixa quelques secondes l’homme dans les yeux et répondit d’une voix très calme, doucereuse.

- Écoutes moi bien, grosse brute sans cervelle. Tu vas me laisser passer et ma cousine va venir avec moi. Tu vas t’écarter tout de suite ou je vais parler de toi à la reine. Il me suffit d’un mot, seulement un et c’est fini pour toi. Tu sais à quelle point la reine tient à ses servantes ? Je suis de loin sa préférée et je te conseille vraiment de ne pas m’énerver.

L’homme devint rouge de colère mais resta silencieux. Pendant un certain temps, il ne bougea pas. Fulminant, il tremblait de tout son corps et semblait sur le point de se jeter sur Camille.

- Allez bouges toi de la, ordonna Camille en saisissant la main de Mathilde et en la tirant vers elle.

Le garde s’écarta mais il attrapa Camille en passant et lui dit d’une voix froide et menaçante :

- Un jour ou l’autre ça va te coûter très cher.

- C’est ça, c’est ça, répondit Camille qui déjà faisait traverser a Mathilde une pièce basse de plafond qui semblait être la salle des gardes.

Elles passèrent une autre porte et se trouvèrent dans un long couloir aux murs épais et couverts de tableaux, de tapisseries et d’armes poussiéreuses. Des statues de marbres se tenaient à intervalle régulier, représentant des soldats en armes et Mathilde eu la désagréable impression qu’elles la suivaient du regard.

- On est dans l’aile réservé aux gardes royaux, expliqua Camille en pressant le pas. On doit obligatoirement passer par le hall pour aller dans la cour.

Mathilde acquiesça et se concentra sur la tâche qu’elle devait accomplir. Même à l’intérieur des murs de la forteresse, elle pouvait entendre le vacarme et les cris des combats qui faisaient rage sur la place.

Au bout du couloir, elles débouchèrent sur un hall gigantesque par une petite porte dissimulée prés d’un escalier. Des fresques gigantesque couvraient les murs et d’innombrables serviteurs étaient rassemblés la discutant avec inquiétude en écoutant les bruits de combats toujours plus violent. Camille passa devant eux sans même leur prêter attention et Mathilde la suivit en trottinant pour ne pas se faire distancer. Elles franchirent deux immenses portes de bois et se retrouvèrent dans la semi-obscurité de la cour. Celles-ci étaient entourés d’énormes murailles et Mathilde pouvait voir les armures des soldats à leur sommet étinceler à la lumière des torches du chemin de ronde. La cour était étonnement vide et Mathilde pensa avec soulagement que tout les soldats devaient être occupés sur la place. Ceux perchés sur les murs leur tournaient le dos et tiraient de temps à autre des flèches sur la foule en contrebas.

Camille et Mathilde se mirent à courir au milieu de la cour et se dirigèrent vers les énormes portes qui étaient closes et barricadées par de grande planches de bois. Quand elle furent à l’abri des regards et qu’elles furent certaines que personne ne les avaient vues, Mathilde reprit son apparence de jeune femme et elles s’activèrent pour débarrasser la porte. Au bout de quelques minutes la porte était dégagé et Mathilde et Camille se saisirent chacune d’un battant en fer. Camille hocha la tête en direction de Mathilde et celle-ci se pencha en arrière et tira de toute ses forces sur la porte qui bougea lentement vers elle.

Peu à peu les portes s’ouvrirent et Mathilde put voir ce qu’il se passait sur la place. Elle voyait les rangs des soldats de la reine à seulement quelques mètres des murailles et la foule armée de torches qui les poussaient inexorablement vers les murs.

Soudain un cri retentit tout prés de Mathilde :

- LA PORTE ! QUI A OUVERT CETTE FOUTUE PORTE !

- FERMEZ LA OU ON EST PERDU, hurla une autre voix.

Un grand groupe de soldats se détacha des rangs et coururent vers elles avec précipitation.

- Il faut se cacher, pressa Camille en faisant de grands geste à Mathilde.

- Impossible, répliqua Mathilde avec force. Il faut les empêcher de refermer la porte.

- Mais on ne peut rien faire, commença Camille mais la suite de sa phrase se perdit dans le vacarme que faisaient les soldats en approchant.

Mathilde sortit de sa cachette et se campa face à la porte et aux hommes qui se ruaient vers elle. Elle ferma les yeux et se concentra.

- Il y a quelqu’un, entendit elle crier. Tuez la !

Mathilde rouvrit les yeux, leva les mains et prononça lentement la formule. Elle attendit que ses assaillants se regroupe pour passer la porte et à ce moment précis elle balança la boule de feu qui siffla et s’abattit avec violence. Une onde de choc terrible s’ensuivit et plusieurs soldats furent projetés à plusieurs mètres de la ou se brisèrent les os sur les murs de pierre.

Mathilde avait essayé de ne pas y aller trop fort mais instantanément, elle ressentit une grande fatigue l’envahir. L’explosion avait créé un moment de flottement durant lequel les soldats de la reine s’étaient retournés vers la forteresse. La foule en avait profité pour percer leurs défenses et c’étaient maintenant une belle déroute à laquelle assistait Mathilde et Camille. Les gardes avaient revenaient en courant se mettre à l’abri des murs mais les émeutiers ne les lâchaient pas d’une semelle.

Mathilde et Camille se cachèrent derrière une des énormes portes de bois et regardèrent passés le flot de soldats apeurés. Puis quelques secondes plus tard ce fut au tour des habitants de pénétrer à l’intérieur des murs comme une vague submergeant tout sur son passage. Mathilde cherchait Jean, Lucie et Roland du regard mais elle ne voyait rien dans cette intarissable torrent de bras et de jambes en mouvement.

Les habitants de Bal étaient partout, certains pourchassés les gardes en fuite, d’autre se ruaient en masse vers les portes du château, d’autres encore étaient montés sur les murailles et se battaient contre les archers du chemin de ronde. C’était un véritable chaos et Mathilde mit quelques instant avant de reprendre ses esprits.

- On doit trouver la reine maintenant, s’exclama Camille impatiente.

- Il faut d’abord trouver les autres, répondit Mathilde en se relevant de derrière la porte. On ne pourra pas faire grand-chose si on est que toute les deux.

Mathilde balaya encore une fois la cour du regard mais les autres restaient introuvable. Elle aperçut une silhouette avancer avec peine en se tenant à tout ce qui trouvait à proximité pour ne pas tomber. Elle plissa les yeux et vu que la personne avait le crane rasé.

- Rafael, cria-t-elle dans sa direction.

Rafael ne sembla pas entendre son appel et quelques secondes plus tard, il s’effondra face contre terre. Mathilde sentit ses entrailles se contracter et accompagné de Camille, elles coururent aussi vite que possible à son secours.

- Rafael, appela Mathilde en le retournant précautionneusement sur le dos. Rafael tu m’entends ?

Il semblait en piteux état mais ses yeux s’ouvrirent avec difficulté.

- La reine, murmura-t-il. Me transformer… la reine… vite.

Mathilde sentit son cœur faire un raté. Rafael avait atteint sa limite et elles n’avaient toujours pas trouvé la reine Alice.

- Ça va aller, le rassura-t-elle en lui prenant les mains. Tiens encore un peu, on va la trouver.

Les larmes montèrent aux yeux de Mathilde. Il y avait tellement de choses qu’elle voulait dire à Rafael. Elle voulait lui expliquer son choix d’avoir aider Reuel. Elle voulait s’excuser de leur avoir fait boire la potion. Elle se sentait terriblement coupable et soutenir le regard implorant que posait Rafael sur elle en ce moment même était un supplice. Le visage déchiré par la douleur, il la fixait avec ses grand yeux noisettes. Les même que ceux de Reuel.

Elle ouvrit la bouche mais aucun son n’en sortit. Seul les larmes roulèrent sur ses joues et elle prit les mains de Rafael dans les siennes, rongée par la culpabilité.

A ce moment précis un bruit terrible provenant de l’intérieur de la forteresse retentit et le sol trembla avec une force inouïe. Presque instantanément, un deuxième choc se fit entendre et avec lui une nouvelle secousse ébranla la cour, même les murailles de la forteresse tremblèrent et Mathilde vit plusieurs personnes tomber du haut des remparts.

Soudain, un pan entier du château vola en éclat. Des morceaux de pierre gigantesque furent projetés un peu partout dans la cour et jusque sur la place. Instinctivement, Mathilde s’était couché sur Rafael pour le protéger des débris. Un bout de muraille tomba juste à côté d’eux et éclata sur le sol. Mathilde reçut quelques éclat dans le dos et elle poussa un cri.

Elle releva la tête et vit que la ou se tenait quelques secondes l’aile gauche de la forteresse de Bal ne se trouvait maintenant plus qu’un champ de ruines. Au milieu des décombres se trouvait un monstre d’une taille phénoménale. La bête à l’allure de femme regardait atour d’elle avec de grand yeux rouges et elle abattit un poing de la taille d’un bœuf sur des émeutiers à l’autre bout de la cour. Sa peau était noirâtre et ressemblait à celle d’un serpent, elle avait un grand nombres de bras qui ne cessaient de semer le chaos autour d’elle sans faire de différence entre les habitants de Bal ou les soldats en armures. Son visage qui n’avait rien d’humain était coupé en deux par une gueule immense aux dents acérés et jaunâtre.

- La reine, souffla Mathilde qui sentit la peur l’envahir.

- Quoi, hurla Camille. Comment ça ?

- C’est la reine, répliqua Mathilde en toussant et crachotant. Il faut la tuer.

- Impossible, murmura Camille qui semblait réfléchir à toute vitesse.

Mathilde passa une main dans son dos meurtri et elle se rendit compte qu’elle saignait. C’est alors que Rafael lui attrapa le bras. Il avait le visage tourné vers le monstre. Il regarda Mathilde droit dans les yeux et murmura :

- Pars… va… un abri…

Le dernier mot sortit de la bouche de Rafael mais Mathilde ne reconnut pas sa voix. Elle était devenue grave, sourde, inhumaine. Le visage de Rafael, changea, prit une teinte grisâtre. Son corps était en train de grandir à une vitesse inquiétante et ses pupilles devinrent rouges, ses yeux fous. Mathilde, se releva sans faire attention la douleur de son dos qui la brûlait à vif . Elle attrapa Camille par le bras, figée dans un expression d’horreur en regardant le corps de Rafael qui n’avait plus rien d’humain.

Elles se mirent à courir et quelques secondes plus tard, un hurlement bestiale déchira l’air. Rafael transformé en une bête noire de plusieurs mètres de haut se tenait debout dans la cour et hurlait à la mort.

L’attention de Rafael se porta sur l’autre créature en face de lui et il se jeta sur la reine, refermant sa gueule monstrueuse sur l’un de ses bras. La reine poussa un cri de rage sourd qui fit trembler les membres de Mathilde. Un des ses nombreux bras s’abattit sur le flanc de Rafael et celui ci vola quelques mètres plus loin, lâchant sa prise sous la violence du choc. Instantanément, il se releva et revint à la charge en griffant le visage de la reine. Il la fit tomber à la renverse donnant lieu à un véritable combat à mort. Ils ressemblaient à deux chiens, se roulant dans la terre et se bâtant avec une haine farouche. A la différence qu’eux faisaient chacun plusieurs mètres de haut.

Partout dans la cour des gens tentaient de fuir le combat titanesque qui se déroulait au milieu des ruines. De gros blocs de pierre volaient en tout sens et fauchaient des dizaines de personnes comme des fétus de paille. Mathilde assistait à ce déchaînement de violence avec impuissance. Que pouvait elle faire pour aider Rafael ? Si elle essayait de l’aider, elle risquait surtout de finir broyer sous leurs corps gigantesques.

Alors qu’elle réfléchissait à toute allure, les yeux dans le vague, Camille la tira par le bras :

- Tes compagnons, ils sont la !

Mathilde sortit de sa torpeur et regarda l’endroit que Camille lui désignait. Elle aperçût Jean, Lucie et Roland tout les trois abrités derrière un petit bâtiment un peu plus loin.

Ni une ni deux, Mathilde se rua à découvert et courut aussi vite qu’elle le pouvait dans leur direction, Camille sur les talons. Lucie l’aperçut et lui fit de grand signes. Mathilde redoubla d’effort et une poutre en bois vola juste au dessus de leur têtes. Elle sentit le vent créé par le morceau de bois sur ses cheveux. Arrivée prés des autres, elle se jeta a terre à leur côtés, le cœur battant à tout rompre et le souffle court.

- C’est pas passé loin, grogna Roland qui avait une vilaine balafre sanguinolente sur le front.

- C’est Rafael pas vrai? Coupa Jean en s’adressant à Mathilde.

Couvert de sueur et du sang séché partout sur ses vêtements, il regardait le monstre qui faisait face à la reine avec inquiétude.

- Oui, crachota Mathilde en se relevant tant bien que mal.

- Il faut aller l’aider, déclara vivement Lucie qui tenait son bras droit toujours bandé avec une grimace.

- Aider ce monstre ? S’exclama Camille incrédule. Comment voulez vous qu’on l’aide ? Il va surtout nous découper en morceaux.

- Je ne sais pas, répondit Jean sur un ton très calme. Mais on doit faire vite, il est en train de perdre.

Effectivement, la reine avait l’air de prendre le dessus. L’autre monstre bougeait avec plus de difficulté et du sang coulait du coin de sa gueule ouverte. La reine ne cessait de le harceler et faisaient fondre ses poings dévastateurs et ses griffes acérés sur Rafael qui ne pouvait pas suivre.

- Il faut qu’on y aille on a pas le temps, pressa Lucie dont le visage était dévoré par l’angoisse.

- On va l’occuper, déclara Jean en donnant un petit coup de coude à Roland. Vous faites le tour et essayez de la prendre par surprise.

Lucie et Camille acquiescèrent mais Mathilde n’était pas d’accord.

- Je viens avec vous, s’exclama-t-elle avec force.

- Mais que…. Commença Roland.

- Je veux aider Rafael et si jamais il tombe, je suis sûrement la plus à même de tenir tête à la reine, trancha-t-elle sur un ton de défi.

Jean la regarda droit dans les yeux un instant, puis hocha la tête avant de dégainer son épée.

- On y va, lança Lucie à l’adresse de Camille et elle partit mais pas avant d’avoir échangé un dernier regard avec Jean.

Celui-ci la regarda partir quelques instants, semblant avoir du mal à s’en détacher du regard. Mathilde posa sa main sur son épaule et lui désigna le combat titanesque qui se déroulait un peu plus loin.

- Dépêchons nous !

Tous trois partirent à toute vitesse au milieu des décombres, s’arrêtant parfois une seconde à l’abri d’un chariot ou d’un pilier de pierre avant de repartir de plus belle.

Alors qu’ils s’approchaient du combat, un hurlement lugubre et guttural perça l’air. Rafael tomba à la renverse et s’écroula sur le sol visiblement blessé. Son corps entier fut pris de convulsion et se mit à rapetisser lentement. Ses membres reprenaient leur taille et leur couleur normales sous les yeux effarés de Mathilde.

Avant même que la transformation en soit terminé, Jean Roland et Mathilde arrivèrent aux côtés de Rafael. Il avait de tout évidence plusieurs os cassés et plusieurs entailles allaient de son épaule jusqu’à son ventre. Il était nu et Mathilde trouva un drapeau déchiré tout prés dans lequel elle l’enveloppa du mieux qu’elle put. La reine s’avança lentement vers eux, ses deux grand yeux rouges pointés sur eux. Instantanément, Jean et Roland lui firent face, l’épée levée, l’empêchant d’aller plus loin. Le monstre s’arrêta a quelques mètres et une voix bestial et d’une gravité inhumaine sortit de sa gueule entrouverte :

- Ha voila enfin ta vraie nature, humain.

Alors que la bête parlait, Mathilde en profita pour découper des bouts de tissus à la va vite et à les presser sur les plaies de Rafael inconscient.

- Je te reconnais c’est bien toi qui a tué Barbatos, siffla le monstre aux allures de serpent. Ce que je ne comprends pas, c’est comment tu as pu te transformer de la sorte.

Jean lança un regard en coin à Mathilde et vit ce qu’elle était en train de faire. Visiblement il essaya de gagner du temps car il répondit d’une voix calme :

- Vous vous trompez ! J’imagine que Barbatos était le cardinal Auguste et si c’est bien cela, ce n’est pas lui qui l’a tué mais son frère Reuel.

- Tu mens ! Cracha la reine en réponse. Je sais parfaitement que l’autre garçon a les cheveux longs et blonds.

- Il les a coupés pour vous tromper, la provoqua Jean. Et il a réussi car il a tué votre frère sous vos propres yeux sans que vous ne puissiez rien y faire. N’est ce pas reine Alice ?

- Si c’est la vérité ou est il maintenant ? Interrogea le monstre ses yeux ardents fixant Jean avec intensité.

Cette fois-ci Jean ne répondit pas. Durant le silence qui suivit, Mathilde vit passer une ombre sur le visage de ses camarades et elle même ne put s’empêcher de penser à Reuel qui gisait quelque part non loin, sur le chariot.

Un son écœurant et assourdissant sortit de la gorge de la bête. Mathilde comprit qu’elle était en train de rire quand elle leur lança d’une joie malsaine :

- Il est mort pas vrai ? Je le vois sur vos visages. Quelle aubaine, je n’ai donc plus rien à craindre.

Dans le même temps, Rafael ouvrit les yeux avec difficulté. Il jeta un regard autour de lui, hébété.

- Je vois que ce n’est pas le cas de celui la, reprit la reine qui semblait encore plus heureuse. Ça tombe bien j’ai quelques questions à lui poser.

Sans prévenir, elle lança deux de ses poings dans leur direction. Roland esquiva sur la gauche et d’un vif moulinet de son épée, taillada le bras qui passa tout prés de lui. Jean sauta en arrière et tomba à la renverse en trébuchant contre un bloc de pierre. Sans perdre une seconde, la reine projeta un autre poing qui percuta violemment Roland sur le côté et l’envoya valser contre un pilier de pierre plusieurs mètres plus loin. Il tomba lourdement au sol inanimé.

Alors que le monstre s’avançait vers Jean à toute allure, il s’arrêta net dans sa course et poussa un rugissement qui fit trembler tout les os de Mathilde. Camille s’était faufilé derrière le démon et avait enfoncé une dague dans son dos. Alors qu’elle arrachait la dague de la chair de la reine pour recommencer, une des mains monstrueuses l’attrapa. En un éclair, Camille fut broyée par les dents acérés de la bête devant les yeux de Mathilde. Comment cela était il possible ? La seconde d’avant Camille était la et maintenant il ne restait plus rien.

Le corps de Mathilde bougea tout seul quand elle vit le monstre couvert du sang de Camille se ruer sur Jean. Elle fit barrière de son corps et elle aussi fut attrapée par une main noirâtre à la taille surdimensionné.

Mathilde vit la gueule ouverte et les crocs jaunâtres luire dans dans les derniers rayons du soleil. Elle ne pouvait plus s’en sortir. Elle commença à prononcer la formule. Elle vit le visage de sa mère. Elle vit le visage de Reuel, la main qu’il lui tendait. Quand elle ne vit plus que l’immonde bouche du monstre à quelques centimètres d’elle, déjà en train de se refermer, elle hurla la fin de la formule et tout ne fut plus que feu et sang.

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Cléooo
Posté le 26/05/2024
Et coucou ! Quelques notes rapides avant d'aller découvrir le dernier chapitre :

"- Écoutes moi bien, grosse brute sans cervelle. Tu vas me laisser passer et ma cousine va venir avec moi. (...) je te conseille vraiment de ne pas m’énerver."
-> ce passage rappelle beaucoup le moment où Guigues force le passage avec le valet pour rejoindre le cardinal quelques chapitres auparavant.

C'est dommage que Camille soit apparue si tard dans l'histoire. Tu lui donnes un rôle très important pour quelqu'un qu'on vient seulement de rencontrer ! Je pense qu'elle aurait mérite à être rencontrée plus tôt. Elle pourrait peut-être croiser Guigues tiens, puisqu'il n'était pas si loin.

"Au bout de quelques minutes la porte était dégagé et Mathilde et Camille se saisirent chacune d’un battant en fer. Camille hocha la tête en direction de Mathilde et celle-ci se pencha en arrière et tira de toute ses forces sur la porte qui bougea lentement vers elle." -> c'est assez étonnant que personne ne surveille la porte. J'aurais bien vu que Mathilde utilise ses pouvoirs pour l'ouvrir ! (la détruire avec une de ses boules de feu aurait peut-être fait l'affaire ? Il faudrait quand même faire le tour par l'intérieur pour éviter la foule massée devant la porte, mais ça me paraîtrait plus logique.)

"La bête à l’allure de femme regardait atour d’elle avec de grand yeux rouges" -> une description plus précise serait appréciable ! Je comprends que à travers ce détail tu veux faire un rappel au fait que c'est la reine Alice, mais en quoi cette bête a-t-elle une allure féminine, plus précisément ?

Dernière chose, j'ai trouvé la remarque de la reine "- Tu mens ! Cracha la reine en réponse. Je sais parfaitement que l’autre garçon a les cheveux longs et blonds." assez illogique. Les cheveux c'est quand même facile à couper, le "tu mens" me parait un peu surjoué.
Et au fond que ce soit l'un ou l'autre, pour la reine, qu'est-ce que ça changerait ? Si ça avait été Rafael en effet qui avait tué Barbatos, l'autre démon en revanche, c'était bien Reuel qui l'a tué (et Guigues est censé lui avoir raconté ça).

Voilà je file à la suite !
Alex3393
Posté le 27/05/2024
Rebonjour Cléo,

Merci de continuer à lire mon histoire ! =)

Je pense qu'effectivement Camille mériterait d'arriver un peu plus tôt, je pense que ce serait peut être judicieux de faire en sorte qu'elle connaisse la personne de l'aristocratie et que ce soit elle qui mette en relation Camille et le groupe. Ils pourraient apprendre que la reine est le dernier démon par ce biais. Enfin c'est l'idée que j'ai.

Il faut aussi que je revois le passage avec le combat contre la reine qui après relecture ne me conviens pas.

Bref, je sais qu'il reste encore beaucoup d'incohérences et de choses à retravailler et tes remarques m'aident toujours beaucoup à cibler ce qui ne va pas. ;)

A bientôt.
Cléooo
Posté le 27/05/2024
"Ils pourraient apprendre que la reine est le dernier démon par ce biais." -> oui, ça peut être intéressant ! Sans même qu'elle en soit elle pleinement consciente, ce serait un bon moyen pour que ça mette la puce à l'oreille aux autres :)
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